On ne dispose encore que de peu de données issues d'observations de terrain pour la nitrification à faible température et l'objet de cette étude est de déterminer ces vitesses en site réel. Le second objectif est de vérifier l'hypothèse que la flottation des boues dans le clarificateur suite à une dénitrification endogène est moindre à faible température en raison de deux effets combinés : une vitesse de dénitrification relativement faible et une plus grande solubilité de l'azote gazeux. Avec une meilleure connaissance de ces points, le volume du réacteur biologique pourrait être optimisé par la réduction du temps de dénitrification au bénéfice du temps de nitrification. Cette hypothèse permettrait de satisfaire le rejet en azote ammoniacal avec un bassin d'aération de volume réduit.
La mise à niveau de stations d’épuration comprend généralement l’amélioration et la fiabilisation de la qualité du rejet pour la pollution carbonée et, dans certains cas, la mise en place d’une nitrification, à laquelle une dénitrification est systématiquement associée pour les stations à boues activées. Le principal facteur qui détermine le dimensionnement des ouvrages (plus exactement du couple bassin d’aération/clarificateur) pour le traitement de l’azote est la charge maximale à éliminer associée à une température donnée.
En effet, la vitesse spécifique de nitrification est très sensible à la température et la prise en compte de faibles températures peut conduire à des volumes d’ouvrages relativement importants.
Dans un souci d’économie, le dimensionnement du bassin d’aération pourrait être optimisé par :
- une meilleure connaissance des vitesses spécifiques de nitrification et de dénitrification à faible température,
- la tolérance d'une concentration de N-NO₃ plus élevée dans l'effluent de sortie en période froide.
Rappelons que les valeurs traditionnellement retenues à ce niveau de traitement sont inférieures à 5 mg de N-NO₃/l.
On ne dispose encore que de peu de données issues d’observations de terrain pour la nitrification à faible température et l'objet de cette étude est de déterminer ces vitesses en site réel. Le second objectif est de vérifier l'hypothèse que la flottation des boues dans le clarificateur suite à une dénitrification endogène est moindre à faible température en raison de deux effets combinés : une vitesse de dénitrification relativement faible et une plus grande solubilité de l’azote.
gazeux. Avec une meilleure connaissance de ces points, le volume du réacteur biologique pourrait être optimisé par la réduction, à faible température, du temps de dénitrification au bénéfice du temps de nitrification. Cette hypothèse permettrait de satisfaire le rejet en azote ammoniacal avec un bassin d’aération de volume réduit. De plus, l’éventuel non-respect du niveau de rejet en nitrates pendant la période de faible température ne devrait pas poser de problèmes environnementaux dans la plupart des situations.
Méthodologie
L’étude a été réalisée sur site réel à la station d'épuration du Syndicat Intercommunal à la Carte du Val de Mouthe (SICVAM) située dans le Doubs. Durant deux périodes hivernales (1999-2000 et 2000-2001), des bilans mensuels obtenus sur 24 heures ont permis de mesurer les vitesses de nitrification et de dénitrification à des températures de boues activées de 7 à 8 °C. Ces mesures en station ont été doublées par des mesures en réacteur séparé qui permettent de s'affranchir de certaines conditions particulières comme l’absence de substrat (NH4+) et de mieux maîtriser les durées réelles pendant lesquelles s’exercent les cinétiques. Par ailleurs, le clarificateur a été soumis à plusieurs niveaux de concentrations de nitrates, son fonctionnement étant suivi par les concentrations de MES en sortie d’ouvrage et par son observation visuelle.
Matériel et méthodes
La station d’épuration
La station d’épuration de type boues activées en aération prolongée reçoit des effluents domestiques de différentes communes ainsi que des effluents agro-alimentaires (deux fromageries sont raccordées). Les eaux sont collectées par un réseau principalement unitaire dont les eaux parasites participent à l’abaissement des températures en période hivernale. La capacité de traitement est la suivante :
Capacité organique :
210 kg de DBO5/jour (équivaut à 3 500 EH, sur la base de 60 g de DBO5/EH).
Capacité hydraulique :
Volume journalier : 936 m³/jour Débit moyen horaire : 39 m³/heure Débit de pointe horaire : 92 m³/heure
Les niveaux de rejet demandés sont les suivants et s’expliquent par la date de construction de l’installation (année 1985) :
Tableau 1 : Niveaux de rejets escomptés |
---|
Paramètres – Concentration en mg/litre |
DBO5 : 30 |
DQO : 90 |
MES : 30 |
NK : 40 |
Pour la file eau, l’installation comprend les ouvrages suivants : dégrilleur, dessableur-déshuileur, bassin d’aération et clarificateur. Les caractéristiques dimensionnelles des principaux ouvrages sont :
- un bassin d’aération d’un volume de 600 m³, avec : * une charge volumique de 0,35 kg de DBO5/m³ de réacteur·jour, * une charge massique de 0,117 kg de DBO5/kg de MVS·jour, * une concentration moyenne en MVS de 3 g/l ; - un clarificateur d’une surface de 115 m², soit une vitesse ascensionnelle de 0,8 m/h.
Cette installation a été retenue en raison des très faibles températures des eaux à traiter en période hivernale et de sa sous-charge carbonée permettant le traitement de l’azote du point de vue des capacités d’aération. Sur l’ensemble de nos suivis, l’installation a fonctionné à des taux de charge journaliers de :
- 23 % à 68 % de ses capacités hydrauliques, - 28 % à 70 % de ses capacités organiques.
Détermination de la vitesse de nitrification
La vitesse de nitrification est déterminée selon deux méthodes :
- la première au sein du bassin d’aération (vitesse moyenne), - la seconde par des essais en réacteur séparé sur le site (vitesse maximale).
Dans le bassin d’aération, cette vitesse est déterminée à partir du flux d’azote nitrifié et de la durée pendant laquelle s’exerce la nitrification.
Le flux nitrifié correspond à la différence entre les flux de NK entrant et sortant diminuée de l’azote ammoniacal assimilé par les boues, supposé égal à 5 % de la DBO5 éliminée. La détermination de la durée de nitrification est assez délicate. Nous avons considéré que la nitrification avait lieu lorsque deux conditions étaient réunies : présence d’oxygène et présence d’azote ammoniacal.
Ces deux conditions sont vérifiées à partir des courbes d’évolution de l’oxygène dissous et du potentiel redox. Elles montrent un point d’inflexion signifiant la fin de la nitrification qui s’accompagne d’une demande en oxygène nettement plus faible (diminution de la respiration).
Dans la pratique, nous avons déterminé ces vitesses moyennes pour des périodes de 24 heures à partir des flux nitrifiés et du cumul des durées de nitrification obtenues à partir de la mise en marche de l’aérateur jusqu’à l’apparition de ce point d’inflexion. La lecture du point d’inflexion peut être délicate voire impossible sur des installations sous-chargées en raison de la concentration en oxygène déjà importante dans le bassin d’aération. Sur notre site d’étude, la vitesse de nitrification maximale a pu être obtenue lorsque la concentration en azote ammoniacal résiduel restait supérieure à 5 mg N-NH4/l. Dans les essais en réacteur séparé, on s’affranchit de la difficulté de l’appréciation de la durée de nitrification puisque cette vitesse est simplement déterminée à partir de la vitesse de formation des nitrates en conditions non limitantes de substrat et d’oxygène dissous.
[Figure : Vitesses volumiques de nitrification en fonction de la charge volumique appliquée]
Nos essais en réacteur séparé sont réalisés dans un récipient contenant 6 litres de boues activées issues du bassin d’aération. Ce récipient est immergé dans le bassin d’aération pour maintenir une température équivalente à celle de l'ouvrage. Une dose initiale de chlorure d’ammonium de 15 mg de N-NH₄⁺/l est ajoutée. Lors des essais, le pH est mesuré et au besoin maintenu constant. La production de N-NO₃⁻ est suivie par des prélèvements périodiques toutes les 15 minutes. Ces essais en réacteur séparé sont réalisés les mêmes jours que les bilans 24 heures.
Détermination de la vitesse de dénitrification
La vitesse de dénitrification est également déterminée en bassin d’aération et en réacteur séparé. Lors des bilans 24 heures, la vitesse de dénitrification moyenne est calculée à partir du flux d’azote dénitrifié obtenu par différence entre le flux d’azote nitrifié et le flux d’azote nitrique sortant de la station ramené à la durée d’anoxie. Ce temps est obtenu en calculant les durées pour lesquelles la concentration en oxygène est nulle. La vitesse de dénitrification maximale est obtenue uniquement quand un résiduel en nitrates (supérieur à 5 mg de N-NO₃⁻/l) est mesuré dans l’effluent de sortie. Une concentration plus faible aurait pu être retenue en raison d’une dénitrification réelle dans le clarificateur.
