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Nouveau développement de l'ozonation en eau potable et technologie appropriée

30 avril 1987 Paru dans le N°109 à la page 28 ( mots)
Rédigé par : Bruno LANGLAIS

La première utilisation de l’ozone, dans le domaine de l’eau, remonte à 1886, un Français, De Meritens, ayant utilisé cet agent oxydant comme désinfectant (1). Dès 1906, la ville de Nice désinfecte à l’ozone l’eau de la rivière Vésubie. Dans les années 1965, une équipe de chercheurs français, dont le docteur Coin, définit les conditions d’application de l’ozone permettant de détruire le virus de la polyomyélite présent dans les eaux (2). Depuis cette date, l’utilisation de l’ozone dans des conditions bactéricides et virulicides, à savoir le maintien d’un résiduel d’ozone dissous dans l’eau de 0,4 mg/l pendant un temps minimum de 4 mn, est effective dans de très nombreux pays.

Parallèlement à l’utilisation de l’ozone pour des raisons sanitaires et grâce aux nombreuses investigations qui ont eu lieu ces dernières années dans le domaine des mécanismes d’oxydation de l’ozone, de nouvelles applications de cet agent oxydant ont vu le jour et deviennent de plus en plus importantes. On notera, parmi ces procédés, les étapes de traitements combinés ozonation–coagulation, ozonation–flottation, ozonation–adsorption sur média filtrant, sans oublier les applications plus classiques telles que la déferrisation–démanganisation ou l’élimination de la couleur, des goûts et des odeurs. Enfin, chacun sait que l’ozone possède une action oxydante sur un certain nombre de micropolluants (phénols, certains détergents,…).

Afin d’optimiser chacune de ces applications, il est important de bien maîtriser les paramètres influant sur l’obtention des résultats recherchés (paramètres tels la concentration d’ozone dans le gaz ozoné, le temps de contact entre l’eau à traiter et l’oxydant injecté, le taux de traitement, la concentration en ozone dissous, etc.). De même faut-il choisir judicieusement les systèmes d’injection du gaz ozoné en fonction de la qualité de l’eau à traiter.

L’article qui suit a pour but de développer ces différents points.

L’OZONE UTILISÉ COMME AGENT DÉSINFECTANT

Résultats fondamentaux

Nous avons vu que cette application remonte au début du siècle et a pour berceau la France.

En plus des travaux effectués par Coin et ses collaborateurs, travaux ayant permis de définir les conditions virulicides d’application de l’ozone, de nombreuses autres études démontrent que l’action désinfectante de l’ozone est rapide et efficace sur un très large spectre de microorganismes. L’étude bibliographique de Drapeau, en 1980 (3), montre que les conditions d’ozonation nécessaires pour détruire un large spectre d’espèces bactériennes, à savoir la concentration d’ozone dissous dans l’eau et le temps pendant lequel ce résiduel doit être maintenu, sont moins contraignantes que les conditions définies comme virulicides. De même, l’ozone peut détruire spores ou kystes de bactéries et champignons. Enfin, des travaux récents ont démontré que les conditions bactéricides et virulicides étaient également efficaces pour l’inactivation des amibes (4).

Bien que des recherches soient encore nécessaires, pour d’une part établir des modèles mathématiques permettant de prévoir les résultats en fonction des conditions d’ozonation appliquées et d’autre part mieux connaître les mécanismes conduisant à l’inactivation des microorganismes (5) (6), l’ensemble des résultats obtenus sur le site, en laboratoire et en station pilote, démontrent qu’une ozonation correctement conçue et conduite reste la plus efficace des méthodes de désinfection.

Mise en place de l’ozonation comme étape de désinfection

Différentes technologies peuvent permettre de maintenir 0,4 mg d’ozone dissous par litre d’eau traitée pendant une période minimale de 4 mn.

Conception des colonnes de contact

Du fait de la difficulté d’obtenir une parfaite hydraulicité, chaque veine d’eau ne traverse pas la colonne avec le même temps de rétention. Aussi est-il important que la veine d’eau, susceptible de suivre le plus court circuit dans la colonne, reste à l’intérieur du réacteur au moins 4 mn.

