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Optimisation de la répartition des ressources en eau

30 novembre 1978 Paru dans le N°29 à la page 35 ( mots)
Rédigé par : Claude VALIN

L'eau a été et demeure un des facteurs décisifs du développement humain. Aujourd'hui, partout dans le monde, on constate que les problèmes de l'eau prennent une importance croissante.

Un de ces problèmes, certainement le principal, sûrement le plus difficile à résoudre, réside dans la répartition des ressources en eau considérées en termes quantitatif et qualitatif selon les exigences justifiées de leurs utilisateurs. La solution à ce problème doit à l'évidence satisfaire les besoins en eau des usagers conformément à leur importance socio-économique.

On prévoit pour les années à venir un accroissement important des besoins en eau, besoins que les ressources naturelles telles qu'exploitées maintenant ne pourront plus satisfaire tant quantitativement que qualitativement. La question de l'optimisation économique de la répartition des ressources revêt donc une importance considérable sur les plans locaux, régionaux, nationaux et même internationaux.

Nous avons trouvé de nombreux éléments de réponse à cette question dans l'ouvrage du docteur Constantin PARVULESCU publié par le CEBEDOC (2).

« Les méthodes proposées par le docteur PARVULESCU constituent une approche originale d'un problème qui n’avait jamais été traité d'une manière aussi scientifique et complète »... Ainsi s'exprime dans la préface de l'édition belge M. A. CRAHAY, Président de la Commission Interministérielle de l'Eau en Belgique.

C'est pourquoi nous proposons de condenser pour les lecteurs de « L'EAU ET L'INDUSTRIE » les parties essentielles des travaux du docteur PARVULESCU.

Ceux-ci concernent uniquement les aspects économiques, étant bien entendu que les décisions finales devraient être prises en tenant objectivement compte des arguments exposés par tous les partenaires sociaux. On propose ainsi un modèle mathématique représentatif de la gestion économique des ressources en eau sous le double aspect de la quantité et de la qualité. Le critère d'optimisation adopté est la minimisation de la charge financière totale pour l'ensemble du système dynamique complexe constitué par la ressource naturelle, ses stades d’aménagements successifs et les particularismes propres à chacun des utilisateurs.

Notre condensé, reprenant l'ordre adopté par l'auteur, traitera successivement :

  • — de la définition des variables et paramètres technico-économiques de base,
  • — des principes de la méthode proposée,
  • — du critère d'optimisation adopté,
  • — des modèles et des instruments mathématiques utilisés : programmation dynamique et simulation numérique.

VARIABLES ET PARAMÈTRES TECHNICO-ÉCONOMIQUES DE BASE

Avant d'aborder le problème de la répartition économique des ressources en eau sous ses aspects quantitatif et qualitatif, il faut analyser une série de paramètres et de variables et chercher à les mettre en relation. On examinera ainsi successivement :

  • — le circuit interne d’utilisateurs de l'eau,
  • — le recyclage interne,
  • — la fonction : « eau-production »,
  • — les relations entre :
    • — les débits prélevés, consommés et restitués,
    • — les caractéristiques quantitatives et qualitatives des eaux prélevées et restituées,
    • — les paramètres quantitatifs et qualitatifs de la ressource en son état naturel,
    • — les variations quantitatives et qualitatives de la ressource entre deux utilisateurs,
  • — les charges financières nécessaires :
    • — au traitement de l'eau prélevée,
    • — à l'épuration des eaux résiduaires avant restitution.

Circuit interne d'utilisation de l'eau

Les modalités de circulation et d'utilisation de l'eau entre la ressource d’où elle est prélevée et le milieu naturel où elle est restituée sont schématisées ci-après (Fig. 1).

Les éléments fondamentaux sont les suivants :

  • P = prélèvement total du milieu naturel.
  • R = restitution dans le milieu naturel, déduction faite des pertes et de la consommation proprement dite.
  • B = besoin nécessaire pour assurer — sans restriction — les besoins nominaux de l'utilisateur.
  • r = eau recyclée par l'utilisateur en la reprenant et en la réintroduisant un certain nombre de fois dans le circuit d'utilisation.

(1) Institut de Recherches et de Projets pour l'Économie de l'Eau à Bucarest (Roumanie).

