La détermination des flux de pollution rejetés dans les milieux naturels, l’exploitation rationnelle des stations d’épuration nécessitent la détermination permanente des débits des effluents. Un grand nombre de dispositifs sont actuellement utilisés. Leur diversité est à la fois liée aux contraintes de sites et à la variété des systèmes de mesures utilisables. Cette multiplicité des choix techniques possibles ne supprime en aucune façon les difficultés. Beaucoup trop de matériels sont peu adaptés aux mesures sur les sites, soit par leur conception même, soit parce qu’ils reposent sur l’exploitation de lois physiques approximatives.
La première génération d’appareils conçus pour mesurer les débits d’eau sur déversoirs était basée sur des principes exclusivement mécaniques ou électromécaniques. Aujourd’hui, les appareils basés sur ces principes et que l’on trouve sur le marché ne sont que des versions améliorées des appareils de la première génération. Si leur fiabilité ne peut être mise en doute, la précision des résultats obtenus laisse à désirer. Un recalibrage périodique doit être effectué en usine afin de maintenir les performances à un niveau raisonnable. Enfin, leur structure interne les condamne pratiquement à ne pouvoir être utilisés qu’avec le type de contraction pour lequel ils ont été conçus. L’adaptation « in situ » de ces appareils sur un autre type de contraction provoque généralement des erreurs de mesure très importantes. Ces appareils doivent donc être réservés pour un emploi à postes fixes lorsque l’on n’attend pas une grande précision de mesure.
Une deuxième génération d’appareils, à utilisation simplifiée, a vu le jour avec l’apparition des transistors. Elle n’a pas amélioré cependant de façon très sensible les performances.
Une troisième génération, née avec les circuits intégrés linéaires, a permis au contraire de franchir une étape importante. Les appareils électroniques de mesure proposés à l’heure actuelle font généralement appel à cette technologie. L’organisation interne de ces matériels permet de les adapter, par l’intermédiaire de quelques commandes accessibles à l’utilisateur. Malheureusement les calculs réellement exécutés par l’appareil ne sont pas strictement conformes à l’équation théorique déterminant le débit et relative au déversoir sélectionné. De plus, les résultats obtenus sont entachés d’erreurs supplémentaires dues au principe analogique : dérive en température, instabilité dans le temps, etc.
Enfin, une quatrième génération d’appareils est en train de voir le jour grâce aux progrès réalisés dans la conception des circuits intégrés logiques. C’est un appareil de ce type — calculateur numérique à microprocesseur — que nous allons présenter, en justifiant auparavant les fondements mêmes des formules mises en œuvre dans le traitement des données. En effet, l’amélioration des performances doit aller de pair avec le traitement des données. La formulation doit être la plus rigoureuse possible. Nous nous limiterons à une étude critique des formulations usuelles et à décrire les formulations mises dans cette nouvelle génération d’appareils.
4. LES LIMITES DE CERTAINES FORMULATIONS DES DÉBITS EN CANAL OUVERT
Rappelons pour mémoire que l’évaluation des débits dans un canal ouvert consiste à mesurer les variations d’une hauteur d’eau en amont d’un dispositif déprimogène et à relier la hauteur ainsi mesurée au débit réel. Divers capteurs permettent de transformer les variations de hauteur d’eau en un signal (électrique, mécanique).
Selon les charges ou les débits des effluents, on utilise différents dispositifs de contraction (déversoirs, seuil épais, canaux Venturi…).
La loi générale reliant débit et hauteur d’eau est de la forme :
Q = f (h, C₁, C₂, C₃…) hⁿ C₁, C₂, C₃ = constantes géométriques définissant la contraction. h = hauteur de charge. n = valeur variable avec le type de construction.
En canaux ouverts, trois relations sont généralement utilisées pour caractériser les débits en fonction de la hauteur de charge. Elles sont obtenues pour n = 1, 3/2 et 5/2.
La plupart des ensembles de mesures de débit travaillent donc en linéarisant le signal électrique — par exemple en h¹/³ ou h⁵/² — selon le type de contraction utilisé.
Cependant, le débit n’est pas rigoureusement proportionnel à la hauteur de charge à une certaine puissance. Tout appareillage admettant cette simplification induit des erreurs qui peuvent être importantes (figure 1).
Dans le coefficient de proportionnalité, en effet, figurent des constantes relatives au type de contraction et aux caractéristiques du canal de mesure (C₁, C₂, C₃…) mais surtout relatives à la variable elle-même h.
De nombreux auteurs (2, 3) se sont efforcés d’affiner les formulations en y intégrant des coefficients correctifs tenant compte de la rugosité, de la vitesse d’approche…
Malheureusement, la plupart de ces coefficients sont difficilement évaluables lors des mesures sur le terrain.
Parmi tous les déversoirs existants, deux types : — le déversoir rectangulaire sans contraction latérale (appelé communément déversoir de Bazin), — le déversoir triangulaire d’angle 90°, ont fait l’objet d’un grand nombre de travaux. Dans la mesure du possible leur utilisation est donc préférable, les valeurs du débit obtenues par leur intermédiaire sont plus précises.
Parmi les différentes possibilités couramment utilisées (1), nous étudierons les formulations de KINDSVATER-CARTER et celles de KINDSVATER-SHEN.
Nous allons cependant présenter leurs contraintes pour justifier leur abandon dans l’élaboration de l’appareil.
@ Pour les déversoirs rectangulaires : Formulation de KINDSVATER-CARTER
Le débit est donné par l’équation :
\[ Q = C_d \cdot \frac{2}{3} \sqrt{2g}\, b\, h_3^{\frac{3}{2}} \quad (Q \, \text{m}^3/\text{s}) \]
où : g : accélération de la pesanteur en m/s². h₃ est une hauteur de lame fictive en mètres.
\( h_3 = h + k \)
h : hauteur de lame k : grandeur expérimentale tenant compte de la viscosité… b₃ est la largeur fictive de l’échancrure (en mètres). b : largeur de l’échancrure
\[ b_3 = b + k \]
k : grandeur expérimentale
\[ C_d = a + a' \left( \frac{B}{B_3} \right)^{1.74} \]
avec \( a = 0{,}587 + 0{,}015 \left( \frac{p}{p_3} \right) \)
\[ a' = 0{,}0030 + 0{,}00780 \left( \frac{p}{p_3} \right) \]
B : largeur en mètres du canal.
\[ Q_{\text{max}} = Q \cdot f(h, C_d, \alpha, \ldots) \cdot h_n \]
– TYPE : SIMPLE LINEARISATION
\[\alpha, x\]
\[ (*) e \]
Par programmation de cette formule, nous avons représenté figure 2 a et 2 b les variations du débit en fonction de la hauteur de charge, pour des déversoirs, sans contraction et avec contraction latérale, installés dans un canal de même largeur.
Les limites d’utilisation sont alors les suivantes : h : hauteur de charge > 0,03 m, p : hauteur de pelle > 0,10 m
\[ b = B - b \]
\[ < 2 - > 0{,}10 \, \text{m} \quad \text{et} \quad b > 0{,}15 \, \text{m} \]
@ Pour les déversoirs triangulaires : Formulation de KINDSVATER-SHEN
Le débit est donné par l’équation :
\[ Q = C_d \cdot \frac{8}{15} \sqrt{2g} \, \frac{\tan(\theta / 2)}{2} \]
h₃ est défini comme précédemment.
C₁ est un coefficient de débit qui tient compte de la hauteur de pelle, de la hauteur de lame, de la largeur du canal et de l’angle θ. Il est donné par les tables. Grâce à celles-ci, nous avons pu tracer les variations du débit en fonction de la hauteur de charge pour les trois angles conseillés (fig. 4).
Comme pour les déversoirs rectangulaires, il existe des limites d’utilisation qui sont les suivantes :
\[ B > 1{,}20 \, \text{m} \quad p > 0{,}45 \, \text{m} \]
\[ \frac{h}{b} < 0{,}2 \quad h < 0{,}4 \]
et
\[ 0{,}05 < h \, (\text{en m}) < 0{,}38 \]
Sur la figure 3, nous avons tracé les courbes de variations du débit en fonction de la hauteur de charge, pour un déversoir à contraction latérale et un déversoir triangulaire, installés dans un canal de même largeur B.
Les courbes des figures 2, 3 et 4, obtenues pour des déversoirs de caractéristiques différentes, permettent de couvrir une gamme de débits allant de 500 l/s maximum à 30 l/s maximum.
Si l’on compare ces courbes, nous constatons :
Que, pour des débits importants (fig. 2), le déversoir à contraction latérale est plus sensible que le déversoir de Bazin. En effet, pour une même valeur du débit, la hauteur d’eau est plus importante. Cependant, le déversoir à contraction latérale n’est pas pour cela d’un emploi universel ; on doit l’utiliser avec précaution : l’effluent doit être peu chargé, la contraction « piège » certaines matières en suspension et les flottants. En outre, les conditions restrictives h > 0,10 m et b > 0,15 m font que, dans certains canaux, son installation est impossible. Enfin, lorsque les débits deviennent trop importants, le déversoir, qui doit être à paroi mince, risque de se déformer. En conclusion, ce type de déversoir sera à utiliser pour des hauteurs d’eau relativement faibles. En ce qui concerne le déversoir de Bazin, la hauteur d’eau doit être suffisamment importante pour assurer un bon décollement de la lame d’eau.
Pour des débits moyens (fig. 3) où h et Q ont la même variation, il est préférable d’utiliser un déversoir triangulaire α = 90°. Celui-ci est plus sensible que le déversoir à contraction latérale (pour Q < 100 l/s). En outre, le déversoir triangulaire à 90° est mieux connu du point de vue expérimental.
Pour des débits faibles (Q < 50 l/s) (fig. 4), la sensibilité est d’autant plus grande que l’angle est petit. Bien entendu, la gamme de débits mesurable est étroite.
Lorsque l’on doit réaliser des mesures sur le terrain, certains paramètres tels la largeur et la profondeur du canal sont imposés.
Des restrictions telles que :
- B > 1,20 m et p > 0,45 m (déversoir triangulaire),
- h > 0,10 m et b > 0,15 m (déversoir à contraction latérale),
ne peuvent être prises en compte.
Pour lever les contraintes liées aux formulations usuelles, nous nous sommes donc attachés à travailler avec des formules qui, tout en étant plus simples, donnent des résultats proches (quelques %) ou confondus avec ceux obtenus par les formules précédentes.
2. FORMULATIONS MISES EN ŒUVRE DANS LE CALCULATEUR PROGRAMMABLE
Pour le déversoir à paroi mince (type Bazin) : Nous avons préféré l’une des formules de Rehbock (2) :
Q = μ B √(2 g) h³ᐟ² (Q en m³/s) avec h/p < 1 μ = 0,605 + (h/p) + 0,08 (B/p)
Pour le déversoir triangulaire (type Kindsvater-Shen) : 0,05 < h/p < 0,38
h est la hauteur de charge en m, B la largeur du canal en m, p la hauteur de pelle en m.
Le coefficient γ tient bien compte de la hauteur de charge. Pour ce type de déversoir, appelé à mesurer des débits importants, les variations de la hauteur de charge jouent un grand rôle. Démonstration évidente que l'on ne doit pas l’assimiler à une constante égale à la valeur obtenue pour le 100 % du débit comme nous l’avons déjà signalé.
Cette formule fournit des résultats analogues à celle de KINDSVATER-CARTER pour B = b (fig. 5). Ceci est très important, car on connaît parfaitement ce type de contraction. L'utilisation de la formule de REHBOCK sera alors possible.
@ Pour le déversoir à paroi mince rectangulaire à contraction latérale :
Pour ce type de déversoir, utilisable en canal large (débit important), nous avons choisi la formule de FRANCIS (2) :
(Q en m³/s)
Q = 1,83 (b − 0,2 h) h³⁄²
les dimensions étant (en m) : b la largeur de l’échancrure, h la hauteur de charge.
Pour pouvoir appliquer cette formule, il faut que la surlargeur (B − b) soit au moins égale à 3 h. Ce qui répond bien à nos préoccupations : canal large, domaine de variation de hauteur de charge peu important.
Dans ces conditions, pour l'exemple traité, cette formule donne des résultats analogues à KINDSVATER-CARTER (fig. 6) pour Q < 110 l/s.
@ Pour le déversoir à paroi mince triangulaire :
Nous avons mis en œuvre la formule de GOURLEY (2) :
(Q en m³/s)
Q = 1,32 tan α h²,⁴⁷
avec : h hauteur de charge en m, α angle au sommet en degré.
La surlargeur doit être au moins égale à ¾ b.
Pour les déversoirs recommandés (1) type « 90 », type « 1/2 / 90 » et « 1/4 / 90 », nous obtenons avec cette formulation des résultats analogues (fig. 7) à ceux de KINDSVATER-SHEN.
Ceci est impératif, étant donné la parfaite connaissance de ce déversoir (α = 90°).
Nous venons de voir les changements de formulation proposés pour les principaux types de déversoirs (1). Cependant, d'autres types d'organes déprimogènes sont utilisés dans des cas précis avec de bons résultats. Nous avons prévu d’en utiliser plusieurs.
@ Pour les déversoirs linéaires :
Ceux-ci sont aussi appelés « Tour Eiffel » vu leur forme ; ils sont d'un emploi limité dans les eaux peu chargées, car ils risquent d’être obturés. Dans les différents types proposés (2, 3), nous avons préféré celui de DI RICCO, plus facile à usiner.
Ce déversoir est régi par :
a = u (h + δ)
avec :
L = a 2,5a < gh < 10a 2,33 < a < 5
L, a, h sont en mètres et Q en m³/s. Ce type de déversoir est à concevoir à la demande selon la plage de variation du débit et l’étendue de la mesure (profondeur du canal) de façon à avoir une sensibilité maximum. La variation de la hauteur est en liaison directe avec la variation de débit.
Pour des organes déprimogènes dont la loi est en h³⁄₂, une formule du type :
Q = μ √2g L h³⁄₂
L, h en m ; Q en m³/s.
μ est un coefficient qui peut prendre différentes valeurs, ainsi :
- Pour certains seuils épais triangulaires (2) il existe des tables donnant les valeurs de μ pour différentes hauteurs de charges. Selon le domaine de variation de h on affiche la valeur adéquate pour μ. L représente alors la largeur du canal.
- Pour des contractions dont on connaît la courbe d’étalonnage, on peut déduire μ de cette dernière. L représente encore la largeur du canal.
- Pour un déversoir trapézoïdal (Cipolletti) μ vaut alors 0,415 et L représente la largeur de la petite base du trapèze isocèle (divergent). Les côtés ayant une pente de 1/4.
Pour des cas très particuliers, nous avons choisi une formule générale :
Q = k hⁿ + K h
n prend les valeurs que l’on désire. k et K sont des constantes à préciser.
L’ensemble de ces formulations va servir de base aux calculs des débits traités par le microprocesseur.
CONCEPTION ÉLECTRONIQUE DU DÉBITMÈTRE À MICROPROCESSEUR
1. Présentation structurelle
Le calculateur est constitué de différents sous-ensembles (ou périphériques).
Les interconnexions entre les différents sous-ensembles sont assurées par le Bus*, sous le contrôle d’une mémoire « gestion du programme » (fig. 9).
Les instructions relatives aux programmes « déversoirs » proprement dits sont fournies par une mémoire « programme de calcul ».
Les autres éléments ont pour tâche :
- soit d’acquérir, hors du calculateur, les données nécessaires et les traiter,
- soit de recevoir et de transmettre à l’extérieur les résultats en provenance de l’unité de calcul,
- soit de donner des ordres.
* Le BUS est la voie de communication qui assure la transmission de tous les signaux entre le processeur et les périphériques.
2. Avantages de la technique numérique.
Il est clair que dès l’instant où il est nécessaire de mettre en œuvre les formules précédemment citées, la technique numérique est, sans aucune discussion possible, en ce qui concerne la précision, supérieure à tous les autres procédés de calcul (analogique ou mécanique).
De plus, dans le cadre des mesures de débit, l’introduction des paramètres, données, coefficients relatifs à un déversoir, pourra être effectuée à l'aide des roues codeuses et ceci avec une très grande précision.
Il faut enfin noter que le principe même assure une insensibilité complète aux conditions climatiques et au vieillissement.
Les programmes de calcul peuvent être corrigés ou changés sans remettre en cause le calculateur lui-même. Les informations recueillies en sortie se présentent sous la forme d'une suite de résultats codés, séparés par un temps au moins égal à celui dont le calculateur a besoin pour résoudre l’équation sélectionnée (de l’ordre de quelques secondes).
3. La détection de la variation de niveau et le réglage du zéro.
La précision obtenue par le calcul numérique des diverses fonctions ne peut être associée qu’à une mesure de la hauteur de lame ayant les mêmes performances. Parmi les différentes méthodes, nous avons préféré faire appel au système dit « Bulle à Bulle », la surpression étant détectée par un capteur extérieur au milieu.
Les technologies de fabrication actuelles permettent le choix d'un capteur à membrane, équipé de jauges semi-conductrices, dont les caractéristiques principales sont :
- — une résolution infinie sur toute la gamme,
- — une compensation automatique en cas de variation de la température ambiante.
Afin que la surpression se fasse toujours dans le milieu (même lorsque le niveau de l’effluent est zéro), nous avons mis en place un système de décalage de zéro (millimètre par millimètre).
Dans le cas, par exemple, d’un mauvais décollement de la lame d’eau sur un déversoir de Bazin, on peut corriger par une hauteur fictive réglée au millimètre et obtenir alors une valeur précise du débit.
Pour connaître cette hauteur fictive, on doit faire une mesure complémentaire du débit instantané, à l'aide d'un moulinet (4) si la nature de l'effluent s’y prête.
Pour pallier, par exemple, l'incertitude de la mesure en début d’échelle, une compensation automatique de dérive du zéro (par mise à l’air libre du capteur) est effectuée entre deux calculs, toutes les six secondes.
4. Les commandes par le microprocesseur des appareils annexes.
Pour la conduite des stations d’épuration, la seule mesure du débit ne suffit pas. La détermination des flux de pollution implique des prélèvements asservis au débit.
Grâce à la relative inoccupation du bus, le mode de travail séquentiel du calculateur permet d’effectuer des fonctions annexes telles que :
- — choisir l'amplitude de l’enregistreur de débit, les unités de volume et de temps dans lesquelles ce débit sera exprimé. Ce choix correspond simplement à une étendue de la gamme de calcul du débit. Il ne joue aucun rôle quant à la précision des mesures comme dans les systèmes où l'on règle un 100 % du débit (fig. 1) ;
- — visualiser, au choix, par affichage numérique, dans l’unité choisie, les volumes cumulés, la hauteur d’eau au-dessus de la pelle, le débit instantané ;
- — éditer les résultats sur imprimante simplifiée, une horloge étant programmée dans le calculateur, commander les cycles d’impression ;
- — asservir les doseurs en continu aux charges ou aux flux traités ;
- — piloter un préleveur d’échantillon.
Le prélèvement asservi au débit est très important, il conditionne la représentativité des analyses qui sont effectuées. Selon la nature de l'effluent, deux modes de prélèvements sont prévus.
— Séquentiel lorsque la nature de l’effluent varie lentement (sortie de station d’épuration, sortie de lagune...). À l’aide de roues codeuses, on affiche la quantité d’eau à prélever pendant un temps donné. Le calculateur fait la correspondance entre le débit instantané et le débit maximum estimé et pilote les séquences de pompage du groupe.
— Continu lorsque la nature de l’effluent varie rapidement (sortie de la chaîne de fabrication). Selon la valeur du débit, plus ou moins grande, le calculateur fait tourner plus ou moins vite le moteur entraînant la pompe.
Pour contribuer à rendre fiables les mesures de débits en canaux ouverts sur les sites mêmes de rejets polluants, l’utilisation d’un microprocesseur permet :
— de programmer simplement des formulations représentatives des lois de variation des débits en fonction des grandeurs mesurées ;
— de supprimer toutes les pièces mécaniques en mouvement, sources de pannes lors des utilisations sur le terrain ;
— de rendre compact un appareillage, donc de diminuer les risques inhérents à une dispersion des composants sur les installations ;
— de permettre l’intégration directe de la métrique dans le système de traitement des données et de l’asservissement.
Il s’agit là d’une recherche dans la voie de nouvelles étapes pour l’adaptation de techniques modernes à l’exploitation des unités de traitement d’eaux.
J.-P. FENELON – C. ESTAGER
BIBLIOGRAPHIE
[1] Norme AFNOR X 10-311, décembre 1971 : Mesure de débit d’eau dans des canaux au moyen de déversoirs en mince paroi.
[2] A. LENCASTRE, Manuel d’hydraulique générale, Éditions Eyrolles, 1973.
[3] A.-T. TROSKOLANSKI, Théorie et pratique des mesures hydrauliques, Éditions Dunod.
[4] Norme AFNOR X 10-301, octobre 1970 : Mesure de débit de l’eau dans les canaux. Méthode d’exploitation du champ des vitesses au moyen de moulinets à hélice.
A Biarritzdu 22 au 25 mai 1978,
le XXIIIᵉ Congrès nationalde l’Association Françaisede Limnologie
organisé par le Centre de Recherches Hydrobiologiquesde l'I.N.R.A.A. à Saint-Pée-sur-Nivelle (Pyrénées-Atlantiques)
2ᵉ PARTIE
LES RÉSUMÉS DES CINQ TABLES RONDES
LA TABLE RONDE N° 1
QUALITÉ DES EAUX DE PISCICULTURE
Animateurs : Mlle NISBET (CTGREF - Division Qualité des Eaux, Pêche et Pisciculture) et Mme CAUHAPÉ (Lyonnaise des Eaux, Laboratoire de Recherche du Pecq).
Cette table ronde a rassemblé 23 personnes parmi lesquelles se comptaient 5 pisciculteurs, Français et Espagnols.
Après avoir constaté qu'il y avait très peu de renseignements dans la littérature à l'exception des conditions relatives à la température et à l'oxygène dissous principalement, au pH et à la turbidité ensuite, la discussion s’est orientée sur le traitement possible des eaux, soit en vue d'un recyclage, soit avant rejet.
En effet, deux problèmes différents se posent :
1) Une pisciculture peut être amenée à recycler ses eaux, soit pour s'isoler du milieu extérieur en cas de pollution insidieuse par exemple (cas de pollution par pesticide) ou en cas de contamination bactérienne ou virale, soit simplement par manque d'eau en période d’étiage.
2) Des problèmes de pollution peuvent apparaître en aval de certaines piscicultures, nécessitant alors l'étude d'un traitement avant rejet au cours d'eau.
Les pisciculteurs présents, et notamment M. TESSIER, Secrétaire-Général du Syndicat des Pisciculteurs-Salmoniculteurs de France, sont inquiets de l'accusation de pollution portée contre eux et ne veulent pas être comparés aux industriels qui polluent les rivières souvent sur plusieurs kilomètres.
Il faut toutefois reconnaître que l’élevage des truites entraîne quelques modifications de la qualité de l'eau (apports d'azote en particulier) dues à deux facteurs :
1) la nourriture en excès, non consommée ;2) les déchets, qui contiennent au moins 15 % des protéines ingérées (M. LUQUET).
On peut sans doute réduire un peu le premier facteur, mais il paraît plus difficile d'intervenir sur le second. M. JACQUART précise que dans certains cas, le taux de D.B.O.5 rejetée peut atteindre 3 g/kg/j, et celui d’azote, 0,8 g/kg/j. Cependant, à l'intérieur des bassins de pisciculture, une certaine rétention se produit qui introduit une grande variation dans la pollution rejetée.
Peut-on envisager un recyclage ou un traitement des eaux pour éliminer cette pollution ? En récupérant, par exemple, les déchets nutritifs pour une autre chaîne alimentaire ? (M. de La Noue). Ces hypothèses semblent actuellement irréalisables pour les pisciculteurs présents ; en circuit ouvert, les volumes à traiter seraient si grands et l’eau si peu chargée qu’un lagunage, même aéré, exigerait une superficie très importante, et qu’une station d’épuration classique semble peu adéquate. Quant à créer un autre élevage pour la récupération des déchets, la question n’a encore jamais été évoquée, mais elle semble insolite.
Des éléments nouveaux sont cependant apportés par les techniques développées outre-Rhin où l’on cherche à augmenter le rendement des piscicultures, pour atteindre 300 kg par m³ (alors que le rendement traditionnel moyen est de 25-30 kg/m³). Dans ces conditions, les installations d’épuration sont indispensables, mais les rendements justifient l’investissement. (Voir à ce sujet la communication de MM. Jacquart et Mouchet, de Degremont.)
Actuellement un recyclage partiel et temporaire est quelquefois réalisé en période d’étiage lorsque plusieurs piscicultures sont établies sur une même rivière. Aux U.S.A., le recyclage est normalement envisagé dans le cas de l’isolement d’une pisciculture pour éviter une contamination extérieure, ou lorsqu’une petite pisciculture veut augmenter son rendement (cas cité par M. Labat).
M. Tessier n’est pas d’accord car en France la production d’un établissement est calculée par l’administration en fonction du débit du cours d’eau, et l’autorisation ne serait pas accordée pour un rendement supérieur.
Lorsqu’il y a recyclage, il est nécessaire non seulement de réoxygéner l’eau, mais souvent aussi de la traiter pour transformer l’azote ammoniacal et nitreux en azote nitrique.
Il resterait à faire des bilans précis de la qualité de l’eau à l’entrée et à la sortie des piscicultures, mais les opinions diffèrent selon les préoccupations des participants : faut-il étudier le rejet proprement dit ou la rivière en aval du rejet ? Faut-il inclure dans ce bilan les bilans alimentaires, tels ceux que réalise l’INRA à Saint-Pée ?
M. Nisbet.
LA TABLE RONDE N° 2 :
ECOPATHOLOGIE DES SYSTEMES PISCICOLES : L’ETAT ACTUEL DES RECHERCHES.
Animateur : G. Tuffery, Maître de recherches au Laboratoire Central de Recherches Vétérinaires de Maisons-Alfort.
La table ronde d’Ichtyopathologie a réuni une douzaine de participants. Le thème traité était la suite logique des exposés de 1971 et 1973 développés dans le cadre des colloques d’hydrobiologie organisés alors par la Station d’Hydrobiologie Continentale de Biarritz (INRA).
Un exposé des principaux concepts et résultats obtenus depuis a été présenté par G. Tuffery.
Après un rappel de la conception systématique de l’approche développée par le Laboratoire Central de Recherches Vétérinaires d’Alfort en Ichtyopathologie, les fondements et les définitions de l’écopathologie des systèmes piscicoles ont été discutés. L’accent a été mis sur l’intérêt d’une conception globale de la santé piscicole qui fait appel à tous les facteurs écologiques et pathologiques nécessaires à l’explication des processus pathologiques et des états sanitaires auxquels ils aboutissent.
La notion d’« Ecozootie » : « processus d’évolution de l’état sanitaire d’un écosystème, d’un peuplement ou d’une population animale, conduisant à des mortalités perceptibles qui sont dues aux effets successifs ou intégrés d’événements de nature écologique et pathologique » globalise les interactions nombreuses qui président au fonctionnement et au devenir d’un écosystème, la solution « pathologique » n’étant considérée que comme une des nombreuses voies possibles d’évolution de tout ou partie de l’écosystème.
La suite des débats a porté sur l’analyse de cette complexité, la nécessité d’une approche par la modélisation, et la présentation de quelques modèles de connaissance et notamment celui de la Bucéphalose à Bucephalus polymorphus. Des remarques ont été faites sur l’intérêt et la nécessité d’inclure l’écotoxicologie à cette analyse globale des causes et processus de mortalité piscicole.
Enfin, quittant l’unité de travail adaptée à ces concepts, le bassin hydrographique ou système piscicole, l’exposé a traité des réseaux piscicoles constitués par toutes les liaisons existant du fait des échanges fréquents de poissons.
Les méthodes d’étude des réseaux applicables pour un propos de prédiction et de précision des situations ichtyosanitaires ont été évoquées.
Sur les bases de ces modèles de connaissance peuvent être construits des modèles d’intervention dont la plupart font appel aux méthodes et aux techniques de la recherche opérationnelle. Bien entendu, tous ces travaux nécessitent l’utilisation de l’informatique, et les bases d’un système de santé informatisé pour la gestion sanitaire en salmoniculture ont été données.
Les participants ont reçu deux articles lors de la table ronde :
— « Aspects of the bacterial Hemorrhagic septicemia in Spain. Interaction with the ecosystem », de Luis Martinez Millan et Fernando Martinez Gonzalez.
— « L’utilisation de l’informatique pour la gestion de la santé en salmoniculture », G. Tuffery.
La suite des travaux dans ce domaine portera sur le développement des recherches théoriques et pratiques évoquées lors de la table ronde.
G. Tuffery.
LA TABLE RONDE N° 3 :
LA PLACE DU POISSON DANS L’ECOSYSTEME. ROLE DES POISSONS NON RECHERCHES PAR LES PECHEURS.
Animateur : J. Arrignon (Conseil Supérieur de la Pêche).
Secrétariat : Mlle Keck (École Nationale Vétérinaire — Marcy-l’Étoile — Charbonnières) et M. Suchel — 36 participants.
L’analyse du thème et des termes a conduit à poser les questions suivantes qui ont conditionné le déroulement des débats.
14) — Quel rôle : positif, négatif, à quels niveaux de l’équilibre écologique ?
2) — Dans quels types d’eaux : eaux stagnantes ?eaux courantes ? eaux courantes ?
Il est apparu que, aisément observable chez le pêcheur, il convenait d’exclure des « cas patentes » les thèmes de biogenèse (multiplication d’espèces) et d’équilibre biologique, et de ne pas porter priorité sur les thèmes moins vagoresponsables.
Nécessité également de distinguer la « dégénérescence des lacs », le facteur pêcheur intrinsèquement plus réservé étant à replacer dans le cas : les lacs naturels. Les cas de barrages sont trop divers pour généraliser. Les cours d’eau divers, de barrage ou non.
3) — Par quelles pièces ?
Les pêcheurs amateurs et les types de réseaux sollicitent toujours des espèces différentes. Et certaines espèces passent d’un cycle à un schéma partiel.
4) — Quelles proportions ?
Les pêcheurs amateurs profitent à 4 millions d’amorceurs; les pêcheurs professionnels : la sidéronérailite en mutation.
5) — Qu’est-ce qu’un poisson non recherché par les pêcheurs ?
Il peut y avoir le poisson commercial intéressant, la dourade argentée, par exemple; également le poisson négligé qui pourrait se perdre par la fuite; le tilapia, le brochet, etc.
Il semble souhaitable d’analyser la sélection des eaux de différentes régions de France afin de retenir quelques exemples précis de poissons non recherchés, de faire des prises notables auprès des pêcheurs amateurs et professionnels, de passer au mieux en conclusions.
ÉVOCATION GLOBALE DU RÔLE DU POISSON DANS L’ÉCOSYSTÈME
La majorité des participants ont souhaité cette évocation préalable, faite brillamment par le Docteur WIŃIARSKI, Directeur de l’Institut Central des Continentales de Zabrezie, en Pologne.
Le poisson fait partie d’un système, on le dit dépend du but recherché : nous retiendrons :
1°) — le poisson est produit pour satisfaire des besoins nutritionnels : rôle socio-économique.
2°) — le poisson est produit pour satisfaire des besoins de détente : rôle socio-économique.
3°) — le poisson est indispensable parce qu’un écosystème (rivière, étang, lac d’autres objectifs), même stagnant (ressources d’eau alimentaire, industrielles) mais également un cas d’ouverture (cours d’eau navigué).
Dans les 2 premiers cas, le poisson est l’élément final du processus de reproduction biologique; mais on pressent l’inutilité lors des campagnes phytotypes, etc.
En cas de dysfonctionnement, le poisson ne peut exercer son influence régulatrice, ou en cas de surpeuplement il provoque des disparitions d’espèces.
ÉTUDE DE QUELQUES EXEMPLES, SUIVANT LES DIFFÉRENTS TYPES D’EAU
A) — DANS LES EAUX STAGNANTES
a) — Les cas d’étang :
1) Les étangs de barrage ou assimilés : Prospection préponderante : le pêcheur amateur.
— Poissons recherchés : la CARPE, le CARASSIN, le GARDON, le BROCHET, le SANDRE.
Non recherchée : LA BREME (envahissant une partie). LA CARPE est parfois très recherchée. On la suppose facteur plus clé.
b) Le cas des étangs de la Somme :
Projections compulsives : pêche de détenteur et pêche professionnelle.
— Poissons recherchés, sauf les délicieuses habituels : épidémie.
Le nombre peu qu’il y ait de déséquilibre piscicole pour absence ou pénalité de la tension de trophique.
c) Le cas zie, les zones de routiers :
Observation marquée par l’absence de la résistance.
d) Le cas des lacs de barrage :
Pêche professionnelle ou pêche amateur, cette dernière ne sollicitant qu’une bordure littorale à faible surface prélevée.
— Poisson recherché : LA FER A, par les professionnels, qui disparaît au profit du GARDON, moins recherché et néanmoins de forte prise, d’arrière la Loire sur les ponts de corbé.
e) — Les petits lacs de montagne :
Pêche d’amateurs faible, de récoltes essentiellement faibles.
À noter les fluctuations des populations de vairons, nécessaires à la production de truites et d’ombres mais parfois prohibés par les jeunes divois.
f) — Les retenues de Verdon :
On a basse altitude LE HOTU, non recherché, à tendance à pulluler, mais il occupe, semble-t-il, une niche disponible.
B) — DANS LES COURS D’EAU
a) — Les cas des petits cours d’eau salmonicoles où les poissons en baisse sont les truites et autres salmonidés :
Prospections dérivées du pêcheur amateur plus ou moins intense.
Le rôle du pêcheur est important puisqu’il peut entraîner la disparition du poisson recherché et l’utilisation nuisible des poissons d’accompagnement : CHABOT, LOCHE.
Règlementation, on peut citer la prédation des ANGUILLES prédatrice dans les cours d’eau clos morts en Normandie et ce par actions de pêche active.
b) — Dans les ORIETS et des CHEVÊNES, ces derniers proliférant en réaction des modifications du milieu aquatique et notamment du rechute d’hémoticauses.
c) — Dans les grands cours d’eau, on peut s’intéresser sans abuser la possibilité de savoir ce qu’il y passe en raison du facteur qualitatif des difficultés d’investigation.
Le rôle des réserves piscicoles est fort important et dépasse largement celui des pêcheurs, même en ce qui concerne les cours d’eau à migrateurs (concernons sur les civelles, exceptés).
CONCLUSIONS
Observations :
1°) — On a noté que la prolifération d’une espèce telle que la Breme entraîne le développement brutal de parasitoses contaminant d’autres espèces de cyprinidés; cette observation est fréquente et souvent vécue en écologie terrestre : la prolifération anarchique d’une espèce est causée essentiellement à cause de multiples indépendants.
2°) — Le facteur capital pour un rôle dans la prolifération de certaines espèces dans le poisson que le prélèvement est déclenché. Les inspections de la SOMME — où de 300 hectares — ne permettent pas de prélever sur les espèces recherchées : les pêcheurs amateurs et les poissons sont recherchés, il ne semble pas exister d’activité aisée de déséquilibre piscicole. Par contre, dans le département du GARD, la prolifération de la pêche à ligne, de pêcheurs, de la pêche professionnelle, très sélective sur le saumon, est déterminante dans la prolifération du gardon.
3°) — Mais qu’est-ce qu'un peuplement théorique, qu’est-ce qu'un peuplement équilibré ?
Dans nos pays européens, très remaniés par l'Homme, on ne peut guère que simuler des peuplements théoriques suivant certains scénarios traitant différemment les données paramétriques de l'écosystème, souvent en fonction d'objectifs humains.
Pour certains de nos collègues, étudier uniquement le rôle joué par les pêcheurs dans la prolifération de certaines espèces serait une démarche anti-écologique dans la mesure où il conviendrait plutôt de procéder en premier lieu à des études de peuplements piscicoles, à des études de leur évolution avec en terme final le rôle des pêcheurs dans cette évolution.
Ce qui conduit à des recommandations :
— Recommandations
- 1°) — On doit regretter la méconnaissance quasi totale des populations piscicoles des grandes étendues d'eau, notamment en ce qui concerne le quantitatif. Des moyens importants devraient être consacrés par les Pouvoirs Publics à la mise au point d'une technologie et d'une méthodologie avancées, d’une dimension et probablement d'une nature (télédétection et traitement du signal) différentes de celles que nous utilisons présentement.
- 2°) — Il faut promouvoir des études très ponctuelles, un peu à caractère monographique portant sur les espèces non recherchées et mal connues — du moins en ce qui concerne leur rôle dans l'édifice hydro-écologique — : VAIRON, BREME, CHABOT, ÉPINOCHES, LOCHES, LAMPROIE (de PLANER et Fluviatile), HOTU, CHEVESNE, la liste n'étant pas exhaustive.
- 3°) — Étant donné qu'un des moyens de contrarier la prolifération d’espèces non recherchées serait de favoriser ou d'introduire son prédateur naturel, il conviendrait d'encourager l'étude des habitudes et préférendums alimentaires des prédateurs potentiels de ces espèces.
- 4°) — Le classement actuel des grands plans d'eau, notamment des lacs, en 1re et en 2e catégories piscicoles — suivant la législation actuelle — est un facteur de déséquilibre écologique dans la mesure où l'on est amené à favoriser la capture de telle espèce et à défavoriser la capture de telle autre alors que la diversité des biotopes permet la vie des différentes espèces sans compétition naturelle particulière.
Chaque grand plan d'eau mériterait donc une réglementation particulière tenant compte à la fois de son entité hydro-écologique et du mode d’exploitation recherché.
On s'aperçoit que les conclusions de la table ronde reprennent partiellement celles de tables rondes antérieures, ce qui montre l’ampleur du problème posé et le peu de progrès réalisé jusqu'alors. Une orientation nouvelle de certains axes de recherche est nécessaire (recommandations 1-2 et 3), ainsi que la sensibilisation des Pouvoirs Publics à la résolution de certains aspects, financier (recommandation 1) réglementaire (recommandation 4).
J. ARRIGNON.
LA TABLE RONDE N° 4 :
LES MÉTHODES D'ESTIMATION RAPIDE DE LA BIOMASSE ET DE LA PRODUCTION.
Animateur : C. LEVEQUE (ORSTOM - Paris) - 25 participants
Cette table ronde avait pour but de susciter une information réciproque des participants sur les méthodes actuellement disponibles.
On peut distinguer schématiquement les techniques et les modèles.
1 — TECHNIQUES
1.1. Application de la télédétection pour l’estimation de la production primaire dans un lac de grande superficie. (Exposé de J. LEMOALLE)
Dans le cas de lacs de grande surface, il est particulièrement difficile d’obtenir une vue synoptique de la répartition du phytoplancton (chlorophylle) et de la transparence. Une fois établies les relations qui lient l'activité photosynthétique par unité de surface à ces deux paramètres de base, l'extrapolation de ces mesures à l'ensemble de la masse d'eau est d’autant plus imprécise que la densité des points de mesure est plus faible.
Les satellites Landsat d'observation de la Terre (et prochainement Spot pour la France) permettent d’évaluer la réflectance R de surfaces d'eau dans différentes bandes de longueur d’onde ou canaux (visible et infrarouge). Dans certaines conditions, la réflectance est fonction de la concentration en chlorophylle et de la transparence des eaux de surface. Une carte de réflectance dans les différents canaux permet alors d’évaluer la répartition spatiale de ces paramètres. Dans l'état actuel de la technique, les conditions d'application sont :
- — un ciel dégagé ;
- — des concentrations en chlorophylle notables (10 mg/l/m²) et transparence modérée ou faible ;
- — des mesures de terrain aussi synchrones que possible du passage du satellite afin d'étalonner les relations entre données de terrain et données de satellite ;
- — répartition verticale homogène du phytoplancton afin que les données de surface soient représentatives de la colonne sous-jacente.
Un exemple : les résultats de transparence et de chlorophylle obtenus au lac Tchad permettent l’extrapolation d'une transversale de 40 km à une surface de 2 000 km² et ainsi l'estimation synoptique de l'activité du phytoplancton dans toute cette région du lac.
1.2. Échointégration
Cette technique dont l'utilisation se développe actuellement dans le domaine océanographique, a été jusqu'ici peu employée dans les eaux continentales. Cependant, une estimation de la biomasse de poissons du lac Léman a été faite récemment par MM. MARCHAL et LAURENT et les résultats obtenus par cette méthode confirment les estimations qui avaient été faites auparavant. Par ailleurs, ces collègues ont employé l'échointégration dans un petit lac de quelques hectares de superficie qui a été ensuite empoisonné à la crotenone, afin de récupérer tous les poissons présents. Ils ont constaté là aussi une bonne concordance des résultats.
Cette méthode est malheureusement limitée pour l'instant en raison du coût de l'appareillage et des difficultés d'utilisation en eau profonde. Des améliorations techniques sont cependant en cours ou envisagées.
Il est évident que cette technique pourrait être très utile pour les limnologues, l'estimation des stocks ichtyologiques étant souvent très difficile, voire impossible à réaliser.
2 — MODÈLES
2.1. Relation entre la production primaire et la production secondaire (exposé de P. CHAMP).
Connaissant la production primaire dans un milieu aquatique, peut-on en déduire la production secondaire réalisée dans ce milieu ? Autrement dit, existe-t-il entre ces deux niveaux de production un rapport lié seulement à des facteurs aisément mesurables (ce rapport est ce que Slobodkin (1961) appelle « ecological efficiency », que l'on traduira par rendement écologique). Si l'on considère la production primaire du phytoplancton et la production secondaire des espèces planctoniques non carnivores, les valeurs du rendement parues dans la littérature vont, en gros, de 5 à 50 %. Mais, compte tenu de la diversité des méthodes et des facteurs de conversion utilisées, ces valeurs ont des significations assez différentes.
Les auteurs qui ont travaillé sur des milieux différents (voir notamment Hillbricht Ilkowska (1975), Hillbricht Ilkowska (1977), Pederson, Welch, Litt (1977), Hall, Cooper, H. Werner (1970)) ont trouvé qu'une tendance du milieu à l'eutrophie, en accroissant la part des algues de grandes tailles moins facilement consom-
mables, a pour effet une diminution du rendement écologique. L'apport de détritus dans le milieu, en fournissant au zooplancton une autre source de nourriture, accroît la valeur trouvée du rendement.
Une méthode d'estimation rapide de la production secondaire pourrait donc s'inspirer de ces résultats sous les conditions que :
1) les méthodes de mesure de la production primaire soient normalisées ; 2) on dispose d'une échelle d'eutrophie, et de données sur la production secondaire permettant de l'étalonner ; 3) on établisse les corrections à apporter en fonction des apports de détritus.
2.2. Indice morphoédaphique. Estimation de la productivité piscicole (exposé de M. LAURENT).
L'indice morphoédaphique (I.M.E.) est une formule semi-empirique qui permet d'estimer le rendement potentiel de la pêche dans un lac. Le plus utilisé est celui de Ryder (1965) qui s'exprime, pour les lacs de la zone tempérée nord, par la relation :
Y = 0,966 √X où Y est le rendement de la pêche en kg/ha/an et X, l'indice morphoédaphique = sels dissous totaux (mg/l) ÷ Z (profondeur moyenne).
Cette relation est différente pour les lacs africains (Regier et al., 1971) dans lesquels, pour un indice donné, le rendement de la pêche est dix fois supérieur à celui des lacs tempérés. Henderson et al. (1973) ont déterminé des courbes de rendement en fonction de l'indice, en admettant que, pour un indice donné, la productivité était proportionnelle aux différences de latitude entre les six zones climatiques classiques.
En fait, les relations du type ci-dessus seront d'autant meilleures qu'elles seront calculées et appliquées à des groupes de lacs dans les conditions suivantes :
— conditions climatiques relativement homogènes ; — rapport stœchiométrique à peu près constant entre les ions ; — turbidité du même ordre de grandeur ; — effort de pêche modéré ou intensif pendant un certain nombre d'années pour les principales espèces piscicoles.
Les relations permettent, dans ces conditions, de prévoir les potentialités ichtyologiques du milieu et peuvent donc rendre de grands services aux aménagistes. L'expérience prouve que leur utilité est indiscutable, et elles ont été largement utilisées en Afrique.
Néanmoins, il faut garder à l'esprit que les estimations sont seulement des ordres de grandeur et que certains milieux peuvent sortir du schéma général.
2.3. Relations entre le rapport P/B et la longévité des organismes (exposé de C. LEVEQUE).
L'étude de la production des différentes espèces présentes dans un écosystème demande, pour les méthodes classiques, beaucoup de temps et d'efforts. Il est donc indispensable de rechercher des méthodes d'approche plus simples.
Par simulation sur ordinateur, on a pu mettre en évidence une relation entre la valeur de P/B et la longévité des espèces (Lévêque et al., 1977) pour différents modèles de croissance et de mortalité. Il apparaît que la relation établie pour une croissance de type von Bertalanffy et une mortalité exponentielle est d'un usage plus général. Elle a été exprimée pour divers taux de survie au temps T, qui correspond à la longévité de l'espèce considérée. Pour un taux de survie de 1 %, elle est :
log P/B = – 1,0018 log T + log 0,6799.
Les valeurs théoriques obtenues par simulation ont ensuite été comparées aux valeurs calculées pour différentes espèces.
