La station d'épuration des eaux usées de la Ville de Tours, construite sur la commune de La Riche, d'une capacité de traitement de 350 000 équivalent-habitants, reçoit les eaux usées de quatorze communes de l'agglomération.
Cette usine, exploitée par le personnel de la Ville de Tours depuis 1983, a été construite en trois tranches successives :
- 1972 : première tranche de 105 000 éq/hab.
- 1976 : deuxième tranche de 105 000 éq/hab.
- 1981 : troisième tranche de 140 000 éq/hab.
Elle a été dimensionnée pour recevoir :
- 47 000 m³/j d'eaux usées,
- 23 000 kg/j de MES,
- 19 050 kg/j de DBO5.
Le principe du traitement repose sur un procédé classique par boues activées à moyenne charge, dans trois bassins d'aération équipés de disques poreux à fines bulles, avec un apport en oxygène assuré par cinq surpresseurs de type « Roots » (dont trois à deux vitesses), un sixième étant gardé en secours.
Réalisée en trois phases, la station d'épuration ne disposait pas, jusqu'à présent, de système de répartition automatique de l'air dans les bassins ; les lignes piézométriques étaient en outre sensiblement différentes d'un bassin à l'autre.
Avant modernisation, la production de l'air était basée sur le fonctionnement séquentiel des surpresseurs, à partir d'une seule des mesures d'oxygène effectuées dans chacun des trois ouvrages. Un surpresseur supplémentaire était mis en service lorsque l'oxygène descendait à un seuil minimum, un autre était arrêté lorsque l'oxygène atteignait un seuil maximum. La répartition était assurée par la manipulation de vannes manuelles disposées sur chacun des circuits d'air.
Cette situation entraînait des écarts d'oxygène importants au sein des
[Photo : Installation avant modernisation.]
[Photo : Installation après modernisation.]
bassins, et conduisait à une consommation énergétique élevée.
Les objectifs assignés à l'opération de modernisation ont été multiples :
• réguler la production et la répartition de l'air sur les bassins, de manière à assurer un taux d'oxygène constant et identique d'un bassin à l'autre ;
• diminuer le coût énergétique du fonctionnement ;
• alléger la charge du personnel d'exploitation en supprimant les interventions de réglage manuel ;
• permettre la conduite et la surveillance de l'installation de traitement biologique au moyen d'un système convivial interactif ;
• assurer à l'installation le plus haut degré de disponibilité.
La Ville a confié à la Société Gepma Systèmes l'étude et la réalisation d'un équipement permettant d'atteindre ces objectifs, tel qu'il est décrit ci-après.
Modification des installations existantes
Cinq réseaux d'injection ont été définis et équipés de vannes de régulation. Pour assurer une bonne répartition de l'air dans ces cinq réseaux, une mesure des débits aurait été souhaitable. La mise en place de débitmètres aurait cependant entraîné des modifications importantes des circuits, modifications incompatibles avec le budget consacré à l'opération, et rendues très difficiles par la configuration des installations existantes (figure 1).
Une image des débits transitants, réalisée avec une approximation suffisante pour une bonne régulation, a été obtenue au moyen de cinq capteurs de pression différentielle (figure 2). Cette mesure était représentative de la perte de charge observée dans chacune des vannes.
Automatisation de la production d'air
Le but de l'automatisation de la production d'air est de déterminer le nombre optimum de surpresseurs à mettre en marche en fonction de la demande, et de réguler le taux d'oxygène à introduire dans chacun des bassins d'aération en réglant la répartition du débit d'air.
À partir de la mesure d'oxygène effectuée dans chacun des compartiments des bassins d'aération, et des consignes d'oxygène dissous, la quantité globale d'air nécessaire à l'ensemble des bassins est calculée, un débit minimum de brassage de 260 Nm³/mn devant en outre être assuré.
En fonction de cette même mesure d'oxygène et de la consigne, on calcule la position des vannes de régulation afin de répartir le débit de l'air dans chaque compartiment.
