Il s'agit tout d'abord de l'étude des incrustations se formant sur les parois des réservoirs d'eau potable et leur contenance en micro-organismes. Il est ensuite question de produits chimiques utilisables pour l’élimination de telles incrustations et finalement est décrit un produit breveté d'origine allemande, déjà d’usage étendu à l’étranger et plus récemment en Belgique, et qui réunit toutes les particularités requises et dont l’action désinfectante a été étudiée en laboratoire.
INTRODUCTION
Dans les réservoirs d'eau potable, surviennent toujours après une période plus ou moins longue, des sédiments contre les parois et ce, même lorsque l'eau présente un indice positif de chlore.
Leur aspect peut être floconneux, spongieux, granuleux ou colloïdal, et leur couleur, relativement sombre, peut être brune, rouge-noire ou même orange, selon leur origine.
Lorsque les sédiments sont du type colloïdal, ils peuvent donner un aspect trouble à l'eau et même la colorer. Lorsqu'ils sont spongieux ou floconneux, l'eau restera limpide.
ORIGINE DES SÉDIMENTS
Les sédiments se forment à partir de trois causes distinctes.
1. Origine chimique.
La composition chimique de l'eau est ici, bien entendu, prépondérante, mais la ventilation du réservoir, les fluctuations du niveau de celui-ci, l’existence de filtres à l’intérieur, etc., sont également particulièrement importantes. Tout ceci se traduit par la formation de carbonates et sulfates de calcium, principalement de carbonates et oxydes de fer, de manganèse et autres métaux, de silicates, etc.
Des sulfures peuvent également se former par la réduction des sulfates ainsi que des dépôts noirs, lorsque le fer est en contact avec des tannins.
2. Origine biologique.
Les sédiments biologiques sont formés par des algues, des champignons et des bactéries d'origine soit aérobie ou anaérobie.
L'influence des matières organiques sur les bactéries, c'est-à-dire sur leur auto et/ou hétérotrophie n'est pas bien déterminée. En général, leur demande
en azote est couverte par les produits azoteux existants, même dans les eaux épurées, et est favorisée par les nitrates et nitrites.
3. Origine mixte.
Enfin, nous avons appelé mixtes, des sédiments ayant pour origine des réactions chimiques comme conséquence ou en relation avec le métabolisme de micro-organismes. Le métabolisme, à son tour, est catalysé par la présence de certains ions métalliques dans l’eau.
C’est ainsi que se forment les incrustations et protubérances d’oxydes et sulfures de fer et manganèse, et les hydroxydes métalliques qui précipitent par la réaction alcaline qui se produit dans certains processus enzymatiques.
Plusieurs de ces réactions ont un caractère réducteur et provoquent une consommation de chlore, ce qui favorise encore plus le développement de micro-organismes.
PROCESSUS BIOCHIMIQUES DE FORMATION DES SÉDIMENTS
Les micro-organismes présents dans l’eau ont fait l’objet de multiples études. En Espagne, PERRAMON (1) et PERRAMON ET POU (2) ont publié des ouvrages fort complets parvenant à décrire plus de 70 espèces différentes.
Nous ne prétendons pas tenir un exposé sur un thème déjà fort bien étudié, mais allons seulement reprendre quelques points caractéristiques.
En général, il s’agit presque uniquement de bactéries Gram négatif et principalement de bactéries filamenteuses vibrines et spires et en petite proportion de coques. Celles-ci présentent toujours une tendance à l’agglutination avec formation de masses plus ou moins compactes, gélatineuses ou filamenteuses, ayant des propriétés de forte adhérence faisant qu’elles se fixent fortement aux parois de réservoirs. C’est dans cette matière mucilagineuse que s’incrustent les précipités métalliques formés.
En général, il y a une grande prédominance de ferrobactéries et sulfobactéries lesquelles ne nécessitent absolument pas que l’eau ait une contenance élevée en fer ; il se peut que leur pouvoir accumulateur leur permette de se développer en eaux pauvres en fer.
Selon ELLIS, cette affinité pour le fer ou le manganèse ou pour les deux, n’est pas une fonction physiologique. Les métaux agissent comme simples facteurs de croissance et l’on discute encore pour savoir si la condition d’existence dont dépendent ces bactéries ne vient pas de l’oxydation des métaux.
Il est curieux de voir la résistance qu’elles vont acquérir face à un milieu défavorable, il se peut que les mucilagineux, capsules, spores, zooglées qu’elles forment les maintiennent hors du contact et protégées du milieu ambiant, ce qui rend plus difficile leur élimination et rend possible leur développement, même en présence de concentration de chlore détectable.
La température de l’eau est également très importante. Les ferrobactéries, par exemple, se développent de préférence à des températures relativement basses, 15° étant une condition optimum.
ÉLIMINATION DES SÉDIMENTS
1. Procédé mécanique.
Comme il s’agit souvent de précipités adhérant fortement aux parois des réservoirs, les procédés mécaniques de nettoyage arrivent difficilement à détacher ces incrustations. Ainsi donc, le nettoyage mécanique parvient seulement à éliminer la couche superficielle mucilagineuse, laissant adhérer toutes les incrustations formées par des carbonates, sulfates, oxydes et silicates où se nichent les bactéries et les champignons prêts à se développer.
