Le réseau de suivi qualitatif et quantitatif des eaux souterraines s'agrandit pour préparer le bilan sur le bon état de la ressource à l'horizon 2015.
Pour parvenir au bon état de la ressource d'ici 2015, la Directive cadre sur l'eau (DCE) exige des résultats et non plus la simple mise en œuvre de moyens. Pour répondre à ces exigences, chaque pays européen doit donc réfléchir seul aux moyens de suivi et de protection de la ressource qu'il souhaite mettre en place. La France a déjà défini un programme qui devrait l'aider à rattraper son retard.
Depuis deux ans, les Ministères de la santé et de l'environnement ont commandé la réalisation d’une base de données, Ades, ouverte au public, pour le suivi des réseaux d'eau souterraine. « Ce n'est pas une gestion patrimoniale de données, mais un passage obligé pour parvenir au bon état de la ressource d’ici 2015 », explique Thierry Pointet, hydrogéologue au BRGM. En décembre 2009, un premier compte-rendu pourra ainsi être fait sur l'état des nappes qui servira de comparaison pour 2015, où les priorités de suivi des nappes dépendent en fait de leur sensibilité. « La nappe de Beauce fait l'objet d'une grande attention, car elle subit une pollution diffuse et d’importantes variations de niveaux même si cette nappe à forte inertie est moins sensible aux problèmes quantitatifs. Les petites nappes comme dans les régions de Nantes, d’Angers et en Dordogne, sont également très suivies car elles subissent des problèmes chroniques de quantité », résume Thierry Pointet.
En France, des suivis qualitatif et quantitatif sont déjà mis en place mais l’objectif est
d’agrandir le réseau. Le BRGM et les Diren se répartissent le suivi quantitatif de près de 1 400 forages par an. Le suivi qualitatif est géré surtout par les Agences de l’eau et les Ddass. Le bilan réalisé par les Agences de l’eau et les Diren sur les bassins hydrographiques montre qu’en 2004, le bon état des lieux serait atteint sur 43 % de la ressource en eau souterraine. Les principales causes de risque de non-atteinte sont les nitrates et les pesticides, et les prélèvements parfois excessifs dans les nappes. D’après le dernier bilan de l’Ifen, 60 % des 1 014 stations suivies montrent des concentrations en pesticides importantes, alors que 24 % des stations nécessiteraient un traitement spécifique pour permettre la production d’eau potable, d’où l’importance des systèmes de protection de la ressource en amont.
Les outils de protection
Sur le territoire français, deux tiers des prélèvements en eau potable ont pour origine les eaux souterraines, mais seulement 37 % des captages d’eau potable bénéficient aujourd’hui de périmètres de protection. La définition de ces périmètres a pourtant plus de quarante ans. En 1964, la première loi sur l’eau faisait déjà référence aux trois périmètres de protection à mettre en place : le périmètre immédiat, rapproché et éloigné. Ce sont les bureaux d’études tels que Safege, Burgeap, Archambault Conseil, Sogreah, Cabinet Blondel, Hydro Invest, Saunier et associés, Tauw Environnement ou Geoarmor Consultants, qui très souvent définissent ces différentes zones et les servitudes qui y sont associées. Pour ce faire, des modèles de calculs sur l’inertie de la nappe captée au niveau du forage sont réalisés. Des études cartographiques et une reconnaissance sur le terrain permettent de confirmer les limites et de faire l’inventaire des points sensibles. Le bon respect de ces périmètres de protection est ensuite sous la responsabilité de la collectivité, mais la lourdeur des démarches administratives et les difficultés liées à leur mise en place freinent leur application. Les maires doivent en effet obliger les habitants de la commune rési-
dant sur les périmètres de protection du captage à observer certaines restrictions comme l'interdiction d'utiliser des engrais, et l'obligation de mettre en place des bacs de rétention sous les citernes de stockage de produits dangereux.
Pour rattraper ce retard, la Direction générale de la santé a suggéré de simplifier ces démarches administratives pour arriver à protéger au mieux la ressource. La Direction générale de la santé a défini dans son Plan national pour la santé et l'environnement (PNSE) un objectif de protection de 80 % des captages d’eau d'ici 2008. Par la circulaire du 26 novembre 2004, l'instruction, l'autorisation et le contrôle des périmètres de protection ont été confiés à un service de l'État unique : la DDASS et des consignes et objectifs lui ont été fixés. Une recherche d’aides financières aux collectivités locales pour la mise en œuvre des actions de protection est également entreprise auprès des agences de l'eau et des Conseils généraux.
De la protection à la prévention
Ces périmètres s’appliquent surtout pour la protection des captages face aux pollutions ponctuelles. Concernant les pollutions diffuses, d'autres mesures de protection sont inscrites dans des programmes de réduction de pollution à la source. Dans le cadre du Programme de maîtrise des pollutions liées aux effluents d’élevages (PMPOA 2), les Agences de l'eau par exemple soutiennent les éleveurs dont les sites d’élevage se situent en zone vulnérable. Pour les agriculteurs, des incitations à la fertilisation raisonnée et la mise en place de cultures intermédiaires, pièges à nitrates, les Cipan, sont également proposées. Ces mesures viennent à point. En 2000, 13,5 % des captages d’eau souterraine montraient encore des valeurs supérieures à la norme de potabilité en teneur en nitrates (> 50 mg/l), alors que ce pourcentage ne correspondait en 1997 qu’à 6 % des captages. En matière de protection de la ressource, les collectivités et les industriels font office de meilleurs élèves. La mise en place des stations de traitement a largement contribué à améliorer la ressource en eau. Les obligations de suivi de mesure de qualité en sortie de rejet servent également à protéger le milieu. Dans ce secteur, les utilisateurs d’appareils de mesure – les traiteurs d'eau publics ou privés – sont unanimes : la fiabilité des appareils s'est nettement améliorée, les systèmes d’autocontrôle et de mise en ligne des appareils facilitent largement leur travail. Enfin, sur le plan quantitatif, des nappes ont été définies comme « Nappes intensément exploitées » (NIE) et « Nappes réservées en priorité pour l’alimentation en eau potable » (NAEP). Ce zonage a été entrepris au titre de la police de l'eau pour pouvoir réaliser une sélectivité des aides financières et réduire les prélèvements.
La prospection de la ressource
Aujourd’hui, le nombre de forages agricoles réalisés en France diminue alors que ceux réalisés pour le secteur de l'eau potable restent constants. Les forages en augmentation concernent le secteur industriel et les particuliers.
Chaque nouveau forage en France fait l'objet d'un dossier de déclaration ou d’autorisation selon le débit pompé pour garantir un
Suivi de ces ouvrages.
Ce sont généralement les bureaux d'études qui sont en charge de ces dossiers. Les techniques de forage mises en œuvre par de nombreuses sociétés telles que Cofor, Foraco, Sade, Soletanche Bachy ou Sondalp évoluent peu. Trois méthodes principales sont appliquées selon la nature du terrain. La méthode la plus ancienne est le battage adapté aux grands diamètres de 600 à 1 000 mm. Elle peut s’appliquer pour tout type de terrain. La méthode du rotary consiste en un tricone alimenté par de la boue pour maintenir les parois et en remontant à la surface les cuttings. Enfin, la méthode Marteau fond de trou utilise de l'air pour fonctionner. « La technique du rotary est adaptée aux terrains meubles ou de dureté moyenne, la méthode marteau s’applique pour la recherche en eau dans les terrains solides comme le calcaire ou le granit », résume Jean-Michel Brulé, président de l’entreprise du forage SFC.
Le bon fonctionnement d'une installation de pompage dans un forage dépend en premier lieu de la conception et de la construction de cet ouvrage. Elle doit être confiée à une entreprise qualifiée s’engageant sur la qualité de son travail, des matériels qu'elle utilise et des matériaux mis en œuvre. S'il est difficile pour une entreprise de forage de s’engager sur le résultat de la première phase de forage (forage de reconnaissance), l’entreprise doit garantir l'ouvrage définitif, le forage d’exploitation, qui doit permettre l'exploitation technique et économique d'une ressource en eau.
Des entreprises de forage adhèrent à des chartes de qualité comme, par exemple, la Charte de qualité des puits et forages d’eau du Syndicat national des entrepreneurs de puits et de forages d'eau.
Les principaux objectifs de cette charte sont la construction de forages de qualité ne captant qu'un seul aquifère, de productivité maximale, fiables et durables et respectant l’environnement. Productivité maximale signifie que le rabattement mesuré dans le forage soit aussi proche que possible du rabattement théorique, estimé à partir des paramètres hydrogéologiques de l'aquifère capté. En effet, un rabattement supérieur de quelques mètres au rabattement théorique se traduit par un accroissement considérable de la dépense en énergie. Dans des captages en terrains sédimentaires, les pompes remontent souvent plusieurs dizaines de tonnes d'eau à l'heure.
Pour éviter ce problème, il est opportun que le terrain dans lequel est installée la crépine ait une perméabilité maximale, c'est-à-dire qu'il soit débarrassé de ses éléments les plus fins durant l'opération de développement de l'ouvrage.
Une crépine à fentes en “V” et dont le pourcentage de surface ouverte est très élevé (de type Johnson par exemple) permet d'obtenir ce résultat avec une efficacité maximale.
La nouvelle difficulté à laquelle les foreurs doivent faire face est la nécessité de forer de plus en profondeur. « Pour trouver une eau de qualité, nous sommes obligés de forer de plus en plus loin. En Beauce par exemple, les forages atteignent souvent 200 m de fond, car les nappes supérieures n’offrent plus une qualité satisfaisante. Ce qui implique dans notre activité de travailler avec des machines de plus en plus lourdes », regrette-t-il.
« C'est également le cas dans les régions de socle, comme la Bretagne et le Massif Armoricain, où, pour des raisons plus souvent qualitatives que quantitatives, la profondeur des forages a été doublée en l'espace de vingt ans, atteignant aujourd'hui couramment 150 mètres », confirme Jean-François Chauvet de Géoarmor Environnement.
Peut-être qu’après 2015, il sera à nouveau possible de puiser de l'eau juste sous nos pieds…