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Nouveau procédé de déshydratation des boues de stations d'épuration

30 avril 1982 Paru dans le N°64 à la page 21 ( mots)

LE PROCÉDÉ CARBOSED

Dr LAUER, BASF.

A. JOOS, Cie Fr BASF.

INTRODUCTION

Pour faire face à l'accroissement inéluctable des besoins d'assainissement et d'épuration de nos temps modernes, les premiers efforts ont porté d'abord sur le traitement des eaux, afin de dépolluer les effluents urbains et industriels et de satisfaire aux normes de rejets toujours plus contraignantes destinées à soulager notre milieu naturel. La déshydratation des boues, qui apparaissait comme l'ultime maillon de la chaîne de traitement, était souvent très simple puisque dans la plupart des cas on avait recours aux lits de séchage. Depuis une vingtaine d’années et surtout de nos jours, le traitement des boues occupe une place prépondérante dans l'épuration et devient le souci majeur des traiteurs d'eau : ceci est dû à l’augmentation importante du nombre de nos stations et surtout à l'accroissement de leur taille. Divers matériels ont été mis au point ou perfectionnés ; ce furent principalement les filtres sous vide puis les centrifugeuses, les filtres à bandes et les filtres-presses. Mais ces systèmes, bien que très utiles, ne permettent avec les moyens actuels de satisfaire qu'imparfaitement ce qui devient la grande question de l'épuration moderne : que faire des boues ? Or les solutions proposées (décharge, agriculture, incinération) se heurtent souvent à des obstacles ou à des interdits insurmontables.

En effet, les fortes teneurs en métaux lourds interdisent l'utilisation agricole ; l'épandage liquide n'est pas souvent accepté, les unités de compostage sont peu fréquentes et ne concernent pas les grandes stations. Les décharges elles-mêmes coûtent cher ; dans certaines régions elles sont rares ou demandent des taux de siccité trop élevés. Reste l’incinération, seule réponse actuelle au problème de l'élimination des boues des grosses stations d'épuration, mais cette solution est très onéreuse et délicate. Les responsables de l'usine d’épuration de BASF à Ludwigshafen en Allemagne, confrontés à des problèmes de ce type, ont mis au point le procédé que nous allons exposer, solution destinée à faire mieux fonctionner et à rentabiliser les installations.

STATION D'ÉPURATION DE BASF à Ludwigshafen

Cette unité est la plus grande d'Europe en effluents industriels : sa capacité est de 6,3 millions d’éq/hab et elle est capable d’accepter un débit de 600 000 m³ et une charge de DBO₅ de 350 tonnes par jour.

Les effluents sont traités suivant le principe des boues activées par 10 bassins d’aération à turbines de surface, puis décantés et épaissis. Le rendement d'épuration permet un abattement de 96 % sur la DBO et la production de boue atteint 260 tonnes par jour exprimée en MS.

Les boues épaissies, concentrées à 45 g/l, sont déshydratées sur filtres-presses avec les réactifs suivants : chaux, sulfate ferrique et retour de cendres. Elles sont brûlées ensuite dans 3 fours à ...

[Photo : L'unité de déshydratation et d'incinération des boues de la station d’épuration commune à l’usine BASF et à la ville de Ludwigshafen.]

lits fluidisés. Cette incinération a jusqu'à présent posé nombre de problèmes : l'adjonction de réactifs non combustibles en quantité importante abaissait le pouvoir calorifique des boues ; de plus, les fours ne pouvaient traiter la totalité de la production et une grande partie des boues devait partir en décharge. Enfin, les coûts inhérents au fonctionnement de l'installation (consommation de fuel) devenaient astronomiques.

PROCÉDÉ CARBOSED

Les idées qui ont abouti à ce procédé visaient au départ un meilleur rendement de la déshydratation par une plus grande filtrabilité des boues et l'obtention d'un produit capable d'autocombustion ne nécessitant qu'une très faible consommation de fuel. Pour ce faire, il fallait remplacer la chaux et les sels de fer par d'autres réactifs et adjuvants qui favoriseraient à la fois la filtration et l'incinération. Comme réactif, on a bien sûr fait appel aux floculants organiques de synthèse (type ester-acrylique) et, comme adjuvants, après avoir pensé à la sciure, c'est finalement le charbon qui a été retenu, pour des raisons techniques et économiques.

REPRODUCTION DES PHÉNOMÈNES DE DÉSHYDRATATION SUR MACHINE AU NIVEAU DU LABORATOIRE

Par l'utilisation d'appareils simples on peut reproduire au laboratoire les phénomènes qui se réalisent au niveau d'un filtrage industriel.

a) Essai d'égouttage.

Dans un bécher contenant la boue à traiter, on verse le floculant dilué et on agite le mélange pendant une vingtaine de secondes.

La boue floculée est versée dans un Büchner dont le fond est garni d'une toile filtrante du type de celles équipant les machines (filtres-presses ou à bandes presseuses).

On note les quantités de filtrats recueillies au bout de 1, 2, 5 et 10 mn (voir courbe 1).

[Photo : Courbe 1]

b) Essai de pressage.

Pour reproduire ce qui se passe au niveau d'un filtre-presse ou à bandes presseuses, on a recours à une presse de laboratoire à piston.

On applique des pressions variables jusqu'à 10 bars et ce avec des durées de pressage également variables.

On mesure ensuite la siccité du gâteau obtenu que l'on porte sur les courbes 2.

[Photo : Courbe 2]

Par cette méthode on peut donc à la fois déterminer :

  • — le ou les produits à sélectionner pour le conditionnement de la boue,
  • — leur dosage optimal,
  • — la pression ou le temps d'égouttage qui permettent d'obtenir une siccité donnée,
  • — la façon dont le gâteau colle à la toile ou non.

On s'est aperçu ainsi que l'emploi de floculant devait améliorer considérablement les résultats sur filtres-presses (voir courbes 2).

Il restait à déterminer comment mettre en œuvre dans la pratique le conditionnement et l'égouttage avant passage dans le filtre-presse et sélectionner le support de filtration appelé à remplacer la chaux.

MISE EN ŒUVRE DU PROCÉDÉ EN VRAIE GRANDEUR

On distinguera donc trois phases essentielles, chacune faisant l'objet d'une mise au point spécifique précise :

  • — conditionnement de la boue,
  • — égouttage de la boue,
  • — passage en pression.

a) Conditionnement.

Après de nombreuses recherches, il ressort que l'appareil le plus adapté est un réacteur-floculateur vertical de forme cylindrique et muni d’un agitateur de forme hélicoïdale. Il a pour tâche de rendre la flocculation de la boue optimale avant l'égouttage.

L'agitateur est entraîné par un moteur à vitesse variable car, ainsi que le montre la courbe 3, la vitesse d’agitation a une influence sur la siccité finale. Le volume de l'appareil est étudié de façon que les temps de contact soient de l’ordre d'une à deux minutes.

[Photo : COURBE 3 – Influence des siccités après filtration en pression en fonction de l’agitation lors de la floculation]

SICCITÉ

Boue activée(Fonc. 409 A : FO 69 %)Floculée avec 200 mg/l de Sedipur CF 400.

AGITATIONEN TR/MN

b) Égouttage.

La boue floculée est introduite dans un tambour essoreur rotatif qui libère l'eau et permet ainsi de faire passer, dans une première phase, la siccité de 4,5 % (boue épaissie) à 10 %, soit 100 g/l.

c) Passage en pression.

Cette boue encore fluide est reprise par une pompe à piston haute pression et est envoyée dans le filtre-presse sous une pression de 15 bars pendant un temps de 60 à 90 minutes.

La différence avec l'utilisation classique des coagulants minéraux vient donc du fait que la boue conditionnée au floculant doit, avant l'introduction sur filtre-presse, avoir perdu le maximum de son eau tout en demeurant néanmoins pompable.

[Photo : Schéma de principe d'une installation de déshydratation des boues]

EMPLOI DU CHARBON

Comme nous l'avons déjà mentionné, la déshydratation d'une boue organique sur filtre-presse ne peut se réaliser dans des conditions optimales (siccité finale, colmatage des toiles, etc.) qu’avec l'utilisation d'un support de filtration. La filtration est ici pratiquée dans la masse sur une boue qui présente une « texture » telle que l'eau puisse migrer, se frayer un chemin dans une épaisseur d'un ou plusieurs décimètres. Habituellement ce problème est résolu par la chaux ou un mélange cendres-chaux.

L'énorme avantage du procédé Carbosed a été de montrer que le charbon, à dosage approprié, pouvait remplacer ces adjuvants non combustibles.

Comme type de charbon on utilise un charbon de granulométrie très fine ; exemple : un poussier résidu de fabrication ou encore un concentré de flottation. Le point d'injection du charbon est situé à l’entrée du réacteur. La suspension de charbon et la solution de floculant arrivent séparément à l'entrée du mélangeur (voir le schéma de principe).

Recherche de la dose optimale en fonction de la siccité à atteindre.

On a mesuré au laboratoire l'influence des doses de charbon à incorporer sur la siccité finale. On obtient la courbe 4 représentant l'évolution de la siccité en fonction du rapport charbon/MS ou, pour des raisons de commodité, le rapport :

(H₂O / MS) — eau restante dans le gâteau, en fonction du rapport quantité de charbon / MS.

On s'est ainsi aperçu qu'il existait un minimum à cette courbe, c’est-à-dire une dose optimale de charbon, et ce pour un rapport charbon = 1,3 / MS.

[Figure : Siccité atteinte en fonction des quantités de charbon introduites]

Il en résulte que dans le cas d'une boue épaissie à 70 g/l (ou 7 %) on devra incorporer : 70 × 1,3 = 91 g de charbon par litre de boue.

Variation des doses de charbon en fonction du pouvoir calorifique du gâteau.

Dans le paragraphe précédent le charbon a été vu sous son aspect adjuvant de filtration (des résultats analogues, avec le même rapport sont obtenus si l'on remplace le charbon par un mélange cendres-charbon) ; voyons maintenant son influence sur les qualités du gâteau :

Dose de charbon Pouvoir calorifique du gâteau obtenu (kcal/kg) Conséquence
0 320 — fuel nécessaire
0,3 × MS 1 100 — autocombustion
1,3 × MS 2 500 à 3 000 — combustible pour centrale

ou schématiquement :

Procédé classique Carbosed n° 1 Carbosed n° 2
Eau 3 Eau 1,6 Eau 1,6
Cendre 1 Charbon 1,3
Chaux et cendres + Fe₂(SO₄)₃ 1,6 Charbon 0,3
MS 1 MS 1 MS 1
Siccité 45 % Siccité 60 % Siccité 60 %
PC 320 kcal PC 1 100 kcal PC 2 500 kcal

Un pouvoir calorifique de 1 100 kcal/kg est nécessaire à l'autocombustion. On constate donc que le procédé Carbosed permet d'obtenir deux sortes de gâteaux :

  • — un produit autocombustible pour un four à lit fluidisé,
  • — un produit de type combustible, comparable à la houille (PC 2 500 à 3 000 kcal/kg).

Amélioration du rendement des filtres-presses.

On voit d’après nos diagrammes que dans le premier cas les MS ne représentent qu'un peu plus du sixième du gâteau, alors qu'elles s’élèvent au quart du total dans les deux autres cas. En effet, dans dix tonnes produites par le filtre-presse on trouvait 1,8 t de MS provenant des boues contre 2,6 t avec le procédé au charbon.

Signalons aussi que le gâteau se décolle convenablement des toiles (l'encrassement n’étant pas supérieur à celui du procédé habituel).

CONCLUSION

Ce procédé, sans être révolutionnaire en théorie, devrait permettre de franchir un grand pas dans la résolution du problème de l’élimination des boues des stations d'épuration importantes. Outre les avantages explicités ci-dessus, il permet d’obtenir un produit combustible plus sec que celui obtenu par le procédé classique, ne présentant pas d’odeur au stockage prolongé, pouvant être entreposé à l'extérieur (il ne se délite pas sous l'action de la pluie) et transportable facilement (camion, wagon-trémie, avec déchargement pneumatique possible).

Son utilisation comme combustible a fait l'objet d'une étude en Allemagne où certaines centrales thermiques sont intéressées par cet appoint énergétique. Il est à noter que l'Allemagne produit encore beaucoup de charbon et ce, dans des régions où existent de grandes agglomérations. Les problèmes de coût d’achat et de transport sont moins importants qu’en France.

De plus, ce procédé améliore considérablement les problèmes de déshydratation sur filtres-presses. Le bilan énergétique est amélioré, même compte tenu des matériels supplémentaires (un réacteur-floculateur et un tambour essoreur munis de moteurs de faible consommation) ; les stockages et systèmes d’addition de chaux et de sels ferriques sont supprimés.

Les quantités unitaires de floculants sont admissibles (100 à 200 g par m³ de boue à traiter). Signalons en outre que ce procédé donne des résultats plus avantageux dans le cas des boues biologiques ou mixtes.

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