Your browser does not support JavaScript!

Mesures sur boucles géothermales

28 février 1989 Paru dans le N°125 à la page 31 ( mots)
Rédigé par : Bernard M. et Majcherczyk A.

M. Bernard et A. MajcherczykBureau Veritas

[Photo : Fig. 1 - Schéma de l'implantation des capteurs]

La décision de réalisation d'une opération de géothermie résulte d'une étude de rentabilité basée sur la comparaison, en valeur actualisée sur la durée de vie de l'installation, des bilans (investissement et exploitation), d'une solution en énergie traditionnelle et de la solution géothermique projetée.

La rentabilité, estimée au niveau de l'étude, peut être remise en cause par des variations des conditions d'exploitation (baisse de la puissance à la source, durée de vie réelle du puits inférieure à la durée de vie estimée...). La couverture des risques de dégradation dans le temps de la ressource géothermale fait l'objet d'une convention de garantie à long terme proposée aux maîtres d'ouvrage par la société auxiliaire de financement de la géothermie. La signature du protocole définitif est subordonnée à la vérification, par une tierce partie, des principales caractéristiques « initiales » de l'installation ; notre société a été chargée d'assurer cette mission.

Une étroite collaboration entre le Département structure-essais (DES) du Centre de recherches et développement et la Division génie climatique et thermique (GCT) de la branche bâtiment, génie civil et sécurité du Bureau Veritas, a permis de mettre au point une procédure de mesure efficace et compatible avec les contraintes liées à des interventions sur des installations existantes et en fonctionnement. Notre expérience sur une quarantaine d'installations contrôlées ou en cours d'instrumentation a montré la validité de notre démarche telle qu'elle est exposée dans le présent article.

LES PARAMÈTRES DE MESURES

Les paramètres retenus pour définir les conditions de fonctionnement des matériels (hors puits) sont : débit, pression, température et puissance électrique. L'implantation des différents capteurs est détaillée ci-dessous.

Tête de puits de production

Les grandeurs mesurées à cet endroit sont la température et la pression du fluide géothermal.

Débit de la boucle géothermale

Paramètre essentiel, avec la température, pour définir la puissance disponible sur un puits, le débit de la boucle géothermale est mesuré en simultané avec les autres paramètres.

Échangeurs

Les seuls paramètres relevés pour caractériser le ou les échangeurs sont les températures d'entrée et de sortie tant sur le réseau primaire que sur le réseau secondaire.

Pompe de réinjection

En complément au débit de la boucle géothermale, la mesure des pressions à l'aspiration et au refoulement permet de caractériser son fonctionnement (figure 2).

Tête de puits de réinjection

Un seul paramètre est relevé à cet emplacement : la température.

Consommation électrique des pompes

Le coût des consommations électriques entrant pour une part prépondérante dans les frais d'exploitation d'une installation géothermique, il est important de vérifier que les puissances absorbées par les éléments essentiels que sont les pompes de production et de réinjection correspondent bien aux valeurs retenues lors de la définition du projet.

Les aménagements au schéma de base

Le schéma de base décrit ci-dessus fixe les objectifs à atteindre. L'implantation réelle des points de mesure est déterminée, au coup par coup, en fonction de la configuration de chacun des sites ; en effet, l'intervention sur des installations existantes en fonctionnement pose des problèmes développés dans la suite de ce texte, qui nous conduisent à garder le souci constant de minimiser les interventions sur les réseaux.

LA TECHNIQUE DES MESURES

Mesures en tête de puits

Dans bon nombre de cas de doublets à puits déviés pour lesquels les locaux techniques sont situés à proximité des têtes de puits, les pertes en lignes,

[Photo : Fig. 2 : Pompe de réinjection.]

déperditions et pertes de charge, sont négligeables. Les températures en tête de puits sont confondues avec les températures d’entrée et de sortie des échangeurs. De même, la mesure de pression en tête de puits de production est reportée à l'entrée du local technique.

Mesure du débit géothermal

C’est celle qui pose le plus de problèmes et dont l'implantation est la plus variable. Nous avons, en effet, été amenés sur certaines installations sans pompe de production à disposer le débitmètre en aval de la pompe de réinjection pour éviter tout phénomène de dégazage préjudiciable à la précision de la mesure. Dans le cas d'installation avec turbopompe, le choix du point de mesure doit être fait de façon à ne pas inclure le débit « moteur », sur lequel aucune énergie thermique n’est récupérée.

La dernière particularité relative à la mesure de débit concerne les installations à puits unique. C’est le cas des installations réalisées actuellement dans le bassin aquitain. L'eau géothermale est rejetée à l'égout. La mise en place du débitmètre a donc nécessité l'adaptation des installations pour assurer, au droit du capteur, un écoulement stable monophasique. De plus, l'une des installations présente la particularité de ne pas posséder de local technique unique d'échange entre primaire et secondaire. L’eau géothermale est distribuée par un réseau identique à celui de l'eau de ville, à des sous-stations d’échange situées dans chaque immeuble. Ce réseau étant en cours de création au moment de notre intervention, le fonctionnement de l'installation a dû être simulé au moyen d'un bipasse installé dans le local technique.

LE CHOIX DES APPAREILS DE MESURE

Le choix des différents appareils de mesure résulte des différentes contraintes tenant d'une part, au processus de mesure, et d’autre part, aux caractéristiques spécifiques des installations géothermales.

Le processus de mesure et ses contraintes

Les mesures faites dans le cadre de notre contrat devaient répondre aux conditions suivantes :

— relevé des différents paramètres pendant un minimum de 4 heures de fonctionnement au débit nominal ;

— relevé des mêmes paramètres pendant un minimum de 1 heure de fonctionnement à mi-débit nominal ;

— édition, à la fin des essais, d'un procès-verbal signé sur le site par le maître d’ouvrage.

Du fait de ces impératifs, notre choix s'est porté sur un système d’enregistrement par centrale d’acquisition des données pilotée par micro-ordinateur. Ce choix impose, pour la mesure des différentes grandeurs, l'utilisation de capteurs (débitmètres, sondes de température ou de pression, wattmètres) délivrant un signal analogique qui puisse être traité par la centrale.

Les contraintes liées à la spécificité des installations géothermiques

Les points suivants, que nous examinons plus loin, ont une incidence sur le choix des principes de mesure et du matériel :

— l'éloignement éventuel des différents points de mesure ;

— l'agressivité de l'eau ;

— la présence, en quantité plus ou moins importante, de gaz dissous ;

— la pression ;

— l'alimentation électrique des pompes.

L’éloignement des points de mesure

Le problème se pose principalement dans le cas de puits droits. La distance séparant les têtes de puits de production et de réinjection est alors de 1 600 à 1 800 m (Achères, Evry) ; la seule solution possible est l'utilisation de deux systèmes d'acquisition de données synchronisés.

Pour les puits déviés, ce problème ne concerne que des cas particuliers où les forages sont éloignés de l'utilisation — (La Celle-Saint-Cloud, Meaux-Beauval).

L'agressivité de l'eau

Mis à part quelques cas particuliers (par exemple, forages dans le bassin aquitain), les eaux géothermales renferment une quantité importante de sels. Ces eaux sont donc très agressives ; c’est pourquoi il est nécessaire de recourir pour les capteurs à des matériaux « nobles », tel que l'acier inoxydable, ou de prévoir des revêtements intérieurs de protection.

La présence de gaz dissous

La présence de gaz dissous nous pose, d'un point de vue mesure, un problème pour la vérification du débit de la boucle géothermale : en effet, les différents systèmes de mesure de débit s’accommodent mal de la présence de gaz et donnent des valeurs erronées en cas d'écoulement diphasique. Les systèmes déprimogènes (diaphragme, tuyère) auxquels on pense de prime abord pour la mesure précise des débits ont été écartés immédiatement pour cette raison.

Notre choix s'est porté sur un débitmètre électromagnétique, qui n’accepte pas plus que d'autres les mesures en diphasique mais qui présente l’avantage de ne pas générer de chute de pression. Il doit, dans tous les cas, être installé en des emplacements où la pression est supérieure au point de « bulle » de l'eau du puits.

[Photo : Installation du débitmètre sur canalisation intérieure.]

La pression

Les installations géothermiques sont caractérisées par des niveaux de pression plus élevés que ceux rencontrés dans les installations courantes de chauffage. Ceci tient au fait qu'il faut d'une part se maintenir au-dessus du point de bulle pour éviter le dégazage, la pression en tête de puits de production avoisinant fréquemment 8 à 10 bars et, d'autre part, vaincre la pression artésienne à la réinjection où il est courant de rencontrer des pressions de 30 à 35 bars, voire plus.

L’alimentation électrique des pompes

Les pompes géothermiques présentent les trois particularités suivantes :

  • — les puissances électriques sont importantes du fait des débits à assurer et des pressions : pour des turbo-pompes, les puissances peuvent atteindre 670 kW ;
  • — les tensions d’alimentation des pompes varient suivant leur type, de 380 à 2000 V (pour certaines pompes immergées) ;
  • — les variations de débit sont obtenues par variation de la fréquence du courant d’alimentation.

Il résulte de ces deux derniers points que la mesure de puissance ne peut être opérée directement sur l’alimentation des pompes.

Le point de mesure retenu se situe sur l'alimentation électrique en amont des variateurs. Ce point présente deux avantages :

  • — pour la mesure, un seul type d’appareils peut être retenu, l’alimentation se faisant en 380 V triphasé ;
  • — pour le maître d’ouvrage, cette mesure est représentative des consommations réelles puisqu’elle intègre les pertes du variateur et du transformateur éventuel.

Les capteurs retenus

Ainsi que nous l’avons indiqué précédemment, tous les capteurs utilisés possèdent une sortie analogique. Ils présentent les caractéristiques suivantes :

Débit

Débitmètre électromagnétique 100 à 400 m³/h — PN 40 — avec revêtement intérieur en téflon et disques de protection en acier inoxydable ; précision : 1 %.

Température

Sonde type crayon à résistance de platine (protection inox) ; précision : 1 %.

Pression

Capteurs de pression de type membrane (élément sensible à la jauge silicium) ; pression 75, 35 et 15 bars ; précision : 2 %.

Puissance électrique

Wattmètre numérique triphasé 380 V ; précision : 1 %.

[Photo : Mesure de température et de pression.]

Le système d’acquisition de données

Les différents capteurs sont reliés à un système d’acquisition de données comprenant une unité d’acquisition de données comportant 30 voies en mesure différentielle, un micro-ordinateur et une imprimante.

Ce système doit être doublé lorsque les distances sont importantes entre têtes de puits ou entre têtes de puits et local technique.

LA MÉTHODOLOGIE DE LA MESURE

Le logiciel qui a été conçu pour cette application assure le traitement des mesures avec le schéma suivant :

  • — les valeurs analogiques mesurées avec une période de scrutation d’environ 45 secondes sont converties en paramètres physiques ;
  • — les moyennes des valeurs converties sont calculées toutes les 15 minutes, imprimées et enregistrées sur cassette ;
  • — en fin de période de mesure (4 heures ou 1 heure), la moyenne générale de tous les paramètres est calculée et imprimée.

Afin de s’assurer de la validité des moyennes et, en particulier, de détecter les variations aberrantes de l’un ou l’autre des paramètres, les valeurs extrêmes sur chaque cycle de 15 minutes sont imprimées (figure 5).

L’ORGANISATION DES INTERVENTIONS

Notre intervention comporte deux phases :

  • — une pré-visite des installations par la Division GCT de la branche bâtiment permet de définir l’implantation des différents points de mesure, ainsi que les travaux d’adaptation à exécuter pour rendre les installations conformes aux spécifications d’installation des différents capteurs ;
  • — après exécution des travaux par le maître d’ouvrage, le Département Structure-Essais du CRD procède aux mesures en présence du maître d’ouvrage ou de son représentant.

LES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES

Au cours des mesures effectuées dans le cadre défini ci-dessus, nous nous heurtons à des difficultés d’ordre technique et à des difficultés d’ordre économique.

Les difficultés techniques

Elles tiennent principalement au fait que nous intervenons sur des installations

[Photo : Fig. 5 : Exemple de sortie des résultats de mesures.]

existantes ne comportant pas tous les points de mesure nécessaires. Les modifications que nous demandons doivent être effectuées en accord avec le maître d’œuvre.

Les mesures de température et de pression ne posent généralement pas de gros problèmes de par la présence de « doigts de gants » et de vannes de prise de pression (figure 6). Par contre, la mise en place du débitmètre nécessite l’intervention sur les canalisations pour installer des longueurs droites en amont et en aval dans le diamètre du compteur (souvent différent du diamètre de la canalisation initiale).

Le problème à résoudre est de trouver une partie de canalisation, présentant (après les réductions éventuelles) les longueurs droites nécessaires à une bonne mesure et répondant au critère de pression minimale défini ci-avant. De surcroît, il faut que cet emplacement permette une réalisation facile des transformations ; à ce titre, l’intervention sur des réseaux en fibre ou en acier revêtu n'est concevable que dans le cas où l'on dispose de tronçons de tuyauterie entre brides, donc facilement démontables sans intervention sur le tube lui-même.

La seconde difficulté rencontrée concerne la quasi-impossibilité pour certains sites d'obtenir le débit nominal, du fait des conditions climatiques extérieures ou du fait de problèmes d’exploitation (par exemple : colmatage des puits).

Les difficultés économiques

Le frein principal est le coût pour le maître d’ouvrage d'une telle opération de mesure ; certes, les coûts d’adaptation des installations et de nos prestations ne doivent pas être négligés, mais ces coûts sont minimes au regard des pertes d’exploitation.

En effet, les modifications de l’installation, le montage et le démontage des capteurs (en particulier du débitmètre), se traduisent par autant d’arrêts de la boucle géothermale qui peuvent atteindre une journée ; or, pendant ces arrêts, la fourniture de chaleur doit être assurée par des sources d’énergie d’appoint coûteuses.

Le dialogue qui s’instaure avec les différents intervenants — maîtres d’ouvrages, concepteurs, exploitants — permet d'aplanir ces difficultés et de trouver des solutions satisfaisantes pour toutes les parties.

[Photo : Fig. 6 : Échangeur à plaques.]

CONCLUSION

Notre expérience actuelle n’a pas révélé de problèmes insurmontables de mesure de l'un ou l'autre paramètre. Le choix de matériels largement « dimensionnés » (pressions et températures maximales d'utilisation) a permis de couvrir toutes les configurations rencontrées sur plus de 40 installations. Par contre, les difficultés économiques d’intervention sur des installations existantes, ainsi que les réactions des maîtres d’ouvrages, démontrent l’intérêt de prévoir, dès la conception, une installation adaptée aux conditions de mesures définies ci-avant.

Forts de cette expérience, nous pouvons éventuellement compléter ou adapter le programme de mesures défini dans le présent article, pour répondre aux besoins propres des maîtres d’ouvrages, maîtres d’œuvre, exploitants, etc., tant en géothermie que dans des domaines nécessitant des mesures similaires.

Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements