La raison probable de cette diversité est liée au pouvoir d'adaptation de cette technique aux différents produits et conditions d'exploitation. Une autre caractéristique importante concerne le dimensionnement des essoreuses, qui ne peut être effectué qu'à partir des tests de faisabilité avec le produit réel et sur la toile filtrante correspondante, toute modélisation mathématique basée sur des essais de laboratoire étant très incertaine.
Depuis quelques années, des travaux de recherche concernant la filtration sur gâteau, la formation et les caractéristiques des gâteaux compressibles se sont multipliés, dans le but d'une meilleure connaissance du mécanisme de la filtration et de la déshydratation (1, 2, 3).
D'une manière générale, les paramètres influençant la séparation dans une essoreuse peuvent être groupés en trois catégories suivant leurs origines :
- — caractéristiques séparatives de la toile,
- — caractéristiques physico-chimiques du produit à essorer,
- — caractéristiques mécaniques de la machine et conditions opératoires.
Lorsque l'on cherche à optimiser le fonctionnement d'une machine existante par rapport à un produit donné, les possibilités d'intervention sont limitées au choix des caractéristiques filtrantes de la toile et, éventuellement, aux modifications de la marche de la machine : vitesse de rotation, durée, temps de chargement, de filtration, de lavage, etc. Le présent article propose une approche qui consiste à définir les paramètres à modifier lors de l'adaptation d'une essoreuse existante à un nouveau produit, à partir des analyses permettant de mieux connaître le produit à séparer et de faire un choix approprié de la toile filtrante, suivies d'une modélisation mathématique du cycle d’essorage. Pour illustrer cette démarche, nous présentons les résultats d’essais effectués sur un produit cristallin à l'une des usines Norsolor, en vue d'optimiser le fonctionnement d'une essoreuse à axe vertical et à déchargement par racleur.
Essais de la toile filtrante
Les toiles filtrantes sont caractérisées par diverses spécificités :
- — structure (nature des fibres, type de tissage, état de surface...),
- — pouvoir d'arrêt (exprimé par la plus grosse particule passante – PAA),
- — perméabilité à l'eau,
- — aptitude au décolmatage et au lavage.
Sans entrer dans le détail des procédures de tests qui sont pour la plupart normalisés, il nous semble opportun de souligner l'importance des tests de toiles qui ont été effectués avec le produit à traiter. Ces essais, réalisés dans la cellule de filtration-compression (4), permettent d'observer le comportement de la toile face au produit à essorer : les volumes filtrés, le temps de filtration et, une fois le gâteau formé dans des conditions proches de celles d'une essoreuse, la facilité avec laquelle il se décolle de la toile.
Le degré de nettoyage est apprécié en observant au microscope les particules qui restent sur la toile après 30 secondes de lavage à l'eau déminéralisée et ultrafiltrée, et en répétant le test de perméabilité avec les eaux-mères.
Analyse du produit à essorer
Dans la séparation par essorage, les caractéristiques suivantes de la suspension à filtrer sont à prendre en compte :
- — viscosité dynamique (0,002 Pa·s),
- — masse volumique de la suspension (1 080 kg/m³),
- — tension superficielle (0,0727 N/m),
- — masse spécifique de la phase solide (2 000 kg/m³),
- — concentration des solides en suspension (4 % et 2,5 %),
- — distribution granulométrique des solides (entre 0 et 300 µm),
- — forme des solides (cristaux très allongés),
- — pH des eaux mères,
- — température à laquelle s’effectue la séparation et la stabilité des particules à cette température (température obligatoirement inférieure à 10 °C).
Le gâteau formé lors de la filtration sous l'action de la force centrifuge doit être étudié le plus complètement possible. Une méthode, qui repose sur la combinaison des tests de filtration-compression et de compression-perméabilité, a été mise au point à cet effet par l'IFTS ; c'est ainsi que les essais suivants sont effectués de façon systématique, afin de permettre de déterminer le comportement de la phase retenue sous la pression :
- — mesure des siccités limites du produit dans la cellule de filtration-compression,
- — mesure de la résistance spécifique et de la porosité du gâteau, permettant de calculer la compressibilité du gâteau formé des particules arrêtées par le filtre.
Ce dernier paramètre jouant un rôle primordial dans la déshydratation du produit, le comportement du gâteau est étudié au moyen d'une cellule de compression-perméabilité permettant d’obtenir le coefficient de compressibilité (n) dans la gamme des pressions jusqu'à 2,5·10⁵ Pa (2,5 bars). Il est clair que le gâteau formé dans une cellule de filtration ou une cellule de perméation n'a pas exactement les mêmes caractéristiques que celui créé dans une essoreuse sous l'action de la force centrifuge, mais ces différences sont négligeables par rapport à l'importance des informations obtenues et à la simplicité des essais. Lors de l'exploitation de ces résultats, il ne faut pas perdre de vue ce facteur.