(2) CEBEDOC, 2, rue A. Stévart, B-4000 Liège, Belgique.

[Photo : Fig. 1. — Circuit interne général d'utilisation de l'eau.]

Nota : On appelle taux de recyclage interne de l'eau (γ) le rapport du débit de recyclage r à celui d'eau nécessaire au circuit d'utilisation, il est exprimé par la relation :

100 r  
γ = %

C = l'eau consommée ou perdue — entre le prélèvement et la restitution — est la somme des éléments suivants :

C₁ : pertes dans le système de traitement de l'eau prélevée ;

C₂ : consommation d’eau incluse dans la production proprement dite ;

C₃ : pertes dans les dispositifs d’adduction, de recyclage interne, etc. ;

C₄ : pertes dans le système d’épuration de l'eau avant restitution.

Recyclage interne

Les besoins B de l'utilisateur nécessaires pour maintenir son processus de production à sa valeur nominale peuvent être satisfaits en proportionnant les débits de prélèvement P et celui de recyclage r, donc en faisant varier le taux de recyclage interne γ.

La limite à ces variations est fixée par le taux maximum de recyclage interne γ̅.

On aura donc γ < γ̅ et la valeur maximale du taux de recyclage correspond au plus petit débit de prélèvement Pmin.

Lorsque la valeur du taux de recyclage est nulle, le prélèvement nécessaire est maximum et égal à B.

[Photo : Fig. 2. — Relation entre le prélèvement et le taux de recyclage.]

La fonction « eau - production »

Pour un utilisateur déterminé on peut établir les relations entre le prélèvement et le taux de recyclage interne d'une part et le total des charges que ce type d'utilisation génère chez l'usager.

Ces relations sont du type « fonction de production », elles expriment d'une manière générale l'effet économique résultant de la valorisation d'un ou plusieurs facteurs de production dans une branche d'activité socio-économique donnée. Cet effet économique peut être apprécié soit en termes de profit résultant, soit au contraire en termes de charges financières totales supportées par l'utilisateur pour valoriser l'eau prélevée nécessaire à son processus de production. Cette dernière branche d'alternative a été choisie pour exprimer l'effet économique de la répartition optimale des ressources en eau.

La « fonction de production » telle que définie est donc la relation existant entre la charge financière g et un quelconque débit de prélèvement P.

g = f(P).

Cette fonction a été dénommée : « eau-production ».

La charge financière par unité de temps est la somme des composants suivants :

— charges d'amortissement des investissements nécessaires au prélèvement et au recyclage,

— charges d’exploitation et d'entretien des installations de prélèvement et de recyclage,

— dommages provoqués par une pénurie d'eau, pouvant occasionner des restrictions ou même l'interruption totale du processus de production.

Cette charge financière est directement fonction des dépenses d’établissement, d’entretien, d'exploitation de l'installation de recyclage, donc à la fois du taux de recyclage installé ε et de celui effectivement utilisé γ.

Il en résulte que pour un utilisateur donné, la fonction « eau-production » peut avoir différentes expressions selon la capacité maximale de l'installation en recyclage mise en place. Cette fonction devient donc :

g = f(p, P).

La figure 3 met en évidence ces considérations. Elle représente plusieurs relations « eau-production » selon différentes capacités de recyclage installées.

On remarque sur ces courbes :

— Zone I : Capacité de production intégrale, sans recyclage, circuit ouvert. On a r = 0 P = B (Pmax nécessaire)

Il faudra prendre en compte les frais d’amortissement des investissements ainsi que les dépenses courantes pour l'exploitation et l'entretien des seules installations d'alimentation en eau.

— Zone II : Capacité de production intégrale, avec divers taux de recyclage dans les limites permises par l'installation : B = P + r 0 < γ ≤ γ̅ et Pmin < P < Pmax

Il faut prendre en compte les mêmes charges que pour la zone I auxquelles il convient d'ajouter les frais d'exploitation des installations de recyclage, variables suivant le taux de recyclage.

[Photo : Fig. 3. — Fonction « eau-production » pour différentes installations de recyclage installées.]