Il y a, dans l'ensemble, une bonne corrélation, ce qui tendrait à prouver que les relations établies entre P/B et longévité peuvent être utilisées avec profit par les écologistes.
CONCLUSIONS
Les techniques et modèles présentés ci-dessus peuvent permettre une approche plus rapide et plus globale des écosystèmes aquatiques.
Elles sont donc particulièrement utiles pour les aménagistes qui n'ont pas la possibilité d'effectuer une étude approfondie des milieux sur lesquels ils travaillent.
L'amélioration des modèles existants est une voie de recherche possible et intéressante. Cela suppose l'acquisition de données complémentaires et, parfois, la recherche de nouvelles idées générales sur le fonctionnement des écosystèmes aquatiques.
L'un des obstacles importants réside cependant dans l'hétérogénéité des résultats. Il serait indispensable de se mettre d'accord au préalable sur les techniques de mesure à utiliser. À titre d'exemple, et pour la production primaire estimée par le C14, les résultats peuvent être modifiés dans un rapport de 1 à 6 selon que l'on applique ou non la correction proposée par Arthur et Rigler (1967) pour la destruction des cellules lors de la filtration. Il est évident, dans ces conditions, que l'on peut se poser des questions sur l'utilité et la signification des mesures et que la recherche de lois générales devient une aventure incertaine.
C. LEVEQUE.
LA TABLE RONDE N° 5 : PROGRAMMES DE RECHERCHE EN LIMNOLOGIE.
Animation : H. DECAMPS (Université Paul-Sabatier, Laboratoire d'Hydrobiologie à Toulouse).
Cette table ronde a rassemblé 28 participants. Elle s'est tenue dans le but de proposer la création d'un « réseau limnologie » au C.N.R.S.
Ces réseaux doivent constituer des structures très souples destinées à développer la coopération entre les spécialistes d'une même discipline.
Il est apparu que les contacts déjà organisés au sein de l'Association Française de Limnologie pouvaient constituer une base de départ précieuse pour la création d'un tel réseau. C'est pourquoi l'action du réseau limnologie s'insérera autant que possible dans le cadre des activités de notre Association dont il convient de rappeler qu'elle constitue la section française de la Société Internationale de Limnologie.
En préparation à la table ronde, les programmes de plusieurs laboratoires ou équipes travaillant en limnologie ont été réunis. Ces rapports, au nombre de 21, précisent l'orientation générale et les recherches en cours.
Une première remarque doit être faite à la lecture de ces rapports. La Commission d'Écologie du C.N.R.S. a défini un certain nombre d'axes majeurs qu'il lui paraît souhaitable de développer. On constate que ces axes sont largement représentés et même qu'ils constituent l'essentiel des recherches limnologiques entreprises en France. On peut les résumer ainsi (1) :
1) Poursuivre l'analyse structurale d'un certain nombre d'écosystèmes et préciser les modalités de leur fonctionnement, notamment en considérant les vitesses de renouvellement des divers éléments composants et les parts relatives des consommateurs et divers organismes décomposeurs.
(1) Extrait de M. Lamotte : Rapport sur les grandes orientations et propositions, pour les thèmes prioritaires de recherche de la section 29 (Écologie) du C.N.R.S.
2) En se limitant à des fragments de biocénoses, généraliser certaines lois concernant la structure spécifique et l'organisation des communautés végétales et animales à l'intérieur des écosystèmes, ceci dans le but d'analyser les modalités de partage des ressources et, par là, de dégager les rôles respectifs de la compétition et du mutualisme.
3) Développer des modèles de valeur très générale par une coopération étroite entre écologistes de terrain et modélistes.
4) Aborder de façon objective le problème de l'évolution et de la transformation artificielle des écosystèmes.
Au cours de notre table ronde, la discussion a d'abord montré l'intérêt des renseignements envoyés par les diverses équipes de limnologie (CHAISE-MARTIN, ROUX, PIHAN...). Elle a également fait ressortir qu'il était indispensable d’élargir cette première enquête :
— d'une part, en faisant appel à d'autres laboratoires (VILLE...);
— d'autre part, en s'adressant aux chercheurs dits isolés (DUSSART).
Il est en effet important que ces derniers aient la possibilité de développer leurs recherches dans un esprit de coopération au sein d'une structure de type réseau.
Le besoin de systématiciens a également été évoqué, ainsi que la nécessité de fonder les recherches écologiques sur une bonne systématique (BOURRELY, GIUDICELLI).
L'échange de vues a ensuite porté sur la discordance existant parfois entre l'état actuel de la science limnologique et les besoins des décideurs. La discussion a permis de souligner, d'une part, l'importance du travail à accomplir pour améliorer nos connaissances (VILLERET) et, d'autre part, le devoir qu'ont les scientifiques de répondre aux appels lancés par les organismes travaillant dans le domaine de l'aménagement (FOULQUIER, MARTIN, BRUN). Plusieurs collègues ont insisté sur l'urgence qu'il y avait à fournir des bases scientifiques permettant d'améliorer la législation (FOULQUIER, GRÉGOIRE, JACQUES, MARTIN).
Une première conclusion a été la nécessité de transmettre une information plus complète sur les travaux en cours entre chercheurs, entre les scientifiques et les organismes élaborant ou réalisant des études d'aménagement, entre les précédents et les décideurs. Il faut insister sur le fait que cette information doit être transmise dans un climat de confiance (DUSSART).
Sur la question concrète du mode de transmission de cette information, et après les interventions de nos collègues MORGAN et CHODOROWSKI exposant l'état de cette question en Grande-Bretagne et au Québec, la formule d'un rapport d’activité annuelle a été retenue.
Ce rapport d’activité devra faire mention, sous une forme standardisée, des programmes de recherche en cours, des D.E.A. et des thèses (GINET, PATTEE). Un projet précis sera soumis aux participants à la table ronde, puis au C.N.R.S. Dans cette formation devront figurer les noms des chercheurs réalisant les programmes, ainsi qu'un index de chaque projet (MORGAN, ROUX). Ce document pouvant servir de catalogue des possibilités de coopération et d'exposé synthétique des recherches en cours, devra également permettre de préciser les lacunes, les insuffisances (GIUDICELLI, TESTARD).
En effet, le réseau limnologie ne devra pas avoir seulement pour rôle d'enregistrer et de regrouper l'information ; il devra, à partir de cette information, souligner les besoins, proposer des orientations, définir une véritable politique de recherche en limnologie. Et ce faisant, il devra pouvoir se faire écouter. C'est pourquoi ses recommandations devront s'appuyer sur une très large concertation et c'est ici que l'Association Française de Limnologie a un rôle important à jouer.
H. DECAMPS.