Le traitement d'eau en vue de la distribution d’eau de consommation apparaît quelquefois complexe compte tenu des normes aujourd'hui en vigueur. Il n’en reste pas moins que les objectifs principaux en sont toujours :
- — retirer les matières en suspension,
- — retirer les matières organiques,
- — éliminer les ions gênants,
- — stériliser.
La chaîne de traitement classique comprend la plupart du temps une succession d’étapes physico-chimiques du type coagulation-floculation-décantation-filtration. Les trois premières étapes nécessitent généralement l’emploi de réactifs du type coagulant à base de fer ou d’aluminium. Dans certains cas, on peut être amené à utiliser des adjuvants de floculation minéraux (silico-aluminate, silice activée...) ou organiques (alginates...). Ce type de mise en œuvre nécessite de bien contrôler les taux de traitement et les conditions opératoires (pH...). La filtration permet d’affiner le traitement et de retenir la plus grande partie des réactifs résiduels. Quand cela est nécessaire, un traitement d’affinage permet d’améliorer l’élimination des matières organiques. Il comprend généralement des étapes d’oxydation (ozone, chlore...) et d’adsorption (CAP, CAG...). Là encore, il faudra adapter continuellement les taux de traitement aux caractéristiques de l’eau brute, en fonction des objectifs de qualité recherchés.
Dans tous les cas, il y a potentialité de réactions « parasites » qui sont susceptibles de former des composés indésirables (trihalométhane, chloropicrine, ozonide...).
Finalement, une désinfection sera nécessaire pour éliminer bactéries et virus. Là encore, l'emploi d’oxydant ou de rayonnement stérilisant peut induire des réactions secondaires non recherchées.
L’élimination des ions solubles peut être réalisée lors des étapes de coagulation/précipitation pour certains d’entre eux. D’autres nécessiteront l’emploi de résines échangeuses d’ions ou même de modules d’osmose inverse. Dans certains cas, des réactions biologiques spécifiques peuvent transformer certains ions particuliers (NH₄⁺, NO₃⁻, Fe).
Si l'ensemble de ces procédés donne aujourd’hui entière satisfaction aux traiteurs-distributeurs d'eau, en garantissant la qualité du produit obtenu, ils consistent en définitive à séparer deux phases ou à promouvoir la formation d’une phase récupérable en y incluant/adsorbant l’élément à éliminer.
L’utilisation de membranes permettrait à contrario de disposer de procédés de séparation sans réactif d’aucune sorte.
En effet, la séparation par membranes utilise une force motrice qui peut être la concentration (dialyse) ou une force électrique (électrodialyse) mais qui est plus généralement la pression (osmose inverse, ultrafiltration, microfiltration).
LES TRAITEMENTS PAR MEMBRANES
Si l'on dresse un tableau général des domaines d’application des membranes (tableau 1), on retrouve les caractéristiques des principaux procédés les mettant en œuvre :
- — l'osmose inverse, connue depuis plus de vingt ans, est le domaine de la séparation des ions et des petites molécules, ainsi que des virus ;
[Photo : Tableau 1. — Domaines d’applications des différents procédés de membrane.]
- — L’ultrafiltration permet la séparation des macromolécules ;
- — la filtration transversale classique permet la séparation des particules microniques et des algues les plus grosses, qu’il s’agisse de filtres à sable ou de microtamis.
La microfiltration apparaît donc comme le domaine privilégié de traitement des colloïdes, entre quelques dixièmes et plusieurs dizaines de microns. Si le domaine des autres traitements est à peu près bien défini, celui de la microfiltration est plus imprécis. En effet, les procédés de microfiltration sont en général encore à l’étude et les premières membranes de microfiltration ont été commercialisées en 1984. Leurs performances sont d’ailleurs assez réduites puisqu’elles se situent dans un domaine compris entre 0,1 et 1 m³/m²/h/bar pour des diamètres de pores compris entre 0,05 et 0,5 µ, c’est-à-dire à la limite très inférieure du domaine présenté sur le tableau 1, dans une plage d’utilisation de l’ultrafiltration.
Cette revue rapide met bien en évidence la possibilité de résoudre tous les problèmes de traitement d’eau par l’utilisation de membranes, en particulier avec le développement de la microfiltration pour la séparation des colloïdes.
LES AMÉLIORATIONS NÉCESSAIRES EN MICROFILTRATION
La microfiltration doit subir des améliorations importantes pour être capable de combler le vide entre l’ultrafiltration et la filtration classique. Pour cela, on peut :
- — améliorer le rendement des membranes,
- — étudier une mise en œuvre performante.
L’obtention de nouvelles membranes de microfiltration, à l’étude chez un nombre important de fabricants, passe sans doute par la réduction de la couche active à quelques microns (membranes asymétriques) et par l’augmentation de sélectivité de cette couche support (membranes à transport actif). Ceci nécessite la mise au point de techniques de fabrication coûteuses et complexes, ce qui ne peut être réalisé que par les fabricants de membranes compte tenu de leur savoir-faire existant.
De nouvelles mises en œuvre peuvent être étudiées par l’utilisateur de membranes dans la mesure où la connaissance du produit à traiter est au moins aussi importante que la connaissance des membranes utilisées ; en particulier, dans le domaine du traitement de l’eau, la microfiltration tangentielle semble prometteuse. Elle permet en effet d’éviter le colmatage trop rapide des membranes par entraînement des particules non filtrées. Cette technique efficace peut être complétée par un rétrolavage ou un surbalayage quand cela s’avère nécessaire.
[Photo : Fig. 1 – Coût par unité de produit traité en fonction des caractéristiques de la membrane pour un débit donné. (d’après Probstein, 1973, et Belfort : Synthetic Membrane Processes – AP – 1984)]
[Photo : Fig. 2 – Courbe d’optimisation [surface = f (pression)] d’une unité de microfiltration pour un débit donné]
Le choix d’une mise en œuvre tangentielle augmente les performances de l’installation, ce qui diminue la surface d’utilisation et la pression à mettre en œuvre. Le traiteur d’eau peut alors définir un point optimum sur chaque courbe correspondant à des vitesses de fonctionnement constantes.
L’augmentation de la vitesse peut accroître encore les performances de l’installation jusqu’à un point qu’il est difficile de prévoir ; on peut penser que l’ensemble des points optima Oi de la figure 2 décrivent eux-mêmes une courbe qui possède un point optimum. Ce dernier définira alors complètement les caractéristiques les meilleures pour une installation donnée.
[Photo : Prototype d’appareil de microfiltration tangentielle. (Brevet Lyonnaise des Eaux. IFTS).]
CONCLUSIONS PROSPECTIVES
Le développement des membranes en traitement d’eau passe aujourd’hui par l’amélioration des points suivants :
- une meilleure compréhension des phénomènes mis en jeu qui permettra l’obtention de membranes plus performantes ; c’est le rôle plus particulier des fabricants et fournisseurs de membranes ;
- la recherche de techniques « anti-fouling », que ce soit au niveau de la configuration des modules (alimentation tangentielle) ou à celui de la conception des membranes (greffage de substances anti-fouling sur la surface) ; cela devrait être l’action préférentielle des utilisateurs potentiels.
Le développement rapide de la science des membranes, plus particulièrement aux États-Unis et au Japon, et l’étendue des applications possibles font penser que ces améliorations interviendront dans les quelques années qui viennent. La microfiltration en particulier devrait alors connaître un essor qui lui ouvrira des champs d’applications encore insoupçonnés dans le domaine du traitement des eaux.
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