L?adéquation des résidus graisseux d'une station d'épuration en tant que co-substrats à la digestion anaérobie des boues biologiques d'aération prolongée est confirmée. Ce type de co-digestion permet d'ouvrir des marchés de la méthanisation pour ce type de boues dont la dégradation par digestion anaérobie est très faible.
La capacité de traitement de la station d’épuration (STEP) de Dijon est de 400 000 EH, conduisant à une production de boues d’aération prolongée de 6 000 tonnes par an. Aujourd’hui, ces boues sont séchées et incinérées. Parallèlement, la STEP réceptionne des résidus graisseux externes qui, associés aux déchets graisseux de l’unité de traitement, sont traités par un procédé aérobie consommateur en énergie. Une plus faible quantité est injectée dans l’incinérateur de la STEP dont la capacité est limitée. Aussi aujourd’hui, l’exploitant de la STEP a pour objectif de réduire la consommation de combustibles fossiles, en valorisant les ressources d’énergie potentielle issues des résidus gras disponibles et des autres ressources potentielles. Ces déchets riches en lipides étant considérés comme une importante source d’énergie potentielle renouvelable (Ahring, 2003), une co-digestion avec les boues biologiques d’aération prolongées de la STEP apparaît comme une solution intéressante. Aujourd’hui, les résidus graisseux sont parfois acceptés dans les digesteurs mais dépassent rarement 10 % de la charge massique globale. Cependant, des études de faisabilité techniques de co-digestion de déchets organiques graisseux couplés à des boues urbaines ont montré des taux de charge significativement
Mots-clés : Biogaz, co-digestion, déchets organiques, boues d’aération prolongée
[Figure : Inventaire des déchets organiques graisseux d'origine externe sur 3 années consécutives.]supérieurs (Frit, 1991 ; Cire et al., 2007 ; Davidsson et al., 2008 ; Torrijos et al., 2008 ; Kabouris et al., 2009).
Pourquoi la mise en œuvre de ces co-digestions est-elle si peu pratiquée ?
Dans tous les déchets riches en lipides, les graisses et les fibres sont généralement les composés les plus problématiques. Les lipides induisent des problèmes de fonctionnement en termes de manutention du produit lui-même et d’exploitation des digesteurs anaérobies, liés au colmatage des tuyaux, des pompes, à des problèmes d’homogénéisation, à la formation d’une croûte de « flottants » en surface du digesteur. Les fibres induisent des problèmes opérationnels spécifiques type colmatage des pompes. Aussi, ces problèmes limitent-ils l’efficacité de fonctionnement des digesteurs.
Par conséquent, la co-digestion des boues d’épuration avec des déchets riches en lipides exige des procédés de conditionnement du produit en amont de son injection dans le digesteur. Des pré-traitements physiques ou biologiques sont généralement appliqués pour éliminer les matières indésirables (fibres, sable) et améliorer la biodisponibilité des lipides. Les principales technologies disponibles à l’échelle industrielle sont :
- Traitement physique :
- Mécanique (tamisage, dilacérateur)
- Thermique (fluidisation de graisse de 50 °C à 70 °C, en fonction des contraintes d’hygiénisation)
- Traitement biologique (ajout d’enzymes spécifiques).
Le présent document se concentrera sur :
- l’inventaire des déchets organiques réceptionnés sur la STEP de Dijon, permettant d’apprécier la variabilité des flux entrants ;
- la composition physico-chimique et biologique des déchets collectés afin d’évaluer la faisabilité technique d’un traitement biologique par co-digestion ;
- l’évaluation de la co-digestion des boues biologiques avec les déchets riches en lipides, procédé permettant une récupération d’énergie maximale de la biomasse organique.
Le deuxième défi du projet sera d’identifier la filière de pré-conditionnement adaptée aux résidus graisseux collectés sur le site et d’apprécier l’effet de variabilité de qualité de produits graisseux sur l’exploitation du digesteur tout en maintenant une production optimale de biogaz d’après des essais à l’échelle pilote de 2,5 m³.
Méthodes
Analyse des échantillons
Autour de la STEP de Dijon (France) sont présentes des usines de transformation des aliments et de production de cosmétiques, produisant divers types de déchets : liquides, solides contenant des résidus graisseux et autres composés organiques, substrats potentiels pour la digestion anaérobie. Certains d’entre eux sont présentés dans la figure 1. Selon l’aspect physique, une attention particulière est observée sur le pré-conditionnement des co-substrats (émulsion solide, 2 phases distinctes) avant l’analyse pour obtenir un échantillon homogène. Tous les co-substrats sont soumis à une homogénéisation mécanique (blender) indispensable pour réaliser les analyses chimiques et les préparations pour les tests de mesure biologique du potentiel méthane (BMP).