— Zone III : à capacité de production réduite :

n = m Pr
0 < g P ≤ Pr min nécessaire

Il faudra prendre en compte les mêmes charges que pour la zone II et leur valeur maximale. Il conviendra d’y ajouter le montant des dommages dus aux restrictions pouvant aboutir à l'arrêt total de la production.

On constate que les installations de recyclage importantes sont avantageuses lorsque l’usager risque de se trouver dans la zone de fonctionnement III, mais qu’elles sont coûteuses dans les zones I et II.

La fonction « eau-production » est donc représentative de l'effet économique de l'eau car toute variation des prélèvements induit une variation de dépense chez un utilisateur donné et, de la même façon, une fluctuation des charges chez les autres usagers utilisant le même système de ressources.

[Photo : Fig. 4. — Relation entre le prélèvement, la consommation et la restitution.]

Les études pratiques entreprises dans divers domaines industriels : chimie, métallurgie, pétrole, alimentaire ont confirmé la possibilité pratique d'établir des fonctions « eau-production » spécifiques à chaque industrie.

— Relations entre les débits :

prélevés — P
consommés — C
restitués — R

Pour un utilisateur donné, pourvu d’une installation de recyclage capable d’un taux maximum de φ, il existe une relation entre P, C et R. C’est-à-dire qu’à une certaine valeur de prélèvement P correspondent des valeurs bien déterminées de la consommation totale C et de la restitution R.

Bien entendu, ces relations sont différentes pour chaque utilisateur et peuvent revêtir des formes diverses.

La figure 4 représente une telle relation pour un objectif industriel donné. On y constate pour la partie correspondant aux zones I et II que les consommations sont d'autant plus importantes que les prélèvements sont faibles ; dans la zone III (à capacité de production réduite) la consommation diminue proportionnellement au prélèvement. D’une façon générale, la restitution baisse avec le prélèvement.

AL tour

P min mg/s — Pm? — Pr
[Photo : Fig. 5. — Relation entre le prélèvement P, la concentration K et la masse de substances polluantes (industrie chimique).]

Au point de vue de la ressource considérée sur le strict plan hydrologique, il semble que le prélèvement le plus réduit possible soit avantageux. En fait, si l’on se place au niveau global de la ressource, il n’en est rien car les prélèvements réduits conduisent en général à une augmentation de la consommation et tendent ainsi à réduire les débits disponibles.

— Relations entre les variables quantitatives et qualitatives des eaux prélevées et restituées.

Il est nécessaire d’examiner maintenant les relations qui s’établissent entre les variables :

  • · quantitatives P, C et R
  • · qualitatives K : masse de substances polluantes rejetées
  • · k : concentration de ces substances

On constate que le taux de recyclage influe sur K avant épuration.

Dans la zone II : capacité de production intégrale et recyclage de l’eau, la charge totale en matières polluantes tend à diminuer.

avec le prélèvement. Ceci s’explique par l'effet épurateur des dispositifs de traitement propres aux installations de recyclage interne. En même temps intervient la baisse du débit restitué, d'où l'accroissement de la concentration dans l'eau restituée, avant de passer par la station d'épuration.

Dans la zone III, du fait de la diminution de production, les valeurs de I et K ont naturellement tendance à décroître.

Il est évident que si I = f (P) et R = f (P) on peut donc écrire K = f (P).

La figure 5 est représentative de ces fonctions pour une unité de production chimique.

Les différentes formes de cette relation peuvent être très variées, leur établissement reste du domaine des spécialistes de chaque industrie. Un seul fait importe : ces relations peuvent et doivent être établies, par calcul ou par essais d'exploitation pour chaque type d'utilisateur.

— Relations entre les paramètres quantitatifs et qualitatifs de la ressource en son état naturel.

Il semble bien que l'étude de ces relations n’ait pas été l'objet de recherches systématiques.

Cependant, il apparaît nécessaire de pouvoir connaître les corrélations entre les variations des caractéristiques quantitatives et qualitatives d'une ressource en eau donnée en état naturel.

Cette corrélation s'exprime par une relation de la forme :

K = f (Q)

K : concentration en substances polluantes
Q : débit de la ressource.

La possibilité de pouvoir utiliser de telles relations est séduisante non seulement pour aider à mieux répartir les ressources, mais encore pour élargir la gamme de solutions techniques afin de résoudre les problèmes de traitement des eaux d'alimentation.

Il a été proposé quelques relations exprimant la corrélation entre le débit d'une rivière et sa teneur en substances polluantes (en amont de tout déversement résiduaire).

Par exemple, on peut avoir

log Q = a log K + b
ou K = a Qᵇ

a et b étant des paramètres.

De telles relations concernant les variables : « matières en suspension », « turbidité », « résistivité » sont dans l'état actuel relativement aisées à établir.

Il faut savoir en outre que pour n'importe laquelle des caractéristiques qualitatives d'une eau, des relations de ce type peuvent être proposées au fur et à mesure que les données de base seront déterminées.

— Variations quantitatives et qualitatives du régime de la ressource entre deux utilisateurs.

Les relations quantitatives et qualitatives qui s'établissent du fait de l'utilisation de la ressource sont les suivantes :

— Quantitatives : Qi - Pi = Qi-1 - Pi + Ri = Qi - Ci — Qualitatives : Qi Ki = (Qi - Pi) Ki-1 + Ri Ki (1 - ei)

i : indice de l'utilisateur. ei : taux d’épuration des eaux restituées par l'utilisateur i. K : concentration en substances polluantes.

On pourrait également introduire dans cette dernière relation l'effet naturel auto-épurateur de la ressource entre les points (i-1) et i. Ici, en première approximation, cet effet n'a pas été pris en compte.

Ces relations peuvent être schématisées comme ci-dessous :

EVOLUTIONS

Quantitatives Qualitatives
Qi - Pi = Qi-1 - Pi Qi Ki = (Qi - Pi) Ki-1 + Ri Ki (1 - ei)

La qualité Qi Ki en aval de l'utilisateur i est la résultante de la qualité en amont de i et des caractéristiques de restitution de cet utilisateur. Cette qualité ne doit pas s'abaisser au-dessous d'une certaine limite répondant aux critères suivants :

— permettre aux utilisateurs situés en aval de traiter leur besoin en eau dans des conditions technico-économiques optimales,

— permettre l'existence d'un milieu biologique en équilibre écologique adéquat pour la flore et la faune naturelles afin d'autoriser l'auto-épuration.

Le premier de ces critères n’est limité que par des considérations techniques et économiques liées à la valeur de Ki.

Le second conduit à une limitation normative de Ki à des valeurs bien déterminées expérimentalement et pratiquement. Il existe déjà dans la littérature et les normes de nombreuses données à ce sujet.

— Charge financière nécessaire au traitement de l'eau prélevée.

On a choisi — à titre d'exemple — pour l'application de la méthode de déterminer le coût du traitement en fonction de la teneur en « matière en suspension » (M.S.). En effet, ce paramètre intervient toujours d'une manière représentative aussi bien pour le traitement de l'eau prélevée que pour l'épuration de l'eau restituée. De plus la variation de M.S. dans le temps et en fonction des caractéristiques quantitatives est souvent directement saisissable.

[Figure 5 : courbes représentant I, R et K en fonction de P]

Bien entendu, d’autres paramètres peuvent être pris en compte, dans la mesure où l’on dispose d’études sérieuses les concernant.

Pour évaluer le coût du traitement, on se base sur l’expression de la dose de réactif mise en œuvre. On exprime de la même façon toutes les autres charges d’exploitation. On aboutit donc finalement à une expression très simple :

T = f (M.S.)
T = charges (quote-part d’entretien et d’exploitation).

— Nota : les frais d’amortissement sont pris en compte dans la fonction « eau-production ».

— Charge financière nécessaire à l’épuration des eaux restituées.

Il semble que seules des études statistiques sur diverses stations d’épuration — eaux usées urbaines ou eaux résiduaires industrielles — puissent permettre d’obtenir des résultats dans ce domaine. Les indices de qualité les plus représentatifs sont les matières en suspension, la D.C.O., la D.B.O., les hydrocarbures, etc., en désignant par :

y : unités monétaires par tonne de substances polluantes retenue.
x : quantités de substances polluantes retenues par an.
a : coefficient propre à l’unité monétaire choisie.

Les relations générales sont de la forme :

y = a (α – b log x)
ou log y = a (α – b log x)

Les études entreprises ont montré qu’il était possible d’obtenir les valeurs chiffrées de a et de b pour différentes substances polluantes industrielles.

PRINCIPES DE LA MÉTHODE PROPOSÉE

Pour établir la méthode permettant la répartition qualitative et quantitative optimales des ressources en eau, il faut poser et appliquer certains principes fondamentaux :

@ La ressource doit être considérée pour toute la gamme de ses débits en tenant compte de leur fréquence et de leur durée.

@ Les problèmes de gestion quantitative et qualitative sont étroitement et réciproquement liés. Ils doivent donc être résolus ensemble.

@ La méthode doit traiter de la même manière le régime naturel et les régimes aménagés successifs de la ressource. Elle doit permettre la détermination du moment où il devient nécessaire de changer de niveau d’aménagement.

@ Chaque système de gestion des eaux, comportant plusieurs utilisateurs, admet une solution optimale d’ensemble quant à la répartition et à la conservation de la ressource. Dans ce cadre, chaque utilisateur doit accepter des contraintes par rapport à ce qu’il obtiendrait s’il disposait seul de la ressource.

@ La solution optimale ne peut résulter que d’un calcul d’optimisation fondé sur des critères technico-économiques ; en effet : — la détermination du prélèvement résulte d’un calcul d’optimisation technico-économique, — la détermination des besoins est un problème technique de prescriptions normatives, — le taux de recyclage interne est déterminé en liaison avec le prélèvement par des arguments technico-économiques.

@ La méthode préconisée doit fournir des solutions permettant à la fois l’établissement des systèmes de gestion et leur exploitation.

@ La méthode doit permettre de calculer les stimulants économiques.

La méthode proposée a donc cherché à réunir rationnellement tous ces principes complexes de façon à fournir un instrument de calcul d’application pratique, commode. Il reste bien entendu que la méthode ne fournit que l’argument de décision économique. La décision finale devra faire intervenir objectivement les arguments sociaux.

CRITÈRE D’OPTIMISATION ADOPTÉ

La solution optimale pour la répartition d’une ressource entre divers utilisateurs doit satisfaire à la condition de couvrir dans le temps les charges financières pour l’ensemble des utilisateurs et des ouvrages du système et ce pour toute la gamme des débits possibles de la ressource.

Pour un système quelconque formé par un utilisateur, alimenté par une même ressource aménagée, il y a lieu de déterminer pour l’ensemble des frais d’établissement et d’exploitation les caractéristiques suivantes :

Établissement :

— la ressource, dans son état actuel, peut-elle satisfaire la somme des prélèvements nécessaires ? Il s’imposera peut-être de faire construire de nouveaux ouvrages d’aménagement selon les paramètres déterminés, — capacité optimale des installations de recyclage interne pour chaque utilisateur, c’est-à-dire le taux de recyclage interne optimal, — capacité optimale des stations d’épuration.

Exploitation :

— répartition optimale de la ressource, c’est-à-dire détermination des prélèvements de chaque utilisateur pour toute la gamme de débits de la ressource.

Si on note Fᵢ,t(Qⱼ) la charge financière pour l’utilisateur quelconque i au temps t lorsque le débit de la ressource est Qⱼ, on a :

Fᵢ,t(Qⱼ) = (gᵢ + Tᵢ + Eᵢ) t
gᵢ : la fonction « eau-production » de l’utilisateur i ;
Tᵢ : le coût du traitement de l’eau d’alimentation ;
Eᵢ : le coût de l’épuration de l’eau résiduaire.

L’expression générale permettant de minimiser les charges totales pour l’ensemble des utilisateurs est donc :

Σₜ Σⱼ Σᵢ Fᵢ,t(Qⱼ) = minimum

G = charge financière pour l’ensemble des utilisateurs. i : utilisateurs du système. t : la variation du temps pendant la période d’imputation des charges. j : la variation du débit de la ressource.

On aboutit à une expression générale synthétique qui comprend l'ensemble des aspects technique et économique de l'utilisation de la ressource :

— recyclages internes et recyclages externes,

— traitement et épuration des débits prélevés et restitués,

— dommages dus à une éventuelle pénurie d'eau,

dans les conditions probables de variation du régime de la ressource.

L'application de la relation d'optimisation doit se faire en tenant compte des fluctuations monétaires.

Cette correction est faite d'une manière indirecte en corrigeant les fréquences des débits de la ressource.

MODÈLES DE CALCUL ET INSTRUMENTS MATHÉMATIQUES UTILISÉS

— Modèles de calcul :

Pour présenter la méthode, on doit examiner maintenant une série de situations formant le cadre général du problème.

Les critères choisis pour baser la structure des modèles de calcul sont les suivants :

— le mode de succession des utilisateurs (parallèle, série, mixte),

— le stade d'utilisation (existant ou en projet),

— l'importance des aspects quantitatifs et qualitatifs,

— le niveau d’aménagement de la ressource (naturel, stades d’aménagement successifs).

Le mode de succession des utilisateurs peut être distingué par les schémas ci-contre.

[Figure : a) Tous les utilisateurs prélèvent dans la même section. b) Les utilisateurs prélèvent dans des sections différentes — sans restitution entre les prélèvements (en parallèle). c) Les utilisateurs prélèvent dans des sections et chacun d’eux restitue en amont de l’utilisateur suivant (en série). d) Les prélèvements et les restitutions s'effectuent de manières diverses (mixte).]

On peut maintenant analyser quatre modèles de base :

— Modèle 1 : répartition de la ressource entre plusieurs utilisateurs existants, situés en parallèle.

— Modèle 2 : répartition de la ressource entre plusieurs utilisateurs au stade de projet, situés en parallèle.

— Modèle 3 : répartition de la ressource entre plusieurs utilisateurs existants, situés en série.

— Modèle 4 : répartition de la ressource entre plusieurs utilisateurs au stade de projet, situés en série.

— Instruments mathématiques utilisés :

Pour chaque modèle étudié, il est nécessaire d'effectuer une analyse détaillée des relations qui peuvent s'établir entre les ensembles suivants :

— conditions naturelles de la ressource (régime hydraulique probable),

— paramètres d'aménagement de la ressource (variantes possibles),

— paramètres des systèmes d'alimentation des utilisateurs (variantes possibles),

— modalités d'utilisation de l'eau chez les utilisateurs,

— effets économiques pour chacune des variantes étudiées.

Cette analyse complexe exige des instruments et des techniques appropriés.

Compte tenu du processus de décision séquentielle et du caractère non linéaire des relations entre les divers éléments, on s'est orienté vers la méthode de « programmation dynamique », très utilisée pour résoudre les problèmes généraux d'attribution de ressources.

— La programmation dynamique :

Le principe de cette méthode est le suivant :

Étant donné une ressource x et plusieurs utilisateurs n, on cherche à établir les modalités d’allocation de la ressource entre les utilisateurs, de telle façon que l’effet économique soit optimum.

Si l’on pose :

Xᵢ : quote-part de ressource allouée à l’activité i  
Gᵢ (Xᵢ) : « fonction utilité » pour l’activité i  

L’expression de l’effet économique total sera la « fonction-objectif » :

fᵢ (X) = R (X₁, X₂, …, Xₙ) = G₁ (X₁) + G₂ (X₂) + … + Gₙ (Xₙ)

La condition d’optimum sera alors :

fₙ (X) = min R (X₁, X₂, …, Xₙ)  

avec Xᵢ ≥ 0 et Σ Xᵢ = x

La condition maximum est utilisée si la « fonction-objectif » représente des revenus tandis que la condition minimum est utilisée lorsque la « fonction-objectif » représente des dépenses.

Il faut toujours tenir compte, dans l’établissement d’une stratégie d’optimisation, que :

— quelles que soient les phases et décisions optimales précédentes, les décisions qui restent à prendre doivent former à leur tour une autre stratégie optimale par rapport à la phase résultant des décisions précédentes.

Pour mieux comprendre ce principe, on peut préciser une série de notions :

— le processus d’attribution d’une ressource réside dans une succession de décisions séquentielles,

— une stratégie est formée par un ensemble de décisions,

— chaque décision doit être basée sur la phase et la décision antérieures.

