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Ne pas confondre norme et réglementation

30 septembre 1997 Paru dans le N°204 à la page 43 ( mots)
Rédigé par : Alain JOUNOT

Une norme ne constitue pas un règlement, mais un document de référence contractuelle. Les normes peuvent se révéler de précieux outils pour l'application de politiques publiques et de réglementation. Loin de s'y substituer elles peuvent en faciliter la mise en ?uvre pratique.

Grand Programme de Normalisation, L’AFNOR et celui de l’Environnement et du Cycle de l’eau

« La mise aux normes coûtera cher ». « Les normes européennes mettent dans l’embarras les collectivités locales ». Ces titres de journaux illustrent l’ambiguïté terminologique qui existe aujourd’hui en matière de normalisation.

Le cycle de l’eau et de l’environnement sont deux domaines qui souffrent de cette terminologie duale. Le terme « norme » a deux significations fort différentes et est pourtant utilisé indifféremment dans les deux cas, ce qui conduit très souvent à une confusion dans les esprits de chacun. La norme en tant que valeur ou seuil dont le respect est rendu obligatoire est sans aucun doute le terme le plus connu du grand public. Les élus en ont déjà la pratique, c’est par exemple le respect de la teneur de 50 mg/l en nitrates dans l’eau potable.

Le second sens du terme norme résulte de la normalisation et est moins familier. Il existe plusieurs définitions du terme norme, dont la plus courante stipule que la norme est un document de référence qui donne des solutions à des problèmes techniques et commerciaux concernant les produits, les biens et les services, qui se posent de façon répétée dans les relations entre les partenaires économiques, scientifiques, techniques et sociaux. Cette définition illustre parfaitement le champ d’application de la normalisation qui est très large.

Les articles 12 et 13 du décret 84-74 fixant le statut de la normalisation conduisent à ne pas faire l’amalgame entre normalisation et réglementation. L’article 12 prévoit que l’application d’une norme homologuée peut être rendue obligatoire par arrêté du ministre chargé de l’Industrie. Cela confirme que la norme n’est pas un règlement. L’article 13, pour sa part, stipule que sans préjudice de la réglementation applicable, l’introduction ou la mention explicite des normes homologuées est obligatoire dans les clauses, spécifications et cahiers des charges des marchés publics. La norme apparaît bien comme un document de référence contractuelle. Dans tous les contrats, privés ou publics, son respect ne devient, en effet, obligatoire entre deux parties que s’il y est fait référence dans les documents qui les lient. Ce qui est différent des règlements dont le respect s’impose aux parties indépendamment d’une quelconque clause contractuelle.

À ce titre, les normes peuvent se révéler de précieux outils pour l’application de politiques publiques et de réglementations : loin de s’y substituer, elles peuvent alors en faciliter la mise en œuvre pratique. Ce gain d’efficacité tient à l’esprit de concertation et au principe de consensus qui président à la préparation des normes, et qui en font un véritable mécanisme de régulation de l’économie dans son contexte libéral.

C’est un champ considérable qui est ouvert à la norme : car pour améliorer de façon crédible la protection de l’environnement,

les coûts sont tels que les entreprises, pouvoirs publics et associations ne peuvent engager cet effort, volontaire pour une large part, que dans des démarches rationnelles, reconnues et validées collectivement. L'identification et la codification de ces démarches est la tâche irremplaçable qui est confiée à la normalisation.

Les normes élaborées dans le domaine de l'environnement découlent de la législation suivant un principe simple : pour des valeurs limites réglementaires définies par les pouvoirs publics, la normalisation porte la responsabilité de proposer les méthodes permettant de les mesurer.

En effet, toute politique réaliste en matière d'environnement doit reposer sur une information maîtrisée : la fiabilité de la mesure et de l’instrumentation est essentielle à cet égard. La plus grande complémentarité est évidemment recherchée avec la réglementation.

Depuis plusieurs années, la normalisation française a su créer une synergie efficace entre réglementation et normalisation. À titre d’exemples, on peut citer le domaine du bruit, de l’analyse de l’eau et la caractérisation des boues.

La lutte contre le bruit constitue une préoccupation environnementale majeure des français. D'abord conceptualisée à partir des problèmes de santé, liés à la perte d’audition de certains travailleurs, elle s'est peu à peu étendue aux problèmes de gêne de toutes origines : bruit des transports, bruit des équipements urbains, bruits de voisinage etc...

Il y a dix ans, le bruit était le plus cité dans les enquêtes de nuisance faites en France. Ces constatations ont conduit le Parlement à voter la loi relative à la lutte contre le bruit. Au niveau de la normalisation, plusieurs normes ont été publiées et sont spécifiques au bruit dans l'environnement.

La normalisation se doit de suivre de très près les évolutions réglementaires dans ce domaine afin de pouvoir répondre aux décrets d’application qui en découlent. Le thème « Acoustique de l’environnement » se décompose en deux axes de travail :

La fin de l'année 1996 aura été marquée par la publication la norme NF S 31-010 qui décrit deux méthodes de mesure du bruit de l'environnement. Cette norme permet, grâce à ces deux méthodes de mesurage, de quantifier le bruit dans l’environnement d'une manière fiable et objective. La première méthode dite de contrôle sert à effectuer des mesures brèves, dans le cas d'un constat de plainte par exemple. La deuxième méthode dite « d’expertise » permet de mesurer le bruit sur une longue période et d’exploiter les résultats au regard de certains objectifs comme l’implantation d’un terrain de jeux, une autorisation de chantier.

Ce principe de double méthode est une des particularités de cette norme. Anciennement, on ne disposait que d’une seule méthode de mesurage dont la mise en œuvre nécessitait de pouvoir disposer d'un personnel qualifié. Avec ce principe de double approche, il est désormais possible d’effectuer une mesure selon une procédure simplifiée.

Ainsi les entreprises peuvent utiliser la norme pour vérifier si elles respectent ou non les critères d’émergence fixés par la législation, c’est à dire les valeurs supérieures à ne pas dépasser par rapport au bruit de fond. Et mettre en place, si nécessaire des traitements curatifs.

Le cycle de l'eau constitue également un domaine pour lequel il existe une véritable synergie normalisation - réglementation.

Les boues résiduaires des stations d'épuration et autres matières visées, sont destinées dans un avenir très proche, à représenter des volumes fortement croissants, du fait de l'application de la directive européenne 91/271/CEE sur l’assainissement des agglomérations, directive qui implique, entre autre, tout rejet de boues en milieu aquatique à partir de 1998. Cependant, cette directive insiste aussi sur les efforts qui doivent être réalisés pour inciter à la réutilisation des boues et à leur revalorisation, notamment dans le domaine agricole. L’adaptation de cette directive couplée à une réglementation nationale évoluant rapidement ont contribué fortement à travailler sur une approche globale de la filière.

La Communauté Européenne a laissé une certaine latitude aux pays, pour l’application des dispositions de ces directives. Soit il n’existe pas de normes nationales spécifiques aux boues permettant de transposer ces directives, soit celles-ci sont très contraignantes.

Ces disparités réglementaires et normatives nationales ont incité à des transferts frontaliers posant certains problèmes du fait des valeurs limites différentielles admises dans chaque pays. Un comité technique européen a été mis en place (CEN/TC 308) et a élaboré un programme de normalisation afin d’harmoniser les pratiques.

Les objectifs de la normalisation dans ce domaine sont multiples. Elle doit fournir aux autorités publiques, un support à la réglementation par des définitions non ambiguës (exemple : la stabilité), des paramètres descriptifs leur permettant de fixer les objectifs là où ils sont jugés nécessaires. Elle a également pour objectif de faciliter la mise en cohérence des différentes approches des boues au sein de l'Union Européenne.

Aux opérateurs, les futures normes fourniront essentiellement des méthodes harmonisées et cohérentes d’aide à la gestion des boues : orientation vers telle ou telle filière, auto-contrôle, contrôle des procédés et des filières de valorisation ou d’élimination.

Le contrôle et l’amélioration de la qualité des eaux sont aujourd’hui une préoccupation permanente pour la gestion et la protection de l'environnement. La législation, essentiellement communautaire dans ce domaine en témoigne : elle vise aussi bien les eaux destinées à la consommation humaine que les rejets industriels et urbains, les eaux piscicoles, les eaux souterraines, les eaux de baignade, etc.

L’approche consiste à évaluer d'une part les émissions réelles en fonction des seuils réglementaires et d’autre part l'impact sur l’environnement.

L’évaluation de la qualité des eaux repose sur la connaissance des paramètres physiques, chimiques, microbiologiques ou biologiques des eaux, et nécessite donc la mise au point d’un outil : les méthodes de mesure. Dans un contexte fortement réglementé, les résultats de contrôle doivent être reconnus, acceptés et validés par tous les partenaires concernés. La mise au point de méthodes d’essais normalisées, référentiel reconnu, répond à ce besoin.

Outre cet aspect fondamental, la normalisation constitue un lieu privilégié permettant à l'ensemble des partenaires d’échanger des informations, ce qui facilite la diffusion des bonnes pratiques pour les laboratoires d'analyse. De plus, elle contribue au développement du marché de l’instrumentation. Les travaux de normalisation sont menés à

À la fois au plan international (ISO/TC 147) et européen (CEN/TC 230), la coopération entre ces deux instances est assurée étroitement sans duplication de travaux. Compte tenu de l'antériorité de l'ISO (création en 1971), de nombreuses normes internationales ont été, sont ou seront reprises comme normes européennes.

Les priorités actuelles concernent notamment la mise au point de normes européennes nécessaires pour l'application des textes communautaires. Dans ce contexte, il convient de souligner que la Commission européenne a confié au CEN/TC 230 la préparation de normes européennes pour l'application de la directive 76/464/CEE relative à la pollution causée par certaines substances dangereuses déversées dans les milieux aquatiques de la Communauté. Aujourd’hui, les travaux portent essentiellement sur le développement de méthodes normalisées pour le dosage des micropolluants organiques présents dans les eaux à l'état de traces, ou encore sur des techniques plus récentes telles que les méthodes d’analyse en flux, ou la cartographie ionique.

Par ailleurs, la normalisation des techniques d’évaluation et de performance des méthodes devrait connaître un essor important dans les prochaines années. À ce sujet, il est intéressant de noter que le projet de révision de la directive européenne relative aux eaux de consommation humaine ne fixe plus les principes des méthodes analytiques à utiliser, mais fixe des exigences sur les méthodes en termes de performances (limites de détection, reproductibilité, justesse).

Concernant le programme de travail, celui-ci comporte à ce jour 56 projets internationaux et 31 projets européens inscrits respectivement au programme de travail de l’ISO/TC 147 et du CEN/TC 230. Ils ont été définis comme prioritaires par les commissions françaises et font par conséquent l’objet d'un examen au plan français. Ces projets se répartissent de la façon suivante :

Type de normes  
Méthodes physico-chimiques  
  Paramètres majeurs : ISO 13 – CEN 5  
  Paramètres de base : ISO 3 – CEN 4  
  Micropolluants minéraux : ISO 4 – CEN 5  
  Micropolluants organiques : ISO 20 – CEN 8  
Méthodes microbiologiques : ISO 14 – CEN 8  
Contrôle qualité : ISO 2 – CEN 1

Comme nous pouvons le constater au travers de ces trois exemples, si les normes sont des outils de rationalisation technique et d’harmonisation des marchés, elles sont également des outils techniques actifs d’une politique publique.

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