Tous les co-substrats pré-conditionnés sont caractérisés selon leur critère :
- mécanique (description physique et comportement physique) ;
- biologique (potentiel de biodégradabilité de méthane) ;
- chimique (MS/MV, DCO, NTK/NH₄⁺, pH, lipides, protéines, glucides).
Méthodes analytiques
L’analyse des MS/MV, le pH, DCO, NTK et NH₄⁺ est déterminée selon les méthodes standard (19ᵉ édition).
La quantification des composants majoritaires est réalisée en utilisant :
- la méthode d’analyse des lipides totaux par Soxhlet ;
- la méthode de Lowry pour la détermination des protéines ;
- la méthode Anthrone pour la détermination des hydrates de carbone.
La détermination du potentiel en méthane (BMP) est inspirée de la norme VDI 4630 (méthode allemande) et des tests standardisés développés par Angelidaki (2004 ; 2009). Le volume utile du réacteur est de 500 ou 1000 ml ; un volume de 350 et 700 ml de mixture est introduit respectivement dans ces réacteurs. La mixture (boues/co-substrats graisseux) est systématiquement additionnée d’une boue digérée pré-incubée de 2 à 4 jours auparavant à 37 °C et servant d’inoculum avec un ratio de TSDC_substrat/TSDC_inoculum. Le pH initial est de 7,2 ± 0,3, la température d’incubation choisie est de 37 °C.
Tous les tests sont effectués en duplicat, dont un essai de référence sans substrat (digestion anaérobie dite « endogène »). La production de biogaz induite par les co-substrats est quotidiennement mesurée et analysée. La production de méthane est déterminée après avoir retranché la production de méthane de la référence. La DCO totale et les matières volatiles (MV) sont mesurées au début et à la fin de tous les tests. Le taux de dégradation de la matière organique (delta des MV entrée/sortie) est exprimé en pourcentage par rapport aux MV initiales. La biodégradabilité anaérobie (BD) est exprimée en pourcentage de la DCO totale initiale transformée en méthane (Angelidaki, 2004, 2009). Le potentiel méthane, résultat du BMP, peut être exprimé comme le volume de méthane produit par kg de MV initiales, kg de DCO introduites ou par kg de matière première.
En parallèle, des tests en continu ont été réalisés à l’échelle du laboratoire (diges-
Tableau 1 : Caractéristiques physiques des résidus graisseux
Origine des résidus | Industrie agroalimentaire (IAA) | Graisses de curage (D) | ||
---|---|---|---|---|
Site A | Site C | |||
Indésirables | Fibres : non | non | non | oui |
Plastiques : non | non | non | oui | |
Autres : non | non | non | oui | |
Phases | 1 | 2* | 1 | 2* |
Consistance | ||||
Fluidité à température ambiante : liquide | liquide | solide | liquide/solide | |
Pompable : oui | oui | non | oui |
* produit en émulsion** produit sous forme de deux phases liquide/solide
teurs de 10 L) et l’échelle semi-industrielle (digesteurs de 2,5 m³) afin d’apprécier le comportement et l’efficacité du système pour des charges croissantes en résidus graisseux. Quelle que soit l’échelle, deux expérimentations sont menées en parallèle : une ligne Référence (temps de séjour des boues 20-23 j, charge massique autour de 1,5 ± 0,1 kg MV/m³ j⁻¹) et une ligne Essai sur laquelle seront menées les investigations en termes d’augmentation de charge par l’apport de résidus graisseux. Lors des expériences en réacteur de 10 L, les boues sont renouvelées toutes les semaines et conservées à 4 °C. Le mélange de résidus lipidiques a été confectionné en quantité suffisante à partir de prélèvements ponctuels de chaque source puis conditionné pour être conservé à –18 °C. Pour les expériences sur les réacteurs 2,5 m³, le mélange boues/résidus graisseux est renouvelé chaque semaine et maintenu à température ambiante. En opposition aux tests de BMP, l’impact de l’adaptation de la biomasse aux résidus graisseux sur l’efficacité AD a été étudié. L’augmentation des ratios Boues biologiques/Résidus graisseux (BB/Graisses) a été appliquée par addition de charge.
Résultats et discussion
Qualification de la ressource en co-substrats
Inventaire des déchets organiques
Afin d’apprécier le flux et la variabilité des déchets susceptibles d’être collectés autour de la STEP de Dijon, un inventaire a été établi à partir des données enregistrées sur une période de 3 ans de 2008 à 2010, avec un focus sur les déchets graisseux, les déchets d’industrie cosmétique n’excédant pas 1 % du flux total (Camacho et coll. 2010). Le pourcentage de flux de chaque source de résidus graisseux externes en fonction du temps est significativement variable à l’échelle hebdomadaire (résultats non montrés). Cependant à l’échelle annuelle, la variabilité des 4 résidus majoritaires est plus amoindrie, avec des pourcentages de variation inférieure à 10 % (figure 1). Les résidus Diester n’ont pas été pris en compte dans cette étude car le contrat de collecte a été stoppé en fin d’année 2011. Aussi, malgré des contrats établis avec les industriels environnants, cette étude montre la fragile fiabilité des flux externes à la STEP en termes de matières brutes.
Caractérisation des substrats
Les caractéristiques macroscopiques, le comportement physique des déchets collectés ainsi que les caractéristiques biochimiques et biologiques des principaux résidus composant le flux majoritaire collectés sur le site sont présentés dans les tableaux 1 et 2.
Dans ce cas précis, les déchets de l’industrie agro-alimentaire ne présentent pas de résidus indésirables tels que des fibres, plastiques et autres comme le sable, contrairement aux graisses de curage et de STEP. La majorité de ces déchets peuvent être transportés par camion-citerne sur la station d’épuration, cependant la grande variabilité en termes de qualité et de comportement à température ambiante induit une réflexion quant au pré-traitement nécessaire à l’homogénéisation des entrants en amont du digesteur.
Les résidus issus d’IAA du site A (industrie de transformation végétale, eaux de lavage) présentent une siccité variant d’un facteur 2 entre 4 % et 8 % avec des teneurs en MV supérieures à 85 %. Le potentiel méthanogène de ces résidus est de l’ordre de 766-820 t Nm³/t MV, soit 430 Nm³/t DCO et correspond à une biodégradabilité anaérobie calculée par rapport à la DCO de 88 %.
Les résidus issus d’IAA du site C (industrie de transformation végétale, fonds de cuve de production) ont une siccité variant aussi d’un facteur 2 entre 4,5 % et 9 % avec des teneurs en MV beaucoup plus variables, 64 à 83 %. Les valeurs de potentiel méthanogène de ces résidus sont aussi très dispersées, oscillant entre 561 et 1043 t Nm³/t MV, soit 333 à 409 Nm³/t DCO et correspondant à une biodégradabilité anaérobie calculée par rapport à la DCO de 55 à plus de 100 %.
La plus grande variabilité est observée avec les graisses de curage, tant en termes de comportement physico-biochimique que biologique. Ces résidus présentent une siccité variant dans une large gamme de 4,7 à 93,6 % mais avec des teneurs en MV de 83 à 99 %. Les valeurs de potentiel méthanogène de ces résidus sont aussi très dispersées, oscillant entre 409 et 1090 t Nm³/t MV, soit 289 à 530 Nm³/t DCO et correspondant à une biodégradabilité anaérobie calculée par rapport à la DCO de 67 à 89 %.
Les boues de STEP présentent une siccité de 3,5 %, résultat cohérent avec ceux décrits dans la littérature pour des boues d’aération prolongée épaissies. Les teneurs en MV autour de 70-78 % sont proches de celles données dans la littérature.
Tableau 2 : Caractérisation chimique des résidus graisseux
Origine des résidus | MS (%) | MV (% MS) | DCO (g L⁻¹) | Potentiel méthane Nm³ CH₄/t MV | t DCO | BD (% DCOₚ) | |
---|---|---|---|---|---|---|---|
IAA | |||||||
A | 3.9 | 95 | 52 | 3.62 | 766 | 820 ± 20 | 88 ± 2 |
A1 | 8.4 | 88 | 172 | – | 820 ± 20 | 430 ± 10 | 88 ± 2 |
C | 7.4 | 64 | 250 | 3.69 | 646 | – | 55 |
C1 | 4.5 | 80 | 66 | – | 561 ± 14 | 333 ± 1 | 88 ± 2 |
C2 | 4.3 | 81 | 77 | – | 1043 ± 73 | 409 ± 2 | 90 ± 7 |
C3 | 9.3 | 83 | 169 | – | > 100 | – | – |
Graisses de curage | |||||||
E | 4.7 | 94 | 110 | 7.42 | 409 | 289 | 67 |
E1 | 11.6 | 97 | 218 | 7.35 | 437 | 362 | 59 |
E2 | 4.7 | 83 | 103 | nd | 510 | 445 | 62 |
E3 | 93.6 | 99 | 2159 | nd | 1090 ± 20 | 530 ± 10 | 89 ± 1 |
Boues biologiques | |||||||
B1 | 3.5 | 71 | 40 | – | 120 | – | – |
B2 | 3.7 | 78 | 43 | – | 150 ± 5 | – | 30 ± 1 |
B3 | 2.7 | 70 | 30 | – | 108 ± 10 | – | 27 ± 8 |
ordre de 120-180 Nm³/tMVS et correspond à une biodégradabilité anaérobie calculée par rapport à la DCO de 27-30 %.
Les valeurs de potentiel méthanogène (exprimées par rapport à la DCO éliminée) supérieures à la valeur théorique de 350 Nm³/t DCO sont liées à la sous-estimation de la DCO du substrat. En effet, la mesure de la DCO des effluents graisseux est particulièrement délicate.
La réflexion autour de la co-digestion est d’introduire des co-substrats, intéressants d’un point de vue potentiel méthanogène, permettant d’augmenter significativement la production de biogaz sans modifier de manière drastique la quantité et la qualité du digestat produit.
Dans le cas de cette étude, la charge volumique en résidus graisseux à traiter représente 3 % supplémentaire de la charge volumique des boues biologiques. Les forts potentiels méthanogènes obtenus associés aux forts taux de biodégradabilité font de ces résidus d’intéressants co-substrats de digestion anaérobie. Cependant, au regard de la grande variabilité de la qualité biochimique de ces mêmes résidus, la charge massique annuelle sur les 3 années consécutives évolue dans une gamme de 2 à 35 %. À l’échelle journalière, cette variabilité correspond à des à-coups de charge très significatifs peu favorables à une bonne conduite de digesteur. Ces résultats de caractérisation des différents substrats montrent l’importance d’une qualification précise de la ressource potentielle en vue d’une co-digestion. En effet, une connaissance précise de la qualité des co-substrats (fréquence, qualité, saisonnalité) est indispensable afin d’adapter une introduction la plus régulière possible des co-substrats dans le digesteur. L’idée d’un pré-conditionnement des déchets graisseux avec la nécessité d’un bac de stockage (temps de séjour court), permettant de lisser les effets de concentration et de qualité (composition lipidique, pH) en amont du digesteur se dessine dans ce cas d’étude. En effet, les digesteurs anaérobies sont sensibles aux à-coups de charge.
[Figure : Figure 2 : Comparaison des productions de méthane potentiel (BMP) expérimentales et théoriques obtenues pour des taux de résidus graisseux de 23, 41 et 65 % exprimés en % DCO totale.]La co-digestion des boues et des résidus graisseux
L’étude de la co-digestion des boues biologiques et des résidus graisseux a été réalisée en trois temps : une série d’expérimentation en test batch, une série d’expérimentation en réacteur de 10 L alimenté en mode cadencé et une série d’expérimentation en réacteur de 2,5 m³ alimenté en continu. Le mélange de résidus graisseux utilisé lors des tests batch et des expériences en réacteurs de 10 L correspond au mélange moyen identifié d’après la figure 1. Seules les expériences en réacteurs de 2,5 m³ sont effectuées avec des résidus graisseux « tout-venants » au fil du temps des essais sur le site.
Différents pourcentages BB/Graisses ont été étudiés de 0 à 100 % en tests batch avec un ratio S/I identique, permettant une comparaison des résultats d’après des conditions opératoires comparables. Comme le montre la figure 2, une bonne corrélation est observée entre le potentiel méthane théorique calculé à partir du potentiel méthane propre à chaque substrat et le potentiel méthane obtenu lors des tests BMP sur les ratios correspondants. Ces résultats décrivent ainsi une additivité des potentiels méthane de chaque substrat dans ces conditions expérimentales.
Le potentiel méthane produit obtenu à partir des tests batch avec des ratios de résidus graisseux a été tracé en fonction de la teneur en résidus graisseux exprimés en % de la concentration totale liée au substrat testé (carré plein, figure 3). Une relation linéaire a été montrée, suggérant qu’il n’y avait pas d’inhibition en termes de conversion de la matière organique en méthane par addition des déchets gras, confirmant des résultats similaires obtenus par Davidsson et coll. (2008). Néanmoins, au-delà de 30 % des résidus graisseux, une augmentation progressive du temps nécessaire pour obtenir 50 % du potentiel méthane optimal a été observée. Ces résultats confirment l’impact négatif sur la cinétique des réactions observées par Beline et coll. (2010) et Cirne et coll. (2007) au-delà de 20 % des déchets gras. Aucune phase de latence initiale a été observée dans ces conditions de fonctionnement (données non présentées) en con-
[Figure : Figure 3 : Comparaison des taux de production de méthane potentiel obtenus à partir des essais en tests et des taux de production obtenus lors des essais en continu.]Comparaison avec les observations de Carrère et coll. (2010) et Cirne et coll. (2007).
Les expériences en digesteurs de 10 L et 2,5 m³ ont été menées afin d’apprécier le comportement du système biologique lors de l’addition des résidus graisseux en termes de production de méthane et d’en définir les conditions limites d’exploitation possibles. Le temps de séjour hydraulique des substrats a été maintenu constant, impliquant une concentration artificielle des boues pour permettre l’addition de résidus graisseux.
Les différents taux de production de méthane obtenus lors des expériences en réacteurs de 10 L et 2,5 m³ ont été reportés sur la figure en fonction du taux de résidus graisseux exprimé par rapport à la charge totale en DCO (losanges vides et pleins, respectivement). Une augmentation significative de la production de méthane est observée dès l’introduction de 10 % de graisses. Jusqu’à 30 % d’addition de résidus graisseux aux boues, l’augmentation de la production de méthane semble linéaire et proportionnelle.
En effet, le taux de dégradation de la DCO varie entre 85 et 100 %. À partir de 40 %, une diminution de la production de méthane apparaît et semble se corréler à la présence de billes de graisses dans le réacteur. Des investigations en termes de préparation du mixte Boues/Graisses sont en cours et permettront de confronter ultérieurement ces résultats à ceux de Beline et coll. (2010). Les résultats obtenus sur les réacteurs de 2,5 m³ se confondent avec les résultats des réacteurs de 10 L.
La variabilité des résidus graisseux introduits dans le digesteur de 2,5 m³ ne semble pas avoir, sur la période testée, un effet négatif sur la conduite et les performances de la digestion, temporisant ainsi les risques d’à-coups de charge suggérés d’après les caractérisations des substrats. Les premiers résultats ne montrent pas d’effet d’échelle entre les digesteurs de 10 L et 2,5 m³ lié au pré-conditionnement spécifique des substrats nécessaire à l’exploitation de pilote de petite échelle.
Comparativement aux tests batch où aucune inhibition n’apparaît, les essais en continu semblent montrer des résultats contradictoires au-delà de 30 % d’ajout de résidus graisseux et devront être confirmés. Ces résultats démontrent la difficulté de transposition des résultats obtenus à partir des tests BMP et la difficulté d’apprécier la réelle production au sein d’un réacteur industriel.
Conclusion
L’adéquation des résidus graisseux de la station d’épuration en tant que co-substrats à la digestion anaérobie des boues biologiques d’aération prolongée est confirmée. Ce type de co-digestion permet d’ouvrir des marchés de la méthanisation pour ce type de boues dont la dégradation par digestion anaérobie est très faible.
Les expérimentations en continu ont permis d’apprécier la capacité du système biologique à accepter des charges en résidus graisseux, tout particulièrement dans la zone de variation de charge massique de 2 % à 35 % déduite à partir des estimations grossières de flux massique. Il reste néanmoins à étudier la capacité du système biologique à supporter des à-coups de charge selon différentes fréquences.
Néanmoins, l’addition de résidus graisseux semble dans le cas de cette étude présenter une inhibition au-delà de 30 % de la charge entrante exprimée en DCO. Les premières observations sembleraient orienter vers une mauvaise homogénéisation du mixte BB/graisses en amont du digesteur. Des investigations quant aux conditions de pré-conditionnement pourront préciser une inhibition liée à la non-accessibilité de la matière ou une inhibition liée à un excès de charge.
Enfin, les résultats des tests batch sont fortement tributaires des échantillons testés soulignant la difficulté de les mettre en corrélation directe avec les résultats attendus à l’échelle industrielle. Ce sont principalement des tests de screening et d’orientation en termes de mélange, sans pour autant prédire avec exactitude les résultats obtenus en continu.
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