Le processus de calcul a donc un caractère itératif et se base sur la relation :

fᵢ (x) = min [ Gᵢ (Xᵢ) + Fᵢ₋₁ (x – Xᵢ) ]  
avec la restriction 0 ≤ Xᵢ ≤ x pour i = 2, 3, … , n > 0

qui s’exprime de la façon suivante :

La « fonction-objectif » pour i activités est égale à l’optimum de la somme de la « fonction utilité » de l’activité i et de la « fonction-objectif » de la séquence antérieure (i – 1) avec une ressource diminuée de l’allocation pour l’activité i.

Pour l’application de cette relation, il faut poser, tant pour la variation de la ressource totale allouée que pour les quote-parts attribuées à diverses activités, une série de valeurs :

0Δ, 1Δ, 2Δ, 3Δ, …, jΔ, …, nΔ = x

Le premier pas est le calcul des valeurs de f₁ (jΔ) pour toutes les valeurs de j pour l’allocation x. On passe ensuite au pas suivant en calculant les valeurs de f₂ (jΔ) pour l’allocation X₂, etc.

Finalement, on obtient le tableau synthétique des résultats, qui permet d’établir la solution optimale d’attribution de la ressource pour toutes ses valeurs et pour une activité quelconque du système.

Pas 1 Pas 2 Pas n
Ressources f₁(x) X₁(x) f₂(x) X₂(x) fₙ(x) Xₙ(x)

Pour une valeur quelconque de la ressource x = jΔ, on obtient dans la colonne Xₙ l’attribution optimale Xₙ (jΔ) pour l’activité n ainsi que la valeur fₙ (jΔ) de la « fonction-objectif » pour l’ensemble de toutes les activités.

On diminue la valeur de la ressource jΔ de l’attribution Xₙ (jΔ), on entre dans le tableau avec la valeur de x = jΔ – Xₙ (jΔ) et, comme précédemment, on obtient dans la colonne Xₙ₋₁ l’attribution optimale pour l’activité correspondante.

Ainsi de suite, on peut obtenir successivement les attributions optimales pour toutes les activités — pour la valeur jΔ de la ressource.

— La simulation numérique :

La méthode de simulation numérique est bien connue. On peut avantageusement l’utiliser à la résolution des problèmes où interviennent de nombreuses variantes et que l’on ne peut pas représenter sous forme d’équations algébriques.

Le modèle de simulation comporte :

— les schémas possibles du système (avec variantes),

— les paramètres du système et leurs relations (avec variantes),

— les relations logiques quant aux hypothèses d’exploitation (avec variantes).

Il va de soi que le nombre de variantes doit être raisonnablement le plus grand possible.

Pour effectuer ces nombreux calculs, l’utilisation de l’ordinateur est indispensable.

De plus, afin de pouvoir considérer plusieurs régimes hydrologiques prévisibles de la ressource, on fait intervenir dans le calcul des séquences du régime d’écoulement de la ressource autres que celles enregistrées expérimentalement. On confère ainsi aux calculs une portée plus générale, nécessaire quand on se trouve dans un domaine de phénomènes aléatoires tels que celui de l’eau.

SCHEMA LOGIQUE DE CALCUL (1)

[Photo : schéma logique de calcul]

Signification des notations portées aux schémas logiques.