Architecture et fonctions du système
Le système installé est basé sur l'utilisation d'un micro-ordinateur industriel en charge des calculs de régulation, et d'un automate programmable assurant l'interface avec le process (figure 3). Le micro-ordinateur et l'automate sont reliés entre eux par une liaison série sous protocole MODBUS.
Le micro-ordinateur assure deux fonctions principales :
• Poste de conduite
• Régulateur de production d'air
La fonction « Poste de conduite » consiste essentiellement dans la supervision des procédés, en permettant à un opérateur de suivre le fonctionnement et de passer des ordres ou des consignes au système automatique par l'intermédiaire du clavier et de l'écran du micro-ordinateur.
Les fonctions principales du Poste de conduite comportent :
• édition des événements « au fil de l'eau » (télésignalisations TS, télé-alarmes TA) sur l'écran et sur l'imprimante ;
• envoi d'ordres aux procédés (télé-commandes TC) ;
• envoi de consignes aux procédés (téléréglages TG) ;
• animation en temps réel de vues synoptiques des procédés ;
• comptabilisation du temps de fonctionnement des surpresseurs ;
• archivage sur une année des mesures d'oxygène de chaque compartiment ;
• paramétrage de la régulation (consignes d'oxygène, coefficients de régulation, etc.) ;
• configuration du superviseur (implantation des TS/TA, TC, TG, etc.).
Les fonctions principales du Régulateur de production d'air sont de deux sortes :
• calcul du débit total d'air nécessaire à l'ensemble des compartiments : les combinaisons de surpresseurs permettant de couvrir la plage de production de débit d'air (250 à 760 Nm³/mn) en 15 tranches de 30 ou 40 Nm³/mn, le micro-ordinateur détermine…
[Photo : Les bassins d'aération.]
[Photo : Le système informatique installé dans le panneau de contrôle existant.]
Détermine la tranche de débit à obtenir et envoie cette donnée à l'automate ;
- réglage du positionnement des vannes de régulation pour répartir le débit d'air en fonction de la demande en oxygène de chaque compartiment. Afin de minimiser la consommation énergétique, priorité est donnée à l'ouverture afin d'avoir la perte de charge la plus faible possible dans les limites de la plage de réglage des vannes.
La répartition est une fonction critique de la régulation d'oxygène, chaque action sur une vanne modifiant non seulement le débit d'air distribué dans le compartiment correspondant, mais également celui réparti dans les autres. Les capteurs de pression différentielle installés sur chaque vanne permettent de prendre en compte cette influence, et d'évaluer les débits transitants à partir des caractéristiques des vannes. En mode automatique, la régulation envoie la consigne de position des vannes à l'automate. Aucun téléréglage (TG) des vannes n'est alors possible. Cependant le système permet à une vanne de ne plus être prise en compte dans le réglage de la répartition dans les cas suivants :
- - isolement du bassin pour cause de maintenance (TC),
- - étalonnage du capteur d'oxygène (TC),
- - mise en mode manuel de la vanne (TC),
- - défaut du capteur d'oxygène,
- - défaut de la vanne.
La consigne de position est dans ce cas figée et la vanne passe en mode manuel. Elle peut alors être positionnée depuis le Poste de conduite par envoi d'une TG. Une vanne est remise en automatique lorsque les conditions qui ont amené sa mise en mode manuel ont disparu.
L'automate, quant à lui, assure trois fonctions principales :
- - choix des combinaisons de surpresseurs,
- - gestion des séquences de Marche/Arrêt des surpresseurs,
- - « concentrateur-diffuseur » pour le micro-ordinateur.
À partir de la tranche de débit calculée par le micro-ordinateur, l'automate détermine les surpresseurs à faire démarrer pour assurer ce débit. La combinaison des surpresseurs sélectionnés dépend principalement des critères suivants :
- - disponibilité des machines,
- - mise en route du minimum de machines possible,
- - minimum de changement par rapport à la combinaison précédemment en service.
L'automate assure aussi la permutation des surpresseurs et le secours automatique en cas de défaut d'une machine. Le choix des surpresseurs est déterminé en prenant en compte leur temps de fonctionnement :
- - le surpresseur dont le temps de marche est le plus élevé sera déclaré en secours ;
- - pour une combinaison de surpresseurs donnée, le choix entre deux surpresseurs de même débit se portera sur celui dont le temps de marche est le plus faible.
L'automate assure également les séquences de démarrage des surpresseurs en fonction de la combinaison choisie et de la disponibilité des machines ; si plusieurs surpresseurs doivent démarrer en même temps, l'automate séquence leur mise en marche.
Un surpresseur peut être mis en marche ou arrêté depuis le Poste de conduite (TC de mise à l'arrêt manuel ou TC de mise en marche manuelle). Dans ce cas le surpresseur est déclaré en manuel et il est indisponible pour l'automatisme. Il pourra être à nouveau déclaré disponible par l'envoi depuis le Poste de conduite d'une TC « Auto ».
L'automate assure enfin de la façon suivante la fonction d'interface entre les procédés et le micro-ordinateur :
- - acquisition des mesures d'oxygène, de perte de charge et de position des vannes de régulation,
- - acquisition des états (marche - arrêt - défaut) des différents organes des procédés,
- - commandes de position des vannes de régulation.
Disponibilité de l'installation
Afin d'assurer le plus haut degré de disponibilité, l'installation ne pouvant supporter aucun arrêt, le dispositif de pilotage électromécanique existant a été conservé, et le système permet différents modes de marche avec basculement en mode dégradé, soit de manière automatique, soit sur décision du personnel d'exploitation.
Dans le mode de marche automatique, l'installation est pilotée par l'automate et le Poste de conduite, le micro-ordinateur assurant la régulation.
[Photo : Fig. 3 – Architecture du système.]
Dans le mode de marche « électro-auto », l'installation est pilotée par l'ancien système électromécanique. Il est toutefois dans ce cas possible de positionner les vannes de régulation au moyen de télécommandes, à partir du Poste de conduite.
Dans le mode de marche « électro-mécanique », utilisé en cas d'indisponibilité de l'automate ou du micro-ordinateur, l'installation est pilotée par l'ancien système électromécanique. Le Poste de conduite est alors inopérant, les vannes ne fonctionnant qu'avec leur volant manuel de secours.
Résultats
Les résultats obtenus ont été en tous points conformes aux objectifs fixés.
Outre une amélioration des conditions d'exploitation amenée par l'automatisation, la supervision et la conduite interactive des procédés, les résultats les plus spectaculaires ont été obtenus en termes de qualité du traitement (régulation du taux d'oxygène dissous – figure 4) et de coût énergétique.
Avant modernisation, des écarts des taux d'oxygène dissous étaient constatés, les mesures pouvant varier d'un compartiment à l'autre, de 5 % à 60 % d'oxygène.
Dans le même temps, l'énergie consacrée à la production d'air par les surpresseurs représentait 70 % de la consommation totale de l'usine, soit environ 4 millions de kWh/an.
Le système étant opérationnel depuis avril 1992, la comparaison des consommations d'électricité et des volumes d'eau usée traités sur la période d'avril à décembre 1991 (avant modernisation) et d'avril à décembre 1992 (après modernisation) a mis en évidence les valeurs suivantes :
- Avril/Décembre 1991 :
kWh consommés : 5 081 640
m³ traités : 11 202 880
Soit une consommation ramenée au m³ traité de : 0,4536 kWh/m³
[Photo : Fig. 4 – Mesures d'oxygène dissous sur 24 heures effectuées dans les bassins d'aération.]
- Avril/Décembre 1992 :
kWh consommés : 4 103 880
m³ traités : 11 838 440
Soit une consommation ramenée au m³ traité de : 0,3467 kWh/m³
On constate donc un gain énergétique de 23,6 %. Dans le même temps, la charge polluante avait augmenté de 18,6 % pour les MeS, et de 23,6 % pour la DBO 5.
Considérant que l'investissement engagé pour l'ensemble de l'opération a été de 696 000 F TTC (dont 346 000 F TTC pour les matériels et logiciels informatiques), on peut escompter une période de retour sur investissement inférieure à deux ans…
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