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Modélisation des réseaux d'eau potable. Comptabilité avec la cartographie informatisée

30 novembre 1990 Paru dans le N°141 à la page 48 ( mots)
Rédigé par : Bruno CHOUX

Les exploitants des réseaux de distribution d’eau et d'autres réseaux comme l’assainissement, le gaz, l’électricité ou l’éclairage public ont entrepris d’informatiser la gestion de leurs plans et sont donc amenés à s’équiper de matériels et logiciels adaptés. Les avantages de tels systèmes ne sont plus à démontrer ; même si la collecte et la saisie des données représentent parfois un travail considérable, les informations mémorisées sont nécessaires à la bonne gestion du service. Nous verrons ci-après comment elles peuvent être judicieusement utilisées pour d’autres applications, en particulier par un logiciel de modélisation.

Modéliser : dans quel but ?

La complexité des réseaux d’eau potable et la difficulté éprouvée par les gestionnaires de prévoir les phénomènes hydrauliques qui s’y déroulent font de la modélisation une opération indispensable, rendue possible grâce aux progrès de l’informatique. Elle permet en effet :

• d’améliorer la connaissance des réseaux faisant l’objet d’une telle étude ;

• de détecter et de comprendre les désordres pouvant se produire sur le réseau : on peut par exemple localiser les zones où la pression est anormale et en déduire la présence de fuites ou l’existence d’éléments inconnus, s’apercevoir que les temps théoriques de fonctionnement de pompes sont bien inférieurs aux temps mesurés ou découvrir d’autres indices qui témoignent de dysfonctionnements ;

• de simuler sur une période d’au moins une journée le comportement du réseau afin d’en optimiser les ressources, les capacités de stockage, les pompages ;

• d’étudier l’impact de nouvelles consommations ou d’éventuels incidents, de prévoir et adapter les installations pour faire face à de nouvelles contraintes ou à des situations de crise ;

• de dimensionner les extensions, les renforcements ou les aménagements nécessaires pour satisfaire les nouveaux besoins.

C’est un véritable outil d’exploitation permettant au gestionnaire d’effectuer le diagnostic de ses réseaux, d’étudier des solutions aux problèmes rencontrés et de prévoir les situations futures. Sa mise en œuvre n’est cependant pas toujours facile, l'une des raisons étant due au fait qu’il est rare de trouver un logiciel disposant à la fois de bonnes performances au niveau du calcul et d'une grande souplesse d'utilisation.

Le logiciel de modélisation Eauceanix

Le logiciel qui a été mis au point pour effectuer la modélisation des réseaux maillés en charge se caractérise par diverses particularités :

• saisie interactive des données en mode graphique, très conviviale,

• grande puissance de calcul,

• utilitaires d’exploitation et de présentation des résultats performants.

Son module de calcul utilise une méthode de résolution aux nœuds et autorise le traitement simultané de plusieurs sous-réseaux. Il permet de simuler le fonctionnement en régime statique ou en dynamique pour une durée et des périodes définies par l’utilisateur. Dans ce cas, il est possible de décrire l’évolution des entrées par des courbes de fonctionnement : variation des débits de tirage aux nœuds, ouverture des vannes ou fonctionnement des pompes par exemple.

Il s’appuie sur l'éditeur graphique Microstation (1), sur le système de gestion de base de données relationnelles Informix (2). Le noyau de calcul a été développé par un institut de recherches spécialisé en hydraulique. La version actuelle est disponible sur station de travail Intergraph, sous système d’exploitation Unix (3).

(1) Microstation : éditeur graphique de dessin assisté par ordinateur (Intergraph).

(2) Informix : système de gestion de base de données relationnelle (Informix Corporation).

(3) Unix : système d’exploitation multi-tâche, multi-utilisateur (ATT).

[Photo : Cartographie du réseau.]
[Photo : Exploitation du modèle : histogramme de débit, courbe de niveau, mise en évidence des vitesses dans les conduites.]

Compatibilité avec un outil de cartographie informatisée

Une des idées de base du développement de ce logiciel a été non pas de créer un outil de calcul qui soit capable de fournir une représentation schématique du réseau pourvu que soient connus quelques-uns de ses points, mais d’utiliser au maximum les données du réseau préalablement numérisé au moyen d’un logiciel de cartographie informatisée pour effectuer des simulations hydrauliques. En l’occurrence, c’est la compatibilité avec le logiciel Eaunix (4) qui a été recherchée. Tout ou partie du réseau peut être ainsi extrait de la base de données grâce à des utilitaires de sélection et faire l’objet d’une modélisation (par exemple, toutes les conduites d’une zone délimitée par son contour dont le diamètre est supérieur à 150 mm). Les informations complémentaires telles que la rugosité des conduites ou les consommations aux nœuds sont alors fournies au système grâce à des commandes spécifiques. La saisie préalable par cartographie spécialisée n’est cependant pas nécessaire ; en effet, l’utilisateur dispose de tous les utilitaires de création, de déplacement, de modification ou de destruction d’objet, les mêmes que ceux qui ont été spécialement conçus pour la saisie cartographique, et qui en font un logiciel totalement autonome.

(4) Eaunix : logiciel interactif graphique lié à un système de base de données relationnelles, destiné à la gestion des réseaux d’eau (Optimum).

Interactivité entre représentation graphique et base de données

La saisie des données s’effectue de façon interactive, en mode graphique, éventuellement sur une couche de fond de plan ou, comme indiqué ci-dessus, par sélection à partir de la cartographie du réseau. L’entrée des paramètres caractéristiques se fait au moyen de fenêtres qui viennent se superposer à l’écran et qui sont suivies du placement du symbole correspondant sur le plan ; la base de donnée est mise à jour à la suite de chaque création ou modification d’élément. L’utilisation de valeurs par défaut et de fenêtres pré-renseignées avec les caractéristiques de l’objet précédent, l’affectation automatique de la longueur et des numéros de nœuds extrémité des tronçons permettent d’optimiser la saisie. Enfin, il est toujours possible de modifier les données ou de supprimer un élément par une simple pression sur le bouton de la souris.

Selon le même principe de pointage d’un objet, l’accès aux résultats de calculs est obtenu par sélection de la conduite, du nœud ou du réservoir considéré. Les résultats peuvent être visualisés soit sous une forme numérique, soit par le tracé d’une courbe représentant l’évolution de l’un ou l’autre des paramètres hydrauliques sur la durée de la simulation. Ainsi, le graphique montrant la variation de la pression à un nœud pendant la journée de pointe peut être positionné sur le plan et fournir un document d’analyse facilement interprétable. Pour offrir une vision rapide et globale des résultats de simulation, un utilitaire performant a été réalisé, destiné à mettre en évidence par différents coloriages tous les éléments qui répondent à des critères préalablement sélectionnés, et ceci pour une zone déterminée. Il est ainsi aisé de rechercher et visualiser les conduites dans lesquelles la vitesse en période de pointe dépasse un seuil donné, celles où elle est particulièrement faible ou encore, de classer et repérer les nœuds selon leur pression.

L’utilisation d’un gestionnaire de base de données puissant associé à des outils graphiques de qualité d’une part, le contact permanent entre les développeurs et les utilisateurs (exploitants et concepteurs des réseaux) d’autre part, font d’Eauceanix un logiciel très convivial. En effet, des bibliothèques de symboles, des tables de valeurs ou de libellés rendent possible son adaptation à chaque utilisateur, des menus déroulants, les fonctions de base d’un outil de CAO/DAO contribuent à son ergonomie et des fonctions utilitaires de recherche-sélection-modification assurent la rapidité des manipulations de données. Enfin, l’un de ses atouts est de permettre au technicien d’analyser et de simuler le comportement hydraulique d’un réseau d’eau en restant constamment face à sa représentation en plan.

[Photo : Configuration matérielle.]

Des performances accrues

Des progrès importants ont été réalisés afin de prendre en compte des réseaux de grande taille et d'exécuter les calculs très rapidement, tout en garantissant une bonne précision pour les résultats. Par exemple, sur le réseau très maillé des Sables d'Olonne qui comporte 640 tronçons, 530 nœuds, 8 réservoirs, une simulation en régime statique prend 2 mn de temps de calcul pour une précision de 0,1 l/s sur une station Interpro 220. L'exploitation des résultats peut alors avoir lieu.

En outre, le logiciel permet de simuler le fonctionnement d’un grand nombre d’organes de régulation, de fonctionnement plus ou moins complexe tels que groupes de pompes en série ou parallèle (chaque pompe pouvant être asservie sur des niveaux de réservoir), vannes de sectionnement ou de régulation asservies aux nœuds, stabilisateurs de pression, clapets...

Une évolution permanente

Depuis la création de la première version du logiciel, de nouvelles fonctionnalités ont été réalisées ou sont en cours de développement, et cela dans deux directions : d’une part pour concourir à atteindre les objectifs de qualité (qui sont aujourd’hui une priorité pour la Collectivité et pour l’Exploitant) et d’autre part, pour proposer des outils supplémentaires destinés à faciliter la tâche du projeteur, comme un module d'aide au calage ou encore la prise en compte de nouveaux accessoires. On peut citer les apports suivants :

  • l'intégration de limiteurs de débit et de pompes à vitesse variable dans le modèle ;
  • un outil d'aide à la décision destiné à faciliter le calage ; la procédure est fondée sur une analyse multifactorielle des résultats d’une première simulation, et permet de sélectionner les nœuds du réseau les plus intéressants pour y faire des mesures ;
  • un module suivi de la qualité de l'eau pendant son transport dans les réseaux comportant un modèle de circulation par prise en compte du transfert en mode dynamique de constituants chimiques. Il peut s'appliquer à l’exploitation des traçages pour l’évaluation des risques de contamination et à la prévision de la qualité de l'eau distribuée pour des concentrations de constituants stables, voire même à cinétique plus complexe. Quel est le meilleur emplacement pour installer un appareil de chloration ? quelles doses appliquer pour retrouver une concentration seuil en extrémité d’antenne ? comment va se propager une pollution introduite en un point donné du réseau ? sont des questions auxquelles ce nouveau module contribue à apporter des réponses.

Enfin, le couplage de ce système de modélisation avec un système de télétransmission doit aboutir à l'optimisation en temps réel du fonctionnement d'un réseau d’alimentation et de distribution d’eau potable. Le principe consiste à fournir directement les informations nécessaires par l’intermédiaire des capteurs, transmetteurs et base de données centrale, à effectuer les calculs de simulation, exploiter les résultats par un algorithme d’optimisation et transmettre les consignes aux organes de régulation par télécommandes. La réalisation de cette application sur un site est en cours.

Conclusion

Le logiciel évoqué ici a été conçu par des gestionnaires de réseaux, comme un élément faisant partie d’une famille d'outils complémentaires, et qui donc utilise les mêmes ressources logicielles et matérielles. Dans cet environnement, la modélisation, indépendamment de son intérêt en tant que telle, optimise le travail de cartographie du réseau d’eau, cartographie qui elle-même peut partager le fond de plans avec d’autres types de réseaux et constituer un système d'informations géographiques cohérent.

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