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Méthodes et techniques de mesure des débits de rivières

30 juillet 2003 Paru dans le N°263 à la page 72 ( mots)
Rédigé par : Christian HARITCHABALET

Le jaugeage de rivière est un secteur dans lequel les nouvelles technologies apportent de considérables améliorations sur la précision et la sécurité tout en apportant de substantielles économies opérationnelles. Le jaugeage est la détermination de la quantité totale d'eau qui circule dans une rivière à un moment donné. De nombreuses techniques de mesure ont été employées au fil du temps pour déterminer la vitesse d'écoulement de l'eau. Certaines d'entre elles sont encore largement utilisées. Nous détaillerons dans un premier temps les principes de base attachés aux principales techniques utilisées avant d'exposer deux applications liées à la technique Doppler.

Les techniques de mesure du courant sont nombreuses. Voici les principes de base les plus couramment utilisés.

Les courantomètres à hélice/rotor

C’est probablement la plus simple des techniques encore largement utilisées. On distingue deux types principaux de courantomètres ; les systèmes à hélice/rotor et les systèmes rotor/empennage et double hélice. Les termes rotor et hélice sont ici impropres car ils sont différents. Un rotor est à la base une « roue à aubes », c’est-à-dire avec une série de pales plates disposées comme les rayons d’une roue. En règle générale, un rotor est équipé d’un carénage qui couvre à peu près la moitié de sa roue. À défaut, le rotor recevrait des forces égales des deux côtés. Une hélice est usinée de façon à ne pouvoir tourner que dans une direction pour un certain débit. Le carénage n’est donc pas nécessaire.

Sur les instruments à rotor et hélice, la vitesse du courant est déterminée par un simple comptage des tours par unité de temps. La direction est déterminée de deux manières : par montage d’un empennage sur l’instrument qui l’orientera dans l’écoulement ou par montage de multiples hélices par paires orthogonales.

Le problème que l’on rencontre en général avec les instruments à rotor/hélice est celui des pièces mobiles. Les hélices et rotors doivent pouvoir tourner librement sur leur axe pour mesurer précisément le courant. Aussi,

[Photo : En règle générale, un rotor est équipé d’un carénage qui couvre à peu près la moitié de sa roue. À défaut, le rotor recevrait des forces égales des deux côtés.]

Toute salissure ou développement qui modifie la friction entre l’axe et l’hélice modifiera nécessairement le nombre de rotations accomplies par l’hélice pour un débit donné. Pour cette raison, tout instrument à hélice doit être périodiquement réétalonné afin de corriger la dérive. Au minimum, toute hélice doit être étalonnée immédiatement avant le déploiement et immédiatement après. On doit présumer que la dérive est restée linéaire entre les étalonnages et que les données seront corrigées en conséquence.

Les instruments à rotor/empennage ont un axe de rotation supplémentaire car l’empennage doit pouvoir aligner librement l’instrument autour de son axe vertical dans l’écoulement. La capacité de cet instrument à répondre aux variations de débit dépend de la conception de l’empennage et de sa capacité de réponse prévue à la conception. En règle générale, les instruments à rotor/empennage ont une précision directionnelle plus réduite que celle des instruments à hélice orthogonale.

On peut également rencontrer d’autres problèmes avec les instruments à hélice/rotor. Le plus fréquent est l’obstruction par les flottants : ce peut être une algue ou un bidon qui bloquera les parties mobiles. D’autres problèmes sont liés au seuil de vitesse, certains débits ne permettant pas la rotation de l’hélice.

Les courantomètres électromagnétiques

Les instruments électromagnétiques travaillent sur la base de la loi de Faraday : un conducteur qui se déplace dans un champ magnétique génère un courant induit proportionnel à la force du champ magnétique et à la vitesse du conducteur. Pour les mesures de vitesse de l’eau, le conducteur est l’eau elle-même. Un champ magnétique connu est généré et le courant induit est mesuré dans l’eau en déplacement. Même s’ils sont simples en théorie, ces instruments peuvent être difficiles à utiliser. Le principal problème se trouve dans la génération précise d’un champ magnétique connu. Le champ généré par l’instrument est sensible à la présence voisine de métaux ferreux et il est particulièrement vulnérable à la présence d’autres champs électromagnétiques (par exemple un bateau qui passe, une pompe à vitesse variable, un téléphone mobile ou même les champs générés par d’autres capteurs). Toute modification induite dans le champ magnétique généré par l’instrument et qui n’est pas soigneusement prise en compte est interprétée par l’instrument comme une variation de la vitesse de l’eau.

Les instruments électromagnétiques sont également sujets à dérive et requièrent un réétalonnage périodique, comme les instruments à hélice/rotor, sur une installation lourde comme le traditionnel bassin à chariot mobile. Enfin, les appareils électromagnétiques requièrent du temps pour générer et stabiliser leur champ magnétique. Ils ne sont donc pas très adaptés aux applications où ils sont soumis à des mises hors d’eau périodiques.

Les courantomètres temps de transit

Les courantomètres « temps de transit » mesurent le temps nécessaire à une impulsion acoustique pour voyager entre deux capteurs (ou entre un transducteur et un réflecteur, aller-retour). Le temps de transit dépend de la vitesse du son, de la vitesse de l’eau et de la distance à parcourir par l’impulsion acoustique. La longueur du trajet peut être mesurée avec précision, tout comme la vitesse du son, laissant déterminer la vitesse de l’eau à partir de la durée réelle du trajet. De nombreux capteurs en fonctionnement de nos jours utilisent le temps de transit différentiel, ce qui signifie que le temps de transit est mesuré dans les deux directions le long de la corde. Par différenciation de ces deux mesures, la vitesse du son n’est plus à prendre en considération. Seule la longueur précise du trajet doit rester connue avec précision pour déterminer la vitesse de l’eau.

Il existe des systèmes en temps de transit très utilisés pour les mesures de débit de surveillance des rivières ; il existe également plusieurs fabricants d’instruments à temps de transit pour les mesures monopoint à faible et haute résolution.

[Photo : Courantomètre DOPPLER ADP monté en étrave sur tubes et plaque PVC. La tête, de diamètre 200 mm, donne l’échelle.]
[Photo : Jaugeage classique avec le courantomètre Doppler FlowTracker. L'instrument mesure la vitesse d'écoulement en 2D/3D, calcule, affiche et enregistre le débit en temps réel dans 20 mm d'eau. Il dispose de fonctions très avancées pour un jaugeage sans planchette ni crayon.]

La précision des instruments à temps de transit est plutôt bonne, mais plusieurs détails peuvent compliquer leur utilisation. Pour les systèmes utilisés pour la surveillance des débits des cours d’eau, un choix très soigneux du site et des procédures précises d'installation sont requises. En règle générale, la rivière doit disposer de berges adaptées à l'installation de l'instrument. Une équipe de surveillance doit être mobilisée pour localiser tous les capteurs et permettre de connaître avec précision la longueur des cordes, un câble doit être passé au travers du lit de la rivière pour connecter les transducteurs des deux berges. Si un événement survient qui provoque un désalignement des capteurs, l’étalonnage est alors perdu.

Pour les courantomètres monopoint, le principal problème est qu’il leur faut un passage entre les deux transducteurs, souvent avec une surface de réflexion quelque part sur le chemin. Cette configuration requiert une construction prévue pour positionner avec précision chaque pièce, elle introduit une réelle possibilité que les pièces de montage produisent une turbulence (effet de sillage) dans le volume de mesure. De nombreux courantomètres actuellement disponibles en temps de transit sont équipés de cordes multiples afin de surveiller en continu et de corriger une interférence potentielle par effet de sillage. Les instruments en temps de transit dérivent également au fil du temps par les dépôts de matériaux biologiques sur les transducteurs (ils changent à la fois la longueur de la corde et la vitesse du son), ils doivent donc être périodiquement réétalonnés.

Les courantomètres Doppler

Les courantomètres Doppler mesurent le glissement Doppler créé par la vitesse des particules présumées comme accompagnant passivement le débit. En règle générale, l'énergie acoustique est préférée parce que le son pénètre loin dans l'eau, même s'il existe quelques systèmes Laser en utilisation pour les mesures de haute résolution en laboratoire. Les systèmes Doppler sont utilisés sur une large variété d’applications, depuis les mesures ponctuelles à haute résolution en 2D/3D jusqu’aux courantomètres conçus pour de larges gammes de débit et aux relevés des profils de vitesse dans l'écoulement. L’application probablement la plus commune est le relevé de profil : une impulsion sonore à fréquence connue est envoyée dans la colonne d’eau et le signal en retour réfléchi par les particules présentes dans l'eau est mesuré. Plus long est le temps écoulé depuis l’émission de l’impulsion, plus loin a été prise la mesure. Les retours sont ensuite moyennés en cellules, la mesure d'un profil des vitesses s’étendant en une série de pas à partir de l'instrument.

Il n’y a pas beaucoup de désavantages liés à la technique Doppler. Pour les réglages en laboratoire, il peut être nécessaire d'injecter des particules dans une eau très propre (on utilise le terme de "seeding") afin de générer un retour de signal. Les capteurs Doppler ne dérivent pas comme les autres capteurs évoqués plus haut et n'exigent pas de réétalonnage périodique. Comme ils échantillonnent à distance, par la réflexion des particules présentes dans l'eau, ils ne sont pas sujets à une contamination par leurs propres sillages. Ils travaillent sur des plages extrêmement larges de vitesse en utilisant les mêmes puissants algorithmes de calcul depuis 1 cm/s jusqu’à 10 m/s. Ils sont immunisés contre les interférences électromagnétiques et opèrent à des fréquences si élevées qu'une interférence acoustique est très rare et généralement limitée à la même interférence que pour d'autres capteurs voisins.

Les courantomètres profileurs Doppler : deux applications

Le jaugeage transversal

L'ADP de SonTek/YSI est un courantomètre profileur acoustique Doppler qui mesure la vitesse simultanément en de multiples emplacements. Lorsqu’il est monté sur le côté d'un bateau, il mesure des vitesses sur la totalité de la profondeur de l'eau à l’exception de deux bandes étroites à proximité de la surface et du fond. Pendant le déplacement du bateau d'un bord à l'autre, il peut rapidement fournir une transversale complète du champ de vitesse et de la géométrie du lit. Ce champ de vitesse peut ensuite être combiné avec la bathymétrie de la section pour estimer le débit total. En étant capable de mesurer des vitesses en simultané à de nombreuses profondeurs, l’ADP a déjà économisé le temps nécessaire pour descendre un courantomètre ponctuel à différentes profondeurs. Mais ces capacités vont plus loin. À côté de la mesure des vitesses, il est capable de mesurer la distance entre l’instrument et le fond et la vitesse de l’instrument par rapport au fond. Ce qui signifie que l'utilisateur n’a plus besoin de stopper son bateau pendant la transversale. Pendant le trajet du bateau d’une berge à l'autre, l’ADP échantillonne en continu le champ de vitesse, la profondeur du fond et les déplacements du bateau (ex. par intégration de la vitesse du bateau). Ainsi, toute l'information nécessaire à l’estimation du débit total est déjà collectée par l’ADP et utilisée par son logiciel d'acquisition de données pour

Pour accomplir cette estimation en temps réel, l’utilisateur ne doit se consacrer qu’au pilotage de son embarcation d’un bord à l’autre. Ce bateau n’est d’ailleurs pas obligé de se déplacer sur une ligne droite parfaite et peut même effectuer des boucles sans influencer la précision des données. C’est un avantage majeur, particulièrement quand le courant est fort. Le logiciel prend en considération le déplacement du bateau en utilisant des positions DGPS ou l’algorithme de poursuite du fond pour son calcul du débit. L’ADP, en opérant de cette manière, définit avec précision et évalue la contribution de tout remous au débit de la rivière. L’opération est très simple et il ne faut généralement que quelques minutes pour un jaugeage transversal d’une rivière.

Une opération similaire accomplie avec les méthodes habituelles requiert une grosse équipe travaillant plus longtemps, dans des conditions d’insécurité, pour obtenir des profils peu nombreux qui exigeront encore un calcul de moyenne en post-traitement avant de déterminer le débit. Ceci montre que des équipes réduites opérant embarquées en utilisant un ADP obtiendront une plus grande couverture du bassin versant sans exposer leurs membres à des risques superflus.

[Photo : La tenue traditionnelle du jaugeur devant la ligne guide tendue au travers du lit. On distingue la sonde Doppler 2D/3D du FlowTracker sur sa canne support.]

Le jaugeage permanent en temps réel / à distance

Sur certains sites, il est utile d’obtenir des mesures en continu des débits à intervalles réguliers, par exemple chaque heure. Les stations permanentes de mesure sont alors installées. Ces stations mesurent souvent de simples niveaux d’eau qui sont ensuite utilisés avec une courbe de tarage et un profil relevé de la section transversale pour calculer le débit. Chaque section est tarée en mesurant les débits en association avec plusieurs cotes de niveau d’eau. Pour des raisons pratiques, nombre de ces stations sont choisies aux piles de ponts pour utiliser l’accès procuré par ces structures pour l’exécution des tarages pendant les hautes eaux. Il est bien connu qu’il est souvent difficile de positionner avec précision un moulinet à hélice à différentes profondeurs, perché en hauteur depuis une poutre. Ces structures peuvent aussi perturber l’écoulement qui les entoure et donc influencer les mesures de vitesse.

Pour toutes ces raisons, SonTek/YSI a décidé de développer deux courantomètres acoustiques Doppler de haute précision, très compacts, pour les applications de jaugeage des rivières (montés au fond ou sur structures). L’Argonaut-XR (Extended Range) est un courantomètre acoustique Doppler adapté à la surveillance dans les eaux peu profondes des cours d’eau, des canaux d’irrigation, des estuaires et des ports. Il est conçu pour une installation au fond et son volume de mesure est programmable sur une portée verticale jusqu’à 15 m. En mesurant le niveau d’eau avec son capteur de pression intégré, il peut ajuster la hauteur de son volume de mesure et ainsi rapporter une vitesse intégrée sur la hauteur complète de la colonne, ou sur une portée programmable.

[Photo : Catamaran tracté RiverCat avec son profileur MiniADP et un DGPS intégré, la transmission à terre utilise un modem radio. L’ensemble se transporte facilement dans le coffre d’une berline. Une version motorisée et autonome est disponible.]

même avec les variations de niveau ou de marée. Il peut être utilisé pour la surveillance en temps réel avec des câbles jusqu'à 1500 m ou des déploiements autonomes avec un pack de piles. Il est livré en standard avec 2 Mo de mémoire qui suffisent pour 100 000 échantillons. Sa faible consommation permet d'utiliser de petits panneaux solaires sur les sites isolés.

L’Argonaut-SL (Side Looking) est conçu pour fonctionner à l'horizontale en prenant des mesures de vitesse à distance à partir d'une structure immergée (pont, quai, canal, etc.) tout en permettant un montage simple et sûr de l'instrument. Il mesure les courants en 2D dans un volume ajustable qui peut être localisé à une portée de 15 à 22 mètres. Comme l'Argonaut-XR, il peut être utilisé sur des applications en temps réel ou autonomes.

Chaque instrument peut être utilisé pour améliorer considérablement la qualité des calculs de débit en comparaison avec la méthode actuelle de la courbe de tarage. Le XR-Argonaut monté au fond mesure avec haute précision la vitesse moyennée sur la hauteur, plus le niveau d'eau, au point où le courantomètre est installé. De l'autre côté, le SL-Argonaut à visée latérale monté sur structure mesure la vitesse moyenne horizontale de l'écoulement, à distance de la structure sans perturbation.

Des situations peuvent se présenter, particulièrement en zone montagneuse, où la rivière est profonde et étroite pendant la majeure partie de l'année et pendant les crues elle inonde ses berges. Un Argonaut-XR installé au fond produira de bons résultats de débit dans ces situations. L'alimentation et les communications avec l'Argonaut peuvent être transmises par un câble depuis un boîtier au sec. Un accumulateur standard de voiture 12 V CC placé dans la boîte peut alimenter l'Argonaut pendant un an. Des panneaux solaires peuvent charger cette batterie. Cette option est souvent préférée pour les installations sur les piles de pont. Les données peuvent être transférées soit par liaison directe par câble sur le port série d'un PC ou relayées en temps réel par télétransmission vers un centre de gestion. Un enregistrement dans la mémoire interne du système est utilisable en secours. Des écrans peuvent être fabriqués pour la protection contre les rochers et autres débris transportés. Il présente une alternative intéressante aux présentes méthodes des stations de jaugeage.

Sontek, ADP, Argonaut sont des marques déposées par Sontek/YSI.

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