En réacteur séparé, la vitesse de dénitrification est déterminée dans un récipient muni d’un couvercle et équipé d’un système d’injection d’azote gazeux afin de limiter les échanges entre notre milieu et l’oxygène de l’air. La teneur initiale de N-NO₃⁻ est de 20 mg N/l, établie par ajout de nitrate de sodium. Aucun ajout de source carbonée externe n’est réalisé. La prise d’échantillons se fait également à des intervalles de 15 minutes.
Incidence de la teneur en nitrates sur le comportement de la clarification
L’influence de la teneur en nitrates dans les boues alimentant le clarificateur est étudiée pendant les deux campagnes, en particulier son effet sur la flottation des boues.
Durant la campagne 1999-2000, une teneur élevée en nitrates a été générée par le fonctionnement continu des aérateurs supprimant ainsi les périodes d’anoxie. La teneur en nitrates était de cette façon difficile à maîtriser.
En 2001, un ajout maîtrisé de nitrates par apport de nitrate de sodium en sortie du bassin d’aération a permis de mieux établir différents niveaux de concentration. L’évaluation de l’effet de la dénitrification est réalisée à plusieurs reprises (sous l’influence des concentrations en N-NO₃⁻ appliquées différentes) par des mesures de MES en sortie associées à des observations visuelles de l’ouvrage.
Conservation des échantillons
Immédiatement après chaque prélèvement, les échantillons sont filtrés puis acidifiés à pH 2 et stockés à 4 °C afin d’éviter toute évolution. Toutes les analyses sont effectuées suivant les méthodes normalisées.
Résultats
Vitesse de nitrification
En bassin d’aération
Les vitesses de nitrification, déterminées à partir des bilans 24 heures, sont regroupées dans le tableau 2.
Les vitesses volumiques de nitrification varient de façon importante. Cette large variation s’explique par l’évolution des charges volumiques appliquées au moment des mesures qui étaient faibles hors période touristique, en décembre 1999, janvier et mars 2000 et élevées lors des périodes touristiques (Fig. 2).
Globalement, les vitesses volumiques de nitrification se situent à deux niveaux : 1 mg N-NO₃⁻/l h et 3 mg N/l h, pour deux niveaux différents de charge volumique : 0,02 et 0,04 kg NK/m³ de réacteur.j, à l’exception du point maximum qui ne sera pas retenu compte tenu des temps de nitrification trop courts par rapport à la charge à traiter. On retiendra donc une vitesse volumique de nitrification maximale de 3 mg de N-NO₃⁻ formé/litre de réacteur.h. Cette vitesse est obtenue avec des concentrations en MVS de 3,65 à 4,5 g/l. La vitesse massique de nitrification maximum mesurée est de 0,92 mg N.
Tableau 2 : Vitesses de nitrification mesurées au sein du bassin d’aération (moyennes journalières)
Paramètres | Unités | 1999 déc. | 2000 janv. | 2000 fév. | 2000 mars | 2001 22 % | 2001 23 % | 2001 24 % | 2001 25 % |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Température | °C | 7,4 | 8,6 | 6,9 | 7,8 | 8,8 | 8,3 | 8,5 | 8,4 |
Charge volumique appliquée | kg NK/m³ réacteur.j | 0,023 | 0,021 | 0,020 | 0,029 | 0,040 | 0,045 | 0,038 | 0,044 |
Concentration des boues | g MVS/l | 4,23 | 5,46 | 4,48 | 5,9 | 3,62 | 3,65 | 3,85 | 4,01 |
Charge massique | kg NK/kg MVS.j | 0,004 | 0,006 | 0,007 | 0,005 | 0,011 | 0,012 | 0,010 | 0,011 |
Concentration en sortie NH₄⁺ | mg N-NH₄⁺/l | 0,85 | 0,35 | 1,48 | 0,90 | 1,36 | 1,15 | 1,47 | 1,32 |
Vitesse volumique de nitrification | mg N-NO₃⁻/l h | 0,16 | 0,21 | 2,86 | 1,26 | 4,5 | 3,36 | 3,07 | 3,02 |
Vitesse massique de nitrification | mg N-NO₃⁻/kg MVS.h | 0,21 | 0,20 | 0,64 | 0,22 | 1,26 | 0,92 | 0,79 | 0,74 |
NO₃ formé/g de MVS·h.
