Your browser does not support JavaScript!

Mesure et automation : contrôle des eaux

30 octobre 1989 Paru dans le N°131 à la page 44 ( mots)
Rédigé par : Michel MAES

Pas de dépollution sans contrôle de polluants. Pas de contrôle sans détection sélective et dosage de la variable. Pas d’informations analytiques ni d’acquisitions de données sans capteurs (1). En bonne logique, toute la stabilité et toute la sécurité d’exploitation d'un procédé quelconque de traitement vont dépendre d’abord de la qualité des informations reçues relatives à ce traitement. C'est vrai qu'en 1989 on attend beaucoup de subtilité des capteurs ! Pour un public technicien, il est maintenant admis que les capteurs sont à l'électronique, à l'informatique et aux systèmes de microprocesseurs ce que représentent nos sens au cerveau. Jusqu'à ces dernières années, le capteur évoquait quelque image pâlotte d’un produit sophistiqué et coûteux, d’un usage réservé aux matériels militaires, aéronautiques et spatiaux, mêlant un assemblage de technologies sans unité et se prêtant mal à la diffusion en série. Heureusement, une floraison de salons spécialisés est venue aujourd’hui rafraîchir, valoriser et démocratiser les fonctions du capteur : Capteur 89 (APIST), Capteurs & Environnement (ENSERG de Grenoble), Automation 89, Energie-Expo, Sits 89, Analyse industrielle, Bioexpo 89, etc.

[Photo : sans légende]

Car le capteur est le premier maillon de la chaîne de mesure qui va assurer la transformation de la grandeur à mesurer en une autre grandeur, accessible directement aux sens de l'homme ou par le biais d'organes d’acquisition et de saisie. Le capteur est conçu pour délivrer pratiquement en sortie un signal analogique ou numérique, essentiellement sous forme électrique de courant 4-20 mA et bientôt sous forme optique, avec l’essor des fibres optiques intégrant dans des systèmes des composants optiques et électroniques (détecteurs de pression, de température et de niveau à fibres optiques) en capteur opto-électronique (2).

Le capteur est devenu le passage obligé de la métrologie moderne, établissant des rapports transmissibles entre :— la grandeur à mesurer (pression, température, niveau, débit, accélération, vitesse, vibrations, courant, potentiel électrique, déplacement, pH, dimensions, espèces chimiques, intensité de radiation...),— et l’effet de cette grandeur sur un élément sensible (effets piézo-électriques, piézo-résistifs, magnétostrictifs, Hall, Doppler, variation de résistance, potentiel et capacité électriques, émission photonique...) (figure 1).

Comme en milieu agressif le capteur est soumis à un certain nombre de contraintes extérieures qui fausseraient le signal, il faut donc s'ingénier à compenser les dérives locales dues à ces influences externes ainsi que les défauts de non-linéarité, d’hystérésis intrinsiques au capteur. C’est pourquoi les « captoristes » ont inventé le capteur « intelligent » qui comporte un organe de calcul interne représenté par des logiciels embarqués tenant compte de tous les cas de figure. Les progrès de la miniaturisation ont accéléré ces remarquables acquisitions : les « puces », petites reines de la micro-électronique, peuvent intégrer sur un même support le principe de la mesure et les circuits de traitements. Et, comme plaisante Yves Ciantar : « avec l’arrivée des puces, c'est toute la recherche “capteur” qui se gratte » ! Déjà apparaissent les FET, Field Effect Transistor, sensibles aux ions (ISFET) et au gaz (GASFET), semi-conducteurs couramment utilisés pour miniaturiser les circuits, et bien adaptés aux biocapteurs qui, associant intelligemment matériel biologique et électronique, permettent de doser en temps réel des substances chimiques par des biosondes. Quelle effervescence justifiée !

Surveillance par automate de contrôle

L'affinement des moyens analytiques esquissé ci-dessus a donné une meilleure fiabilité aux automates de contrôle chargés de surveiller la qualité des eaux (3). Pour réaliser la mesure des

(1) Un capteur est un ensemble composé d'un transducteur convertissant la grandeur physique en grandeur électrique, d'un conditionneur qui amène cette grandeur électrique à un niveau normalisé et d’un transmetteur qui transforme ce signal en une donnée transmissible vers un poste de mesure, contrôle ou régulation (J. Bladou). Un biocapteur est un dispositif d’analyse chimique intégrant un système de reconnaissance moléculaire (membrane perméselective, enzyme immobilisée, anticorps, récepteurs membranaires) et un système transformant cette information chimique en valeur électrique (transducteur électrochimique, thermique, photométrique ou piézo-électrique) (D.R. Thevenot, UFR Créteil).

