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Morsang-sur-Seine : une usine totalement automatisée et une expérience originale réussie de gestion automatique du pompage sur micro-ordinateur

30 novembre 1987 Paru dans le N°114 à la page 30 ( mots)
Rédigé par : M. PARÉ et D. LAHALLE

L'usine des eaux de Morsang-sur-Seine (capacité de production journalière de 150 000 m³ étendue en 1988 à 225 000 m³) fonctionne automatiquement depuis le 1?? avril 1987. Cette usine qui assure près de 40 % de la production d’eau de la direction parisienne sud de la Lyonnaise des Eaux a toujours représenté l'exemple à suivre en matière d’usine du futur, de par son architecture et ses filières de traitement (double filtration, ozonation, nouveaux procédés de décantation…).

Pour ne pas faillir à sa vocation, c'est en 1983 qu’un vaste programme d’automatisation a été engagé, visant à supprimer les besoins humains de surveillance tout en maintenant un niveau de sécurité satisfaisant.

Cette opération s’est déroulée en trois phases :

  • — décentralisation des automatismes de base sur automates programmables Mides (Degrémont),
  • — télécontrôle et surveillance de l’ensemble (poste central CENELT),
  • — automatisation des pompages (exhaure et refoulement),

la troisième phase étant la clé de voûte du projet permettant un fonctionnement autonome de l’usine.

Aujourd’hui, l’usine est livrée à elle-même la nuit et les week-ends ; seul un service d’astreinte est prêt à intervenir rapidement en cas d’anomalies graves (figure 1).

[Photo : Salle de contrôle de l'usine.]

Pendant les jours ouvrables et aux heures habituelles de bureau, le personnel veille à parfaire le traitement et organise une maintenance préventive.

Un concept nouveau : l'utilisation du micro-ordinateur à des fins industrielles

Si les automatismes de base traités par A.P.I.* et le contrôle centralisé sont aujourd’hui couramment utilisés dans le secteur des eaux potables et résiduaires, l’utilisation de la micro-informatique de « bureau » à des fins industrielles l’est moins.

Pourtant de nombreux facteurs prêchent en faveur de l’utilisation de ces matériels :

  • — le coût (un A.P.I. coûte en moyenne trois fois plus cher qu’un micro-ordinateur),
  • — la facilité de programmation,
  • — la convivialité d’utilisation et l’ouverture vers le monde des progiciels du commerce…

En contrepartie, un environnement « difficile » peut être un frein à leur utilisation ; or, le milieu de l'eau potable est, de par sa vocation même, un milieu peu « agressif ». C’est pour ces raisons que la Lyonnaise des Eaux a confié à la société Gepma-Systèmes le développement de cette application de régulation du pompage de refoulement de l’usine de Morsang, sur un micro-ordinateur « du commerce ».

(*) Automates programmables industriels

L'installation

La station de refoulement de l’usine est équipée comme suit :

  • — deux groupes électropompes à vitesse variable, dont la vitesse peut varier de 1 100 tr/mn à 1 475 tr/mn, et le débit de 1 100 m³/h à 2 400 m³/h (G1 et G2) ;
  • — deux groupes électropompes à vitesse constante (990 tr/mn) et d’un débit unitaire de 4 500 m³/h (G3 et G4).

Le réseau sur lequel débite l’usine de Morsang-sur-Seine peut être schématisé comme on le voit sur la figure 2, à laquelle il y a lieu d’apporter les précisions suivantes :

  • — l'usine refoule vers deux réservoirs : Linas (rive gauche de la Seine) et Belle Étoile (rive droite de la Seine),
  • — le réservoir de Linas est le réservoir pilote,
  • — l’interconnexion de Saulx est modulée par vanne Monovar télécommandée,
  • — le relais de Linas permet d’alimenter un réseau à une cote supérieure.

Les consommations journalières sur le réseau varient faiblement d’un jour à l’autre (+ 10 %).

[Photo : Schéma du réseau situé en aval de Morsang-sur-Seine.]

Principe général de la modélisation

Par « gestion de pompage » il faut comprendre : élaboration, validation et envoi des ordres de marche/arrêt, plus ou moins vite, aux quatre pompes composant le refoulement de l’usine.

Cette gestion tient compte de plusieurs contraintes :

  • — le niveau d’un réservoir en aval de l’usine (Linas : capacité 20 000 m³),
  • — la disponibilité des pompes,
  • — les contrats EDF (puissances souscrites),
  • — les consommations estimées du réseau.

L’élaboration et le contrôle des séquences de démarrage/arrêt, le contrôle du bon fonctionnement des pompes, ne font pas partie de la gestion et sont traités par un A.P.I.

La gestion du refoulement d’usine : une stratégie classique

Compte tenu des tarifications EDF, on a toujours avantage à utiliser au mieux les stockages pour réduire, dans la mesure du possible, les pompages en heures de pointe (hiver) et en heures pleines (toutes saisons).

Ces restrictions sont d’ailleurs imposées par les contrats de réduction de puissance souscrits à EDF.

[Photo : Fig. 3. Caractéristiques du contrat de réduction de puissance passé avec EDF.]

Ces règles conduisent :

  • — pour l'été : à vidanger le réservoir pendant la journée, jusqu’au minimum compatible avec la sécurité.
[Photo : Fig. 4. Courbe d’été de remplissage du réservoir.]
  • — pour l’hiver : à vidanger le plus possible entre 6 et 11 heures, pour ensuite viser un niveau de sécurité à 18 heures, et vidanger à nouveau jusqu’au minimum, de 18 à 22 heures.
[Photo : Fig. 5. Courbe d’hiver de remplissage du réservoir.]

Ces règles sont représentées par des « courbes types » de réservoir que la commande automatisée devra s’efforcer de respecter.

Principe de calcul : un « modèle simplifié »

Le réseau sur lequel débite l’usine est

[Photo : Fig. 6. Modèle simplifié du réseau.]

Dans lequel on a :

  • — ΔV : vidange du réservoir de Linas (ΔV > 0 quand remplissage),
  • — Qt : débit refoulé par Morsang-sur-Seine,
  • — C : agrégation de toutes les consommations :Qd refoulement rive droite + Ql refoulement relais Linas + Qm débit Monovar + Qc autres consommations

À tout instant on a évidemment :

Qt = C + ΔV/Δt (1)

L’usine étant équipée de débitmètres, on connaît Qt à tout instant.

Le niveau du réservoir de Linas est transmis à Morsang-sur-Seine en continu ; à l’instant tn, on connaît donc la valeur « instantanée » de ΔV/Δt par la formule :

ΔV/Δt = S (Hn − Hn−1) / (tn − tn−1)

dans laquelle :

  • H = niveau du réservoir
  • S = « facteur de forme » du réservoir.

Si on discrétise l’équation (1), on a à l’instant tn :

Qtn = Cn + ΔVn/Δt

où :

ΔVn/Δt = S (Hn − Hn−1) / (tn − tn−1)

Qtn est la valeur moyenne du refoulement pendant le dernier intervalle de temps (ici 1/4 d’heure).Cn est la valeur moyenne de la consommation pendant le 1/4 d’heure précédant tn.

On a :

Cn = Qtn − ΔVn/Δt

Le problème est donc, à l’instant tn, de fournir une consigne de débit de refoulement pour le 1/4 d’heure suivant.

Celle-ci est donnée par la courbe type du réservoir, à savoir :

Qtn+1 = Cn + (Hv − Hc) / (tn+1 − tn)

Hv est la valeur du point visé.Hc est la valeur du point courant.

(Le calcul suppose que la consommation ne varie pas entre les instants tn et tn+1.)

La valeur Qtn+1 calculée est une valeur de débit « souhaitable » ; la valeur du débit « souhaité » tient compte de certaines restrictions :

  • — variation de débit entre deux échantillons limitée à 400 m³/h,
  • — temps minimum de fonctionnement d’une configuration de groupes fixé à 1 heure (limitation du nombre de démarrages),
  • — combinaison de groupes autorisés (suivant tranche horaire).
[Photo : Fig. 7. Combinaisons de groupes autorisés.]

Une fois la combinaison sélectionnée, l’ordinateur fait une demande de marche des groupes correspondants et détermine la vitesse de fonctionnement pour les groupes G1 et G2.

Organisation matérielle

[Photo : Fig. 8. Le micro-ordinateur Elan compatible IBM/XT.]

Le système est composé d’un micro-ordinateur compatible IBM/XT, comprenant essentiellement une unité centrale équipée de 512 kilo-octets de mémoire RAM et d’un disque dur de 20 méga-octets, d’un écran graphique couleur haute résolution EGA, et d’une carte d’interface permettant la gestion des entrées/sorties prises en compte, soit :

  • — 16 entrées analogiques,
  • — 2 sorties analogiques,
  • — 16 entrées numériques,
  • — 16 sorties numériques.

Un coffret industriel assure l'interface avec le processus.

Organisation logicielle

L’originalité de l'ensemble installé réside dans le fait que deux systèmes d’exploitation cohabitent dans la même machine.

Le micro-ordinateur lui-même est géré par le système d’exploitation MS.DOS, alors que les actions de commande et de régulation sont exécutées par une carte équipée d’un microprocesseur 68000, et supportant un exécutif multi-tâches temps réel.

Le logiciel d’application est organisé en deux classes de tâches :

  • — les tâches « temps réel », assurant les fonctions de la régulation,
  • — les tâches « opérateur », assurant l’interface « homme-machine » de l’opérateur avec le système.

Les tâches « temps réel » assurent essentiellement :

  • — les acquisitions des entrées « tout ou rien » et analogiques,
  • — l’activation des sorties « tout ou rien » et analogiques,
  • — les calculs relatifs à la fonction de régulation de vitesse des groupes à vitesse variable,
  • — la détermination des combinaisons de groupes pour assurer le débit de refoulement, en fonction des contraintes de tranches horaires EDF et du temps de fonctionnement minimal de ces groupes,
  • — le stockage sur le disque dur, à chaque échantillonnage de la régulation, des données suivantes : date, numéro de l’échantillon, consommation calculée du réseau, débit mesuré du refoulement, niveau du réservoir.

Les tâches « opérateur » assurent essentiellement :

  • — le chargement et le lancement de la régulation,
  • — la configuration des paramètres de la régulation,
  • — la création ou la modification des courbes types,
  • — la configuration des combinaisons de groupes,
  • — la configuration des débits de groupe,
  • — la visualisation des courbes de niveau et de la courbe type active,
  • — la visualisation des courbes de débit de refoulement,
  • — l’état des défauts groupes et régulation,
  • — l’état marche/arrêt des groupes,
  • — la simulation du comportement de la régulation.

Le système permet le fonctionnement simultané des tâches temps réel et d’une tâche de classe « opérateur », ou d’un programme « tournant » sous MS.DOS (en particulier toute commande de MS.DOS).

Configuration du système

Certaines variables du programme sont paramétrables afin de permettre l’adaptation et l’ajustage de la régulation. Ce sont principalement :

  • — la courbe de référence du niveau du réservoir sur une période de 24 heures,
  • — les paramètres de fonctionnement de la fonction « régulateur »,
  • — les débits qui déterminent le changement de combinaison des groupes de pompage,
  • — les débits des groupes de pompage.

Stockage des données

Certaines données calculées ou mesurées sont stockées à chaque période d’échantillonnage de la régulation. Ces données peuvent être exploitées par le programme lui-même ou par d’autres logiciels, en vue de statistiques par exemple.

Le système peut assurer un stockage sur une année, à raison d’un fichier par mois, et permettre ainsi une sauvegarde mensuelle sur disquette.

Simulation

Le système permet une simulation du comportement de la régulation en fonction des besoins du réseau, sur une journée quelconque passée ou fictive ; trois possibilités sont offertes :

  • — introduction au clavier des consommations correspondant à la simulation désirée,
  • — introduction automatique des consommations correspondant à une journée quelconque stockée sur disque, avec possibilité de modification des valeurs,
  • — introduction automatique des consommations correspondant à une simulation stockée sur disque, avec possibilité de modification des valeurs.

Dans les deux premiers cas, les données introduites peuvent être stockées sur disque, constituant ainsi une simulation exploitable dans le troisième cas. Le nombre de simulations stockées est au maximum de 10.

Visualisation graphique

La visualisation des courbes concerne le niveau du réservoir, le débit de refoulement et la consommation calculée du réseau. Le tracé d’une courbe se fait dans l’intervalle de temps de 0 à 24 heures.

Deux possibilités sont offertes :

  • — tracé de la journée en cours avec suivi en temps réel de la mesure,
  • — tracé d’une journée quelconque stockée sur disque.
[Photo : Visualisation graphique-temps réel.]

Alarmes

Une sortie alarme est prévue, regroupant les défauts détectés par le système, le détail de ces défauts étant accessible par dialogue :

  • — alarme de discordance d’un groupe, si le groupe est dans un état différent de la demande de marche/arrêt,
  • — alarme de discordance de la régulation, lorsque l’écart entre la courbe type et le niveau du réservoir est supérieur à une consigne paramétrable, 1 mètre par exemple.

Dialogue opérateur

Le système a été voulu parfaitement convivial, et l’opérateur y a accès au moyen de « menus » lui permettant :

  • — le chargement et le lancement de la régulation,
  • — la modification des paramètres de la régulation,
  • — la modification des paramètres des combinaisons de groupes,
  • — l’affichage des courbes de niveau et de débit,
  • — l’état des groupes et l’état des défauts.

Conclusion

L’originalité du modèle réside essentiellement dans la séparation physique des tâches « temps réel » et « différées ».

Grâce à cet outil, la Lyonnaise des Eaux s’est affranchie d’une surveillance continuelle du mode de fonctionnement du refoulement de son usine de Morsang-sur-Seine.

Elle peut, grâce à une visualisation claire, surveiller quand elle le veut le bon fonctionnement de cette régulation et utiliser le micro-ordinateur sous MS.DOS avec des logiciels du commerce.

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