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Nuisances, eau et matières... Une méthode: le diagnostic dans l'entreprise

30 octobre 1978 Paru dans le N°28 à la page 125 ( mots)
Rédigé par : D. BERNARD, E. POMMERET et J.-f. HEROUARD

UNE MÉTHODE : Le diagnostic dans l’entreprise

UNE MÉTHODE :

Le diagnostic dans l’entreprise

par Département Environnement SERI - Renault - Engineering

La période actuelle se caractérise à la fois :

  • — par des difficultés accrues d’approvisionnement en matières premières et consommables, et en énergie, ainsi que par un enchérissement (ou au minimum des fluctuations) de leurs cours,
  • — par une pression accrue des administrations (1) visant à limiter et à réduire les nuisances inhérentes aux activités industrielles.

L’entrepreneur n’a qu’une marge de manœuvre limitée face à ces deux contraintes externes. Il ne peut véritablement agir que sur l’entreprise elle-même. Certes, cette dernière n’échappe pas à la rigidité relative des process, des contraintes sociales, des habitudes techniques et, en dernière analyse, de la capacité d’investissement.

C’est pourtant à ce niveau interne que l’entrepreneur doit rechercher les moyens de faire face à ce double défi externe, en jouant au mieux du degré de liberté de chacun de ces facteurs endogènes.

Parmi ceux-ci, il peut être souhaitable ou nécessaire d’agir sur les nuisances et l’utilisation de l’eau et des matières dans l’établissement industriel. À cause de l’imbrication des différents facteurs, dans ce domaine plus encore que dans d’autres, une approche globale s’avère plus performante qu’une somme ou une succession d’approches ponctuelles. Une telle démarche est évidemment féconde en matière de conception, pour la création d’une unité nouvelle, mais ce n’est pas l’objet du présent article. Nous y envisageons l’application de l’approche globale à l’amélioration d’unités existantes, par la méthode du diagnostic portant sur l’utilisation de l’eau et des matières.

LE PRINCIPE

Par rapport aux analyses ponctuelles des spécialistes du traitement des effluents (qui s’intéressent essentiellement aux pollutions chroniques découlant d’opérations précises), la méthode d’approche globale procède par une analyse systématique des activités de l’établissement, qui prend en compte toutes les occasions d’utilisation et de rejet d’eau et de matières dans toutes les opérations de production et, plus largement, les considère du point de vue de toutes les fonctions techniques, économiques, juridiques et organisationnelles de l’établissement industriel.

L’intérêt d’une telle démarche est qu’elle permet de « balayer » exhaustivement le sujet choisi. Son appréhension sous différents angles de vue autorise de nombreux recoupements et le bilan finalement établi a toutes les chances d’être effectivement global. Les recommandations qui en découlent ont le même caractère d’ensemble et permettent d’ordonner les actions à entreprendre.

De plus, cette démarche prend en compte l’ensemble des risques de pollution, même diffus, résultant de l’interaction de matières potentiellement polluantes avec des flux d’eau. Dans cette perspective, elle intègre la notion de transferts de pollution.

LE CONTENU D’UNE « MISSION-DIAGNOSTIC »

Le principe énoncé ci-avant se traduit par la mise en œuvre d’une méthodologie appliquée à chacune des phases du déroulement de la « Mission-diagnostic ».

Aspects méthodologiques

La méthodologie ici présentée succinctement s’est peu à peu dégagée de l’expérience.

À sa lumière il s’avère indispensable qu’un accord sur la méthode s’établisse d’entrée de jeu avec les responsables de l’établissement et que tous les moyens soient mis en œuvre pour permettre à l’équipe d’intervention d’avoir accès à l’information nécessaire à la réussite de la mission à tous les niveaux (y compris les agents d’exécution). Il faut que soit également admis le postulat suivant : des améliorations et des réductions de coût très sensibles peuvent être obtenues dans toute activité dont le déroulement est soumis à une analyse systématique.

La réalisation de l’étude passe alors par l’observation des règles suivantes :

a) Création d’une équipe

Cette équipe est mixte, pluridisciplinaire et légère :

  • • Mixte : elle est composée d’un généraliste de l’environnement rompu à la méthode ici décrite, et animant un petit groupe interne à l’établissement. La présence de cet animateur externe favorise l’absence d’a priori dans le recueil et l’analyse des données. Son rôle consiste à remettre en cause par principe tous les aspects d’une activité donnée.
  • • Pluridisciplinaire : l’approche globale requiert, outre les techniques maîtrisées par les membres du groupe interne, l’appel ponctuel, si nécessaire, aux compétences de spécialistes externes (bureaux d’études, laboratoires).
  • • Légère : pour être efficace, cette équipe doit néanmoins rester de taille modeste.

b) Durée de la mission

  • — La mission n’excède pas une durée de 1 à 3 mois, pour des raisons de coût, mais aussi pour fournir un cadre concret (objectifs, délais, etc.) à la motivation des participants.

(1) L’industriel ignore souvent qu’une « Installation classée » est soumise au contrôle des services de l’Industrie et des Mines, que le milieu récepteur est, en matière de police des eaux, sous la tutelle de Directions Départementales de l’Équipement et de l’Agriculture et qu’enfin la gestion des ressources en eau est exercée par les Agences de Bassin qui perçoivent des taxes et accordent des subventions. Ces administrations sont chargées de l’application locale d’un dispositif légal et réglementaire de plus en plus précis.

Le groupe travaille sur le terrain et à temps plein. Signalons qu'on estime que l'intervention d'un groupe de trois personnes à temps plein pendant un mois équivaut au temps passé pendant un an par un responsable de l’établissement consacrant 2 heures par jour au sujet.

Méthodes de travail

La mission commence par la détermination d'un planning incluant des « dates-butoirs » et des objectifs. Une telle mission mal programmée et mal animée peut littéralement s’enliser.

Le travail se partage en allers et retours sur le terrain (observations, recueils de données), brèves réunions quotidiennes, séances d’analyse, notes d’étapes et synthèses partielles en réunion plénière associant le groupe et les responsables de l'entreprise. Le programme est ordonné autour d'une liste de thèmes, qui varient naturellement avec chaque cas. Cette approche obéit au souci d’exhaustivité ; elle permet les regroupements logiques nécessaires, des recoupements et vérifications, et évite les redondances.

À titre d’exemple, voici quelques-uns des thèmes retenus lors de récentes missions diagnostics :

— Thèmes généraux Le milieu naturel et les contraintes administratives / les données générales de l'établissement (effectifs, production, etc.) / les équipements de production / les aspects organisationnels / les pollutions accidentelles.

— Thèmes relatifs à l'eau Usages / quantités / coûts / les réseaux / les traitements.

— Thèmes relatifs aux matières Consommation et coûts / les circuits / les stocks / les rejets / les traitements.

DÉROULEMENT DE L’ÉTUDE

Ces principes méthodologiques se traduisent par l’enchaînement des cinq phases suivantes :

a) Définition des objectifs et programmation de l'étude. b) Recueil des données par thèmes : observations in situ, interviews, dépouillement des documents existants. c) Analyse en commun des informations recueillies. d) Diagnostic proprement dit : examen critique et jugement de valeur sur les phénomènes observés pour identifier les systèmes d’amélioration possibles. e) Mise au point des recommandations, classées en fonction de la simplicité ou de l’urgence de leur mise en œuvre ; il est à noter que les critères de classification ne sont pas toujours économiques : l’intérêt que présente une mesure n’est pas toujours chiffrable.

RÉSULTATS

Dans le cadre de son action sur les facteurs endogènes de l’entreprise, l’industriel peut espérer, au terme d'une telle mission diagnostic, d'une part réduire notablement ses consommations, d’autre part restreindre les quantités de rejets, en améliorer la qualité et, par là, mettre son établissement en conformité avec les exigences réglementaires.

L’ensemble des améliorations permises par un diagnostic pourra découler des mesures suivantes :

— diminuer la quantité d'eau consommée ; cela fait souvent appel à la logique du rinçage (dont la qualité n'est pas toujours liée à la quantité d’eau mise en œuvre mais aussi à l’efficacité et au rendement) ;

— changer de matières consommables ou diminuer les quantités utilisées ;

— changer le procédé lui-même ;

— diminuer les pointes de pollution, qui ne peuvent pas toujours être absorbées par les installations de traitement existantes, notamment par des mesures organisationnelles ;

— créer des réseaux séparatifs ou collecter séparativement des résidus liquides à la source.

Par ailleurs, le déroulement du diagnostic verra ses effets prolongés par :

— une sensibilisation de l'ensemble du personnel aux problèmes de l'utilisation de l'eau et des matières. L’expérience montre que cet effet apparemment secondaire peut modifier très favorablement le climat de l’entreprise sur ce sujet ;

— une mise à jour des connaissances, voire une formation des responsables concernés ;

— une création ou le développement d’outils permettant d’organiser durablement la centralisation et l’actualisation des informations relatives à l'utilisation des matières et de l'eau dans l’entreprise. Ces outils et indicateurs serviront également à faciliter le dialogue avec les administrations ;

— une mise en place des structures organisationnelles permettant la gestion optimale des ressources.

La méthode d’approche globale est éventuellement applicable à d'autres domaines que celui de l'eau et des matières (l’énergie notamment). Son originalité tient d’ailleurs moins aux éléments techniques qui la constituent qu’à leur synthèse, et, pour tout dire, à une attitude face à ce genre de problème, dont l’équipe de la SERI a eu l'occasion de tester l’efficacité au cours de plusieurs interventions.

D. Bernard – E. Pommeret – J.-F. Herouard

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