L’eau, matière première dont le prix ne peut que croître en raison du déséquilibre entre les disponibilités et la demande, est une matière onéreuse qui doit être comptée. Des mesures quantitatives des eaux consommées et des eaux rejetées doivent donc être effectuées par l’industrie et les collectivités.
Tout « pollueur » peut opter, en application des dispositions légales, pour la mesure directe de la pollution rejetée par son établissement ou sa collectivité, chacun des rejets devant alors être équipé d’une chaîne de mesures. Cette disposition conduit à un allégement des redevances et, par conséquent, à l’amortissement rapide des frais investis pour l’installation.
La mise en place de dispositifs de mesure des débits instantanés et cumulés sur les prises d’eau, sur les circuits de refroidissement, de lavage, de filtration ou de traitement, sur les rejets, etc., s’avère ainsi de plus en plus opportune et nécessaire : c’est un facteur d’économie et de bonne gestion.
Les Administrations de tutelle tendent d’ailleurs à exiger l’utilisation de ces appareillages sur toutes les nouvelles stations de traitement, mesure qui s’impose d’elle-même quand ces stations sont collectives.
Nous examinerons dans le présent article les dispositions qui peuvent être prises à cet effet, tant sur le plan des appareils de mesure des écoulements gravitaires, que sur celui de l’exploitation de leurs données dans le cadre d’un ensemble formant une chaîne débitmétrique.
Choix du type d’appareil
Le dispositif de mesure des débits instantanés* est l’élément déterminant de la chaîne débitmétrique. C’est celui que l’on choisit d’abord, suivant les conditions de l’écoulement, l’implantation et les besoins.
Ce choix doit être confié à un spécialiste qui devra, autant que possible, intervenir dès l’établissement des projets d’implantation de nouveaux réseaux d’effluents ou de stations de traitement : un aménagement simple, exécuté à la construction de l’ensemble, rendrait aisée et économique la mise en place immédiate ou différée d’un dispositif de mesure, ce qui n’est pas toujours le cas sur les réseaux existants ou les nouvelles réalisations mal étudiées.
Les spécialistes ont pu tirer de leur expérience des règles générales : lorsque l’on dispose d’un canal rectangulaire à faible pente, on peut obtenir de très bonnes mesures en utilisant l’un ou l’autre des dispositifs suivants :
- — le seuil jaugeur qui conserve dans cette application ses qualités reconnues de simplicité et de facilité d’adaptation ;
- — le canal Venturi classique que certains utilisateurs préfèrent en variante au seuil jaugeur ;
- — le déversoir à mince paroi, quant à lui, convient mal à ce genre de mesures pour différentes raisons : son bassin de tranquillisation amont décante les matériaux en suspension et requiert des nettoyages fréquents ; il introduit donc dans l’écoulement une perte de niveau relativement importante. D’autre part, l’arête déversante, dont le profil est si important pour la précision, est très vulnérable à l’abrasion et à la corrosion et se modifie rapidement de façon notable.
Le choix de l’appareil de mesure à installer doit être opéré en tenant compte de ces observations et des dispositions techniques qui ont été prises pour remédier aux inconvénients signalés. On dispose à cet effet d’une gamme d’instruments dans laquelle nous avons retenu les suivants.
Les seuils jaugeurs et canaux Venturi
Leur objet est la mesure des débits d’écoulements de liquides à surface libre, même corrosifs ou chargés en matériaux.
Ils sont utilisés pour le jaugeage, au fil de l’eau, de petits cours d’eau naturels, de canaux en terre ou revêtus de canalisations, et notamment pour le contrôle des rejets pollués d’établissements industriels, de collectivités, de stations de traitement des eaux, etc.
Les seuils jaugeurs (figure 1) comme les canaux Venturi (figure 2), sont des dispositifs à « contraction » qui provoquent un étranglement de l’écoulement, de façon à créer un changement de régime hydraulique dans une section de mesure. Dans ces conditions :
- — il existe une relation univoque entre le niveau de l’écoulement, mesuré en un point judicieux à l’amont de l’étranglement, et le débit ;
- — le niveau aval est sans influence sur le niveau amont, donc sur la mesure, à condition qu’il ne s’élève pas au-dessus d’une certaine valeur connue, précisée pour chaque appareil.
* Breveté par notre société sous le nom et la marque « Efflumètre ».
Ces dispositifs sont simples et robustes : aucune pièce n’est en mouvement ; ils sont donc indéréglables, faciles à mettre en œuvre et ne demandent aucun entretien ; ils sont ainsi très économiques d’emploi. Ils présentent, en outre, de nombreux avantages :
- — ils ne provoquent qu’une faible perte de niveau entre l’amont et l’aval (beaucoup plus faible qu’avec un déversoir par exemple), ce qui est un avantage certain lorsque le relief est plat et ils n’entraînent qu’une faible surélévation du niveau à l’amont par rapport à un écoulement libre ;
- — ils ne créent que peu ou pas de rétention : la mise en vitesse au droit de l’étranglement permet un auto-nettoyage de la plupart des matériaux (emploi possible à l’entrée des stations de traitement par exemple) ;
- — ils ne nécessitent pas d’aération de la lame déversante comme les déversoirs sans contraction latérale ;
- — ils peuvent être équipés de chaînes débitmétriques à liaison pneumatique et à microprocesseur pour linéarisation et autres fonctions auxiliaires ;
- — enfin, ils mesurent une gamme de débits très étendue (de 0,7 à 42 000 m³/h).
Mesure du débit des conduites circulaires à surface libre
La mesure du débit de ces conduites n’est pas simple : comme il n’existait pas de dispositif permettant cette mesure, nous avons mis au point une adaptation originale du canal Venturi aux conduites circulaires*, qui peut s’adapter notamment aux égouts et aux canalisations d’effluents industriels de toute nature. Établi sur le même principe que le seuil jaugeur ou le canal Venturi, l’appareil se présente sous la forme d’un ensemble construit en résine de polyester armée de fibres de verre, constitué essentiellement d’un tube contenant le dispositif à contraction et d’un pot de niveau comportant une échelle de débits. Le tube est entouré d’une manchette gonflable en caoutchouc pour les systèmes démontables (figure 3). La lecture du niveau amont permet de connaître le débit en se référant à la courbe d’étalonnage. Ce niveau est accessible dans le pot de niveau qui permet la lecture ou l’enregistrement par le système convenant le mieux à chaque cas particulier : échelle incorporée (en l/s), limnimètre, chaîne débitmétrique pneumatique.
Fig. 3. : Coupe schématique du dispositif de mesure du débit des conduites à surface libre (montage non permanent).
* Breveté sous le nom de Contraflux.
Ce procédé autorise des mesures jusqu’ici réputées impossibles (égouts enterrés, pentes jusqu’à 5 %). Il présente l’avantage d’être mis en place sans arrêt de l’écoulement des eaux.
Bac-déversoir
C’est un appareil* qui fonctionne sur le même principe que les cuves-déversoirs utilisées dans les laboratoires d’hydraulique (figure 4). On mesure la hauteur de la lame sur un déversoir triangulaire peu sensible à l’abrasion et à la corrosion. Le débit est une fonction univoque de la hauteur de lame. Matériel transportable, il est destiné à la mesure de débits d’eaux, plus particulièrement d’eaux polluées, corrosives ou chargées des rejets industriels.
Fig. 4. : Coupe schématique d’un bac-déversoir.
Il est composé de bacs « monobloc » en matériaux inaltérables à la plupart des agents rencontrés dans les eaux industrielles et les rejets et qui comportent principalement :
- — un bassin de réception amont alimenté par déversement, avec déflecteur amortisseur d’énergie ;
- — un bassin aval avec tranquilisateur amovible ;
- — un déversoir à arêtes surmoulées ;
- — un puits de mesure central ou une échelle latérale.
Les bacs-déversoirs de ce type présentent de nombreux avantages : ce sont des
* Breveté sous le nom de Pollubac.
appareils légers, portatifs, peu encombrants, couvrant une large gamme de débits, offrant une grande résistance mécanique aux produits corrosifs et qui permettent des mesures et des contrôles rapides de débits d’effluents (ils peuvent également être installés à poste fixe). La lecture directe des débits s’effectue sur une échelle incorporée (graduée en l/s) ou par flotteur gradué.
Différentes formes de déversoirs donnent des relations hauteur/débit convenant à des applications spéciales. Leurs formes sont prévues pour assurer une bonne évacuation des matières contenues dans les eaux chargées. Ils sont d’un nettoyage et d’un entretien faciles (tranquillisateur amovible, pas d’arêtes vives, etc.).
Chaînes de mesures débitmétriques
La mesure des débits d’écoulement en surface libre exige une chaîne de mesures constituée par un effluimètre (ou tout autre organe à contraction, placé dans l’écoulement, qui substitue à la mesure du débit, une mesure de niveau aisée à effectuer) complété par un ensemble comprenant :
- — un capteur qui transforme la mesure de niveau en une autre grandeur physique (signal électrique),
- — un conditionneur, lequel tient compte de la relation hauteur d’eau/débit de l’effluimètre et restitue un résultat en débit (indication ou, le plus souvent, enregistrement),
- — un totalisateur du volume écoulé dans le temps,
- — divers auxiliaires qui peuvent être ajoutés pour la transmission à distance, la signalisation, la télécommande, etc.
Cet ensemble constitue une chaîne débitmétrique représentée schématiquement sur la figure 5.
Cette chaîne est réalisée à partir d’une mesure de niveau effectuée pour une liaison pneumatique du type « bulle à bulle », le conditionneur numérique assurant la conversion hauteur/débit selon la loi caractéristique de l’organe de contraction, et restituant l’information sous forme numérique et/ou analogique.
La chaîne débitmétrique DPN7 fournit le débit d’air nécessaire à la mesure de niveau grâce à un générateur d’air comprimé incorporé. Un très faible débit est injecté dans une prise de pression adaptée à l’effluimètre (R) ou au canal. La pression d’injection est mesurée par un capteur à membrane au silicium qui fournit un signal électrique proportionnel à la hauteur d’eau en amont de l’organe à contraction.
Ce signal est numérisé et exploité par un microprocesseur qui assure les fonctions standards suivantes :
- — conversion hauteur/débit selon la loi caractéristique de l’organe à contraction,
- — affichage de la valeur instantanée du niveau ou du débit dans l’unité choisie,
- — génération d’un signal analogique, tension ou courant, proportionnel au débit instantané,
- — calcul, affichage et mémorisation du volume total et du volume journalier,
- — auto-contrôle des paramètres internes de fonctionnement et commande d’un relais d’alarme en cas de défaut,
- — report du volume total par commande d’un relais à chaque incrément d’une unité de volume.
Il peut également assurer les fonctions particulières suivantes :
- — surveillance du débit instantané par rapport à deux seuils minima et maxima et commande de deux relais,
- — commande d’un préleveur d’échantillon par un relais à une cadence proportionnelle au volume,
- — stockage de la valeur du débit instantané en mémoire numérique sauvegardée selon un algorithme à pas de temps fixe ou variable,
- — restitution des mesures sous forme numérique série.
La face avant de la chaîne comporte un afficheur alphanumérique à 16 caractères et quatre touches, à l’aide desquels l’opérateur a accès aux fonctions suivantes :
- — visualisation des grandeurs mesurées (débit, niveau, volume journalier, volume total),
- — visualisation et correction des paramètres d’exploitation : seuils minima et maxima, seuil de prélèvement,
- — visualisation des paramètres de fonctionnement interne.
La face arrière de la chaîne comporte les dispositifs suivants :
- — un branchement pour liaison manométrique,
- — une commande manuelle de purge de cette liaison,
- — un bornier décrochable à 20 bornes,
- — un connecteur à 25 broches pour raccordement d’un terminal ou d’une liaison numérique série.
Outre la version normale, l’appareil existe en modèle à faible consommation pour mesures sur site isolé. La chaîne se présente sous deux formes, l’une en boîtier au format DIN 144 × 144 × 170 (IP 545), l’autre en coffret étanche 600 × 400 × 200 (IP 659).
L’étendue des mesures de débit s’étage de 0,7 à 42 000 m³/h avec une précision à 20 °C meilleure que ± 0,5 % P.E. de l’effluimètre, dans une gamme de températures comprises entre – 20 °C et + 60 °C. La cadence des mesures est de 2 par seconde.
Conclusion
L’analyse précédente montre l’intérêt que présentent les diverses instrumentations permettant de mesurer le débit des écoulements à surface libre : elles couvrent une gamme de débits très large, donnent une bonne précision et possèdent une fiabilité remarquable.
Quelles que soient ses qualités, il convient toutefois que l’appareil de mesure soit placé dans une situation adéquate de fonctionnement, condition impérative pour l’obtention de bons résultats. Cela ne peut être obtenu qu’en faisant appel à un conseiller en débitmétrie, dont le rôle consiste à intervenir avant que l’installation ne soit réalisée, pour s’assurer que celle-ci est apte à recevoir un appareil de mesure, de manière que les conditions d’utilisation ou les caprices du phénomène à mesurer n’altèrent pas la validité des résultats.