L’année 1990 a dramatiquement reproduit le cycle entamé dès 1988 (fort déficit pluviométrique, températures estivales très élevées), et ravivé la prise de conscience du caractère aléatoire de la ressource en eau et de sa fragilité : difficulté d’alimentation en eau potable, baisse des rendements agricoles, pollutions des étangs côtiers et des rivières.
Il est clair qu’un véritable enjeu se pose à tous : comment répondre aux exigences de gestion et de protection de la ressource et à la maîtrise des risques ?
Cette problématique, source de contraintes législatives, financières et techniques, est aussi un facteur de développement industriel, dans la mesure où elle implique la conception, la mise au point et la réalisation de produits innovants spécifiques, et dans ce cadre, la réutilisation des eaux résiduaires urbaines est un moyen à la fois quantitatif et qualitatif d’intervention sur la ressource en eau, ce qui explique le regain d’intérêt dont elle est l’objet, puisqu’elle permet à la fois d’accroître les ressources disponibles avec une eau de deuxième génération, utilisable pour l’irrigation (espaces verts individuels ou collectifs, agriculture…) et de réduire, voire supprimer, les nuisances liées au rejet des systèmes d’épuration conventionnels dans l’environnement des eaux de baignade, des zones conchylicoles, d’aquifères karstiques exploités… La conjonction de ces deux aspects devrait donc faire de cette réutilisation un élément important de la politique de gestion de l’eau, en particulier sur le littoral méditerranéen, mais l’absence de réglementation sanitaire spécifique a conduit à une situation quasi anarchique, entre « le laisser-faire incontrôlé » et « l’exigence extrême » (P. Boutin 1989), très pénalisante pour le développement de cette filière. L’économie, et donc la faisabilité, d’un projet de réutilisation d’eaux résiduaires sont, en effet, complètement dépendantes du niveau de qualité exigé en regard des usages envisagés.
Les approches multidisciplinaires menées ces dernières années ont toutefois conduit à d’importantes évolutions d’ordres sanitaire, technique et socio-économique ; ainsi, une série d’études engagées par la Banque mondiale s’est concrétisée par les rapports d’Engelberg (1985) et d’Adelboden (1987) aboutissant aux recommandations de l’OMS suivantes pour la réutilisation agricole des eaux usées :
- • moins de 1 œuf viable de nématode/l ;
- • moins de 1 000 coliformes fécaux/100 ml (moyenne géométrique).
Ces valeurs, connues maintenant de tous les experts intervenant sur ce sujet, peuvent être considérées comme ayant une portée générale. En France, un groupe de réflexion national mis en place par les ministères de la Santé et de l’Environnement devrait très prochainement confirmer ces chiffres comme base des normes françaises et proposer une grille critères/usages en fonction des modes d’utilisation des eaux recyclées. À l’échelle de l’Europe du Sud, où les États se sont engagés dans la même voie, la mise en place d’une réglementation va certainement avoir des conséquences très importantes, et l’on peut s’attendre à l’émergence de nombreux projets alors que l’on assiste déjà à des réalisations expérimentales ou démonstratives.
C’est dans cette perspective que, depuis plusieurs années, se sont positionnés industriels, bureaux d’étude et chercheurs en Languedoc-Roussillon dans le cadre du CRITT Verseau. Diverses expérimentations et opérations y sont actuellement menées, allant de l’assainissement collectif à l’individuel ; elles sont basées sur des techniques permettant le respect des normes sanitaires recommandées par l’OMS, c’est-à-dire l’infiltration-percolation sur sable ou sur matériaux synthétiques et le lagunage. D’autres actions, tel l’épandage d’eaux résiduaires en sortie de station conventionnelle sur pépinière forestière, sont également en cours.
Nous n’aborderons ici que l’aspect infiltration-percolation contrôlée sur matériaux homogènes en milieu non saturé.
Expérimentation et industrialisation des procédés d’infiltration-percolation
Le traitement
L’infiltration-percolation est un procédé d’épuration aérobie qui consiste à infiltrer des eaux usées préalablement décantées, à raison de quelques centaines de litres par mètre carré et par jour, à travers plusieurs mètres de sable rapporté ou de sol en place, non saturé. Issue de techniques entreprises dans les années 60 aux États-Unis, dont les réalisations de Flushing Meadows, Phoenix (Arizona) et Boulder (Colorado) sont les plus connues, l’épuration par infiltration-percolation au travers de massifs sableux se révèle être un procédé d’épuration à hautes performances physico-chimiques et sanitaires. Il s’agit maintenant d’une technique capable d’assurer une épuration de niveau « traitement tertiaire », à condition de respecter un certain nombre de règles lors de la conception, du dimensionnement et du fonctionnement des installations.