Rappelons que ces vitesses sont dépendantes de la quantité de biomasse autotrophe installée, qui dépend de l’historique de la charge volumique appliquée en azote préalablement à nos mesures (données inconnues sur le site compte tenu de l’absence de mesures en continu). La vitesse massique dépend en plus de la concentration de MVS. En effet, un doublement de la concentration des MVS pour une même charge volumique conduira à une division par deux de la vitesse massique.
Essais en réacteur séparé
Des essais en réacteur séparé sont réalisés lors des quatre bilans 24 heures de l’hiver 1999/2000 et une fois lors de la campagne 2001. Ils permettent de s’affranchir, dans le calcul des vitesses, de l’estimation délicate de la durée réelle pendant laquelle s’exerce la nitrification.
Tableau 3 : Vitesses de nitrification déterminées en réacteur séparé (Années 1999, 2000, 2001 ; températures, vitesses volumiques et massiques, concentrations de boues)
- En mars 2001, les mesures ont été réalisées lors de la pointe touristique et la vitesse massique de nitrification est élevée.
- En mars 2000, ces mesures ont été réalisées trois semaines après la pointe et la vitesse massique est faible.
La vitesse massique est le résultat de la vitesse volumique sur la concentration de boues. Une concentration de boues élevée conduit à une vitesse massique faible. Au-delà d’une certaine limite (âge de boue suffisant pour développer la biomasse autotrophe), il est inutile d’augmenter le taux de boue pour mieux nitrifier.
Détermination de la vitesse de dénitrification
En bassin d’aération
Les vitesses exploitées sont celles obtenues sur des périodes où une concentration importante en N-NO₃ en sortie de station est relevée, ce qui permet d’approcher la vitesse de dénitrification maximale pour les conditions données du milieu. Seuls les résultats obtenus lors de la campagne 2001 figurent dans le tableau 4.
Tableau 4 : Vitesses de dénitrification déterminées en bassin d’aération (Paramètres : température, charges volumiques, concentrations en boues et en N-NO₃, vitesses volumiques et massiques)
Le nombre de données interprétables est trop faible pour dégager des relations, en particulier sur l’effet de la température, de la concentration en MVS et de la quantité de substrat disponible pour la dénitrification.
La vitesse volumique maximale obtenue se rapproche de 3 mg N-NO₃ formé/l.
On retiendra une valeur moyenne de 0,98 g N-NO₃ dénitrifié/kg MVS·h pour les conditions d’essais suivantes :
- Température : 8,6 °C
- Charge volumique en DCO totale : 0,48 kg de DCO totale/m³ de bassin·j (avec une DCO dissoute de sortie de 60 mg/l, valeur élevée)
- Concentration en MVS : 3,8 g/l
Essai en réacteur séparé
Les vitesses obtenues en réacteur séparé sont nettement plus faibles et s’expliquent par l’absence d’alimentation en source carbonée lors de ces mesures. La vitesse de dénitrification mesurée représente donc surtout la respiration endogène des boues. Les valeurs observées sont plus élevées à certaines périodes de la journée (charges en DCO plus ou moins importantes).
Tableau 5 : Vitesses de dénitrification déterminées en réacteur séparé (Températures, temps écoulés, vitesses volumiques et massiques pour la période du 24 février au 26 février 2001)
Tableau 6 : Comportement du clarificateur face à différents niveaux de concentration en N-NO₃
Concentration en N-NO₃ des eaux de sortie |
Vitesse ascensionnelle moyenne |
Vitesse ascensionnelle pointe |
Charge volumique max au radier |
Mode de recirculation |
Taux de recirculation |
Concentration en MES des eaux de sortie
L’intervalle de temps écoulé entre la mise en route de l’aérateur et le prélèvement des boues dans le bassin d’aération pour l’essai est faible.
Fonctionnement du clarificateur
Les principales données obtenues au cours du suivi (sur une durée de 8 jours – année 2001) pour des concentrations appliquées en N-NO₃ différentes sont regroupées dans le tableau 6.
Durant notre suivi, l’indice de boues est de 150 mL/g de MES et la concentration de la boue en moyenne de 4,8 g de MES/L. Aucune relation nette entre les pertes de boue et un paramètre donné n’est observée, à l’exception du mode de recirculation : le mode de recirculation discontinue entraîne de fortes concentrations en MES au niveau du rejet dues à une vitesse ascensionnelle instantanée élevée au moment de l’arrêt de la recirculation.
La nitrification
Les vitesses volumiques maximales de nitrification mesurées dans les bassins se situent, pour une température de 8 à 8,5 °C, à un niveau de 3 mg N-NO₃ formé/L·h. Cette valeur est confirmée par les mesures, plus fiables, réalisées en réacteur séparé. Les vitesses massiques associées à ces vitesses volumiques maximales varient beaucoup en raison des teneurs en MVS différentes mais aucune tendance ne peut être dégagée. Sur la base des résultats obtenus et par mesure de sécurité, on retiendra une vitesse massique maximale de 0,92 g N-NO₃ formé/kg MVS·h pour cette température (valeur obtenue le 22/02/2001). Cette valeur est relativement élevée puisqu’on adopte habituellement dans les calculs, pour cette température, des vitesses de l’ordre de 0,72 mg N-NO₃ formé/g MVS·h (valeur issue du modèle ASM1 – Activated Sludge Model n° 1 – de l’IWA). Ce résultat tendrait à montrer que la vitesse de nitrification de boues activées exposées pendant de longues périodes à de faibles températures diminue mais dans de faibles proportions.
Compte tenu de l’absence de relation entre les vitesses volumiques de nitrification et la concentration en boue, nous aurions pu arrêter une vitesse massique de 1 mg de N-NO₃ formé/g MVS·h (vitesse volumique mesurée de 3 mg de N-NO₃ formé/L·h et concentration en MVS de 3 g/L, soit 4 g/L en MES, valeur recommandée en boue activée fonctionnant dans le domaine de l’aération prolongée) mais, par mesure de sécurité, nous retiendrons la valeur de 0,92 mg de N-NO₃ formé/g MVS·h.
La dénitrification
La vitesse de dénitrification mesurée dans le bassin d’aération à une température de 8,5 °C se situe à 0,98 g de N-NO₃ dénitrifié/kg MVS·h. Ce résultat n’est pas exceptionnel puisque les valeurs habituellement rencontrées sont très variables et fortement dépendantes du substrat disponible (carbone organique) indispensable à la dénitrification exogène. De plus, la vitesse de dénitrification est beaucoup moins dépendante de la température et ce résultat, obtenu à 8,5 °C, complète le jeu encore réduit de données pour cette gamme de température.
Les vitesses obtenues en réacteur séparé se rapprochent plus des vitesses de dénitrification dites endogènes et confirment qu’une dénitrification est bien réelle à ces basses températures.
Fonctionnement du clarificateur
Les concentrations en MES mesurées dans l’effluent de sortie sont médiocres mais ne sont pas directement corrélées aux concentrations en N-NO₃ appliquées sur une longue période (24 heures). Ainsi, des concentrations élevées de nitrates en entrée du clarificateur ne conduisent pas à des concentrations plus élevées en MES au niveau du rejet.
Toutefois, l’observation visuelle révèle une dénitrification permanente dans l’ouvrage dont les effets en termes de pertes de MES sont principalement dictés par des facteurs hydrauliques, plus particulièrement par le taux de recirculation et son mode de fonctionnement. En effet, les différents taux de recirculation, donc les différents temps de séjour des boues en fond de bassin, conduisent à une différenciation de la taille des flocs lors de leur flottation. À faible taux de recirculation, les flocs observés en surface d’ouvrage sont volumineux et, à l’opposé, les forts taux de recirculation occasionnent la remontée de plus petits flocs. Le renforcement de la recirculation, et surtout son fonctionnement continu évitant des à-coups hydrauliques, a fortement contribué à l’amélioration de la qualité de l’effluent en termes de matières particulaires. Il faut noter que le clarificateur testé ne dispose pas de cloison siphoïde. Ainsi, la moindre pellicule de boues se trouvant en surface du bassin risque de quitter l’ouvrage par le déversoir crénelé à l’occasion de l’augmentation ponctuelle de débit.
Au vu des observations faites sur le clarificateur étudié, il semble que l’on ne puisse pas…
Tableau 7 : Vitesses de nitrification et de dénitrification retenues pour 8,5 °C
Modèle ASM1 |
---|
– Vitesse de nitrification : 0,77 g N-NO₃ formé/kg MVS·h |
– Vitesse de dénitrification : 0,92 g N-NO₃ dénitrifié/kg MVS·h |
Résultats Mouthe |
– Vitesse de nitrification : 0,92 g N-NO₃ formé/kg MVS·h |
– Vitesse de dénitrification : 1,00 g N-NO₃ dénitrifié/kg MVS·h |
Tableau 8 : Calcul comparatif de l’âge de boues global nécessaire pour différentes hypothèses de vitesses de nitrification et de degré de dénitrification. (H : hypothèse, M : mesures, C : calculs)
Teneur NK entrée |
Fraction nitrifiée |
Vitesse de nitrification |
Durée de nitrification |
Nitrifié par jour |
Vitesse de nitrification |
Durée de nitrification |
Nitrifié par jour |
Teneur en N-NO₃ sortie |
Charge massique |
Rapport DBO₅/NK |
Charge massique DBO₅ |
MV/MS |
Charge massique DBO₅ |
Production spécifique de boues |
Âge de boues |
Volume bassin d’aération |
conclure qu’une teneur d’environ 10 mg N-NO₃/l associée à une température de l’eau de 8 °C ait un impact sur les pertes en MES et d’en estimer son degré d’implication.
En dehors de la concentration en nitrates, de nombreux paramètres influencent les pertes de MES, en particulier les aspects hydrauliques et la conception même de l’ouvrage. Ainsi, par sécurité et en l’absence de précaution particulière concernant la conception de l’ouvrage, on écartera l’hypothèse de travailler avec une concentration importante de nitrates sur le clarificateur. À l’opposé, dans le cas d’un fonctionnement volontaire à des concentrations en nitrate élevées, des modifications de conception du clarificateur devront être prises pour limiter la perte de MES : fonctionnement à un taux de recirculation important et continu, clarifieur bien dimensionné, présence d'une cloison siphonoïde et élimination des flottants dus à la dénitrification par récupération ou par rabattage en période de faibles débits.
Optimisation du dimensionnement du bassin d’aération
Lors du dimensionnement du bassin d’aération d'une station à boues activées nitrifiantes, la température est le facteur critique qui détermine les dimensions de l’ouvrage. Nous allons étudier le dimensionnement d'un ouvrage pour une température de fonctionnement de 8,5 °C selon 4 scénarios :
1) Nitrification et dénitrification complètes avec les vitesses retenues par le modèle ASM1 de l’IWA, 2) Nitrification complète mais dénitrification incomplète (N-NO₃ : 10 mg/l) avec les vitesses retenues par le modèle ASM1 de l’IWA, 3) Nitrification et dénitrification complètes avec les vitesses mesurées lors de cette étude, 4) Nitrification complète mais dénitrification incomplète (N-NO₃ : 10 mg/l) avec les vitesses mesurées lors de cette étude.
Tableau 9 : Hypothèses pour le calcul de la vitesse de nitrification
Taux de croissance maximal des autotrophes à 20 °C sans limitation d’O₂ et N-NH₄⁺ |
Taux de croissance maximal des autotrophes à 20 °C en conditions limitées* (1 mg O₂/l et 1 mg N-NH₄⁺/l) |
Coefficient de température |
Production spécifique de boues autotrophes |
Fraction d’autotrophes/hétérotrophes |
Taux de MVS des boues |
* KₛO₂ = 0,75 g O₂/g MVS, KₛNH₄ = 0,5 g N-NH₄⁺/g MVS |
0,7 kg de MES/g de MES.jour |
0,27 kg de MES/g de MES.jour |
0,1 |
0,15 g de MES autotrophes/g de N nitrifié |
0,025 |
70 % |
0,77 mg de N-NO₃ formé/g de MVS.h |
Les vitesses spécifiques de nitrification et dénitrification retenues figurent dans le tableau 7.
La vitesse de nitrification du modèle ASM1 est donnée par rapport aux bactéries autotrophes, pour une température de 20 °C et pour des conditions non limitantes. Elle a été convertie pour tenir compte des conditions réelles de température, de teneur en O₂ et en N-NH₄⁺ et pour la ramener aux MVS incluant autotrophes et hétérotrophes (tableau 9).
Par ailleurs la vitesse de dénitrification a été
Tableau 10 : Hypothèses pour le calcul de la vitesse de dénitrification
Vitesse de dénitrification à 20 °C |
Coefficient de température |
2,5 mg de NNO₃ dénitrifié/g de MES.h |
0,07 |
Vitesse de dénitrification |
1,1 mg de NNO₃ dénitrifié/g de MES.h |
calculée pour 8,5 °C (tableau 10).
Les autres hypothèses retenues sont :
* Température des boues : 8,5 °C * Concentration en NK eaux brutes : 70 g NK * Rapport DBO₅/NK : 5 * Fraction de NK nitrifiable : 70 % * Rapport MVS/MES des boues : 70 % * Production spécifique de boues : 0,85 kg MES/kg DBO₅
On observe (tableau 8) :
* Les âges de boues globaux des 4 scénarios sont peu différents et de l’ordre de 20 jours. * Scénarios 1 et 2 (modèle) par rapport aux scénarios 3 et 4 (données).
La comparaison entre les dimensionnements avec les valeurs ASM1 et avec nos valeurs mesurées à Mouthe montre un âge de boues, et donc un volume de bassin d’aération, qui est seulement 5 % plus faible pour les valeurs de Mouthe. Cela s’explique par une compensation partielle de la vitesse de nitrification relativement élevée par une vitesse de dénitrification plus faible. La différence entre les deux dimensionnements ne peut pas être considérée comme significative.
* Scénarios 1 et 3 par rapport aux scénarios 2 et 4.
La dénitrification incomplète à un niveau de 10 mg N-NO₃/l dans la sortie (scénarios 2 et 4) permet de gagner environ 10 % sur le volume de bassin d’aération seulement. En cas d’eaux brutes plus diluées (40 mg NK/l) cette réduction peut s’élever à plus de 15 %, mais reste limitée. Ce faible gain de volume ne milite donc pas pour ce scénario compte tenu des contraintes supérieures au niveau de la conception du clarificateur afin de garantir un faible impact des MES dues à la dénitrification endogène.
Enfin, la charge massique pouvant être retenue pour une nitrification et une dénitrification complètes, à une température de 8,5 °C, se situe à environ 0,08 kg DBO₅/kg MVS, pour une vitesse spécifique de nitrification déterminée lors de nos mesures de 0,92 mg N-NO₃ formé/kg MVS·h.
Conclusion
Les résultats acquis sur une installation à grandeur réelle ont permis d’acquérir des valeurs pour les vitesses de nitrification et de dénitrification dans des conditions de très basses températures. Les vitesses de nitrification sont fortement dépendantes de l’historique de la charge azotée qui facilite le développement de bactéries autotrophes. Pour les vitesses de dénitrification, c’est la part de matière organique disponible et facilement assimilable qui influence ce paramètre.
Ces vitesses sont une référence supplémentaire et confirment la possibilité du traitement de l’azote à ces températures. Elles sont proches de celles retenues pour le modèle ASM1 de l’IWA.
Pour des températures faibles et dans le but de limiter le volume du réacteur biologique, différents scénarios ont été étudiés, en particulier le maintien d’une nitrification complète au détriment de la dénitrification. Ce scénario permet une diminution de 10 % du volume du réacteur biologique grâce au rejet de 10 mg de N-NO₃/litre en sortie. Ce gain est trop faible pour retenir cette démarche, compte tenu qu’une teneur élevée en nitrates présente un risque important de flottaison des boues dans le clarificateur pénalisant la qualité du rejet.
Références bibliographiques
* Henze, Harremoes, La Cour Jansen, Arvin – Wastewater Treatment: Biological and Chemical Processes – Springer. * FNDAE n° 25 – Document technique – Traitement de l’azote dans les stations d’épuration biologique des petites collectivités (2002). * Traitement de l’azote. Cas des eaux résiduaires urbaines et des lisiers (1996). Actes de colloques, Cemagref Éditions. * IAWPRC (1987). Activated Sludge Model n°. IAWPRC Scientific and Technical Report n°, IAWPRC, London. ISSN 1010-707X. * Héduit A., Duchêne Ph., Sintes L. (1990). Optimization of nitrogen removal in small activated sludge plants. Water Science and Technology, vol. 22, n° 3/4, p. 123-130.
Remerciements
Les auteurs tiennent à remercier le Syndicat Intercommunal à la Carte du Val de Mouthe (SICVAM) pour la mise à disposition de la station d’épuration, le personnel exploitant de la Société de Distribution Gaz et Eaux et le SATESE du Doubs pour son aide précieuse au bon déroulement de l’étude.