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Nouveau matériel pour la désinfection des eaux par rayonnement ultraviolet

30 octobre 1981 Paru dans le N°58 à la page 85 ( mots)
Rédigé par : Geneviève ESCALLIER et Godefroy LE MINTIER

L'effet bactéricide du rayonnement ultra-violet est connu depuis de nombreuses années. Un certain nombre de collectivités, en Europe et aux États-Unis, ont employé ce procédé pour le traitement de l'eau de distribution municipale au début du XX? siècle. En France, à cette époque, la ville de Lunéville utilisait les rayons ultra-violets pour désinfecter l'eau à sa station de traitement.

Cette méthode avait été abandonnée au profit de la chloration en raison de son coût élevé, des problèmes d’entretien et de la durée des lampes qui laissait à désirer à cette époque.

Une autre cause était que l'on pensait que du chlore résiduel assurait une protection supplémentaire tout au long du parcours des canalisations.

Depuis, des recherches ont permis d’assurer une production de brûleurs meilleur marché et plus efficaces. Ceci a créé un nouvel intérêt pour l'utilisation de l'irradiation ultra-violette dans la désinfection des eaux. La découverte, depuis quelques années, de la toxicité des composés organochlorés, dont certains seraient cancérigènes, formés au cours de la chloration, a attiré davantage encore l'attention sur ce procédé. En effet, on sait que les rayons ultra-violets permettent de désinfecter l'eau par simple passage près d'une source d'irradiation. Ils n'exigent que de l'énergie électrique qui peut du reste être produite par un groupe électrogène. Leur action, pendant le temps nécessaire à la désinfection, ne change pas la composition chimique de l'eau et lui laisse toutes ses qualités organoleptiques.

La destruction des bactéries provient de l'action des rayons de longueur d’onde 253,7 nm émis par les lampes à vapeur de mercure basse pression. Cette longueur d’onde est voisine de celle du spectre d'absorption des acides nucléiques.

Quand le noyau d'une bactérie reçoit ce rayonnement, son métabolisme est perturbé, ce qui soit la détruit, soit la rend incapable de se reproduire.

Des recherches récentes ont mis l'accent sur la production, en présence d'ions métalliques, de radicaux libres OH qui se combineraient pour former un milieu germicide. L'action des rayons serait donc amplifiée par cette action photochimique.

Toutes ces réactions sont instantanées et se produisent pendant le très court temps de passage de l'eau près de l'émetteur du rayonnement. Il n'y a pas besoin de bassin de contact, donc pas de génie civil. L'eau après passage dans les appareils appropriés peut aller immédiatement dans les réservoirs. On critique l'absence de pouvoir rémanent de l'action germicide, cependant des observations sur des installations déjà anciennes montrent qu'il n'y a pas de contamination secondaire dans les réseaux. De plus, des expériences récentes tendent à montrer que la propriété germicide d'une eau irradiée se maintiendrait quelque temps. Ceci est probablement dû à la formation de radicaux libres, dont il est parlé plus haut. Il est trop tôt pour

en tirer des conclusions ; des travaux en cours se poursuivent pour étudier ce phénomène et vérifier son existence.

Dans le cadre de l'action entreprise par l'O.N.U. durant cette décennie pour intensifier la distribution d'eau dans les pays en voie de développement, les appareils germicides par irradiation ultra-violette peuvent être particulièrement intéressants du fait de leur installation facile et de leur entretien presque nul. Ne demandant aucun produit d'addition, leur fonctionnement est assuré par simple commutation électrique ; ils se prêtent à toute automation et n'exigent pratiquement pas de surveillance.

On sait depuis longtemps que tous les micro-organismes sont susceptibles d'être détruits par les rayons ultra-violets : bactéries, virus, moisissures, algues, etc. Le temps d'irradiation varie avec les espèces. On exprime l'efficacité des lampes germicides en microwatts par cm² de la surface de leur enveloppe. Des tables ont été établies indiquant la quantité d'énergie ultraviolette nécessaire pour détruire certains micro-organismes. Cependant, la plupart de ces valeurs ont été obtenues par des mesures effectuées dans l'air. Dans l'eau, ces micro-organismes demandent parfois 8 à 10 fois plus d'intensité pour être détruits ; de plus, l'absorption de l'eau introduit un facteur supplémentaire d'environ 5. Ainsi, l'énergie U.V. assurant la désinfection, et par conséquent le temps d'exposition, peut être 50 fois plus importante dans l'eau que dans l'air.

Il faut aussi tenir compte de la transmittance de l'eau. Il a été longtemps admis que, pour obtenir une bonne désinfection par les rayons ultra-violets, il fallait une eau très limpide. Or des études faites à l'Institut Pasteur par le Professeur Jacques Maurin et l'un de nous ont montré que les bactéries et les virus étaient parfaitement détruits dans une eau très turbide : l'eau brute de Seine prise à Paris. Une étude sur la transmission dans des eaux de diverses qualités a montré que ce qui diminuait leur transmittance était surtout leur teneur en matières organiques dissoutes. Cependant, des expériences réalisées par ces mêmes auteurs sur des eaux ayant de très faibles transmittances ont permis de diminuer considérablement leur charge microbienne.

Ceci nous a conduits à considérer que pour avoir la certitude de l'efficacité d'un dispositif germicide à rayonnement ultra-violet, il fallait déterminer son débit nominal, fixé en contrôlant son effet désinfectant sur des eaux turbides, à faible transmittance et à charge microbienne élevée.

Dans ces conditions il nous paraît que ces appareils sont fiables puisqu'ils peuvent être efficaces malgré des perturbations dans la qualité de l'eau à traiter, dues par exemple à des précipitations atmosphériques abondantes. On sait que, dans ce cas, les eaux de source ou de surface se chargent de matières en suspension et que leur teneur microbienne est augmentée. La détermination, de cette façon, du débit nominal des appareils peut paraître empirique, mais outre qu'elle nous a donné, jusqu'à présent, toute satisfaction, elle nous semble plus sûre que de se baser sur des quantités d'énergie déterminées pour des germes de cultures, dont la réaction est différente de celle des germes indigènes, alors que l'on ne sait rien de leur quantité et de leur proportion respective dans l'eau à traiter et que la composition de celle-ci peut varier constamment.

Pour étudier l'action germicide du rayonnement ultra-violet, nous avons essayé plusieurs modèles d'appareils dont nous avons comparé les résultats.

Dans la majorité des cas, l'eau circule autour d'une enveloppe cylindrique en silice pure, donc transparente aux rayons U.V., à l'intérieur de laquelle est placée la lampe germicide. Cette réalisation permet d'éviter le refroidissement de la lampe par le passage de l'eau, car son efficacité maximale est à 40°. La couche d'air entre la gaine et la lampe suffit pour maintenir cette température. Nous avons donc réalisé nos expériences avec divers appareils de ce type que nous avons modifiés selon nos observations.

Nous avons pu comparer leur efficacité avec des appareils d'une autre conception. En particulier des appareils où les lampes sont fixées dans l'air à l'extérieur d'un tube de quartz où circule l'eau à traiter. Ils ont toujours donné des résultats inférieurs à ceux obtenus avec les appareils décrits plus haut où l'enveloppe de la lampe est immergée. De même, des séries de lampes placées verticalement dans un canal ou une canalisation (c'est-à-dire perpendiculairement au courant) n'ont pas été aussi efficaces que celles placées dans des appareils où l'eau circule autour des lampes sur toute leur longueur.

Les expériences qui nous ont permis de déterminer les conditions optimales d'utilisation des appareils ont été faites au Service de Contrôle des eaux de la Ville de Paris, à l'Institut Pasteur et à l'École Nationale de la Santé Publique à Rennes.

Elles ont été réalisées soit sur des bassins d'usines de traitement, soit lorsque les germes étudiés ne pouvaient se trouver en quantité suffisante dans l'eau : comme le virus polio ou le vibrion cholérique, après contamination d'eau brute de Seine.

En effet, nous estimons que la stérilisation d'eau contaminée par des germes de culture n'est pas aussi probante que celle obtenue sur des eaux superficielles chargées de germes indigènes. Avec des appareils pilotes, nous avons pu amener à potabilité des eaux aussi polluées que celles de

Seine, de Marne, de Vilaine, etc. Les appareils étaient équipés de lampes du type MAZDA TG 30. Avec les appareils considérés, nous avons fixé le débit à 500 L/h pour les appareils monolampe.

Ce débit étant insuffisant en utilisation réelle, c’est-à-dire pour de petites collectivités, des industries, etc., nous avons été amenés à employer des lampes plus puissantes qui nous ont permis d’atteindre un débit nominal de 2,5 m³/h par appareil monolampe. Mais ces lampes étaient de fabrication étrangère. La Compagnie des Lampes MAZDA a donc décidé de compléter sa gamme de fabrication, qui comprenait jusque-là les lampes germicides TG 15 et TG 30, par des lampes de plus grande puissance.

Ces lampes émettent en grande partie le rayonnement de la raie de 253,7 nm du mercure. La nouvelle lampe MAZDA répond aux impératifs suivants :

  • — être efficace pour le plus grand débit possible,
  • — être fiable dans le temps,
  • — avoir un coût d’exploitation réduit.

Elle est réalisée avec une enceinte en silice spéciale, dont les qualités essentielles tiennent à son pouvoir de forte transmission de la raie 253,7 nm et à la faible attaque de son réseau cristallin.

Ainsi les problèmes de solarisation sont quasiment sans influence sur la baisse d’efficacité au cours du temps. En outre, sa durée de vie est très peu influencée par le nombre d’allumages, contrairement aux lampes étrangères que nous avions utilisées précédemment. Sa puissance est de 56 W et la tension du réseau 220 V à 50 périodes, la consommation d’électricité d’environ 70 W, y compris celle du ballast de stabilisation.

Mise en expérience depuis un an, cette lampe, avec des appareils conçus spécialement, a été étudiée sur la Seine et sur des nappes souterraines ainsi que sur des eaux résiduaires. Les essais ont permis de déterminer la possibilité d’un débit nominal de 4,5 à 5 m³/h pour amener les eaux brutes citées plus haut à potabilité. Des essais sur les virus indigènes réalisés à l’École Nationale de Santé Publique indiquent qu’elles sont efficaces là aussi.

Pour l’obtention d’eau stérile en vue d’une utilisation médicale ou industrielle, le débit doit être ramené respectivement à 200 et 1 000 L/h.

Nous nous proposons dans un autre article de présenter le détail de toutes ces expériences qui prouvent que la désinfection des eaux par les rayons ultra-violets a tous les avantages des autres traitements sans en avoir certains inconvénients.

(A. suivre.)

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