*Institut de la Filtration et des Techniques séparatives (IFTS)
**Norsolor
notre modèle mathématique permettant
leur extrapolation à l’échelle d’une essoreuse en tient compte.
Les résultats obtenus lors des essais sont présentés sur les figures 1 et 2.
[Photo : Fig. 1 : Mesure de la compressibilité du gâteau en fonction de la pression.]
[Photo : Fig. 2 : Mesure de la porosité en fonction de la pression.]
Calcul d’optimisation du cycle d’essorage
En général, un cycle d’essorage est constitué d’une ou plusieurs étapes de chargement, suivies d’une ou de plusieurs étapes de filtration avec, à la fin, la déshydratation et le déchargement. Une ou plusieurs étapes de lavage peuvent être intercalées entre la filtration et le déchargement (5). Le modèle mathématique développé à l’IFTS permet, à partir des données obtenues par les mesures effectuées sur un produit réel au moyen de la cellule de compression-perméabilité ou d’une essoreuse pilote de petite taille, de simuler le cycle complet d’essorage.
Les données d’entrée du modèle, outre les caractéristiques constructives de la machine réelle (rayon du panier, hauteur du panier et rayon de débordement), comprennent les informations concernant la suspension (masse volumique, viscosité, tension superficielle), les solides (masse spécifique), la toile filtrante (résistance hydraulique) et le gâteau (coefficients dans les formules de variation de la résistance spécifique (α) et de la porosité (ε) (6,7) :
α = a Pⁿ et 1 − ε = b Pᵖ
À partir des données d’entrée, le calcul est effectué pour différents régimes de fonctionnement en faisant varier la vitesse de rotation, le débit d’alimentation, le volume à traiter et éventuellement la concentration des solides à l’alimentation. Les résultats correspondant à l’exemple cité sont présentés sur les figures 3 et 4. Les courbes tracées présentent la variation de la production (Qₘₐₓ) et de l’humidité résiduelle en fonction des volumes traités pour différents facteurs :
- — concentration : comparer les courbes 1 et 2,
- — débit d’alimentation : comparer les courbes 3 et 4,
- — vitesse de rotation : comparer les courbes 1 et 3.
[Photo : Fig. 3 : Résultats de calcul : production en fonction du volume à traiter.]
[Photo : Fig. 4 : Résultats de calcul : humidité du gâteau en fonction du volume à traiter.]
Le même calcul permet de déterminer l’épaisseur du gâteau, la pression maximum exercée sur le gâteau, ainsi que la résistance spécifique et la porosité à cette pression.
Le modèle s’est montré assez précis dans le cas de l’essorage des produits de compressibilité nulle à moyenne, tandis que son application pour la simulation des produits très compressibles passe par un deuxième étalonnage avec ajustement de la résistance spécifique maximum et de la porosité correspondante.
Conclusion
La bonne connaissance des caractéristiques physicochimiques du produit à essorer est indispensable et constitue le point de départ de toute étude d’optimisation ou de modification du fonctionnement des essoreuses.
Le deuxième élément influençant l’efficacité de l’essorage est le choix de la toile filtrante, dont les caractéristiques jouent un rôle primordial aussi bien dans la phase de filtration et dans la phase de déshydratation que dans la constitution de la « couche neutre » restant sur la toile après raclage.
BIBLIOGRAPHIE
1 - Shirato M., Murase T., Mori H. — Centrifugal dehydration of packed particulate bed - Int. Chem. Eng. 23 (2), 1983, p. 298-306.
2 - Tiller F.M., Crump J.R. — Recent advances in compressible cake filtration theory - Mathematical models and design methods in solid/liquid separation. Nato Asi édité par Rushton A., 1986, p. 3-33.
3 - Wakeman R.J., Vince A. — A preliminary investigation of gravity drainage from particulate beds - Solid-Liquid Separation, Ch. 8, édité par J. Gregory, 1984.
4 - LeLec P. — La filtration sur support, études de l’extrapolation, de la compressibilité des gâteaux, de la migration des fines et de la sédimentation - Thèse d’État, Université de Nancy I (1971).
5 - Purchas D.B. — Solid/Liquid separation technology - 1983, p. 626.
6 - Wakeman R.J. — The prediction and calculation of cake dewatering characteristics - Filtration and Separation, 11-12, 1979, p. 685-669.
7 - Borel P. — Étude expérimentale et modélisation de la filtration centrifuge - Application au dimensionnement des essoreuses - Thèse de docteur-ingénieur soutenue le 23 octobre 1986.