Les grandes chaleurs d’été entraînent la recrudescence, non seulement des incendies de forêt, mais aussi des dégagements d’odeurs nauséabondes. Ce qui pue est nuisance... Aussi, parmi les pollutions de l’atmosphère, les odeurs, et surtout les « mauvaises », constituent-elles une gêne mal tolérée par le voisinage de la source malodorante. Dans les différents États des USA, les odeurs motivent 25 à 59 % du nombre total des plaintes adressées aux Agences locales de la pollution atmosphérique, le nombre des plaintes croissant régulièrement d’année en année.
Des madeleines proustiennes aux boues fraîches d’épuration
Pourquoi sommes-nous si profondément affectés par les odeurs de notre environnement ? L’explication est d’ordre physiologique. L’olfaction apparaît comme un sens privilégié de communication entre espèces animales. Même chez l’homme où la sensibilité primitive s’est relativement émoussée, l’odorat ébranle le psychisme plus profondément que l’ouïe ou la vue (les messages olfactifs bypassent le thalamus, système relais du cerveau), et excitent directement les centres du comportement, hypothalamus et système limbique, selon le Pr Baudry (UER Poitiers, 1985). Il s’agit donc d’une véritable perception et non d’une simple sensation.
La perception, nous apprend-on, qui est une réponse active, dépend de la valeur du signal enregistré, mais aussi des traces mnésiques laissées en nous lors des expériences passées. Traces mnésiques ? « Le parfum est la forme la plus intense du souvenir » affirme J.-P. Guerlain, célèbre « nez ». Avant lui, Marcel Proust a remarquablement évoqué le parfum discret des madeleines trempées dans du thé et analysé le souvenir qui s’y rattachait. À tel point que nos psychologues modernes, frappés par l’acuité des souvenirs ressuscités par une odeur, ont donné à la mémoire olfactive le nom de « Syndrome de Proust ». Il semble bien que la mémorisation d’une odeur s’accompagne en même temps de celle du contexte dans lequel elle est perçue, expliquant ainsi qu’une odeur puisse rappeler le souvenir d’événements anciens dont le contenu émotionnel était très fort (T. Engen, revue La Recherche, février 1989).
À tout moment, partout, les odeurs s’imposent à notre vie. Notre nez intervient pour capter les informations que sont les odeurs et agir sur notre alimentation et notre appétit (« la bonne cuisine qui sent bon »), notre humeur et notre convivialité (« avoir quelqu’un dans le nez »), notre jugement (« à vue de nez »), notre sexualité et notre attrait du mystère (« Le parfum de la Dame en noir »), et notre répugnance aussi (« l’horrible odeur des cadavres »), en fin de compte sur toutes nos pulsions fondamentales et sur l’ensemble de notre comportement. On comprend pourquoi les perturbations, les interférences apportées par les mauvaises odeurs industrielles flottant dans l’atmosphère soient très mal tolérées par l’homme.
Mieux encore : l’olfaction est un sens individualisateur des espèces chimiques : à chaque configuration moléculaire d’un produit odorant correspond une réponse adaptée. Les détecteurs physiologiques impliqués dans l’olfaction sont d’une si prodigieuse sensibilité qu’ils permettent une discrimination jusqu’à l’identification d’une seule molécule, spécificité dont nous n’avons pas d’exemple en pharmacologie. Sentir revient à mettre en œuvre un « subtil toucher moléculaire » disent les Pr Le Magnen et Guillot. On se rappellera à cette occasion que le monde mystérieux des communications entre animaux emprunte la voie secrète des phéromones (phéromone sexuelle du bombyx du mûrier, phéromone de reconnaissance des insectes hyménoptères sociaux, phéromone de marquage de territoire des carnivores prédateurs...). Car les bêtes sont convenues d’un subtil langage chimique.
Quoique les indications fournies par le nez de l’homme soient souvent tenues en plaisanterie et que l’on continue à qualifier de mesure « pifométrique » toute mesure fantaisiste, aucun moyen d’investigation physico-chimique ne peut fournir la moindre indication sur la qualité hédonique de l’odeur ni sur la gêne qu’elle engendre éventuelle-
Les plus fines analyses par chromatographie en phase gazeuse et spectrométrie de masse ne peuvent rivaliser avec l'appareil olfactif humain pour détecter, par exemple, la triméthylamine (à la concentration de 2,1 × 10⁻⁸ ppm) ou de l'essence de vanille (à la concentration de 3,2 × 10⁻⁷ ppm). Aussi est-il fréquent de constater que les polluants atmosphériques présentent des seuils olfactifs détectables à des concentrations de l'ordre de 500 à 10 000 fois plus faibles que leur VLE, Valeur Limite d'Exposition, appliquée en toxicologie industrielle (tableau 1). Si bien qu'on en est arrivé à développer l'olfactométrie industrielle : les mesures s'effectuent par traitement des réponses verbales d'un jury d'experts « sniffeurs », représentatif d'une population d'individus, à qui l'on présente des dilutions variables de l'atmosphère odorante à étudier. Les dilutions sont établies dans un appareil spécialement conçu, l'olfactomètre (Stimulateur Olfactométrique Différentiel STOD du CEA-IPSEN, Electro-Olfactomètre EOG), employé selon des méthodologies adaptées (méthode normalisée NF, méthode du PAS combinant un test « up and down » de détermination du seuil avec un test hédonique lié à une échelle de qualification de l'odeur).
Opérations génératrices de nuisances olfactives
Le nez de l'homme reste en éveil, constat dont tirent parti les fabricants de parfums, de flaveurs, d'arômes alimentaires et de déodorants, constat dont d'autres industriels doivent tenir compte pour éviter les nuisances. En vue de prévenir leur formation, l'origine des éventuelles émanations doit être connue. Un examen rapide des émissions d'odeurs industrielles montre qu'elles résultent de réactions et transferts chimiques avec dégagements gazeux (Paul Valéry disait que « tout ce qui verse dans l'air est aveu de sa nature par quelque perte de matière subtile »). Plus prosaïquement, les types réactionnels générateurs de nuisances peuvent être classés en trois catégories :
- • évaporation d'eau ou de solvant par séchage ou dessiccation au cours des opérations de déshydratation des fientes de volailles, de cretons, de séchage d'engrais, de ventilation en imprimerie offset, héliogravure, fabrique de papiers peints, supports photographiques, enduction de fils émaillés, composition des peintures, ainsi qu'en assainissement (réseau collecteur d'eaux brutes, poste de relevage et prétraitements de station d'épuration) ;
- • thermodégradation des matières organiques par décomposition thermique et pyrolyse qui se manifeste en usine de pâte à papier (blow-tank en dégazage, incinération de liqueurs noires), en fonderie (noyaux), raffinerie (craquage), pétrochimie, revêtement de feuillards d'alu, transformation de laine de roche, fabrique de produits isolants, régénération d'huiles usagées, torréfaction du café, cuisson des graisses animales, ainsi qu'en assainissement (brûlage des déchets, conditionnement thermique des boues d'épuration des eaux résiduaires, incinération d'ordures ménagères) ;
- • biodégradation anaérobie des résidus organiques par voie biochimique en déficit d'oxygène, susceptible de se dérouler en fabrication d'aliments du bétail, élevage de porcs et volailles, équarrissage, tannerie, fabrique de farines de poissons, huilerie, féculerie, sucrerie, ainsi qu'en assainissement (décharge de déchets urbains ou agroalimentaires, lagunes de vinasses de distilleries, épandage de boues non stabilisées en station d'épuration, digesteurs de boues d'épuration d'eaux résiduaires).
D'autre part, on peut aussi regrouper les composés chimiques porteurs d'odeurs, dits osmophores, en quatre familles :
- • les composés soufrés, hydrogène sulfuré et sulfures organiques à odeur putride rappelant celle des œufs ou choux pourris, particulièrement repoussante ;
- • les composés azotés, ammoniac à odeur piquante et lacrymogène, amines à odeur de poisson « avancé », scatole à odeur fécale, diamines (ptomaines ; putrescine et cadavérine) à relents macabres ;
- • les acides organiques, acides gras volatils AGV, offrant de C₂ à C₆ une odeur vinaigrée, puis rance à mesure que la chaîne carbonée s'agrandit ;
- • les aldéhydes de ces acides, développant progressivement des odeurs irritantes, lacrymogènes puis écœurantes à mesure que leur poids moléculaire s'accroît et que la chaîne s'allonge (R. Bouscaren, CITEPA, Revue TSM, juin 1984).
Ce sont de tels produits osmophores sur lesquels l'industriel doit veiller à limiter au
mieux la propagation dans l’atmosphère et qu'il doit s’ingénier à confiner au cours de ses opérations unitaires de production. L'usine Rohm & Haas France de Lauterbourg dans le Bas-Rhin nous montre que l’entreprise est bien réalisable.
Maîtrisedes odeurs industrielles
S'il est incontestable que l’émission d’odeurs désagréables donne une mauvaise image de marque à la chimie, il est tout aussi incontestable que les chimistes de Rohm & Haas France s’ingénient à la redorer par un traitement complet sur plusieurs lignes de production (résines échangeuses d’ions, additifs pour moteur, émulsions acryliques, additifs pour PVC et fongicides).
En dehors de toute fuite accidentelle, les principales sources chroniques d’odeurs, en marche normale, proviennent des dépotages et transferts de matières premières odorantes (MMA, méthacrylate de méthyle et BA, acrylate de butyle ; DMA, diméthylamine et TMA, triméthylamine), des mises en œuvre de produits à la fois toxiques et odorants (comme l’acroléine et le MMP, méthyl-mercaptopropionate), des opérations de chlorométhylation (par le CMME, chlorométhylméthyléther, avec son impureté de fabrication le bischlorométhyléther, le premier suspecté d’être cancérigène, le second avéré hautement cancérigène), des dégagements sulfurés d’hydrogène sulfuré et de sulfure de carbone lors des réactions de fabrication des fongicides. Quelles sont les techniques de désodorisation mises en œuvre par Rohm & Haas France ?
Dans l’ordre de cette énumération :
— abattage des gaz par condensation provenant de la « respiration » des réservoirs de MMA et BA, où les vapeurs des deux produits sont condensées par recirculation et réfrigération des condensats eux-mêmes, le mélange étant recyclé en production (figure 1-1),
— abattage par brouillard d’eau sur le poste de stockage et de dépotage de DMA et TMA, où le dispositif de pulvérisation in situ, le « réseau déluge », produit un réel brouillard d’eau noyant toute l’installation, déterminant un bon abattement des gaz et odeurs, mais nécessitant une cuvette de rétention de capacité suffisante (traitement ultérieur des eaux de lavage : figure 1-2),
— abattage en laveurs humides pour l’acroléine, aldéhyde aux vapeurs très odorantes, lacrymogènes, toxiques et en plus susceptibles de former un nuage explosif, qui sont lavées à contre-courant par une solution de bisulfite à 5 %,
— adsorption en colonne pour le MMP dont la respiration est protégée par deux systèmes d’adsorption sur charbon actif, en lits envoyés en incinération après saturation,
— adsorption en scrubbers du CMME et du bischlorométhyléther, afin de réduire les émanations aux teneurs extrêmes, prises pour niveaux d’alarmes, de 1 ppb pour le bis CME et 10 ppb pour le CMME (système de monitorage d’atmosphère basé sur des prélèvements séquentiels automatiques en sept points de contrôle aux différents postes de travail, cheminée d’air de ventilation du bâtiment, prélèvements analysés sur chromatographes en phase gazeuse, l’ensemble étant géré par un PC) ; tous les gaz issus de chlorométhylation sont traités dans un système à trois scrubbers ; celui du milieu, garni de silice-gel entre deux scrubbers à soude, décompose à chaud les CMME et bis CME en méthanol, eau et acide chlorhydrique et se trouve contrôlé par le monitorage du second scrubber à soude, le silice-gel saturé étant à son tour détruit par immersion dans une solution de soude (figure 1-3),
— technologie propre par la substitution sur la chaudière principale du fioul par le gaz naturel, réduisant ainsi de plus de 90 % les rejets de SO₂ (R. Eastes, Rohm & Haas France — AQA Salon de la Chimie, décembre 1989).
— épuration biologique d’un débit de 12 000 Nm³/h de gaz contenant H₂S et CS₂, avec une efficacité de 100 % pour le premier et 98 % pour le second ; il s’agit du procédé Gerfo-Martin exploité par la société SAPS (lit poreux dimensionné en fonction du débit de gaz à traiter, alimenté sous la grille support recevant le lit poreux de CaCO₃ arrosé d’une solution saline nutritive de phosphate d’ammonium) (figure 2), qui présente l’avantage de réduire la pollution par bioconversion bactérienne sans la transférer sous une autre forme (1).
Désodorisationen assainissement urbain
La présence fréquente d’hydrogène sulfuré dans les réseaux d’assainissement entraîne de lourdes conséquences, non seulement pour la qualité de l’atmosphère respirée par les riverains et pour la sécurité du personnel d’exploitation, mais aussi pour la pérennité des ouvrages (2). En effet, certaines parties de collecteurs se trouvent soumises à une double nuisance :
— les unes olfactives qui apparaissent au droit des postes de refoulement et des
(1) Le procédé biologique de filtration des atmosphères malodorantes intéresse les concepteurs de station d’épuration OTV et Degrémont en France. Le brevet Bioton du bureau d’études Clair-Tech des Pays-Bas a déjà trouvé une application pour la station ARA Rhein de Bâle, avec un débit de 75 000 m³/h. Il s’agit d’un procédé de bioconversion par des bactéries fixées sur un mélange de compost et de billes de polystyrène expansé (A. Bonduelle, Revue S & T, n° 19, octobre 1989).
(2) Voir en particulier dans cette revue L’Eau, l’Industrie, les Nuisances : L’hydrogène sulfuré dans les réseaux d’assainissement, essai de modélisation, G. M. Faup, D. Malnou, M. Renaudin, J. Bonnefois, P. Musquère SLEE, Communauté Urbaine de Bordeaux, n° 132 novembre 1989 et La désodorisation des gaz industriels par électrochloration, P.-J. Dyens, Socrematic, n° 137 juin 1990, article qui expose l’olfactomètre Guigues-Proviron et l’électrochlorateur Sterelec de Socrematic.
Tableau I
Sensibilités olfactive et physiologique aux polluants malodorants
(d’après R. Bouscaren, CITEPA et F. Blondeau, OTV, Revue TSM, juin 1984 et février 1988).