Plus la colonne présentera un grand volume (ce qui correspond à un débit important à traiter), plus le cloisonnement à l’intérieur de chacun des compartiments de la colonne devra être étudié. Sur les très grandes installations, il sera judicieux de traiter l’eau dans différentes colonnes en parallèle, de façon à réduire la taille de chaque colonne.

En ce qui concerne la hauteur d’eau nécessaire au transfert, on choisira généralement de 4 à 6 m, afin d’obtenir des rendements de diffusion compris entre 90 et 95 % pour un air ozoné contenant de 15 à 25 g d’ozone par mètre cube.

L’ozonation sera réalisée en deux étapes : l’injection d’ozone dans un premier compartiment où eau et gaz circuleront à contrecourant permettra d’oxyder les agents réducteurs encore présents à ce stade du traitement et répondra donc à la demande immédiate en ozone de l’eau. À la sortie de ce premier compartiment, l’eau traitée devra contenir 0,4 mg d’ozone dissous par litre. Dans la mesure où l’étape de désinfection doit toujours être effectuée sur une eau correctement clarifiée et filtrée, un temps de contact de 2 mn et une quantité d’ozone correspondant à 60 % du taux de traitement nécessaire à la désinfection seront généralement utilisés lors de cette étape d’oxydation.

Dans un second compartiment, l’injection d’ozone permettra de maintenir le résiduel d’ozone dissous précité pendant 4 minutes au moins. Cette étape, nécessaire pour compenser l’autodécomposition de l’ozone dans l’eau, est généralement

réalisée à cocourant. C’est la réelle phase de désinfection.

En fonction de la qualité de l'eau et surtout de sa température et de son pH, les doses d’ozone en désinfection varieront de 0,5 à 4 mg/l.

L’injection de l’ozone

L’eau à traiter ne contenant plus de matières en suspension, l’ozone sera diffusé au moyen de plaques poreuses en céramique. La porosité de ces plaques dépend de la hauteur d’eau retenue pour la diffusion, de la pression et du débit de l’air ozoné ; celle-ci sera telle que les bulles se détachant de la pierre poreuse présenteront un diamètre de 3 à 5 millimètres, ce qui représente un optimum pour le transfert dans les conditions retenues. Le nombre de diffuseurs dépend du débit d’air ozoné. Ils sont répartis sur le fond de la colonne de manière à éviter, lors de la diffusion, toute zone morte. L’air ozoné est délivré sous une pression suffisante déterminée en fonction de la contre-pression, liée à la hauteur de la colonne d’eau et aux pertes de charge dans les diffuseurs (généralement cette pression sera comprise entre 0,5 et 0,9 bar). Étant donné la faible demande en ozone de l'eau, il n’est pas nécessaire d’injecter de l’air ozoné sous forte concentration.

[Photo : Conditions de désinfection par l’ozone pour l’eau à potabiliser.]

L’OZONATION COMME ÉTAPE D’OXYDATION

Du fait de son fort potentiel oxydant (l’ozone présente le plus fort potentiel d’oxydo-réduction après le fluor), l’ozone est de plus en plus utilisé pour oxyder les composés indésirables présents dans l’eau et ce, d’autant plus que les mécanismes d’oxydation sont de mieux en mieux connus (7) (8). Puisqu’il n’est pas ici de notre propos de parler de la chimie de l’ozone, nous nous contenterons de rappeler les principales applications de cet agent oxydant et nous insisterons sur les technologies mises en œuvre pour obtenir les résultats recherchés (tableau).

Cette présentation n’a pas la prétention d’être exhaustive. De plus, la nature de l'eau en fonction de son origine est si complexe qu’il faudrait, lorsque cela est possible, effectuer des essais afin de définir les modes d’utilisation de l’ozone et ce, tout particulièrement lorsque l’on recherche l’amélioration d’une étape de floculation (9) ou l’augmentation de l’activité biologique d’un filtre ou encore la destruction des algues (10).

Conditions d’application de l’ozonation en fonction des buts recherchés

Sélection des paramètres de l’ozonation

Pour la déferrisation — démanganisation ou la décoloration, les doses d’ozone et les temps de contact à mettre en œuvre dépendent largement de la nature des composés considérés (fer, manganèse, composés organiques). Afin de donner un ordre de grandeur, le rapport ozone sur ion manganeux (O₃/Mn²⁺) à prendre en compte pourra varier de 1 à 5 selon qu’il s’agira d’eau souterraine ou d’eau de réservoir fortement chargées en matières organiques. Une eau colorée pourra nécessiter de 2 à 4 mg O₃/l pour voir sa couleur chuter de 50 à une valeur inférieure à 10 degrés Hazen. Pour ces types de traitement, le temps de contact généralement retenu varie de 2 à 6 mn. Une concentration en ozone plus importante augmentera d’autant la vitesse d’oxydation des composés facilement oxydables.

Pour améliorer une étape de floculation, le temps de contact sera plus court (environ 2 mn) et le taux de traitement sera [...]

Tableau : Principales applications de l’ozone (hormis la désinfection)

A. Pré-ozonation Déferrisation et démanganisation (étape d’oxydation suivie par la rétention des espèces oxydées) — Eau souterraine : oxydation facile de Fe²⁺ et Mn²⁺. Addition simultanée d’oxygène dans l’eau. — Eau de lac ou de réservoir : oxydation du fer et du manganèse libre ou combiné. Évite généralement l’ajustement du pH. Peut nécessiter 2 étapes d’ozonation pour obtenir l’élimination complète du manganèse.

Destruction des algues ou contrôle de leur développement — Eau de lac ou de réservoir : ozonation et microtamisage ou filtration rapide : résultats fonction des algues en présence.

Substitution à un autre agent oxydant Remplacement de la préchloration spécialement sur les eaux fortement polluées (ne contenant pas de bromures) afin d’éviter la production de trihalométhanes et de composés organohalogénés lourds.

Élimination de la couleur, des goûts et odeurs — Eau de lac ou de réservoir : oxydation des composés insaturés qui sont souvent à l’origine de ces problèmes.

Amélioration de l’étape de floculation — Eau brute peu turbide : procédé de « micélisation-démicélisation ». — Eau fortement polluée : légère amélioration de l’abattement du carbone organique total et possible économie de coagulants.

B. Ozonation intermédiaire Amélioration du fonctionnement des filtres biologiques Ozonation avant filtration lente : permet d’accroître la vitesse de filtration. Ozonation avant filtration sur charbon actif : permet d’accroître l’efficacité de l’activité biologique sur le filtre du fait de l’apport d’oxygène et de l’oxydation des composés organiques encore présents en sous-produits plus facilement biodégradables.

choisi de façon à ce que la concentration en ozone résiduel dans l'eau ne dépasse pas 0,1 mg/l en sortie de colonne de contact ; une concentration plus importante risque en effet de perturber la floculation. Dans ces conditions, de faibles concentrations d’ozone dans l’air peuvent être utilisées et quelquefois seule la réinjection des évents de l’étape de post-ozonation pourra être suffisante.

Dans le cas où l’ozone est choisi comme agent de substitution vis-à-vis du chlore, il n’est pas possible de corréler les doses de chlore et d’ozone à mettre en œuvre en préoxydation, dans la mesure où ces deux agents ne réagiront pas sur les mêmes composés réducteurs : ainsi l’ozone n’oxydera pas l’ammoniac.

En ce qui concerne l’ozonation intermédiaire, les trois principaux paramètres (temps de contact, taux de traitement et concentration d’ozone dans le gaz) doivent être définis après la réalisation de tests.

Contrairement à la désinfection, l’efficacité de ces dernières applications de l’ozone doit être considérée en tenant compte de l’autre étape du traitement combiné (floculation et décantation, filtration sur sable ou sur charbon actif, flottation, etc.).

Les colonnes de contact et les systèmes de diffusion de l’ozone

Quand l’ozonation est appliquée sur une eau ne contenant ni matière en suspension, ni fer, ni manganèse, des diffuseurs poreux peuvent être utilisés et toutes les considérations développées sous le premier titre ci-dessus restent valables, excepté le fait que la colonne de contact ne présentera qu’un seul compartiment.

Quand l’ozonation doit être réalisée sur une eau brute contenant des éléments susceptibles de sédimenter et de colmater les diffuseurs, deux autres technologies sont utilisées :

— la première consiste en l’immersion de turbine : un rotor couplé à un moteur immergé permet d’une part l’aspiration de l’air ozoné arrivant par un tube central, d’autre part la répartition de l’eau à travers des orifices percés dans le haut d’un cône de mélange. Le mélange intime entre les deux fluides s’achève dans le cône et est éjecté à travers le stator constitué de canaux de distribution entre deux plaques horizontales. Deux types de turbines sont utilisés selon la pression de l’air ozoné délivré : les turbines auto-aspirantes permettent la réutilisation des évents alors que les turbines sous pression diffusent l’air ozoné provenant directement des générateurs d’ozone. Ces équipements travaillent, selon leur type, sous 2 à 6 mètres de hauteur d’eau. Au niveau du génie civil, il est alors nécessaire de tenir compte du diamètre de dispersion de la turbine : celui-ci varie de 2 à 4 mètres. Ce système de diffusion permet un bon brassage mécanique ainsi qu’un bon rendement de transfert mais il est très sensible aux fluctuations de la hauteur de colonne d’eau ; de plus, il a l’inconvénient de toute pièce tournante au niveau de l’usure ; ce système est en outre « énergivore » ;

— la seconde possibilité est l’utilisation d’émulseurs ou d’injecteurs où l’eau à traiter sert de fluide moteur et passe dans l’organe déprimogène, lequel permet l’aspiration de l’air ozoné. L’émulsion est canalisée dans un tube de dissolution plongeant dans la colonne qui sert au dégazage. En fonction du profil hydraulique et des variations de débits sur la station à équiper, le débit d’eau utilisé comme fluide moteur sera le débit total ou un débit partiel. Les principaux paramètres à prendre en compte pour le calcul d’un émulseur sont la pression de l’eau au niveau du convergent, la distance entre le convergent et le niveau de restitution de l’eau ainsi que la longueur de l’appendice de dissolution.

Avec de bons coefficients de transfert, ce système statique est attractif mais il présente l’inconvénient d’être sensible aux fluctuations de débits ; pour un fonctionnement correct, il est nécessaire de maintenir un rapport air/eau aussi constant que possible.

[Photo : Diffusion de l’ozone par émulseur ou turbine]

CONCLUSION

Ceci avait pour but de présenter une vue générale des applications de l’ozone dans le domaine de l’eau potable et les technologies qui y sont associées. Il est nécessaire de terminer en rappelant que simultanément aux progrès effectués dans le domaine du traitement, des améliorations sont continuellement apportées au niveau de la technologie de production de l’ozone. Ces avancées simultanées expliquent le développement de l’utilisation de l’ozone au niveau mondial.

REFERENCES

(1) Legeron J.-P., Perrot J.-Y. L’eau et l’Industrie n° 58, pages 61-68 — octobre 1981.

(2) Coin L. et collaborateurs. La Presse Médicale, 38, pages 1883-1884 — septembre 1967.

(3) Drapeau A.-J., Paquin G. Tribune du Cebedeau n° 437, pages 183-202 — 1980.

(4) Langlais B., Perrine D. O.S.E., 8, 3, pages 187-198 — 1986.

(5) Block J.-C. P.H.D. Nancy, France — 1977.

(6) Fauris C., Danglot C., Vilagines R. Prérappports, Atelier International sur la désinfection de l’eau, pages 9-31 — Mulhouse — avril 1986.

(7) Legube B. Thèse de Docteur ès Sciences — Poitiers — 1983.

(8) Wei Ying. Thèse de Docteur de l’Université de Rennes I — Rennes — 1986.

(9) Reckhow D.A. Conférence presented at the SVW Water Symposium — Bruxelles, Belgique — juin 1985.

(10) Ginocchio J.C. Conférence présentée lors du 5° Congrès Mondial de l’Ozone — Wasser Berlin, Berlin — 1981.

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