  • i — indice du nombre de l'utilisateur ; indice pour les débits pouvant provenir du secteur en amont de l'usager ;
  • A — indice pour les différentes possibilités de prélèvement et de restitution ;
  • RIU 2 — débits de la rivière qui peuvent résulter en amont de l'utilisateur ;
  • 3 — idem, à aval de l'utilisateur ;
  • PRELEV — débits prélevés par l'utilisateur ;
  • REST — débits restitués par l'utilisateur ;
  • B — indice pour les débits résultés à l'aval ;
  • RIUa — débits de la rivière pouvant résulter à l'aval ;
  • W — indice pour la qualité de l'eau à aval ;
  • T — idem, en amont de l'usager ;
  • Nu — coût (dépenses) ;
  • COST 2 — coûts totaux chez les premiers usagers ;
  • PIERD — frais pour recyclage ; dommages ;
  • CALIT 2 — qualité de l'eau de la rivière en amont de l'utilisateur ;
  • V — indice pour marquer la dégradation de la qualité de l'eau par l'usager ;
  • A — débit de la rivière en amont de tous les usagers ;
  • CALIT 3 — qualité de l'eau de la rivière à l'aval de l'usager 3 ;
  • IMPUR — chargement en suspensions des eaux évacuées par l'usager ;
  • G — degré d’épuration ;
  • U — grandeur auxiliaire pour calculer le coût de l'épuration ;
  • S — indice pour marquer U ;
  • EPUR 3 — coût de l'épuration à l'usager 3 ;
  • COST 3 — coût total pour les premiers trois usagers ;
  • Q II — débit de la rivière en amont de l'usager 3 ;
  • C II — qualité de l'eau de la rivière en amont de l'usager 3 ;
  • GRAD 3 — degré d'épuration ;
  • PREL 3 — débit prélevé.
G = COST 2(T) + PIERD(T,A) + 750 × CALIT 2(J,1) × wPRELEV(1,3A)

G = 98 − 400(8ⁿ CALIT 3(UB,W) − CALIT 2(J,T) × (RIU 2(O) − PRELEV(1,5A))) : CIMPUR(1,44) × REST(T,JA)

À titre d'illustration de la méthode, on a représenté le schéma logique de calcul pour un modèle mathématique du troisième type : répartition d'une ressource entre plusieurs utilisateurs déjà existants, situés en série, gestion quantitative et qualitative.

Les notations utilisées sont celles du langage de programmation scientifique (FORTRAN IV).

CONCLUSION ET RÉSUMÉ

L'ouvrage condensé dans cet article aborde le problème de la gestion rationnelle de l'eau en proposant une nouvelle méthode de calcul qui vise à optimiser la répartition de l'eau, c'est-à-dire tout à la fois son utilisation et sa valorisation.

Cette nouvelle méthode a pour base le fait économique de l'eau. Afin de dégager clairement cette notion d'économie, l'auteur définit une notion nouvelle : la fonction « eau-production », fonction d'utilité qui exprime la relation entre les débits prélevés sur la ressource par un utilisateur quelconque et les charges financières totales résultant de ce prélèvement.

Le critère d'optimisation adopté est la minimisation de la charge financière totale pour l'ensemble du système qualitatif et quantitatif : ressource-utilisateurs.

Les principes élémentaires fondamentaux de la méthode proposée, qui la caractérisent, sont :

  • — l'utilisation maximale des effets bénéfiques du recyclage interne chez chacun des utilisateurs,
  • — la prise en compte dynamique de la ressource naturelle ou aménagée dans son domaine de variations qualitatives et quantitatives,
  • — la synthèse dans un seul ensemble de relations des évolutions quantitatives et qualitatives résultant des utilisateurs,
  • — la prise en compte des fluctuations monétaires,
  • — la solution commune au problème de la répartition et à celui de l'établissement des redevances.
[Photo : Schéma logique de calcul (2)]
C = C + G * EPUR₃ (IA, I) : 5

Le critère permettant le choix du moment de passage du régime naturel aux régimes aménagés successifs.

Les principaux résultats de la méthode proposée sont les suivants :

  • — répartition optimale de la ressource entre divers utilisateurs présentant des intérêts contradictoires,
  • — capacités optimales nécessaires pour le recyclage interne de l'eau chez les divers utilisateurs (taux de recyclage),
  • — capacités nécessaires (taux d'épuration) pour les stations d'épuration des eaux résiduaires avant restitution,
  • — valeurs des stimulants économiques à appliquer aux débits prélevés et restitués,
  • — éléments de décision pour passer successivement aux régimes aménagés de la ressource.

Pour élaborer la méthode et établir les algorithmes nécessaires à son application, l'auteur a fait appel aux instruments mathématiques modernes :

  • — programmation dynamique,
  • — simulation numérique.

Les applications numériques, impossibles à condenser ici, mettent en évidence le caractère pratique, aisément applicable de la méthode.

On peut affirmer que la méthode proposée par le docteur C. Parvulescu apporte une optique nouvelle aux problèmes de l'optimisation économique d'une des ressources naturelles les plus vitales, l'eau…

C. Valin.

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