Les processus intervenant lors de l’épuration peuvent être décrits à partir de trois mécanismes fondamentaux :
- • la filtration mécanique retient l’essentiel des matières en suspension sur la plage d’infiltration ;
- • les flux infiltrés sont réglés de telle manière que, dans les pores des massifs filtrants, les eaux usées circulent en présence d’une phase gazeuse contenant l’oxygène nécessaire aux processus d’épuration (écoulement en milieu non saturé) : oxydation de la matière organique dissoute et de l’azote ;
- • les micro-organismes pathogènes sont filtrés, puis adsorbés dans la masse des massifs filtrants ; le développement d’une microfaune prédatrice peut contribuer à leur élimination.
Le sol, ou ses matériaux de substitution (du sable dans la plupart des cas), est à considérer comme un véritable réacteur biologique conditionnant les processus d’oxydation. La filtration lente ou percolation évite la
Tocal techniqueIRRIGATION
Mise en saturation des matériaux filtrants et maintien de façon permanente d’un milieu diphasique air/eau dans la porosité : l’écosystème qui s’y établit dispose ainsi des quantités d’oxygène qui lui sont nécessaires pour obtenir par oxydation un bon rendement épuratoire selon un fonctionnement que l’on peut résumer comme suit.
L’oxydation des matières organiques dissoutes et de l’azote consomme l’oxygène dans la phase gazeuse du massif de filtration. Plus l’effluent sera pollué organiquement, plus les besoins en oxygène pour son épuration seront importants. Si le renouvellement de la phase gazeuse des massifs filtrants est assuré, alors la technique est parfaitement efficace : les MES sont éliminées jusqu’à moins de 10 mg/l et l’azote apporté est transformé presque intégralement en nitrates. Bactériologiquement, les effluents traités s’avèrent être de très bonne qualité ; les teneurs résiduelles en coliformes thermotolérants sont comprises entre 10² et 10³ CF/100 ml. Si la condition du renouvellement en oxygène est satisfaite, alors les charges volumiques admissibles peuvent atteindre 0,50 m³/j.
D’après les essais effectués, le matériau le mieux adapté est un sable de diamètre voisin de 0,17 mm (D10) et bien classé. Une épaisseur métrique assure une bonne épuration physico-chimique, une hauteur de 1,50 m garantit une bonne qualité sanitaire, mais cette hauteur peut être réduite par l’usage de matériaux artificiels.
De la régulation des taux de saturation dans le milieu filtrant non saturé dépendent les vitesses de percolation et la continuité des flux d’oxygène.
À l’origine du procédé, les vitesses de percolation étaient limitées par le colmatage des couches de surface. L’augmentation de l’impédance d’entrée à l’infiltration limite les entrées d’eau disponibles pour la percolation. Le massif filtrant demeurait ainsi en phase de drainage non saturé. L’inconvénient de ce procédé est l’apparition rapide en surface d’une lame d’eau permanente limitant les apports convectifs et diffusifs d’oxygène. Beaucoup de stations de traitement d’infiltration-percolation conçues sur ce principe ont vu leur pérennité réduite par suite d’anoxie et colmatage par les matières organiques non dégradées qui occupent alors tout l’espace poral.
Depuis quelques années, la gestion des entrées d’eau à l’infiltration est réalisée grâce à une alimentation séquentielle par bâchées calculées en fonction des caractéristiques du matériau et du dimensionnement pour éviter de provoquer la saturation en milieu de percolation et empêcher l’apparition d’une lame d’eau permanente en surface. Des échanges d’oxygène avec l’atmosphère au travers de la surface d’infiltration sont alors possibles. Cette technique d’alimentation optimise les apports convectifs d’oxygène dans le milieu non saturé. L’arrivée du stock d’eau de chaque bâchée provoque une variation correspondante du volume d’eau présent dans le massif filtrant non saturé ; il s’ensuit, si la plage d’infiltration est redevenue libre, un départ convectif de l’air chargé en CO₂ de la phase gazeuse du massif (jusqu’à 8 %). Ensuite, le drainage après percolation de l’eau infiltrée diminue le volume d’eau dans le massif, ce qui provoque un appel d’air atmosphérique non chargé en CO₂. Il s’établit ainsi à chaque bâchée l’équivalent d’une respiration dans le milieu non saturé avec départ de CO₂ et apport d’O₂.
Théoriquement, l’effet de renouvellement d’air obtenu par ce mode de gestion correspond à 280 mg de DCO oxydée par litre d’eau infiltrée. Pour l’oxydation d’une DCO supérieure, il est alors nécessaire d’introduire de l’air supplémentaire dans la phase gazeuse, soit par diffusion interne, soit par ventilation forcée. Des expériences tentées en laboratoire ont démontré que, dans ces conditions, l’oxydation de DCO jusqu’à 1 g/l pouvait être envisagée.
Le colmatage des surfaces qui demeure toujours important à l’aval d’un simple décanteur, est géré par une alternance des surfaces d’infiltration. Après dessiccation, le film colmatant est ôté par nettoyage mécanique.
L’épuration bactériologique quant à elle, fait intervenir à la fois les caractéristiques physiques de l’écoulement en milieu poreux non saturé et les caractéristiques physico-chimiques et biologiques de l’écosystème installé dans le massif. L’élimination des micro-organismes pathogènes est d’autant meilleure que les vitesses de percolation sont faibles, que l’épaisseur des filtres est grande et que le caractère aérobie de l’écosystème est affirmé. On suppose que la microfaune y joue un rôle important. Toutes les expériences menées démontrent qu’une bonne épuration bactériologique est toujours concomitante d’une oxydation poussée avec nitrification quasi totale, une DCO totale après traitement < 50 mg/l et de la présence d’oxygène dissous. C’est essentiellement sur les rendements obtenus en matière sanitaire que l’infiltration-percolation se différencie des autres techniques qui restent trop inefficaces par rapport à ce critère d’épuration. Des abattements de 2 à 4 unités log sur les CF/100 ml sont constatés selon les caractéristiques de l’effluent d’entrée et le mode de gestion.
L’infiltration-percolation, séduisante a priori par sa rusticité de mise en œuvre et de fonctionnement, est devenue très attractive pour l’assainissement des petites et moyennes collectivités en raison de la réduction des surfaces de traitement qu’elle propose par rapport au bassin de lagunage — 1 m³/jour/habitant contre 10 m³/jour/habitant, et ce pour des prix de revient tout à fait équivalents.
Approches expérimentales et industrielles de l’infiltration-percolation à des fins de réutilisation des eaux résiduaires en Languedoc-Roussillon
À partir des recherches engagées au Laboratoire d’Hydrologie et de Modélisation de l’Université de Montpellier II, par l’équipe de F. Brissaud, plusieurs opérations pilotes ont été engagées et suivies :
- Bassins d’infiltration-percolation à la station d’assainissement de la Cereirede à Montpellier, avec réutilisation des eaux résiduaires traitées en maraîchage par irrigation localisée (opération Verseau/CNRS/USTL/entreprise Jeanjean/Burgeap, de 1985 à 1987, soutenue par l’ANVAR et le Ministère de l’Éducation Nationale).
- Bassins d’infiltration-percolation à la station de lagunage du Grau-du-Roi à des fins de réutilisation en arrosage d’espaces verts (opération SIVOM d’Aigues-Mortes/Verseau/USTL/Entreprise Jeanjean/BCEOM de 1988 à 1989, soutenue par l’Agence RMC, le Plan Urbain, le Ministère de la Recherche et les collectivités locales et territoriales).
Ces opérations consécutives, complétées par des recherches théoriques et expérimentales en laboratoire ont permis d’aboutir à une conception industrielle des installations. Le produit « Naturfiltre », marque déposée par l’entreprise Jeanjean, est un élément de traitement tertiaire, voire secondaire, d’une station d’épuration. Le traitement primaire et secondaire reste de type classique, quelle que soit la filière choisie : physico-chimique, biologique ou extensif (lagunage par exemple).
L’effluent ayant subi la première partie du traitement est envoyé dans une bâche de régulation. Une pompe asservie à un automate envoie à intervalle régulier l’effluent vers le bassin d’infiltration-percolation « Naturfiltre ». Ce dernier est constitué d’une paroi étanche circulaire dont la surface est fonction de la capacité de traitement de la station. Le fond est étanche et recouvert d’un massif drainant de graviers dans lequel sont noyés des drains permettant de collecter l’effluent traité et de le ramener vers la bâche centrale de reprise. Un massif de sable
[Schéma : Schéma de la filière « Naturfilter » pour épuration et réutilisation des eaux urbaines.]Le sable calibré remplit le reste du volume, sauf un puits central qui sert de bâche de reprise et d’arrivée des canalisations d’alimentation. Si la qualité de l’effluent le nécessite, une aération naturelle ou artificielle peut être installée dans le massif de sable.
La répartition de l’effluent sur la surface d’infiltration s’effectue par une rampe d’aspersion tournant autour d’un axe fixe. L’automate permet à la fois de gérer les surfaces mises en service et la régulation des aspersions dans le temps.
Un système de pompage permet de renvoyer les eaux traitées, soit vers une zone de stockage, soit directement vers la zone de réutilisation.
L’industrialisation du procédé s’est orientée vers une mise en œuvre simple à partir de matériaux légers. La réduction de la partie génie civil, notamment construction et étanchéification de digues, est restée un souci primordial.
Les solutions sont de trois ordres :
- gestion par automate programmable interactif : mise au point de l’automate par l’entreprise Redon Industrie dans le cadre Verseau ;
- apport régulier et séquentiel d’une lame d’eau : utilisation de matériel agricole approprié d’une grande fiabilité au niveau robustesse ;
- mise en place de parois étanches : utilisation de structures plastiques proposées par la société STGEO ; ces structures permettent une mise en place rapide par éléments, quelle que soit la taille du bassin, et peuvent également servir à l’aération du massif de sable. L’étanchéité du fond est assurée par une membrane de polyane.
Plusieurs installations de ce type doivent être mises en place en fin 1990 – courant 1991 : réutilisation à des fins d’irrigation d’un espace boisé ouvert au public et de protection d’une zone humide remarquable (étang de Vendres à l’embouchure de l’Aude), réutilisation à des fins d’irrigation d’une zone boisée (dans l’attente de la réalisation prévue d’un golf) et de protection d’un aquifère karstique (Ste Croix de Quintillargues, au nord de Montpellier), réutilisation des eaux du lagunage du Grau-du-Roi à des fins d’irrigation des espaces verts de Port Camargue.
Évolution de l’infiltration-percolation dans l’assainissement autonome compact
Les procédés d’assainissement autonome utilisant le sol ou ses substituts comme milieux d’épuration mis en œuvre actuellement et acceptés des autorités sanitaires sont des procédés extensifs. Ils réalisent une oxydation et/ou une infiltration à l’aval d’une filière de traitement. En général, derrière une fosse septique toutes eaux, on trouve un champ d’épandage dont les caractéristiques de remplissage et de dimensionnement sont adaptées à celles du sol, ou bien des filtres à sable verticaux ou horizontaux selon les habitudes régionales.
Les charges oxydables susceptibles d’être traitées au niveau des épandages souterrains sont limitées par des apports d’oxygène s’établissant presque exclusivement sous forme diffuse. Cette capacité maximale d’oxydation ramenée en lame d’eau issue d’une fosse septique correspond à un traitement de 5 à 6 cm/jour. Au-delà de cette valeur, le colmatage de l’épandage apparaît, car les matières organiques ne sont plus oxydées. Les surfaces de traitements sont donc importantes : 150 à 300 m² d’emprise pour une habitation de cinq personnes.
La répartition hydraulique des effluents sur la surface d’infiltration est très mauvaise, introduisant des surcharges localisées. L’abattement bactériologique, somme toute médiocre, 1 à 2 unités log en CF/100 ml, laisse à l’infiltration dans le sol le soin de compléter l’épuration. Un très large surdimensionnement et une répartition spatiale diffuse en font une technique extensive dont les résultats dans l’ensemble sont admis comme satisfaisants. Peu d’incidents de pollution sont à signaler par rapport au nombre d’installations en place, la pérennité est convenablement assurée.
C’est en raison du faible risque épidémiologique en l’état actuel que les multiples expériences de réduction de dimensionnement des assainissements autonomes individuels n’ont pu aboutir à une transcription réglementaire.
L’évolution technologique ne pouvant facilement se réaliser vers l’aval, la tentation était grande de procéder à une amélioration amont en essayant de réaliser un maximum d’oxydation des effluents avant infiltration ou rejet. Cette tendance a conduit vers les années 1975 à l’apparition sur le marché des micro-stations à boues activées. Après quatre années de suivi par les agences de bassin et les DDASS, il est apparu que les résultats ne pouvaient correspondre aux ambitions affichées par les promoteurs de cette nouvelle technique d’épuration. En effet, si une conformité aux normes pour la DBO5, la DCO et les MES pouvait être obtenue, l’oxydation totale de l’effluent n’était pas assurée (présence d’un important résidu ammoniacal), et surtout il y avait une absence totale des résultats sanitaires (comme dans les fosses septiques).
L’avis de diverses autorités sanitaires fut donc convergent : si ces nouveaux dispositifs d’épuration étaient intéressants malgré un certain nombre de défauts, leur mise en place devait en tout état de cause être complétée d’un dispositif réalisant l’oxydation totale des effluents et leur infiltration dans le sol. Cette prise de position réglementaire a ramené, de facto, les micro-stations d’épuration malgré leur avancée technologique, au rang de simple fosse septique, rendant du même coup leur attrait économique quasiment nul.
Après ce cuisant échec, c’est presque naturellement que l’infiltration-percolation, avec ses rendements sanitaires élevés, dès lors qu’elle apparaît sur le marché, attire l’attention pour une nouvelle amélioration aval des assainissements autonomes. Effectivement, l’infiltration-percolation se présente comme une technique complémentaire suppléant, dans le spectre des rendements épuratoires, aux défauts structurels des traitements par boues activées (tableau I).
Tableau I
Épuration : domaine de traitement couvert par les boues activées et l’infiltration-percolation (ordre de grandeur)
Types d’effluents | MES (mg/l) | DCO brute (mg/l) | DCO dissoute (mg/l) | NTK (mg/l) | NH4 (mg/l) | NO3 (mg/l) | CF 100/ml |
---|---|---|---|---|---|---|---|
Effluent brut | 150-300 | 300 | 100 | 50 | 40 | — | 10⁸ |
Boues activées | 80 | 200 | 120 | 70 | 60 | 20 | 10⁷ |
Infiltration-percolation | 2 | <30 | <30 | <1 | <2 | 60 | <10³ |
Filière « Microfilter ».
L’infiltration-percolation peut donc parfaitement terminer l’oxydation laissée incomplète par une station de boues activées dont les effluents comportent toujours de forts résidus ammoniacaux, et prendre entièrement à son compte l’épuration bactériologique pour laquelle les traitements à boues activées sont totalement inefficaces. Cependant, la simple mise bout à bout de ces deux techniques n’est pas suffisante pour obtenir un assainissement autonome compact à bon rendement sanitaire. L’étude des bilans d’oxygène montre que la simple gestion des flux d’oxygène convectif de l’infiltration-percolation n’est pas suffisante pour satisfaire la demande en DCO des effluents provenant d’une micro-station à boues activées.
L’épuration physico-chimique est fonction, rappelons-le, du rapport existant entre la demande en oxygène de l’effluent à traiter et le flux d’oxygène gazeux admis dans la masse filtrante. Compte tenu du type d’effluents et des charges journalières en assainissement autonome que l’infiltration-percolation compacte propose de traiter, les réserves en oxygène initialement présentes dans le milieu filtrant sont très rapidement consommées ; les performances épuratrices ne peuvent être maintenues que si l’oxygène est régulièrement renouvelé dans le milieu poreux. Les mécanismes capables de contribuer à ce renouvellement sont la diffusion moléculaire et la convection.
Nous avons vu précédemment que la fourniture d’oxygène par renouvellement convectif au cours des alimentations par bachées rencontre une limite située aux environs de 280 mg/l de DCO oxydable par litre d’eau infiltrée ; or la DCO à la sortie d’un traitement par boues activées se situe entre 300 et 450 mg/l, valeur bien au-delà de ce qui pourrait être satisfait par un simple apport convectif d’oxygène, ou tout au plus donnerait un procédé sans marge de sécurité, ce qui n’est pas acceptable au niveau d’un assainissement autonome ne faisant l’objet d’aucune surveillance technique. Un apport d’oxygène complémentaire est donc nécessaire, soit sous forme passive diffusive, soit sous forme active convective, pour que le massif filtrant non saturé puisse assurer en toute circonstance son rôle de réacteur oxydant. L’approvisionnement diffusif en oxygène suppose la présence au sein du massif filtrant de diffuseurs mettant en continuité l’air atmosphérique et la phase gazeuse du milieu poreux.
Le faible volume de matériaux filtrants nécessaires à la réalisation d’un assainissement autonome individuel rend facilement réalisables des dispositifs diffusifs passifs alors que leur confection à grande échelle oblitère, économiquement pour le moment, l’application des techniques relevant de l’infiltration-percolation à des effluents ayant des DCO supérieurs à 280 mg/l.
Une autre limite à des réalisations préfabriquées d’assainissement autonome est l’espace nécessaire à la surface filtrante : 1 m²/jour/habitant est une valeur élevée pour des dispositifs compacts. Pour réduire les surfaces de traitement, l’infiltration-percolation a dû subir une nouvelle évolution technologique amenant actuellement les surfaces nécessaires à 0,35 m²/jour/habitant. Ce résultat a pu être obtenu par remplacement du sable comme massif filtrant par des matériaux de substitution industriels. Malgré l’augmentation de la charge traitée, il semble bien que les propriétés spécifiques à ces matériaux améliorent encore les rendements épuratoires bactériologiques de l’infiltration-percolation. Ces matériaux se prêtent très bien à la mise en œuvre de procédés de fabrication industriels standardisés en particulier pour leur calibrage, ce qui est une meilleure garantie tant de la qualité que de la fiabilité et de la reproductibilité technique. Des remplissages de filtres avec des matériaux sableux seraient asservis aux contraintes du marché local et au sérieux des entreprises de pose.
Approche expérimentale et industrielle de l’infiltration-percolation dans l’assainissement autonome compact
Compte tenu de ces acquis, « Microfilter », filière complète de traitement, a été élaborée, testée et brevetée dans le cadre de Verseau en associant le CNRS, l’Université de Montpellier et l’entreprise Viennet (avec l’aide du Ministère de la Recherche et des collectivités territoriales) ; elle comporte :
- • une micro-station à boues activées de type classique, mais de bonne qualité ;
- • une réserve destinée à l’écrêtage des pointes de débits et régularisant la gestion des envois de bachées vers l’infiltration-percolation ;
- • une unité d’infiltration-percolation ;
- • une réserve de stockage et de reprise pour la régulation de l’irrigation ;
- • un système d’arrosage d’espaces verts par irrigation localisée ;
l’ensemble pouvant constituer des blocs séparés intégrables à la diversité de l’espace d’agrément, ou d’un seul ensemble monobloc à la manière d’une fosse septique toutes eaux.
Le suivi depuis un an et demi des performances de la filière dans des conditions réelles de fonctionnement (installation chez des particuliers) confirme les résultats envisagés (tableau 1). Il faut noter le niveau déjà élevé des rendements épuratoires obtenus en sortie de la micro-station à boues activées et acquis au prix d’un double étage de décantation, dont un décanteur annulaire. Les eaux reprises dans le décanteur secondaire ont donc en conséquence une charge en MES très faible, ce qui est un critère essentiel au bon fonctionnement de tout le dispositif car il conditionne un faible risque de colmatage de la surface filtrante à l’entrée de l’infiltration-percolation. Cette disposition technique, nécessaire à une bonne décantation, a forcément une conséquence en matière de coût économique.
Conclusion
Des réalisations opérationnelles de réutilisation agricole des eaux résiduaires fonctionnent en France depuis plusieurs années, en particulier dans certaines îles atlantiques et méditerranéennes où l’absence de ressources en eau locales nécessitait la sollicitation de pratiques originales.
L’évolution de la réglementation, qui devrait permettre d’établir des contraintes moins restrictives et plus réalistes, l’augmentation de la demande potentielle en eau, aussi bien au niveau des espaces de loisirs (jardins, golfs…) que de l’agriculture face aux déficits pluviométriques sévères observés ces dernières années sont des éléments décisifs pour le développement des technologies de réutilisation des eaux résiduaires et de leur application.
Les chercheurs, ingénieurs et professionnels du littoral français méditerranéen, directement concernés par cette problématique, disposent maintenant de techniques d’épuration complémentaires aptes à répondre à cet enjeu.