(2) Les variations d’état de systèmes physico-chimiques ou biologiques sont souvent liées à des émissions lumineuses caractéristiques (thermo, chimio et bioluminescence) dont l’intensité et la composition spectrale dépendent de l’énergie convertie et des propriétés des substances en jeu : des récepteurs opto-électroniques interviennent dans la transmission des signaux optiques en signaux électriques (W. Lorke, Hoechst A.G.).

(3) Un automate de contrôle est un système permettant une mesure continue ou semi-continue de la variation d’un paramètre significatif de l’évolution du milieu à contrôler, sa crédibilité dépendant essentiellement de celle du capteur (J.L. Mathieu, Ircha).

paramètres les plus courants — à savoir : température, pH, rH, oxygène dissous mgO₂/l, conductivité, turbidité, débit m³/h — les techniciens étaient d'ordinaire amenés à mettre en service autant de dispositifs autonomes que de paramètres à mesurer, et ceci pour chaque point du réseau à étudier. L’acquisition se faisait le plus souvent par enregistreur graphique, quelquefois magnétique et la restitution par transcription manuelle de l'enregistrement ou, dans les meilleurs cas, par traitement sur un ordinateur central coûteux et vite saturé. L'industrie électronique met aujourd'hui à disposition des microprocesseurs — circuits intégrés basés sur le concept informaticien du remplacement du « câblé » par du « programmé » — que des groupes d'études, comme l'IRCHA, les Stés Inforel et Ponselle, ont réuni en une centrale d'acquisition et de traitement des paramètres de terrain, dénommée centrale Metrapol, par exemple.

Ce qui ne signifie nullement qu'il convient de dédaigner pour autant les capteurs autonomes de terrain, multimètres physicochimiques portables, indispensables en maintenance, qui mesurent sur le champ une multitude de variables (température, pH, O₂ dissous, conductivité, pression, débit, niveau...) et susceptibles d’être installés à demeure sur le circuit hydraulique.

Les automates de contrôle seront mis à profit pour la protection des prises d'eau destinées à l'alimentation humaine (figure 2). Une bonne connaissance des points de prélèvements en rivières, et surtout des fluctuations et pointes de pollution, est nécessaire pour obtenir des objectifs de qualité réalistes sur l'eau potable ainsi que pour dimensionner les ouvrages d'épuration. Or, la qualité des cours d'eau varie dans le temps en fonction de facteurs naturels ou liés aux activités humaines : variations diurnes de la température et du pH, de la photosynthèse agissant sur l’oxygène dissous, variations journalières et hebdomadaires des rejets industriels et domestiques, sans oublier les pollutions accidentelles, les apports brutaux dus aux lessivages des sols, des collecteurs et du lit des cours d'eau en cas de pluies d’orage.

Le poste automatique peut contrôler tous ces phénomènes (figure 3). La station sera située à l'amont de la prise d'eau de l'usine de traitement d'eau potable, en un point résultant d’un compromis :

  • — suffisamment éloigné pour que l’exploitant puisse réagir à temps quand le poste transmet l'information d'une qualité anormalement mauvaise, vérifier le bien-fondé de l’alarme, éventuellement agir sur le dosage de réactifs de conditionnement, les temps de passage, ou encore, en dernier ressort, « by-passer » et arrêter l’usine,
  • — assez près pour éviter les rejets intempestifs et incontrôlés entre le point de mesure et la prise d'eau.

La station automatique mesure dorénavant d'une manière satisfaisante une vingtaine d’éléments et fonctions chimiques (mercure, cadmium, cyanures, hydrocarbures, phénols, etc.). Des progrès sont encore à réaliser pour acquérir une meilleure fiabilité des analyseurs ainsi qu'un développement des nouveaux capteurs de mesure (fibres optiques, miniaturisation des capteurs, analyses immunologiques, utilisation des microprocesseurs), de l’informatique (traitement des données), et des communications (câbles, satellites et réseaux) (J-M. Journet, Agence de Bassin Artois-Picardie, et R. Granjon, R-P. 1987).

[Encart : On déplore régulièrement les conséquences désastreuses de la pollution des exutoires sur l'alimentation en eau potable des régions sinistrées. Pour mémoire : — 15 juin 1985 : incendie de l'usine Rhône-Poulenc de Roussillon dont les eaux d'extinction pollueront le Rhône par des pesticides polyphénoliques ; — 8 et 18 juillet 1986 : déversements accidentels de boues toxiques renfermant de fortes charges de métaux lourds par l'usine Vieille-Montagne de Decazeville, dans le Lot ; — 1er novembre 1986 : incendie des usines Sandoz près de Bâle, dont les eaux d'extinction pollueront le Rhin par des pesticides mercuriels ; — 8 juin 1988 : incendie de l'usine Protex d’Auzouer-en-Touraine qui entraînera le rejet dans la Brenne, affluent de la Loire, des composés phénoliques et cyanurés.]
[Photo : Schémas de fonctionnement général de capteurs.]
[Photo : Pollution des rivières et coupure eau de distribution.]
[Photo : Principe de télémesure à fibre optique.]

Station d’alerte

La fréquence des pollutions accidentelles constatées sur les cours d'eau ont incité précocement les exploitants à les pourvoir de stations automatiques qui transmettent des alertes à l’usine de production. Pour sa part, le Groupe Générale des Eaux a installé de telles stations analysant en continu les eaux de surface (paramètres choisis : carbone organique total COT ; métaux lourds Cu, Zn, Cd, Pb et Cr ; hydrocarbures indice CH₄ ; pesticides organophosphorés ; avec température, pH, ammonium, conductivité.

[Photo : Schémas de principe d’acquisition des données in situ.]

matériel géré par microprocesseur indépendant, doté d'un préleveur-rejeteur, d'un centralisateur avec imprimante et console de visualisation, dispositif de télétransmission des données vers les postes d'astreinte). Ceci vaut pour les trois usines du Syndicat des Eaux d'Île-de-France, sur la Seine, la Marne et l'Oise, la Société des Eaux de Marseille et la station d'alerte des Trois-Frontières sur le Rhin à Huningue, laquelle est pourvue d'un modèle prévisionnel de propagation des nappes de polluants Disperso destiné à assurer la sauvegarde de la nappe phréatique d'Alsace, mis au point par les Stés OTV et SEIT. De son côté, la Sté Lyonnaise des Eaux a créé les stations d'alerte de Chatou, avec l'AFBSN, l'Agence Financière de Bassin Seine-Normandie, et celle du Mont Valérien, qui, en plus de la mesure automatique des métaux lourds (Hg, Cd, Pb, Cu, Cr, Ni, Zn par automate CNRS-SLE) et paramètres usuels, sont pourvues d'un extracteur liquide-liquide CLEOR (pesticides et polycycliques aromatiques), déclenchant l'alarme après dépassement de seuil (1).

On conçoit bien, malgré leur intérêt évident, que la saisie de tous ces paramètres physico-chimiques, si fine soit-elle, ne remplace pas la véritable détection globale de biotoxicité, la réponse aiguë d'organismes vivants capables, eux, de déceler la présence d'un mélange complexe de molécules chimiques déversées aux actions synergiques et cumulatives.

L'Ichtyotest, de la Sté Degrémont, complète la panoplie d'analyseurs de la Lyonnaise des Eaux : la dérive éventuelle de truites arc-en-ciel face au courant, comportement anormal, détectée par capteur à ultrasons en bassins, est transmise au synoptique de contrôle. Le test Microtox sur bactéries bioluminescentes de Beckman adapté par Anjou-Recherche (Centre de Recherche de la Compagnie Générale des Eaux-OTV-SEIT), présente une bonne corrélation avec le test Daphnies des Agences de Bassin : la baisse du métabolisme bactérien en présence de toxiques se traduit par un affaiblissement de lumière émise, très sensiblement détecté par photomultiplicateur, et télétransmissible en alerte.

La station d'épuration mise sous capteurs

La station d'épuration des eaux usées a, depuis longtemps, adopté des circuits automatiques fonctionnels reposant sur la définition de séquences logiques qui agissent directement sur un ou plusieurs éléments mécanisés à partir de la mesure de paramètres. L'automatisation se traduit par :

  • — de simples asservissements dans lesquels un élément mécanisé est commandé en « tout ou rien », la plupart du temps, par un signal de dépassement de seuil provenant d'un capteur (vanne motorisée de cuve liée au niveau, marche du dégrilleur liée au dispositif d'évacuation des refus de dégrillage...)
[Photo : Turbine d’oxygénation pour bassin à boues activées à fonctionnement régulé par teneur en oxygène dissous.]

(1) Voir articles du Centre de Recherche Lyonnaise des Eaux-Degrémont-AFBSN, dans « L’Eau, l'Industrie, les Nuisances », n° 105 (p. 31), 123 (p. 51) et, sur la station d'alerte OTV-SEIT, dans la même revue n° 122 (p. 37) et 125 (p. 16).

[Photo : Fig. 4 : Performances probabilistes de la station d’épuration d’eaux urbaines de Douai, d’après Agence de Bassin Artois-Picardie.]

— de véritables régulations qui maintiennent certaines grandeurs à des valeurs prédéterminées par action sur des organes de réglage (régulation « Redox » au bassin de boues activées faible charge, régulation par oxymètre à l’oxygène dissous agissant sur la marche des turbines d’oxygénation (figure 3b), régulation du rejet par turbidimètre-néphélomètre ou électrodes spécifiques…).

Les biosondes sont venues récemment y apporter leur « plus » par les systèmes experts commercialisés : ainsi le Bio-surveyor, de CGE-OTV et le Toxiguard d’Eur-control, basés sur la maquette de biodégradabilité de Hussmann, détectent les toxiques par respirométrie bactérienne et permettent d’apprécier à tout moment la traitabilité des effluents entrant dans la station d’épuration. Des recherches microbiologiques aboutissent, par exemple, au contrôle des nucléotides ATP-ADP-AMP, par Prolabo, indiquant le potentiel d’activité de la biomasse épuratrice, et à la détection d’Escherichia coli, par les groupes SLE-Degrémont et CGE-SEIT, en tant que révélateur de la pollution bactérienne des eaux, par le biais des biocapteurs.

En traitement physico-chimique, le procédé de pilotage automatique Ecofloc, mis au point par OTV pour la station d’épuration de la Ville de Marseille, représente un progrès certain par l’asservissement en temps réel du taux d’injection de réactifs vis-à-vis du flux de pollution MeS-DCO à traiter.

Voici que les administrations compétentes se mobilisent ! Le Groupe « Capteurs » de la Commission Assainissement de l’AGHTM, Association Générale des Hygiénistes et Techniciens Municipaux, diffuse d’intéressantes recommandations sur les oxymètres et débitmètres, après que la dynamique Agence de l’Eau Artois-Picardie ait conduit des études expérimentales de fiabilité en épuration d’eaux industrielles. Car les conséquences des défaillances de la station d’épuration s’évalueront en pollutions accidentelles de l’exutoire. Quelle est sa véritable fiabilité ?

Allegro entre Douai et Maubeuge

Consciente de ce risque, l’Agence de l’Eau Artois-Picardie a mis au point un outil mathématique puissant d’analyse probabiliste de fiabilité P.R.A. pour améliorer les performances de la station de Douai (desserte de 90 000 EqHb, Q₁ = 13 500 m³/j, charges : 4,9 t DBO/j + 8,1 MeS/j). Le fonctionnement de la station est simulé par un modèle à processus Markovien où chaque état correspond à un mode de défaillance possible. L’analyse est menée par le procédé FMEA (Failure Modes and Effects Analysis) et vérifiée par la méthode bien connue de l’analyse des « arbres de défaillances » ou « arbres de causes » utilisant des portes logiques, porte « et », porte « ou ». Les effets des défaillances sont exprimés en termes de pollution rejetée, le produit des probabilités et des effets donnant la performance probabiliste de la station (C. Assezat, Agence de Bassin Artois-Picardie ; J. Maltese, N.U.S. ; J.-P. Raoul et B.-E. Brennus, 1984). Comme dans toute étude de système vulnérable, on admet que la réunion de sous-systèmes optimaux ne constitue pas en soi un système optimal. Ce qui précise également les limites de l’analyse classique qui visait à optimiser indépendamment chacun des éléments. À noter toutefois que le succès de la méthode fiabiliste se trouve directement lié à la rigueur et à l’exhaustivité de l’analyse initiale et, bien entendu, à la saisie des informations données par les capteurs appropriés.

Pour l’usine M.C.A. (Maubeuge Construction Automobile), à Maubeuge, cette même agence de bassin Artois-Picardie, l’U.T.C., l’Université Technologique de Compiègne, et la S.N.I.A.S., Société Nationale des Industries Aéronautique et Spatiale, se sont intéressées à la station d’épuration de l’atelier de peinture (Q₁ = 8 à 20 m³/h, DCO = 5 à 100 g/l, Pb = 20 à 50 mg/l, pH = 3 à 4). Trois arbres ont été examinés avec respectivement, comme événement indésiré :

  • — le pH hors normes, inférieur à 5,5 et supérieur à 8,5,
  • — la teneur en MeS excédant 30 mg/l,
  • — la teneur en Pb dépassant 1 mg/l.

Avec les aménagements adéquats, on est passé d’une probabilité de défaillance de 4 fois/j à 1 fois/j pour le système amélioré. Dans cette étude, on a défini la gravité d’une panne comme étant

[Photo : Schéma de réaménagement automatique à la station d'épuration de Maubeuge Construction Automobile, d'après Agence de Bassin Artois-Picardie]
Nature de l'aménagement Coefficient d'augmentation de fiabilité Coûts en francs 1981
Turbidimètre sur le rejet 1 000 40 000
Personnel qualifié, instrumenté et présent 1 000
pH-mètre & nettoyage automatique 100 24 000
Fonds de cuves coniques avec purgeurs 10
Sondes de niveau, stockages intermédiaires performants 10 23 000
Doublement des pompes d'alimentation 10 13 500
Doublement des pompes doseuses de réactifs 10 13 000
Doublement de la pompe de pressurisation 10 7 950
TOTAL 121 450

égale au produit de la probabilité d'apparition par la durée de présence de l'opérateur, détection et réparation. On s'aperçoit ainsi que certaines défaillances ayant une probabilité d'apparition faible, comme par exemple « pompe de réactifs hors service », sont affectées par contre d'un temps de réparation élevé, comme « approvisionnement du matériel défaillant », alors que ces éventualités contraignent le fonctionnement de la station.

La station d'épuration a coûté 2,1 MF 1981 dont 0,12 MF (soit 6 %) pour les améliorations de fiabilité. Démarrée en 1980, elle n’a jusqu'à présent pas failli à sa tâche. Les capteurs, pH-mètre, turbidimètre, débitmètre, couplés avec des alarmes et un automatisme de recyclage, ont toujours réagi correctement. Les temps de réparation sont restés compatibles avec les possibilités de secours des installations (capacité de stockage, réduction des débits).

On peut conclure que, sans cette étude de fiabilité, les préventions insuffisantes à l'origine auraient conduit la station à subir de nombreuses pannes : arrêt de pompes non doublées, rejets de polluants sans turbidimètre pour le recyclage de l'effluent, absence de personnel par défaut d’alarme et de programme (A. Herman et D. Bogusz, Agence de Bassin Artois-Picardie, 1985).

Opération « précieuses poussières »

Le Comptoir Lyon Alemand Louyot (le CLAL) pratique l'affinage des métaux précieux, à partir de déchets métalliques recyclés comprenant Cu, Fe, Cd et Zn, à Noisy-le-Sec, en plein département Seine-Saint-Denis. Les contraintes de respect de l'environnement n'y sont pas négligeables. Le CLAL s’était déjà distingué par son option « technologie propre » quant aux fumées du four d’affinage (traitement du débit gazeux de 1 500 m³/h par dépoussiérage en chambre de sédimentation à sec, en laveur Venturi et en tours d’absorption eau et soude). La récupération des poussières métalliques de grande valeur avait suffi à rentabiliser l'investissement de 450 kF 1986 en quelques mois.

Aujourd’hui, le CLAL a également rénové sa station de traitement des eaux résiduaires de 120 m³/j moyennant un investissement considérable de 5,5 MF (soit 200 F/m³ d'effluent traité, amortissement et frais d’exploitation compris, transport des boues inclus). C'est avouer en même temps le degré de sophistication auquel le CLAL peut prétendre et que la société d’ingénierie Propersol, filiale Krebs spécialiste du traitement des rejets industriels, a su maîtriser. En effet, les différentes étapes du traitement des eaux sont entièrement pilotées par un automate programmable qui effectue les asservissements de l'installation et la gestion des alarmes. De plus, le système remplit des bilans d’exploitation, gère préventivement les équipements et déclenche les opérations d'entretien nécessaires.

C’est que la « capteurite » a sévi au CLAL ! Des capteurs de niveau, débit, pression, pH, rH, enregistrent chaque paramètre, en assurent le stockage et la comptabilisation des données, dont une imprimante édite et signale les défauts éventuels, normaux, bénins ou

[Photo : Fig. 6 – Gestion automatisée de réseau d’assainissement.]

graves. L'ensemble, connecté à un IBM PC, octroie une parfaite surveillance de la station tandis que l'écran visualise les alarmes et valeurs courantes, fait apparaître les temps de fonctionnement des moteurs ainsi que tous les débits secondaires instantanés. Finalement, l’automatisation, qui s’est soldée par un surcoût de 10 %, permet de réaliser des économies avantageuses sur les frais d'exploitation et surtout, accorde une grande fiabilité à l'ensemble du système antipollution (M. Bouchet, CLAL ; M. Morier, Sté Propersol — 1988).

Un réseau raisonnable

Les départements constituant la « petite couronne », Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne, investissent depuis plusieurs années dans la mise en place d'un système de gestion automatisée dans le but d’optimiser le fonctionnement des réseaux d’assainissement (figure 6). La maîtrise des eaux pluviales s’acquiert à l'aide des déversoirs d’orage à seuil mobile automatisé. En effet, à l'aide de ces seuils mobiles gérant des surverses d’eaux pluviales, on doit, selon les positions :

  • — retenir les eaux brutes usées pour les diriger vers la station d’épuration (position 1),
  • — accepter les eaux usées peu diluées par les petites pluies, mais pas trop pour qu’elles restent traitables (position 2),
  • — déverser dans le milieu naturel des eaux fortement diluées par les pluies d'orages pour éviter les débordements d’égouts tout en retenant le premier flot qui est en général très pollué (position 3),
  • — contenir les eaux de la rivière-exutoire en période de crue pour éviter l’envahissement des ouvrages d’assainissement par celles-ci.

Aussi, dans les trois départements, des téléinformations sont transmises aux exploitants, télésignalisation (marche-arrêt d’une pompe), télémesures (hauteur d’eau, vitesse de l’effluent, pluie, position des vannes, qualité de l’eau), téléalarmes (panne d’un organe, éjection d’une cassette d’enregistrement des données...) (M. Millet, R. Berrebi, M. Mermet, Services d’Assainissement R-P, 1985) (1).

On connaissait l'incidence de la fiabilité des réseaux d’assainissement sur celle des stations d’épuration : l’étude de l’Agence de Bassin Seine-Normandie, réalisée dès 1977 sur 1 260 stations d’épuration dans l’hexagone, démontrait que 62 % de ces stations voyaient leur efficacité compromise du fait des mauvaises caractéristiques des effluents bruts acheminés par les réseaux. Ce défaut, combiné aux anomalies de conception ou d’exploitation des installations, conduisait à des insuffisances notoires de traitement au niveau national (la pollution brute des 58,5 MeqHb n’était raccordée qu’à 41 % sur 7 374 stations d’épuration dont le rendement pondéré moyen valait 77 % sur MeS et 69 % sur MO — Constat 1979). Pour mémoire, les principaux écueils constatés étaient les suivants :

  • — arrivées d’eaux claires parasites (30 %),
  • — insuffisance de l’effectif raccordé (17 %),
  • — surcharge organique (15 %),
  • — arrivées d’eaux résiduaires industrielles (11 %),
  • — arrivées d’eaux résiduaires agricoles (5 %),
  • — fosses septiques non by-passées (3 %).

La détection de ces anomalies sur les effluents bruts qui perturbent plus de 60 % des stations en France s’obtient, il faut le répéter, par des équipements indispensables de contrôle susceptibles de déclencher l’autorégulation : débitmètre, rH et pHmètre, sondes de température, oxymètre, conductivimètre, densimètre, DCO-mètre... (J.P. Ermenault, SLEE, 1984).

La haute technologie des capteurs, jusqu’alors réservée aux domaines du militaire, du nucléaire et du pétrole, touche et « sanctifie » le quotidien du contrôle analytique. Qui s’en plaindrait ? Capteurs microniques, capteurs à fibres optiques, biocapteurs, capteurs « intelligents » concourent à cette conversion industrielle du nouveau millénaire.

Michel MAES

(1) Voir articles récents dans « L’Eau, l’industrie, les nuisances », n° 111 (p. 36), 117 (p. 35) et 129 (p. 55).

Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements