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Méthanisation des vinasses. Le cas de la distillerie d'Apal au Paraguay

30 mai 1984 Paru dans le N°83 à la page 35 ( mots)

Le cas de la distillerie d’APAL au Paraguay

F. DECOOPMAN R. NICOL Société Degrémont

La production d’alcool d'origine agricole passe par l’extraction d’éthanol en soumettant à la distillation un milieu où sa concentration est souvent inférieure à 10 %.

L’éthanol résulte de la fermentation de jus sucré provenant soit de jus de canne, soit de betteraves ou de mélasses. La distillation est également possible à partir de sous-produits vinicoles (marcs, lies, vins), fruits, grains...

Les réactions de base qui conduisent à la fabrication d’alcool à partir d'un carbohydrate organique (jus de canne par exemple) peuvent être schématisées comme suit :

(1) inversion : C₁₂H₂₂O₁₁ + H₂O ➔  
C₆H₁₂O₆ + C₆H₁₂O₆  
(2) fermentation : C₆H₁₂O₆ ➔ 2 C₂H₅OH + 2 CO₂  
monosaccharide        alcool        H = 31 200 cal/ml.

Au cours de la période de développement des enzymes, il est nécessaire de compléter l’alimentation primaire à base de saccharides par des additions de matières nutritives comme les phosphates et les composés azotés. De même, le pH et la température (généralement 35 °C) doivent être ajustés convenablement.

La fermentation étant essentiellement une réaction exothermique, des dispositions doivent être prises afin d’éliminer la quantité de chaleur libérée. Après fermentation, le liquide est envoyé dans les installations de distillation.

Cette distillation produit d’importants volumes d’eaux résiduaires appelées vinasses, fortement chargées en matières organiques et dont les caractéristiques dépendent du produit initial. Les vinasses sont la source principale de la pollution produite par l'usine.

LA DISTILLERIE D’APAL (Administration paraguayenne de l’alcool).

Cette distillerie située à Mauricio José Troché utilise du jus de canne comme matière première et les vinasses produites sont actuellement stockées dans les lagunes.

Cependant, cette solution qui nécessite l'immobilisation de surfaces de terrain importantes ne pouvant être que provisoire, un rejet des effluents en rivière (le Rio Tebicury) a été envisagé par APAL.

La capacité de la distillerie de 1 200 hl d’alcool pur par jour conduit au rejet de 2 000 m³ de vinasses par jour, représentant 50 tonnes de DCO.

L'utilisation prévue de l'eau de la rivière à des fins de production d’eau potable a conduit l'Administration paraguayenne à exiger une épuration poussée des effluents rejetés, aussi les normes de rejets demandées sont-elles les suivantes :

  • — DBO : 90 mg/l.
  • — Solides sédimentables : 0,2 ml/l en 2 h.
  • — NTK : 50 mg/l en azote total.

TRAITEMENT DES VINASSES.

L’obtention de ces normes de rejets n’est pas possible en un seul stade (aérobie ou anaérobie), compte tenu de la pollution organique très élevée des vinasses.

Deux stades ont donc été prévus :

  • — un traitement anaérobie par méthanisation permettant d’effectuer un abattement de la pollution de plus de 85 %;
  • — un traitement aérobie de finition permettant la mise en conformité aux normes de rejets des effluents sortant de la méthanisation.
[Photo : Méthanisation pour Bonduelle à Renescure. Vue générale.]

Traitement par méthanisation

Le traitement anaérobie a été préféré au traitement aérobie en raison de ses nombreux avantages qui sont essentiellement :

  • - un haut degré d’épuration pour les effluents concentrés, tout en utilisant des charges appliquées deux à trois fois supérieures à celles nécessités par un traitement aérobie ;
  • - une faible production de boue : en effet, le temps de division de la bactérie anaérobie est beaucoup plus long que celui de la bactérie aérobie (plusieurs heures à plusieurs jours pour les méthanifères, et moins de 1 heure pour les bactéries aérobies) et donc la production de nouvelles cellules est beaucoup plus faible ;
  • - des besoins énergétiques réduits : un traitement aérobie nécessite un apport d’oxygène pour assurer l’épuration. La consommation énergétique correspondante est de l’ordre de 0,5 kW par kg DCO ; par contre, pour un traitement anaérobie, seul le brassage du digesteur est nécessaire et la consommation énergétique est réduite (environ 0,04 kW/kg DCO) ;
  • - la production d’un gaz combustible facilement valorisable : la matière organique est transformée en méthane suivant la réaction :
CₙHₙOₙ + (n – b)H₂O → (n – q + b)CO₂ + (n + q – b)CH₄

Le gaz produit, qui contient 55 à 70 % de CH₄, peut être utilisé directement en tant que combustible pour les chaudières de production de vapeur et dans certains cas pour les moteurs à gaz ;

  • - une bonne conservation de l’activité de la boue produite entre deux campagnes de distillation ; la boue peut être conservée à la température ambiante et en absence d’oxygène ; une simple réactivation avant le démarrage est suffisante ;
  • - la facilité d’exploitation.

Traitement de finition

Seul le traitement aérobie permet de respecter les normes de rejets en DBO et en azote.

En effet, l’azote ammoniacal peut être oxydé en nitrate suivant la réaction ci-dessous :

NH₄⁺ + 1,86 O₂ + 1,98 HCO₃⁻ → 0,021 C₅H₇NO₂ + 0,98 NO₃⁻ + 1,04 H₂O + 1,88 H₂CO₃

Cette oxydation de l’azote est effectuée dans le bassin d’aération appelé aussi bassin de nitrification. Les nitrates, en absence d’oxygène et en présence de matières carbonées, sont réduits en azote gazeux. L’élimination partielle des nitrates est effectuée dans un ouvrage appelé zone anoxique ou bassin de dénitrification.

[Photo : Épuration biologique pour Hoechst à Cuise-la-Motte, nitrification, dénitrification.]

DESCRIPTION DE LA STATION

Le contact anaérobie a été retenu pour sa facilité d’exploitation et de mise en œuvre sur ces effluents concentrés (voir schéma). Ce procédé comporte, dans le cas d’APAL, un digesteur en mélange intégral d’un volume de 9 400 m³ suivi d’un décanteur. Une quantité minimum de « boue anaérobie active » est maintenue dans le digesteur de façon à assurer un rendement optimal. On utilisera pour cela un recyclage des boues de fond du décanteur vers le digesteur, les boues en excès étant extraites périodiquement. Ce recyclage est effectué par un dispositif réglable et contrôlable.

C’est le procédé qui a eu le plus d’applications industrielles dans le monde. Sa mise au point a bénéficié de notre expérience tant en digestion anaérobie qu’en clarification de suspensions boueuses concentrées. Les deux fonctions peuvent se réguler et se contrôler indépendamment l’une de l’autre.

Nous avons mis au point une technologie élaborée utilisant le chauffage ou le refroidissement extérieur des boues du digesteur au moyen d’échangeurs imbouchables, et un brassage au gaz, plus fiable et plus performant qu’un brassage mécanique, permettant d’assurer une parfaite homogénéisation du milieu.

[Photo : Digestion anaérobie par contact (schéma)]

Les effluents en sortie de la méthanisation sont traités par voie aérobie dans un bassin d’aération en nitrification–dénitrification, procédé retenu en raison de ses performances élevées et pour sa facilité d’exploitation. Cette technique que nous avons appliquée de nombreuses fois, tant pour les effluents urbains qu’industriels, a fait maintes fois preuve de sa fiabilité.

Par la méthanisation, plus de 80 % de la pollution carbonée est ainsi éliminée ; par contre, la pollution azotée ne subit qu’une transformation accompagnée d’une très faible élimination.

Le bassin d’aération a été dimensionné en prenant en compte la pollution carbonée résiduelle et la pollution azotée. L'installation comporte :

— une zone d’anoxie de 860 m³ placée sur l’arrivée des effluents de façon à bénéficier de la pollution carbonée.

Cette zone d’anoxie est constituée en fait par un compartiment du bassin d’aération, cloisonné de façon à éviter tout apport d’oxygène par les turbines d’aération. Le volume de cette zone représente un dixième du volume total du bassin. Le brassage du compartiment de dénitrification est assuré par un agitateur immergé évitant ainsi tout apport d’oxygène. Cette zone d’anoxie est placée en tête du bassin d’aération permettant par recyclage de l’effluent traité de mettre en contact les nitrates avec la pollution carbonée ;

— une zone d’aération de 7 740 m³ équipée de turbines d’aération du type Actirotor assurant le brassage et l’introduction d’oxygène dans le bassin.

Les turbines d’aération sont installées de façon fixe sur passerelle béton. Ces turbines sont munies d’un motoréducteur permettant d’obtenir une vitesse lente de rotation assurant ainsi une longévité importante. Les Actirotor sont des roues ouvertes dont les pales sont à profil mince évitant les accrochages.

Le bassin d’aération est de forme rectangulaire, les parois sont inclinées et revêtues de béton ;

— un décanteur secondaire.

Les boues produites par la station sont épaissies, puis déshydratées sur des filtres à bande presseuses de type pressDeg, puis évacuées par camion et utilisées en agriculture.

[Photo : Epuration biologique pour Générale Sucrière à Nassandres, nitrification, dénitrification.]
[Photo : Actirotors installés pour les eaux résiduaires de la ville de Bologne (Italie).]

BILAN ENERGETIQUE DE L’INSTALLATION

Le gaz produit par la méthanisation, qui possède un équivalent énergétique de 12,4 TEP (soit 144 200 kWh par jour), sera utilisé dans l’usine pour produire de la vapeur, permettant ainsi une économie de combustible de l'ordre de 25 %. Cette valorisation énergétique conduit à récupérer environ 100 thermies par hectolitre d’alcool pur produit.

La consommation énergétique pour les besoins propres du traitement s’élève à 18 480 kWh par jour. Le bilan énergétique de toute l’installation est donc nettement excédentaire.

CONCLUSION

Notre société, du fait de son expérience globale du traitement des eaux, a pu répondre à la demande d’APAL en présentant une unité homogène et intégrée assurant la mise en conformité des rejets par l’utilisation de techniques biologiques, tant anaérobies, qu’aérobies qu’elle maîtrise parfaitement. De surcroît, grâce à sa structure et ses nombreuses implantations dans le monde entier, elle a pu apporter dans la mise en œuvre de ces technologies les facilités d’une installation fournie clés en main.

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