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Olfactométrie et désodorisation

30 juillet 1996 Paru dans le N°193 à la page 33 ( mots)
Rédigé par : Marie-line PERRIN et Michel CAMUS

Dans l'éventualité de l'adoption d'une législation plus sévère au niveau de la qualité de l'air et des nuisances générées par les odeurs, nous avons réalisé des mesures olfactométriques afin de connaître les rendements d'épuration de différents systèmes de désodorisation installés en stations d'épuration. Ce document présente les résultats des analyses olfactométriques auxquels sont jointes les analyses physico-chimiques de deux des grandes familles de corps malodorants.

Le but de cette étude est de mesurer par olfactométrie, le rendement d’épuration de différents systèmes de désodorisation mis en place par la société Degrémont sur ses stations de traitement des eaux résiduaires urbaines. Cela permet de se familiariser avec la technique d’analyse olfactométrique et de mieux connaître les capacités d’épuration des ouvrages.

Nous pouvons également, avec la connaissance des flux de pollution gazeux générés par les traitements d’effluents, optimiser le dimensionnement des désodorisations afin de répondre à une éventuelle législation sur les rejets gazeux qui prendrait en compte le débit d’odeur par exemple. Toutes les mesures ont été effectuées par le laboratoire d’olfactométrie de l’IPSN/CEA selon la norme Afnor NF X 43-101 et nous avons, en parallèle, systématiquement analysé par physico-chimie, les deux grandes familles de polluants, soufrés réduits et azotés.

Méthodologie

Définitions

Facteur de dilution

Q1 étant le débit de gaz inodore qui sert à diluer un débit Q2 de gaz odorant, le facteur de dilution est donné par :

K = (Q1 + Q2) / Q2

Il est indifférent que Q1 et Q2 soient exprimés en unités de masse ou de volume pourvu que celles-ci soient identiques pour les deux débits.

Seuil de perception

Par convention, c’est la concentration des molécules odorantes dans l’air dont la probabilité de perception est de 50 %.

Facteur de dilution au seuil de perception

C’est la valeur de la dilution qui permet de ramener la concentration du mélange odorant au seuil de perception précédemment défini.

Débit d’odeur

Le débit d’odeur est défini comme étant le produit de la valeur de la dilution au seuil de perception par le débit d’air rejeté par la source odorante.

On notera que le débit d’odeur caractérise la puissance olfactive de la source, mais ne permet pas de juger du caractère hédonique de la perception (agréable ou désagréable), ce caractère hédonique faisant intervenir des paramètres d’ordre psychosociologique qui ne sont pas considérés ici. Cela signifie que deux sources d’odeurs telles qu’un champ de lavande et un champ d’épandage, considérées de façon générale l’une comme agréable et l’autre désagréable, pourraient avoir le même débit d’odeur.

Secteur de perception continue de l’odeur

Ce secteur est celui dans lequel la dilution moyenne de l’effluent odorant est, par suite du transfert atmosphérique, inférieure ou égale à la dilution qui permet d’obtenir le seuil de perception de l’odeur ; sa connaissance revient à déterminer la portée de l’odeur dont on a mesuré le débit.

Connaissant le débit d’odeur et la hauteur d’émission d’une source, le secteur de perception continue de cette source est déterminé à partir d’un modèle de dispersion atmosphérique associé à des séries de données météorologiques.

Mode opératoire

Selon le protocole préconisé dans la norme Afnor NF X 43-104, les prélèvements d’air à analyser sont effectués dans les conduits de rejet, en amont ou en aval des systèmes de désodorisation, et l’effluent gazeux est directement introduit dans des sacs en Tedlar non réactif vis-à-vis du type d’effluents.

Principe de la mesure du facteur de dilution au seuil de perception

Ce principe est décrit dans la norme Afnor NF X 43-101 (Méthode de mesurage de l’odeur d’un effluent gazeux). Les experts doivent indiquer, par un choix forcé, dans lequel des trois masques d’un olfactomètre ils perçoivent l’odeur pour des dilutions variées, présentées dans un ordre aléatoire.

Les réponses des experts font l’objet d’un traitement statistique, conformément à la norme Afnor NF X 43-101, et permettent de déterminer la valeur du facteur de dilution au seuil de perception (ou concentration de l’odeur), assortie de la valeur de l’écart-type correspondant.

Résultats

Caractéristiques des désodorisations testées

Nous avons testé six désodorisations en service sur des stations en fonctionnement ; celles-ci ont été repérées dans la suite de notre exposé, par les chiffres de 1 à 5, en fonction de leur ancienneté (la sixième étant une désodorisation biologique sur matériaux granulaires).

Tableau

STATION 1 STATION 2 STATION 3
Entrée désodo Sortie désodo Entrée désodo Sortie désodo Entrée désodo Sortie désodo
H₂S (mg m⁻³) 2,10 < 0,020 1,15 < 0,020 0,24 < 0,020
CH₃SH (mg m⁻³) 0,55 < 0,020 0,30 < 0,020 0,05 < 0,020
(CH₃)₂S (mg m⁻³) nd nd nd nd nd nd
NH₃ (mg m⁻³) 3,35 < 0,010 1,70 < 0,010 0,25 0,030
Amines (mg m⁻³) 0,115 < 0,050 < 0,050 < 0,050 < 0,050 < 0,050
Facteur de dilution 10900 705 6710 495 < 50 < 20
STATION 4 STATION 5 STATION 6
Entrée désodo Sortie désodo Entrée désodo Sortie désodo Entrée désodo Sortie désodo Sortie charbon
H₂S (mg m⁻³) 0,35 < 0,020 7,80 < 0,020 11,45 0,025 < 0,020
CH₃SH (mg m⁻³) 0,075 < 0,020 < 0,020 < 0,020 0,98 0,035 < 0,020
(CH₃)₂S (mg m⁻³) nd nd nd nd nd nd nd
NH₃ (mg m⁻³) 2,48 < 0,010 1,05 < 0,010 6,40 0,12 < 0,010
Amines (mg m⁻³) 0,180 < 0,050 0,065 < 0,050 0,335 0,095 < 0,050
Facteur de dilution 1170 30 3500 < 20 10200 263

nd : non détecté

Les anciennetés de fonctionnement sont huit ans, six ans, quatre ans, un an et six mois. La sixième est en service depuis deux ans.

Les caractéristiques de traitement sont les suivantes :

  • • pour la 1 et la 2, il y a trois tours en série : une tour de traitement acide, une tour de traitement oxydant et une tour de traitement réducteur,
  • • pour la 3 et la 4, il y a également trois tours en série : une tour de traitement acide, une tour de traitement oxydant, et une tour de traitement basique. À noter que sur le site n° 3, nous avons installé une quatrième tour (pilote) contenant du charbon actif en grain afin de tester également les résultats sur ce type de matériaux,
  • • pour la 5, nous avons quatre tours en série : une tour de traitement acide, une tour de traitement oxydant, une tour de traitement basique et une tour de traitement réducteur,
  • • pour la 6, nous avons une tour de traitement biologique sur matériaux granulaires. À noter que sur ce site nous avons également testé, en série, une tour (pilote) contenant du charbon actif en grain.

Les résultats

Pendant notre campagne de mesures olfactométriques, nous avons effectué des analyses physico-chimiques afin de déterminer :

  • • les soufrés réduits (H₂S, CH₃SH, (CH₃)₂S) : par chromatographie gazeuse en continu sur le site ;
  • • les azotés (NH₃, Amines) : par piégeage en solution spécifique et analyse HPLC.

Les conséquences sur l’environnement

Pour toutes les stations sauf la n° 3, si les rejets gazeux étaient directement rejetés à l’atmosphère sans traitements préalables, les odeurs émises pourraient être perçues, quelles que soient les conditions de diffusion atmosphérique, de quelques centaines de mètres à plusieurs kilomètres.

Après les traitements de désodorisation, il faut noter que :

  • • Sur les stations 1 et 2 les débits d’odeurs sont importants, dus à la présence de composés odorants hors des schémas classiques et non dégradés par les traitements habituels. Une gêne pourrait être ressentie dans l’environnement à des distances de 280 à 950 mètres, suivant les conditions de diffusion atmosphérique. Il faut noter que malgré une urbanisation dense (présence d’appartements à moins de 500 mètres) aucune plainte n’a été enregistrée depuis l’installation des ouvrages.
  • • Sur les stations 3 à 6, où les débits d’odeurs sont moindres, aucune nuisance n’est perceptible dans l’environnement quelles que soient les conditions de diffusion atmosphérique.

Enfin, en cas de dérèglement de l’étage oxydant, pour un facteur de dilution au seuil de 5500 en sortie, et même si le traitement donne encore une valeur résiduelle en H₂S de 75 µg m⁻³, les nuisances dans l’environnement sont importantes et peuvent être ressenties à plusieurs kilomètres.

Conclusion

Les installations de désodorisation testées fonctionnent toutes parfaitement et donnent des résultats physico-chimiques bien en-deçà des normes couramment admises.

En olfactométrie, le facteur de dilution au seuil de perception ne dépend bien entendu pas des seules familles malodorantes classiques (soufrés réduits et azotés) mais de toutes les molécules identifiées ou non que nous pouvons retrouver dans les atmosphères des stations d’épuration.

Nous pouvons dire que plus l’entrée est contaminée par des polluants non issus de familles classiquement rencontrées, plus la sortie est perturbée.

Il reste quand même que toutes ces stations sont dans des zones urbaines très denses et qu’aucune plainte de riverains n’a été enregistrée depuis la mise en service des ouvrages de désodorisation.

Références

M.L. Perrin, M.F. Thal, P. Zettwoog, Olfactométrie dans l’industrie. Mesure des odeurs à l’émission et dans l’environnement. Techniques de l’Ingénieur, P-445, 1-8, 1991.

Norme Afnor NF X 43-101, Qualité de l’air. Mesurage de l’odeur d’un effluent gazeux. Détermination du facteur de dilution au seuil de perception.

Norme Afnor NF X 43-104, Qualité de l’air. Atmosphères odorantes. Méthodes de prélèvement.

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