Classe de composés | Composé | M en g | Seuil olfactif mg/Nm³ air | TLV mg/Nm³ | Index d’odeur en 10° |
---|---|---|---|---|---|
Soufrés | |||||
Hydrogène sulfuré | 34 | 0,0001 à 2 | 14 | 17 | |
Éthyl mercaptan | 62 | 0,001 à 0,03 | 1,25 | 289,5 | |
Méthyl mercaptan | 48 | 0,0005 à 1,1 | 1 | 53,3 | |
Propyl mercaptan | 76 | 0,0016 à 0,03 | — | — | |
Éthyl sulfure | 90 | 0,0045 à 0,31 | — | — | |
Méthyl sulfure | 62 | 0,002 à 0,65 | 2,76 | — | |
Azotés | |||||
Ammoniac | 17 | 0,03 à 37 | 18 | 0,16 | |
Monoéthylamine | 45 | 0,5 | 1,44 | — | |
Diméthylamine | 45 | 0,16 à 1,1 | 18 | 0,28 | |
Triméthylamine | 59 | 0,0007 à 0,0014 | 0,49 | — | |
Acides | |||||
Acide butyrique | 88 | 0,0004 à 3,6 | 0,05 | — | |
Acide propionique | 74 | 0,003 à 2,38 | 0,11 | — | |
Acide acétique | 60 | 0,025 à 6,5 | 25 | 0,015 | |
Aldéhydes | |||||
Formaldéhyde | 30 | 0,065 à 12 | 3 | 5 | |
Propionaldéhyde | 58 | 0,02 à 240 | 3,86 | — | |
Butyraldéhyde | 72 | 0,013 à 15 | 2,139 | — |
M : masse moléculaire TLV : Valeur limite relative à la santé des travailleurs exposés en continu pendant 8 heures Pression de vapeur en ppm Index d’odeur : Nombre sans dimension ; Nm³ : 1 atmosphère, 20 °C Seuil de reconnaissance à 100 % en ppm
Tableau II
Modalités économiques des divers traitements de désodorisation en réseau d’assainissement
(d’après H. Paillard, F. Blondeau, OTV, Revue TSM, février 1988)
Type de traitement | Dénomination | Caractéristiques physiques et chimiques | Dose théorique sur H₂S | Dose pratique | Mise en œuvre | Coût estimé en réactifs ou en énergie en F/m³ traité |
---|---|---|---|---|---|---|
Curatif | ||||||
Clairotan | FeCl SO₄ + Ag, liquide d = 1,5 | 7,2 g/g S⁻ | 11 g/g S⁻ | pompe doseuse | 0,05 | |
Chlorure | FeCl₃·6H₂O, liquide d = 1,46 à 41 % | 6,8 g/g S⁻ | 10 g/g S⁻ | pompe doseuse | 0,077 | |
Sulfate ferreux | FeSO₄·7H₂O, poudre | 9 g/g S⁻ | 10 g/g S⁻ | bac de préparation + pompe doseuse | 0,04 | |
Chlore | NaOCl (eau de Javel à 48° chlorométrique) | 8,8 g Cl₂/g S⁻ | 5 à 15 g Cl₂/g S⁻ | pompe doseuse | 0,26 à 0,79 | |
Curatif et préventif | ||||||
Oxygène liquide | O₂ liquide sous pression | 2 g/g S⁻ | 15 g O₂/m³·h⁻¹ (temps de séjour = 45 g/m³) | détenteur + diffuseur | 0,218 | |
Eau oxygénée | H₂O₂ liquide 35 % | 2,85 g/g S⁻ | 8,5 g/g S⁻ | pompe doseuse | 0,277 | |
Ozone | Produit sur site par ozoneur | 4,5 g/g S⁻ | Très peu utilisé | cuve avec diffuseur | 0,6 |
Bases de calcul : prix 1986 pour les réactifs, teneur moyenne de 10 mg/l en S⁻ dans l’effluent et temps de séjour du réseau de 3 heures en moyenne (12 heures au maximum).
Les désordres aux regards de jonction refoulement-gravitaire, dus au dégazage de H₂S dans l’atmosphère,
• les autres mécaniques, par la corrosion ultérieure des bétons attaquant les portions gravitaires situées à l’aval des collecteurs de refoulement, dues à l’oxydation biochimique de H₂S en acide sulfurique par des bactéries sulfatoréductrices (Desulfovibrio et Desulfatomaculum, qui ne se développent que dans des milieux à bas potentiel d’oxydo-réduction, Eh inf. à – 100 mV, dénués d’oxygène dissous, entre pH 5 et 9,5, hôtes traditionnels des eaux d’égouts en population moyenne de 10⁶ bactéries/100 ml, selon le Pr Leclerc, IPL, 1980).
Les dispositions habituelles prises pour pallier ces désordres consistent soit en action préventive à limiter les temps de séjour dans les ouvrages et conduites de refoulement, soit en action curative à injecter des réactifs chimiques en vue de bloquer la formation de H₂S ou de le précipiter en sulfures insolubles une fois formé. On distinguera toutefois les émissions d’odeurs au niveau du réseau et au niveau de la station d’épuration (H. Paillard, F. Blondeau, OTV, Revue TSM, février 1988).
Traitement en phase aqueuse
En France, les produits utilisés sont essentiellement l’oxygène gazeux, l’eau oxygénée (suite aux travaux de l’Air Liquide) et le sulfate ferreux, le chlorosulfate et le chlorure ferrique.
L’injection d’air, d’oxygène ou de peroxyde d’hydrogène évite la septicité du milieu et le développement des conditions anaérobies favorisant les sulfatoréducteurs. L’eau oxygénée est appliquée sur plusieurs réseaux d’assainissement tels que ceux de Saint-Jean-de-Monts, La Baule, Bormes-les-Lavandou (SOGEA), Sanary-Bandol (OTV). Le sulfate ferreux provoque la précipitation des sulfures sous forme de sulfure de fer, FeS (couleur noire résiduelle de FeS colloïdal, production de boues supplémentaire et réduction de charge en traitement biologique) et se trouve employé en réseaux du Syndicat du Bassin de la Thève et de l’Ysieux, dans l’Oise, par SLEE, du Syndicat d’Assainissement du Bassin d’Arcachon et celui du SIVOM de la presqu’île d’Arvet (SOGEA). Il ressort des essais Hydratec que l’emploi du sulfate ferreux est l’opération la moins coûteuse et que le traitement à l’oxygène gazeux reste avantageux sur des tronçons à débit élevé, vis-à-vis de celui à l’eau oxygénée valable pour de faibles débits (F. Colin et coll., IRH, Revue TSM, janvier 1988).
Traitement en phase gazeuse
La désodorisation des stations d’épuration OTV d’Antibes et de Monaco est obtenue par lavage oxydant à l’eau chlorée de l’air capté sur les ouvrages clos et locaux ventilés, l’eau de Javel étant produite sur le site par électrolyse d’une solution de sel et injectée en tour d’oxydation (lavage préalable acide à pH 3 pour éliminer les composés azotés, puis lavage chloroxydant à pH 8-9 pour retenir les disulfures et H₂S, lavage basique faiblement oxydant pour détruire les mercaptans et le résiduel de H₂S, enfin neutralisation éventuelle au bisulfite de sodium pour les aldéhydes et cétones odorantes). Ce type de générateur d’eau de Javel par électrolyse de saumure est un procédé Pepcon de Wemco, dont bénéficient déjà les stations de Saint-Étienne, Angers, Saumur, Châteauroux, Ajaccio, Sète, Bollène et Cannes-Mandelieu. Mais cette désodorisation peut aussi s’effectuer par filtration de l’air vicié sur charbon actif type Norit, à Cholet avec OTV ou à St-Palais-sur-Mer avec Degrémont. Bien que cet autre oxydant O₃, l’ozone sous forme d’eau ozonée, rende d’excellents services pour la station Degrémont de Vallauris et celle d’OTV à Cassis, en particulier grâce au procédé Trailigaz pour les stations Melun-Boissettes et Deauville-Trouville-Touques (B. Langlais, Trailigaz, Revue TSM, janvier 1988).
Alors, le nez de l’homme moderne, appendice vanté sur scène par les Cyrano de Bergerac, mais appendice humilié par les effluves de son temps, pourra-t-il se dresser fièrement tout à ses émotions olfactives ?