Your browser does not support JavaScript!

Micro tamisage des eaux résiduaires urbaines

30 juillet 1982 Paru dans le N°66 à la page 29 ( mots)
Rédigé par : J. LESAVRE et G. BARIOU

Étude granulométrique des matières en suspension

[Photo : Filtration sur tamis vibrant SWECO.]

J. Lesavre et G. Bariou Ingénieurs Agence Financière de Bassin Seine - Normandie

L'élimination des matières en suspension est une des opérations primordiales de l'épuration des eaux d'égout.

Les procédés susceptibles de réaliser une séparation solide-liquide sur ces eaux utilisent principalement : soit un champ d'accélération naturel (décantation) ou artificiel (centrifugation), soit les propriétés filtrantes d'un matériau (sable, toile, etc.).

[Photo : Figure 1]

Parmi l'ensemble de ces méthodes, le microtamisage sur toile des eaux brutes est assez mal connu.

Il a pourtant de nombreuses applications possibles : — comme traitement unique avant rejet, — en amont de certains procédés rustiques sensibles au colmatage, — avant épandage souterrain, — pour remplacer un décanteur quand celui-ci ne peut être construit faute de place, — pour traiter les eaux de déversoirs d'orage ou de canalisations pluviales, — pour récupérer les microalgues en sortie de lagune.

La Plate-forme de Colombes de l'Agence de Bassin Seine - Normandie a donc effectué sur ce thème de nombreux essais visant à déterminer le comportement de différents tamis sur eaux usées urbaines.

Ces essais ont permis de mettre en évidence la difficulté de mener à bien une expérimentation dans ce domaine.

L'objet du présent article rend compte des études granulométriques que nous avons menées pour expliquer certains résultats ou phénomènes surprenants.

DEFINITION DU PROBLEME

Les paramètres à prendre en compte pour aborder un problème de tamisage sont nombreux. Les principaux sont visualisés sur la figure n° 1 :

Les caractéristiques du fluide porteur, dans notre cas l'eau, sont connues, seul le débit peut varier de façon notable (orages) ; l'incidence de la température de l'effluent sera en général faible.

Par contre, la phase dispersée est hétérogène.

C'est pourquoi une étude préalable des matières en suspension contenues dans les eaux d’égout est nécessaire.

VARIATION DE LA VALEUR « MES » EN FONCTION DE LA TAILLE DES PARTICULES

La pollution contenue dans les eaux résiduaires urbaines peut être schématiquement répartie en matières en suspension, colloïdes et substances dissoutes. Chacune des différentes formes intervient en moyenne pour un tiers dans la DCO totale de l'effluent.

Les variations de la valeur « MES » en fonction de la taille des particules dépendent de nombreux facteurs :

  • — nature du réseau,
  • — longueur du réseau,
  • — nombre de postes de relèvement,
  • — conditions climatiques,
  • — zone rurale ou zone urbaine…

Des manipulations ont été faites à la plate-forme d’essais de Colombes sur l'eau d'égout disponible qui provient des effluents collectés à Clichy. Un dégrillage à 3 cm est effectué sur l'eau brute lors de son transit au centre expérimental de la Ville de Paris.

Mode opératoire :

Cette opération consiste à filtrer l’effluent brut à travers une succession de tamis de mailles connues, placés en ordre décroissant :

  • — vide de maille des toiles utilisées (microns) : 160, 140, 125, 100, 80, 63, 40, 20,
  • — diamètre des tamis : 200 mm,
  • — volume de l'échantillon : 2 litres.

L'empilement est secoué manuellement ; les refus de chaque tamis, entraînés à l'eau distillée, sont séchés, puis pesés.

Le volume de la prise d'essai permet de récupérer sur chaque tamis une masse appréciable de « MES », tout en évitant au maximum la formation d'une précouche.

[Photo : Courbe n° 1.]

Expression des résultats :

(tableau n° 1, courbes n° 1 et n° 2)

Pour obtenir un intervalle de classe de 20 microns, les masses retenues sur les tamis de 40, 63, 100 et 125 microns ont été ajustées par interpolation linéaire.

À partir de toutes les analyses instantanées, on a déterminé pour chaque intervalle :

  • — le % de MES par rapport aux MES totales,
  • — le % de MES inférieures,
  • — le % de MES supérieures.

De façon à apprécier la dispersion des résultats, on calcule pour chaque analyse instantanée la contribution de chaque classe à la valeur « MES » totale.

[Photo : Tableau n° 1 — Essais de tamisage d'une eau brute.]

Les données du tableau n° 1 permettent de tracer les courbes suivantes :

— distribution de fréquences : % de MES = f (classe). Courbe n° 1

Les courbes en pointillé (n° 1 bis et n° 1 ter) sont tracées respectivement en prenant dans chaque colonne du tableau n° 1 les pourcentages maxima et minima calculés sur les valeurs instantanées :

— répartition de fréquences cumulées décroissantes : % de MES supérieures = f (classe). Courbe n° 2

Exploitation des résultats :

Courbe n° 1 : les particules inférieures à 40 microns représentent environ 70 % des MES.

