L'application des progrès des technologies électroniques à la protection cathodique interne rend économiquement applicables, en série, des techniques de protection qui auparavant restaient à l'état de prototype de laboratoire.
I. — PROBLÈMES PARTICULIERS À LA PROTECTION CATHODIQUE INTERNE
Du fait qu'elle s'applique à un milieu liquide dont les concentrations en ions et en éléments agressifs peuvent varier rapidement, dont les vitesses à la paroi peuvent varier également, les densités de courant à appliquer en protection cathodique interne varient dans de grandes proportions sur une installation donnée.
En plus, s'agissant de protection interne, il est rarement possible d'accepter un état prolongé de sur-protection caractérisée, car celle-ci s'accompagne de formation de gaz, hydrogène et oxygène, dont la production en quantité dans une même enceinte est éminemment déconseillée ! Dans d'autres cas, il est indispensable, pour ménager le revêtement de surface, de limiter la protection cathodique appliquée.
Pour ces raisons la protection cathodique interne à densité de courant constante est surtout appliquée lorsque les conditions de dépolarisation sont stables.
Dans le cas contraire, il faut « piloter » le courant de protection au moyen du potentiel de surface (Baeckmann Schwenk, Handbuch des Kathodischen Korrosionschutzes, chapitre 2, paragraphe 5).
Cette solution exige d'une part un capteur mesurant le saut de potentiel (Vp) entre la surface à protéger et le liquide ; d'autre part, un générateur de courant continu asservi à la ddp ci-dessus et réalisant la valeur fixée (fig. 1).
[Figure : Schéma de principe d'une protection cathodique pilotée.]La mise en œuvre de telles unités de protection était jusqu'à présent coûteuse, tant en raison du prix de revient du matériel que de la nécessité d'entretenir l'électrode de référence constituant le capteur.
En appliquant des technologies électroniques récentes mais devenues d'usage courant, des solutions simples et fiables ont été apportées au problème du capteur et de l'asservissement.
II. — CAPTEUR
2.1. — Électrodes de référence
Nous utilisons le système d'argent chloruré/liquide comme électrode de référence. Toutefois ces électrodes sont peu stables et s'usent rapidement lorsque le liquide est pauvre en Cl— et circule à vitesse élevée. Par ailleurs, les électrodes qui placent la surface argent-chlorure dans un milieu électrolyte de jonction contenant une concentration élevée en Cl— sont stables, mais l'électrolyte de jonction doit être renouvelé.
Argent chloruré
Nous avons utilisé une combinaison de deux situations (Brevet PROCAL) enfermant une surface d’argent chloruré dans un électrolyte immobile saturé de chlorure d'argent au moyen d’AgCl solide. L'électrolyte est en contact avec le liquide à étudier par de petits canaux.
Le système est très stable vis-à-vis des variations de vitesse et de composition du milieu.
Il est sensible aux variations de concentration en Cl⁻, mais les variations observées sont en général non gênantes pour la commande de protection cathodique. Elles sont en effet inférieures à ± 50 mV, sauf si, dans une même installation, on passait d’eau déminéralisée à de l'eau de mer.
En raison des faibles concentrations d’ions impliqués dans le système électrochimique de référence, une telle électrode doit être le siège de courants inférieurs au nano-ampère/cm², donc utilisée avec un circuit de mesure d'impédance supérieure à 10¹⁰ ohms.
Un tel amplificateur de mesure peut être réalisé de manière particulièrement simple et peu coûteuse en utilisant un amplificateur opérationnel avec étage d'entrée à transistors à effet de champ. Ce type d'amplificateur présente une impédance d’entrée très importante en boucle ouverte. Cette impédance d'entrée peut encore être fortement augmentée en utilisant un montage suiveur. Elle sera alors multipliée par le gain en boucle ouverte de l'amplificateur, ce qui peut conduire à des valeurs supérieures à 10¹² ohms qui conviennent parfaitement pour notre application.
2.2. Correction de la chute ohmique
La différence de potentiel entre l'électrode de mesure d'interface et la paroi à protéger comporte deux termes dont l'un, le potentiel d’interface, est un décalage fixe et le second, la chute de tension ohmique due au traitement, est variable. Cette chute de tension ΔV dépendra du courant qui circule, de la résistivité de l'eau ainsi que de la position de l'électrode de mesure.
Plusieurs moyens ont été envisagés pour la compenser ; en particulier la mesure du potentiel de paroi après coupure du courant ou l’utilisation de plusieurs électrodes.
Celui que nous proposons est beaucoup plus simple. En effet, si nous nous plaçons dans le cas où l'électrode est suffisamment proche de la paroi, la correction à apporter est très faible (inférieure à 10 %) et une estimation même très approximative de celle-ci est suffisante. Remarquons pour cela que ΔV est proportionnelle à la tension totale appliquée à l'anode, corrigée des sauts de tension à l'anode Va et à la paroi Vp : ΔV = k (V − Va − Vp), la constante de proportionnalité k étant déterminée d’après la géométrie du système. Si nous prenons pour exemple un récipient cylindrique avec électrode axiale, la courbe de variation de potentiel en fonction de la distance à l'anode montre que, pour une électrode placée à mi-distance entre paroi et anode, le coefficient à appliquer est k = 0,1.
La valeur de k pourra également être obtenue très facilement par simulation rhéographique et relevé de la courbe V = f (d) même pour des systèmes très complexes.
Le circuit de correction est représenté sur la figure 5 et fait intervenir la tension d'anode ainsi qu'une valeur moyenne de Va + Vp que l'on fixe à environ 2,5 volts. Remarquons ici que l'erreur introduite par cette approximation sera d’autant plus faible que la résistivité de l'eau sera grande.
En pratique, cette opération est réalisée très simplement par sommation directe des différents termes sur l’amplificateur de comparaison de la régulation.
Pour des raisons de précision de la compensation et de fiabilité de la régulation, il ne faut pas que la correction devienne trop importante. Il est important de fixer la position de l’électrode de mesure de manière à ce que la valeur du coefficient k ne dépasse pas 0,1.
III. — COMMANDE DU COURANT INJECTÉ
3.1. — Régulation et surveillance
Le principe de la régulation est donné par le schéma classique de la figure 6.
Elle comporte le circuit de mesure et de correction dont nous venons de donner le détail, un régulateur réalisé de manière à obtenir un bon comportement dynamique et une bonne précision du système (il sera du type Proportionnel Intégral) et un circuit de puissance qui sera décrit plus loin. Pour améliorer la fiabilité et la sécurité de ce système, il a été ajouté également des dispositifs de surveillance et de sécurité évitant en particulier tout sur-traitement et formation d’un excès d’hydrogène.
Pour cela, en plus des circuits classiques permettant une limitation réglable de la tension et du courant sur l’alimentation de puissance, nous avons introduit des tests d’électrode et de régulation. L’électrode est testée en surveillant la valeur mesurée qui ne doit pas dépasser certaines limites. Son ouverture ou court-circuit est détectée et entraîne l’allumage d’un voyant ainsi que l’arrêt du traitement.
Toutes les autres pannes pouvant survenir sur le système : coupure ou court-circuit de l’anode, défectuosité du circuit de puissance, insuffisance de tension ou de courant, sont mises en évidence en surveillant le signal d’erreur de la régulation. Si, pour une raison quelconque, celui-ci devient trop grand, un voyant « HORS RÉGULATION » indique à l’opérateur le mauvais fonctionnement du système.
3.2. — Circuit de puissance
C’est dans la réalisation de la commande de puissance que les progrès récents apportent des avantages importants. Le circuit de puissance doit en effet répondre à des critères contradictoires :
- — fonctionner dans une gamme très étendue de tensions et de courants ;
- — donner un taux d’ondulation faible sur la sortie ;
- — avoir un bon rendement (dissipation faible) ;
- — avoir un prix de revient intéressant et une bonne fiabilité.
La solution la mieux adaptée à ces différentes contraintes est celle du découpage haute fréquence. Cette technique consiste à découper la tension non régulée en un signal rectangulaire haute fréquence que l’on redresse ensuite.
Le schéma de base d’une telle alimentation est donné par la figure 7. L’interrupteur est constitué par un transistor à commutation rapide. La diode D, dite de « roue libre », assure le lissage de la tension de sortie en permettant au courant de circuler lorsque l’interrupteur est ouvert. La puissance de sortie est modulée en faisant varier le rapport cyclique du découpage.
Si l’on choisit des fréquences de fonctionnement de l’ordre de 30 kHz, le lissage sera excellent avec des valeurs faibles de la self et de la capacité.
capacité devra néanmoins avoir une faible résistance interne de manière à éliminer les résidus du signal de découpage. La commande est réalisée à l'aide d'un circuit intégré qui regroupe toutes les fonctions nécessaires, y compris des boucles de régulation en tension et en courant.
Ce type d’étage de puissance se prêterait également très bien aux applications avec mesure par coupure, car il possède un temps de réponse très court.
CONCLUSION
Nous avons montré que les technologies récentes apportent des progrès importants. Ceci est particulièrement évident au niveau de l'étage de puissance. L'alimentation à découpage présente en effet sur les systèmes à thyristors l'avantage de produire moins de parasites et de fournir un taux d’ondulation beaucoup plus faible pour des gammes de tension de sortie plus étendues.
Par rapport aux systèmes linéaires à transistors, la dissipation d'énergie inutilisée est beaucoup plus faible, lui permettant de s'adapter à tous les cas de fonctionnement sans modification du circuit.
Les circuits de sécurité indispensables en protection cathodique avec électrode de référence se montrent parfaitement efficaces et permettent de réduire le nombre de visites de contrôle.
Le choix de la méthode de mesure du potentiel à la paroi reste néanmoins ouvert. Nous avons choisi ici la compensation de chute ohmique de préférence à la coupure du courant pour différentes raisons :
— les deux méthodes ne constituent que des approximations du potentiel réel d'interface. En effet, le potentiel après coupure dépend des conditions de polarisation et n'est pas en pratique une mesure absolue. — la réalisation pratique d'une compensation proportionnelle à la chute ohmique totale est très simple et fiable grâce à l'utilisation de circuits opérationnels. — la méthode choisie évite toute variation brutale de densité de courant au niveau de l'anode, autorisant alors des densités de courant plus élevées et une économie de dimension des anodes.
La méthode par compensation de chute ohmique exige que l'électrode de mesure soit placée plus près de la paroi que de l'anode. Dans ces conditions, elle ne rend compte que d'une partie limitée de la surface cathodique et son emplacement devra être judicieusement choisi.
Ceci est une contrainte, mais n'est pas forcément un désavantage par rapport à l'emploi éventuel d'une électrode de référence centrale qui fournit une moyenne pondérée de l'ensemble de la surface cathodique mais qui peut ignorer un défaut de protection localisé.