2. Procédé chimique.
Afin d'éliminer entièrement les incrustations, l'on a recours à des procédés chimiques, mais l'utilisation de produits chimiques a donné lieu à toute une série d'inconvénients que ceux-ci entraînent.
2.1. Corrosion.
L’on a essayé une série d'acides en solution plus ou moins concentrée. Plusieurs d'entre eux sont capables de dissoudre les incrustations ; ainsi les acides chlorhydrique, nitrique, citrique peuvent avoir une action efficace, mais leur propriété corrosive les rend peu pratiques.
2.2. Forme et disposition des surfaces à nettoyer.
Il est relativement aisé de nettoyer les fonds des réservoirs puisque le produit chimique que l'on utilisera, une fois étendu, se maintiendra pratiquement aussi longtemps que nécessaire. Toutefois, les fonds de réservoirs présentent rarement des incrustations fortes du fait qu'ils sont rarement en contact direct avec l'air et les courants formés par celui-ci. Les réservoirs restent rarement à sec. Sur les parois, par contre, le produit que l'on applique a tendance à couler, limitant son action à quelques brèves secondes.
Le problème est encore plus aigu lorsque le réservoir contient des colonnes, voûtes, etc.
2.3. La nature des sédiments.
Les incrustations et sédiments sont souvent de caractère colloïdal et produisent une pellicule tellement compacte qu’ils laissent difficilement pénétrer les produits lui permettant d'attaquer les couches plus profondes.
2.4. Durée de l'opération.
Normalement, on ne peut disposer d'un temps illimité pour garder hors service un réservoir et, au contraire, l'on essaiera de rendre l'opération de nettoyage aussi courte que possible afin de disposer rapidement à nouveau d'un réservoir en ordre de fonctionnement.
2.5. Désinfection.
Il est souhaitable que le produit de nettoyage serve également à la désinfection du réservoir, évitant l'opération subséquente de traitement à l'hypochlorite, permanganate ou autre produit désinfectant.
3. Propriétés devant être réunies pour un produit de nettoyage.
Il faut un produit réunissant les caractéristiques suivantes :
- a) pouvoir dissolvant vis-à-vis des incrustations ;
- b) ne pas présenter une action corrosive, ni sur le ciment, ni sur les différents accessoires présents dans le réservoir d'eau ;
- c) adhérence aux parois verticales, afin qu'il s'écoule lentement et que son action soit prolongée ;
- d) avoir une action suffisamment pénétrante pour agir en profondeur à travers toute la couche de sédiments ;
- e) avoir une action aussi rapide que possible ;
- f) ne pas être toxique.
Il n'est point aisé de réunir en un seul produit cet ensemble de qualités.
4. Procédé actuellement utilisé dans les pays du Marché commun, l'Autriche et la Suisse.
Déjà en 1961, Hagen FELDMANN (3) brevetait en Allemagne un produit ayant de telles propriétés. Postérieurement, profitant des avances de la chimie, le produit fut l'objet de multiples améliorations et, par un nouveau brevet (4), H. FELDMANN lançait une préparation qui, en une seule opération et en 10 minutes seulement, obtenait l'élimination de tous les sédiments et rendait les parois des réservoirs entièrement propres et désinfectées.
Ce procédé de nettoyage, comme dans la majeure partie des pays du Marché commun, Autriche et Suisse, commence à être utilisé en Espagne et en Belgique.
Son pouvoir nettoyant est très facile à constater, même pour le profane ; son action désinfectante a fait l'objet d'études dans divers laboratoires allemands où ont été effectués de multiples essais qui démontrent clairement son efficacité.
Ainsi, les qualités bactéricides ont été étudiées par BOHM (5), ainsi que dans le laboratoire d'Investigations Bactériologiques de Munich par FREYTAG (6) qui, sur des cultures de staphylocoques aureus premoliticus, Escherichia coli et B. subtilis démontrèrent que aussi bien le produit.
pur qu’en dilution à 1/3 élimine en cinq minutes aussi bien les staphylocoques que le coli.
Le Subtilis nécessite plus de dix minutes pour être détruit avec le produit utilisé pur et plus de trente minutes, lorsqu’il est dilué. Les résultats sont exprimés au tableau 1.
Plus récemment (mars 1973) le même FREYTAG (7) a étudié les effets du produit amélioré selon le dernier brevet de FELDMANN (8). Le produit est actif face au B. subtilis même à des dilutions de 1 % et agit également sur le Candida albicans à des dilutions normales d'utilisation. Les résultats sont exposés au tableau 2.
L’on a également vérifié l’effet que les résidus de son emploi peuvent avoir sur la pollution fluviale. ROTT, du Laboratoire Central pour la Protection de l'Eau du Canton de Saint-Gall (Suisse) (9) a fait l'étude du test de respiration de Warburg comme contrôle de la biodégradabilité et le test sur poissons (truites) pour vérifier les effets sur la pollution des rivières. Les résultats sont exprimés aux tableaux 3 et 4.
TABLEAU 1
1. Destruction de germes en suspension avec HERLI RAPID TW non dilué.
Culture testée | Durée de l'action | Contrôle non traité | |||
---|---|---|---|---|---|
5 mn | 10 mn | 30 mn | 60 mn | ||
Staphylococcus aureus | — | — | — | — | + |
Escherichia coli | — | — | — | — | + |
B. subtilis | + | + | — | — | + |
2. Destruction de germes en suspension avec HERLI RAPID TW dilué à 1/3.
Culture testée | Durée de l'action | Contrôle non traité | |||
---|---|---|---|---|---|
5 mn | 10 mn | 30 mn | 60 mn | ||
Staphylococcus aureus | — | — | — | — | + |
Escherichia coli | — | — | — | — | + |
B. subtilis | + | + | + | — | + |
+ Il y a développement de micro-organismes. — Élimination de micro-organismes.
TABLEAU 2
Effet bactéricide du HERLI RAPID TW + FCM 1
Solution | Culture | Durée de l'action | Contrôle | ||||
---|---|---|---|---|---|---|---|
5 mn | 10 mn | 30 mn | 60 mn | 120 mn | |||
Produit original | S. aureus H | — | — | — | — | — | + |
E. coli | — | — | — | — | — | + | |
B. subtilis | — | — | — | — | — | + | |
C. albicans | — | — | — | — | — | + | |
Dilué à 10 % | S. aureus H | + | — | — | — | — | + |
E. coli | — | — | — | — | — | + | |
B. subtilis | — | — | — | — | — | + | |
C. albicans | + | + | + | + | — | + | |
Dilué à 2 % | S. aureus H | + | + | — | — | — | + |
E. coli | — | — | — | — | — | + | |
B. subtilis | — | — | — | — | — | + | |
C. albicans | + | + | + | + | + | + | |
Dilué à 1 % | S. aureus H | + | + | — | — | — | + |
E. coli | + | + | — | — | — | + | |
B. subtilis | — | — | — | — | — | + | |
C. albicans | + | + | + | + | + |
+ Il y a développement des micro-organismes. — Élimination des micro-organismes.
TABLEAU 3
Test de Warburg
a) Solution : HERLI RAPID TW neutralisé avec solution de NaOH. Test direct : forte inhibition respiratoire (toxicité due à l'effet salin ?). Dilution 1/10 : biodégradable. Dilution 1/100 : biodégradable. Dilution 1/1 000 : biodégradable.
b) Solution : 7 litres de HERLI RAPID TW neutralisés avec Na₂CO₃. Dilution 1/10 : début de forte inhibition respiratoire (due à l'effet salin ?). Dilution 1/25 : début de forte inhibition respiratoire. Dilution 1/50 : biodégradable. Dilution 1/75 : biodégradable. Dilution 1/100 : biodégradable.
TABLEAU 4
Test sur poisson
Contenu de l’aquarium ............. | 5 000 litres. |
Température .... | 10° (thermostat). |
Solution ......... | HERLI RAPID TW neutralisé avec NaOH. |
Aération ......... | oui. |
Liquide direct .... | les poissons meurent en 5 mn. |
Solution 1/5...... | les poissons meurent en 5 mn. |
Solution 1/50..... | les poissons meurent en 5 mn. |
Solution 1/100.... | les poissons meurent en 5 mn. |
Solution 1/1 000.. | après 60 minutes les poissons accusent des affections respiratoires, foncent quelque peu et nagent inclinés. Après 17 h ils ont récupéré leurs facultés et après 24 h se maintiennent normalement. |
1/500 ............ | après 2 h quelque trouble de coloration et respiration. Normal après 24 h. |
1/10 000 ......... | en 24 h l'on n'observe aucune anomalie. |
1/50 000 ......... | en 24 h l'on n'observe aucune anomalie. |
En résumé, nous pouvons affirmer que pour le nettoyage et la désinfection de réservoirs d'eau potable, l’on dispose maintenant d'un produit efficace, biodégradable et non polluant.
BIBLIOGRAPHIE
(1) J. PERRAMON. — Aqua n° 5 189.229 (1969) et IVᵉ Colloque sur l'Eau. Madrid 1971. 75-109.
(2) J. PERRAMON et R. POU. — IVᵉ Colloque sur l'Eau. Madrid 1971. 111-135.
(3) H. FELDMANN. — Brevet Allemand 1.192.540 (26.8.61).
(4) H. FELDMANN. — Brevet Allemand 1.542.1.3.6 (30.10.66).
(5) L. BOHN. — Laboratoire de Recherches Chimiques. Munich (7.6.63).
(6) FREYTAG. — Staatl. Bakt Untersuchungs. Anstalt. München (6.7.70).
(7) FREYTAG. — Ibid (193.1973).
(8) H. FELDMANN. — Brevet Allemand 2.040.546 (18.8.70). Brevet espagnol en demande en 1973.
(9) R. OTT. — Amt Für Gewässerschutz Kanton St Gallen (1.3.1973).