La position relative des courbes n° 1, n° 1 bis, n° 1 ter montre que la dispersion des résultats semble maximum dans l’intervalle (0-50) microns ; par contre, les fluctuations des données sont faibles au-dessus de 60 microns.

[Photo : Courbe n° 2 — Rendement théorique d’un tamis en fonction du vide de maille du tissu.]

Courbe n° 2 : elle permet de prévoir les rendements du tamisage.

Grossièrement, on peut ramener la courbe n° 2 à deux demi-droites qui explicitent, d'une manière simple, les rendements (y) à prévoir pour un vide de maille (x) donné en microns.

x < 40 microns y = – 1,85 x + 106  
x > 40 microns y = – 0,1 x + 30

Les coefficients directeurs de ces deux droites sont dans le rapport 18,5.

Les augmentations importantes du rendement sur les MES ne peuvent donc s'effectuer qu’en abaissant le vide de maille des toiles au-dessous de 40 microns.

INFLUENCE DE LA CONSERVATION DES ÉCHANTILLONS SUR LA MESURE DES « MES »

À la suite de plusieurs analyses révélant une augmentation de la valeur « MES » après conservation d'un échantillon pendant un jour à 4 °C (tableau 31).

n° 2), nous avons effectué des analyses granulométriques sur des effluents préalablement débarrassés de leurs matières en suspension supérieures à 100 microns.

Comme les analyses sur tamis ne sont pas représentatives pour les particules fines, l’étude a été effectuée sur granulomètre « Coulter-Counter ».

MES Analyse immédiate après prélèvement
mg/l 139 85 69 62 222
MES Échantillon conservé une journée à 4 °C
mg/l 160 102 90 86 256

Le Coulter-Counter : principe de fonctionnement

Un tube muni à sa base d’un orifice calibré est plongé dans un électrolyte (solution de NaCl à 1 %) appelé ISOTON.

Deux électrodes, alimentées en courant continu et placées de part et d’autre de cet orifice, mesurent la résistance de la colonne de liquide qui les sépare (figure 2). Comme l’orifice est généralement petit (de 30 à 560 microns), la résistance correspond pratiquement à celle de la colonne d’électrolyte contenue dans l’orifice. Une aspiration créée dans le tube provoque le passage à travers l’orifice d’un certain volume d’électrolyte contenant la suspension. Chaque particule située dans la zone de détection des électrodes provoque une variation de la résistance proportionnelle à son volume.

Les différents tubes à orifice permettent d’étudier la taille des particules comprises entre 0,4 et 240 microns (tableau n° 3 ci-dessous).

Orifices Gamme de mesure
30 μ 0,4 – 12 μ
50 μ 0,8 – 24 μ
70 μ 1,1 – 33 μ
100 μ 1,4 – 42 μ
140 μ 2 – 60 μ
200 μ 2,7 – 80 μ
280 μ 4 – 120 μ
400 μ 6 – 180 μ
560 μ 8 – 240 μ

Une analyse granulométrique au « Coulter » permet de classer, suivant leur taille, les particules détectées dans 16 canaux dont les valeurs moyennes en diamètre constituent une progression géométrique de raison 1,26.

[Photo : Fig. 2 — Schéma de principe du coulter-counter.]

Influence de la conservation des échantillons :

L’étude granulométrique montre qu’après une journée de conservation on assiste à une transformation de la courbe de répartition (courbe n° 3) :

On observe un déplacement du mode de la courbe vers la droite, ce qui traduit une réduction du pourcentage en volume des fines.

[Photo : Courbe n° 3.]

Les graphiques (courbe n° 4) prouvent que le temps de conservation a une importance dans la modification de la courbe de répartition granulométrique. La température, par contre, n’apporte aucune transformation.

L’augmentation de la valeur MES est donc provoquée par une agglomération des particules et non par une apparition de cristaux de sel par cryogénie.

[Photo : Courbe n° 4]

Interprétation des résultats :

La modification des courbes granulométriques peut s'expliquer par la floculation péricinétique des fines. En effet, les petites particules peuvent acquérir, grâce au mouvement brownien d’agitation thermique, une énergie cinétique suffisante pour vaincre les forces de répulsion électrocinétiques et former ainsi des flocons.

La cinétique de la floculation, étudiée par Smoluchowski, permet de calculer le temps de coagulation (tc) au bout duquel la moitié des particules a disparu :

tc = 3 η / (4 n0 T hB)

η : viscosité dynamique du liquide T : température absolue hB : constante de Boltzmann n0 : nombre de particules par unité de volume.

Comme la rétention sur le filtre des particules inférieures à 3 microns n'est que partielle, les fines dont le diamètre est inférieur à 3 microns pourront être retenues totalement si le délai d’analyse est suffisamment long pour permettre leur agglomération.

CORRELATION : MES = f (VOLUME DES PARTICULES)

Théoriquement, la valeur MES est proportionnelle au volume des particules obtenu grâce à l'analyse granulométrique, le facteur de proportionnalité devant représenter la masse volumique des matières en suspension.

Nous avons vérifié expérimentalement qu'il existait une relation simple entre ces deux valeurs. Les mesures ont été faites au moyen d'un tube orifice de 140 microns, car sa résolution, supérieure à 2 microns, est sensiblement identique à celle d'un papier filtre.

Les résultats conduisent à la relation simple : MES = 0,78 V + 6,8 (r = 0,97)

Dans le cas d'une eau dont le spectre granulométrique est large, deux analyses sont nécessaires (orifices de 140 et 400 microns).

[Photo : Courbe n° 5 — Corrélation : MES = f (volume) — r = 0,97]

EVALUATION DES PERFORMANCES DU MICROTAMIS

La position respective des courbes de distribution en masse (ou volume) des eaux brutes et tamisées permet de déterminer l'efficacité et le rendement du tamisage.

1) Rendement en poids (R), pourcentage de MES effectivement éliminées

R = 1 − (MEST / MESB)

MESB : matières en suspension de l'effluent brut. MEST : matières en suspension de l'effluent tamisé.

[Photo : légende : Courbe n° 6.]
[Photo : légende : Tamisage d'une eau usée brute sur séparateur REMEX.]

2) Efficacité au diamètre Ø (E)

La maille de coupure définie comme la plus petite taille des particules éliminées totalement est généralement supérieure à la maille nominale Ø de la toile.

L'efficacité E du tamis représente le pourcentage en masse (volume) des particules de diamètre supérieur au vide de maille et qui sont effectivement éliminées.

E = 1 - ∫∞Ø (2) / ∫∞Ø (1)

3) Imperfection (I)

On l'obtient en effectuant le rapport :

I = ½ (d75 - d25) / d50

à partir des valeurs recueillies sur la courbe de partage (courbe n° 7).

Un appareil est d'autant plus efficace que « l'imperfection » de la séparation est faible. Un tamisage performant aura une courbe de partage pendue au diamètre du vide de maille.

d25

d50

d75

DIAMÈTRE DES PARTICULES (MICRONS)

[Photo : légende : Courbe n° 7.]

CONCLUSION

La séparation solide-liquide par microtamisage des eaux d'égout possède l’avantage sur une décantation classique de ne nécessiter qu'un faible encombrement. Le tamisage est utilisé en général lorsqu'une décantation classique conduirait à des ouvrages monstrueux (surverse de déversoir d'orage) ou bien pour réduire la charge polluante sur les installations situées en aval (prétraitement sur une station de boues activées en aération prolongée).

L'évaluation des performances réelles d'un appareil sur les eaux d’égout passe par l’étude granulométrique des matières en suspension ainsi que sur les conditions de conservation des échantillons.

Le faible rendement observé lors de certaines expérimentations s’explique par le fait que la participation des particules inférieures à 80 microns est pré-

[Photo : Essai de tamisage sur grille HYDRASIEVE.]

pondérante sur la valeur MES, alors que le débit à traiter nécessite souvent l'emploi de toiles dont le vide de maille est supérieur à 500 microns.

Les mesures de MES au laboratoire doivent être effectuées si possible rapidement de manière à en éviter l'augmentation par stockage.

Il semble préférable pour juger réellement des performances d'un appareil, de substituer à la notion de rendement, celle d’efficacité, car cette dernière ne tient compte que des particules éliminables.

Comme la représentativité des échantillons dans ce domaine est discutable, cette cause d'erreur pourra être diminuée en effectuant un grand nombre de prélèvements. Ceux-ci permettront ensuite d'effectuer un bilan des matières éliminées qui devra être comparé à celui des matières retenues.

BIBLIOGRAPHIE

(1) Casellas - Salha. Thèse : « Contribution au contrôle et à la régulation de la floculation des eaux usées. » - Université de Montpellier - Faculté de Pharmacie - juillet 1979.

(2) D. Faudot : Étude de la finesse des poudres - Informations Chimie n° 136 - octobre 1974.

(3) J. Ranchet, F. Pescheux, F. Ménissier : Influence du mode et du temps de conservation des échantillons d'eaux sur les déterminations de DBO, DCO et MES. Bulletin de liaison - Laboratoire des Ponts et Chaussées - 106 mars-avril 1980 - réf. 2427.

(4) P. Schaegis : Les matériaux poreux synthétiques industriels. Les parois filtrantes - Informations Chimie n° 113 - novembre 1972.

(5) Techniques de l'Ingénieur : Génie chimique - La filtration - 1974.

(6) G. P. Treweek - J. J. Morgan : Size distribution of flocculated particles : application of electronic particle counters. Environmental Science and Technology - vol. 11 - n° 7 - juin 1977.

[Publicité : GUINARD CENTRIFUGATION]
Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements