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Mise en oeuvre de l'autosurveillance sur la commune de Lorient

30 octobre 2001 Paru dans le N°245 à la page 60 ( mots)
Rédigé par : Stéphane DAUPHIN et Yannick GUEZENNEC

Cet article décrit l'utilisation faite des données de la mesure en continu installée sur le réseau d'assainissement eaux usées de la ville de Lorient. Après deux années de fonctionnement, les données enregistrées ont été reprises et analysées en vue de quantifier les eaux parasites par bassins versants. Les résultats montrent que le réseau lorientais se comporte assez bien puisqu'il recueille seulement 20% d'eaux parasites et qu'il existe des différences notables d'un quartier à l'autre, notamment pour les branchements non conformes dont la fréquence semble doubler dans les quartiers plus anciens. Ces résultats serviront à orienter les choix du maître d'ouvrage dans ses investissements futurs. Mots clés : collectivité, métrologie, réseau d'assainissement, mise en oeuvre, eaux parasites.

Lorient (Morbihan, 60 000 habitants) est une ville du littoral breton qui a été entièrement détruite pendant la dernière guerre mondiale. Tous les réseaux d’assainissement ont donc été refaits après guerre. Les réseaux de la reconstruction sont en grès vitrifié avec des joints à la corde enduits de bitume. Hormis les branchements particuliers non conformes, le réseau lorientais est complètement séparatif, sans surverse du réseau eaux usées « EU » vers le réseau eaux pluviales « EP ».

En 1996, à l’occasion de la construction de sa nouvelle station d’épuration et sous l’impulsion de l’Agence de l’Eau Loire-Bretagne, la ville de Lorient s'est dotée d’un dispositif métrologique d’autosurveillance de son réseau d'assainissement EU. Fin 1997, après plus d’une année de mise au point et d’observation, le dispositif est devenu opérationnel.

Ensuite, après deux années de fonctionnement, les données ont été reprises et traitées selon le modèle de l’Agence de l’Eau pour la rédaction du rapport « Aide au Transfert Maximal des pollutions domestiques en réseau d’assainissement » (ATM). Outre le fait de synthétiser un grand nombre de données sur l'agglomération : composition et gestion du système d’assainissement ; population ; points de mesures ; industriels ; etc., ce rapport comprend un bilan annuel rédigé à partir des données du réseau de mesure. L’objectif est de caractériser le fonctionnement global du réseau, et plus particulièrement les déversements directs au milieu.

Mots clés : collectivité, métrologie, réseau d’assainissement, mise en œuvre, eaux parasites

[Photo : Figure 1 : Chaîne de mesure]

Répartition géographique

Les débitmètres permettent d'isoler 4 bassins versants élémentaires couvrant les deux tiers de l'agglomération, le dispositif est en cours d'extension pour une couverture intégrale de la zone desservant la nouvelle station d'épuration.

Naturel et la part des eaux parasites.

Cet article a pour but de décrire les aspects pratiques et techniques liés au système métrologique, et enfin d'en montrer les premiers enseignements.

[Photo : Figure 2 : Bassins versants et sites de mesure de débit]

Description du dispositif

Composition du réseau métrologique

Le dispositif initial se compose de 4 sites de débitmétrie, 3 sites de pluviométrie, 1 site de mesures physico-chimiques et un détecteur de surverse. Les capteurs sont reliés à une armoire électrique où sont situés les différents boîtiers d'acquisition et de communication. Chaque site a la possibilité d'appeler à tout moment le superviseur par le réseau téléphonique pour signaler un défaut. Le superviseur appelle les sites chaque nuit pour rapatrier les données de la journée. Ces données sont alors concaténées à la base de données existante. L'archivage des données brutes se fait au pas de temps de 3 minutes. Le matériel utilisé sur les sites est décrit dans le tableau 1.

Tableau 1 : Détail des sites de mesure

Nombre de sites Paramètre recherché Milieu de mesure Type de capteur Type de sonde Convertisseur Satellite de com.
3 Débit Regard EU Vitesse Doppler Ultrasons Sigma Sofrel S50
1 Débit Regard EU refoulement Débitmètre électromagnétique Électrode Krohne Sofrel S50
3 Pluviométrie Toit Pluviographe Augets 0,1 mm Sofrel S50
1 Redox, Conductivité, pH Regard EU Redoxmètre, Conductimètre, pH-mètre Électrode Aqualyse Sofrel S50
1 Déplacement de seuil Regard EU Hauteur Sonde Ultrasons Sigma Sofrel S50

Le superviseur est un PC classique dont l'application de supervision « Caesar » fonctionne sous QNX. « Caesar » provient de l'informatique industrielle et a été développé par ACC LA JONCHERE.

Maintenance

La maintenance est confiée par appel d'offres à une entreprise. La prestation est rémunérée mensuellement en fonction du pourcentage de données valides. Les prix sont définis pour 80 % de données valides, chaque pourcentage de données valides supplémentaires majore le prix de base de 0,5 %, dans le cas contraire, le prix de base est minoré de 1 % par point de données valides en moins (voir exemple en annexe).

Pour 1998 et 1999, le taux de validité des données de débit est compris entre 82 % et 98 %. Les principales causes de non-validité proviennent de l'armoire électrique et sont liées essentiellement aux orages. Les sondes elles-mêmes n'ont pas posé de problèmes. Les visites sont effectuées en moyenne une fois tous les quinze jours, avec un nettoyage complet (sondes et cunette) en moyenne une fois par mois. Les sondes ultrasons sont

[Photo : Figure 3 : Filtrage des mesures brutes de débit]

parfois recalées (5 fois en deux ans maximum).

Bien que très simples dans leur principe, les pluviomètres peuvent être sujets aux pannes. En effet, le comptage s'effectue par passage d'un aimant devant une bobine ; or sur un site l’aimant s'est décollé, sur un autre la bobine s'est rompue. Les principaux soucis proviennent de boîtiers intermédiaires défectueux ; ces boîtiers ont été ajoutés sous l'appareil pour répartir le signal entre une acquisition autonome (type Alcyr) et le superviseur. Ce type de panne est d’autant plus gênant qu’il est très difficile de reconnaître une absence de signal dans un comptage de pluie. Généralement la panne est détectée par comparaison avec les mesures des autres sites.

Le site de mesure physico-chimique est placé en aval d'une zone industrielle et portuaire. La sonde redox est remplacée tous les ans, la sonde pH a duré deux années ; par contre, la sonde de conductivité est d'origine. C'est le seul site où un convertisseur a dû être remplacé. Les sondes nécessitent un nettoyage, voire un polissage, et une vérification de l'étalonnage au moins tous les mois. Bien que ces sondes fassent l'objet de nombreuses interventions, leurs mesures restent difficilement interprétables. Les paramètres mesurés subissent de fortes variations qui ne sont pas forcément répétitives. Il est par exemple difficile de distinguer une dégradation de la qualité de l'effluent d'une dégradation de la qualité de mesure. Pour l'instant, nous avons seulement observé que les variations de conductivité correspondaient aux hauteurs de marées, ce qui signifie que de l'eau de mer pénètre dans le réseau.

Exploitation des données

Validation

Elle vise également à présenter les données sous une forme logique et facilement manipulable lors de leur exploitation. La validation s'effectue selon les étapes suivantes :

* Prévalidation/Correction des données brutes sur le superviseur. Lors de cette étape, les périodes défectueuses sont repérées visuellement et marquées numériquement par une constante, par exemple « -1 » pour les mesures de pluie non valides.

Pour deux débitmètres, les mesures sont parasitées lorsque les débits sont faibles, ceci est probablement dû à une perte d'écho des sondes Doppler. Ces artefacts sont d’autant plus gênants qu'ils fausseront les moyennes calculées pour les débits nocturnes, valeurs qui sont essentielles dans le calcul des eaux parasites d'infiltration. Pour corriger ces erreurs, une procédure a été ajoutée au superviseur ; c’est un filtre qui vérifie si la mesure au temps « t » diffère nettement de la mesure au temps « t-1 ». Si c'est le cas, la mesure est remplacée par la mesure du pas de temps précédent (figure 3).

* Construction de la base de données au pas de temps horaire. Au cours de cette étape, selon le type de mesure, on calculera soit des moyennes horaires (débits, mesures physico-chimiques), soit des cumuls horaires (pluie, temps de surverse).

* Exportation sous un tableur et validation définitive. On demande au superviseur de construire un tableau en colonne des dates et des mesures au pas de temps horaire afin de les exporter vers un tableur. Dans le tableur, l'ensemble des données est visualisé graphiquement pour vérification. Les données non valides sont effacées.

Détermination des eaux parasites

La procédure de calcul est automatisée et optimisée pour diminuer les facteurs de variations dus au choix de l’opérateur et au changement de sites ou d’années. De manière simplifiée, son déroulement est le suivant :

1. Calcul d'un débit théorique (Q_théor), basé sur le rythme hebdomadaire moyen par temps sec et calé sur les débits minimum enregistrés hors événement pluvieux.

2. À chaque événement pluvieux, le débit mesuré est remplacé par le débit théorique s'il lui est inférieur ; les eaux parasites de captage « EPC » sont alors obtenues par différence (Q_parasit = Q_mesuré - Q_théor).

3. Calcul des eaux parasites d’infiltration « EPI » par la méthode des fractions nocturnes (Joannis, 1994) sur le débit restant (Q_mesuré - Q_epc).

4. En soustrayant les EPI et EPC au débit total, nous obtenons les eaux usées strictes « EU » (Q_eu = Q_mesuré - Q_epc - Q_epi).

Après calcul, nous obtenons les résultats décrits dans les figures 4 et 5.

Détermination des surfaces actives

Au cours du calcul de décomposition du débit, les périodes pluvieuses sont repérées par événements (voir figure 3) et non par jours de pluie. Nous utilisons pour ceci la méthode décrite dans la thèse de Berthier (1999). Ainsi, pour chaque événement, nous obtenons un volume supplémentaire déversé, qui est la somme des EPI calculées.

[Photo : Figure 4 : Exemple de décomposition des débits, semaine du 6/12/99, données horaires. Site « Laennec »]

et une hauteur de pluie correspondante. La surface active du bassin versant est ensuite estimée par la pente de la droite de corrélation des deux séries (figure 6).

Résultats

Le tableau 2 se décompose en trois parties. Dans la partie supérieure se trouvent les caractéristiques de chaque bassin versant, la partie centrale présente les résultats obtenus pour les années 1998 et 1999 et la partie inférieure des ratios « techniques » qui permettent de comparer les bassins entre eux.

* Commentaires sur les calculs :

Globalement les résultats sont assez cohérents. Cependant, on remarque quelques différences importantes d’une année sur l’autre pour les bassins versants du Bois du Château et de Keryado. En effet, pour le premier, le débit moyen EU est nettement supérieur en 1999 et pour le deuxième les EPI sont bien plus importantes en 1999. Ces différences peuvent être expliquées en partie par la présence de nombreuses données invalides en 1999. Pour le bassin versant du Bois du Château, le manque de données a lieu essentiellement pendant les périodes pluvieuses, des EPI sont alors attribuées à tort à la fraction des EU lors du calcul. Pour le bassin versant de Keryado, le manque de données a lieu de mai à octobre, par conséquent la moyenne journalière est représentative de la période « nappe haute » et non de …

[Photo : Figure 5. Exemple de décomposition des débits, Année 1998, données journalières Site « Laennec » – Bassin versant du « Bois du Château »]
[Photo : Figure 6. Exemple de calcul de la surface active. Site « Laennec » – Bassin versant du « Bois du Château », 1998]

Tableau 2 : Résultats obtenus pour 1998 - 1999

Années 1998 - 1999
Pluie totale**
Surface B.V. (ha)
Surf. imperméable (ha)
Km de réseau EU
Nombre d’habitants
Validé (%)

(9) Le « total métrologie » n’est pas la somme des quatre colonnes, mais la somme de trois sites de mesure, car les mesures de débits pour le bassin versant « Lorient Centre » sont obtenues par différence entre les sites de mesure « Duplai » et « Laennec ».

(8) Moyenne 1952-1999 = 920 mm/an.

[Photo : Synthèse des résultats, année 1998]

L'année entière, d’où une surestimation logique des EPI. Le fait que l'année 1999 soit nettement plus pluvieuse que 1998 renforce ces différences.

Commentaires sur les résultats :

Le réseau lorientais se comporte assez bien puisque la fraction des eaux parasites avoisine seulement 20 % et que moins de 5 % des surfaces imperméables sont victimes d'erreurs de branchement.

Les erreurs de branchement sont deux fois plus importantes dans les quartiers les plus denses et anciens (« Bois du Château » et « Lorient Centre ») comparés aux quartiers résidentiels plus récents (« Keryado » et « Larmor »).

En ce qui concerne les eaux d’infiltration, c’est le bassin versant du « Bois du Château » qui semble dans le plus mauvais état, suivi du réseau du centre-ville. La situation du bassin de Keryado devrait être éclaircie dans les années à venir si les données le permettent. Il semble que ce réseau draine une grande quantité d’eau lors des années pluvieuses, ce qui est d’autant plus logique que l’aval de ce bassin se situe dans une cuvette, et d’autant plus préoccupant que les eaux sont relevées deux fois avant d’arriver à la station d’épuration.

Comme il est généralement observé dans les agglomérations, les rejets d’eaux usées des habitants du centre-ville sont plus importants que ceux des habitants des quartiers résidentiels.

Synthèse des résultats :

Quantitativement, les réseaux du « Centre » et du « Bois du Château » drainent un peu moins d'eaux parasites que les deux autres bassins versants. Par contre, d’un point de vue qualitatif, les ratios techniques prouvent que ce sont ces deux bassins qui présentent le plus de désordres. Cette opposition de résultat

[Photo : Métrologie assainissement – janvier 2000]

Annexe : Exemple de fiche de validation pour paiement de la prestation de maintenance

est due uniquement à la densité de la population au centre-ville.

Conclusion

Nous montrons ici comment une ville de moyenne importance peut tirer parti d'un dispositif d’autosurveillance de son réseau d'assainissement, dont le principal intérêt est d’accroître la connaissance du maître d'ouvrage et de l’aider dans ses choix en matière d’investissement. Si l'on conçoit que les choix en matière d'investissement résultent du croisement d'un ensemble de critères (vétusté, voiries refaites, etc.), alors le critère dégagé par l’observation météorologique est sans conteste l'un des plus importants.

Maintenant, les perspectives visent à améliorer les facteurs liés à la méthode : en premier lieu, en étendant le réseau de mesure à l'ensemble de l'agglomération et en passant la gestion et l’analyse des données sur MINAUTOR (Mesures INformatisées pour l’AUTOsurveillance des Réseaux, progiciel de l’Agence de l'Eau) ; ensuite, en recoupant les résultats avec d'autres sources d'informations telles que les consommations d'eau potable ou plus généralement avec le SIG en cours de déploiement à Lorient.

[Encart : Stéphane Dauphin est un jeune docteur en sciences formé au Laboratoire Central des Ponts et Chaussées (LCPC) où il a rédigé une thèse sur la métrologie dans la section de Claude Joannis. Après cette première expérience lorientaise, il souhaiterait poursuivre dans le même domaine, c'est-à-dire optimiser et exploiter la mesure en continu en assainissement. Si vous êtes intéressé, n'hésitez pas à le contacter, vous trouverez ses travaux et ses coordonnées sur son site « http:\\stephane.dauphin.free.fr ».]

Références bibliographiques

  • - Berthier, E. (1999). Contribution à une modélisation hydrologique à base physique en milieu urbain. Institut National Polytechnique de Grenoble, 196 p. Thèse : Mécanique des Milieux Géophysiques et Environnement, Grenoble, 09/04/1999.
  • - Joannis, C. (1994). Précision des estimations de débits d'eaux parasites d'infiltration dans les réseaux de collecte des eaux usées – Influences des erreurs de mesures et de la méthode de calcul. Bulletin de liaison des Laboratoires des Ponts et Chaussées, n° 189, janv.-fév. 1994, réf. 3806, 16 p.
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