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Mise en place des conduites à joints en élastomère : les pâtes à joint et la désinfection

30 mai 1989 Paru dans le N°128 à la page 45 ( mots)
Rédigé par : M RIZET, J.p. BARBIER et J MAILLIARD

La mise en place des segments d'une conduite à joints en élastomère nécessite l'utilisation d'une pâte lubrifiante pour réaliser l'assemblage ; appliquée en quantité limitée sur des surfaces préalablement nettoyées, elle facilite le glissement des surfaces à emboîter. Les pâtes à joint peuvent être de nature différente, leur seul point commun étant leur propriété lubrifiante et leur innocuité vis-à-vis de l’eau transportée. Citons parmi les pâtes minérales : des graisses minérales, des pâtes au silicone et, parmi les pâtes organiques, des produits à base de savon, d’huiles animales ou végétales. Un lubrifiant sec au graphite peut également être utilisé.

La réalisation d'un nouveau réseau d’eau potable ou la réfection d'une conduite endommagée entraîne, lors du chantier, une souillure inéluctable par le terrain ou les eaux d’imbibition de ce dernier. Un nettoyage et une désinfection suivis d'un rinçage de la conduite sont donc pratiqués avant la remise en service du tronçon de réseau considéré pour le transport des eaux de consommation.

La désinfection est généralement assurée en position statique, une solution concentrée de désinfectant étant introduite et maintenue dans le tronçon de conduite. Les produits les plus couramment utilisés sont l’hypochlorite de sodium (eau de javel), l’hypochlorite de calcium et le permanganate de potassium. Les temps de contact et les taux de concentration usuels sont rappelés dans le tableau I.

La phase de désinfection terminée, la conduite est rincée à grande eau (le volume minimum de rinçage correspondant à quatre fois le volume du tronçon de conduite considéré).

Pour la bonne efficacité de ces opérations de nettoyage, désinfection et rinçage, il est indispensable que toutes les surfaces qui seront au contact de l'eau transitée soient en contact avec le désinfectant sans qu’il y ait confinement ; un résiduel de désinfectant actif doit être maintenu aussi longtemps que possible au contact de la surface à traiter. Il est important que les matériaux de lubrification (appellation générale : « pâte à joint »), outre leurs propriétés lubrifiantes dans les différentes conditions de chantier (température variable, humidité, voire conditions d’immersion, etc.), n’entretiennent pas une contamination, bactérienne par exemple.

De plus, la combinaison de leur solubilité dans l'eau, de leur biodégradabilité et de leur adhérence à la paroi de la conduite, ne doit pas favoriser la protection ou la prolifération des germes, notamment coliformes, dont l’élimination est recherchée.

Des comparaisons des propriétés lubrifiantes et des propriétés sanitaires de différentes pâtes à joint ont fait l'objet de quelques essais dont les conditions de mise en œuvre et les résultats sont consignés ci-après.

Nature des produits testés

On a procédé à des tests sur sept catégories de pâtes :

  • A : à base de dérivés d'origine pétrolière type paraffinique, pratiquement insoluble dans l’eau, peu biodégradable, formule sans bactéricide.
  • A' : idem avec bactéricide.
  • B : à base d’huiles végétales saponifiées, enrichies en bactéricide (cétrimide) éliminable à l’eau.
  • B' : idem à concentration en bactéricide renforcée.
  • C : à base d'huiles végétales saponifiées, bactéricide incorporé, éliminable à l’eau.
  • D : origine pétrolière type paraffinique.
  • E : produit à base de silicones non biodégradable.

Comparaison des propriétés lubrifiantes des différentes pâtes testées

On trouvera dans le tableau II les spécifications auxquelles doivent répondre les différentes pâtes lubrifiantes et les résultats des sept pâtes testées.

Comportement des pâtes vis-à-vis des populations bactériennes (test de laboratoire)

Étant donné leur composition, certaines pâtes lubrifiantes peuvent constituer un milieu nutritif pour des bactéries apportées notamment par l’eau des fouilles pénétrant dans les canalisations. Il est donc impératif d’empêcher une prolifération bactérienne qui pourrait

Tableau I : Désinfection de conduites

Doses de désinfectants et temps de contact minima efficaces

Désinfectant Dose minimale Temps de contact minimal
Permanganate de K 30 g/m³ 24 h
Hypochlorite Na 10 g/m³ 24 h
Hypochlorite Na ou Ca 150 g/m³ en Cl₂ 30 mn

* Société Lyonnaise des Eaux

** Pont-à-Mousson SA

entraîner la nécessité de rinçages-désinfections répétés. Certaines autres, par leurs propriétés chimiques, peuvent inactiver le chlore et constituer ainsi une enveloppe protectrice pour les bactéries.

Pour étudier ces phénomènes, des tests de laboratoire ont été appliqués au laboratoire de l’IRH (Institut de Recherches Hydrologiques) de Nancy et au Centre de Recherches de la Lyonnaise.

Deux protocoles analytiques ont été adoptés :

• le test ASTM G 22-76 avec inclusion de la pâte à tester dans une gélose carencée en carbone, qui représente une variante du test G 22-76 proprement dit ; c’est ce test qui, après modification du mode opératoire, a donné les meilleurs résultats et une très bonne fiabilité, quel que soit le laboratoire ;

• un test par dispersion de la pâte testée dans un échantillon d’eau ensemencé.

Selon ces deux protocoles, le comportement des pâtes a été expérimenté vis-à-vis de deux souches bactériennes : Pseudomonas aeruginosa et Escherichia coli selon le premier protocole, Pseudomonas aeruginosa et Klebsiella oxytoca selon le second (ce dernier germe avait été isolé d’un réseau, à la suite de difficultés de désinfection intervenues après travaux).

Les résultats faisant la synthèse de quatre campagnes d’essais pratiqués dans les deux laboratoires sont consignés dans le tableau II. Les protocoles analytiques adoptés donnent des résultats équivalents pour l’ensemble des produits testés.

On constate que les pâtes suscitant peu ou pas de culture bactérienne dans les conditions du test sont les pâtes minérales, insolubles dans l’eau (A, A’, D et E) ou les pâtes organiques à teneur renforcée en bactéricide (B’).

Tableau II : Résultats des essais pratiqués sur sept catégories de pâtes lubrifiantes pour joints élastomère

CaractéristiquesUnitéMéthodeSpéci.AA’BB’CDE
Mise en œuvre
Viscosité apparente (20 °C)cPASTM D 2669< 800380420540380860
Pénétrabilité au cône (1/10 mm)NF T 80132
– à 20 °C< 500300310560450375300320
– à 80 °C= 500420350460300425
– à 100 °C< 600360310460440310540
Caoutchouc NR et EPDM*NF T 46013
Gonflement (3 j dans la pâte)% vol.NR EPDM 4NR EPDM 2NR EPDM 1NR EPDM 1NR EPDM 1NR EPDM 1NR EPDM 1
Variation de duretéShore A0/10 °C–2–2–2000–24
Pouvoir lubrifiantdaN< 500280350420540380360

* caoutchouc conforme à NF T 47-306 classe 70.

Tableau III

Inocuité

Caractéristiques en tant que milieu nutritifMéthode d’essaisSpécificationAA’BB’CDE
Pseudomonas aeruginosaASTM G 22-76CNCFCNCACNCTACNCN
Coliformes E. coliASTM G 22-76CNCFCNCACNCTACNCN

CN : culture nulle — CF : culture faible — CA : culture abondante — CTA : culture très abondante.

Discussion et conclusion

Quatre critères sont primordiaux pour le choix d’une pâte lubrifiante : — son pouvoir lubrifiant, — sa solubilité dans l’eau, — son caractère nutritif vis-à-vis des bactéries (lié à la biodégradabilité), — son pouvoir toxique vis-à-vis des bactéries.

Le premier caractère s’impose sans contestation ; c’est le caractère fonctionnel de base du matériau.

Pour la solubilité, l’interprétation est plus complexe : si elle est nulle ou très faible, le produit restera en place et concernera peu la qualité de l’eau transitée. Si la solubilité dans l’eau n’est pas négligeable, elle ne doit pas être trop élevée pour que le produit ait le temps de jouer son office à l’emboîtement des conduites.

Le WRC et le KIWA recommandent que les pâtes de montage soient biodégradables, mais cela entraîne une croissance bactérienne. Pour limiter ou inhiber ce phénomène, ces pâtes vont être additionnées de produits bactéricides de façon à freiner, voire bloquer, la biodégradation normale du produit de base.

Cela impose donc d’appliquer le produit en quantité juste suffisante sur les pièces qui viendront en contact (embout mâle du tuyau et intérieur de la bague de joint) et de procéder à plusieurs lavages-rinçages de la canalisation avant désinfection. Cette pratique donne couramment satisfaction en Grande-Bretagne depuis plus de quinze ans avec ce type de pâte lubrifiante soluble dans l’eau.

Il semble donc, à la lumière des essais réalisés et de l’expérience acquise en ce domaine, que les meilleurs résultats, concernant l’emboîtement et la désinfection de conduite, soient obtenus en utilisant les quantités minimales nécessaires de pâtes minérales insolubles ou de pâtes biodégradables à forte charge bactéricide.

BIBLIOGRAPHIE

— ASTM American National Standard ANSI/ASTM G 22-76. — Pont-à-Mousson – Canalisations (1985).

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