L'évolution de la demande en eau potable dans les 144 communes alimentées par le Syndicat des Communes de la Banlieue de Paris laisse discerner au cours des vingt dernières années deux périodes successives qui ont conduit à des modifications importantes dans la filière de traitement.
Rappelons que l'eau distribuée par ce Syndicat est produite en quasi-totalité dans trois usines de la région parisienne, qui font essentiellement appel à la ressource en eau de surface : celle des trois grands cours d’eau de la région indiquées dans le tableau ci-dessous.
La première de ces deux périodes, jusqu'aux années 1965-1970, a été essentiellement marquée par un impératif de quantité à produire ; l'urbanisation et l'industrialisation croissantes de la banlieue de Paris et l'augmentation de population qui en est résulté (1) d'une part, l'amélioration du niveau de vie et par le fait de la consommation unitaire d’autre part, ont conduit à l'abandon de la filtration lente au profit d'une filière de décantation et filtration rapide. L’appel systématique à des réactifs chimiques en tête du traitement venait d'apparaître, dans des proportions il est vrai encore modestes (coagulant, agent de correction de pH et report d'une partie de la chloration en début de filière).
Au cours de la période qui a suivi, l'accent fut mis au contraire sur des problèmes de qualité de l'eau : les limites fixées par l'auto-épuration naturelle des rivières se sont en effet trouvées largement dépassées par l'importance des rejets industriels et urbains et l'insuffisance de leurs installations de traitement. En outre, l'extension géographique de l'agglomération a accru la vulnérabilité des prises d'eau en multipliant les sources de pollution en amont.
LA RATIONALISATION DU PRÉTRAITEMENT CHIMIQUE
Cette détérioration régulière de la qualité des eaux de surface et l’ampleur des risques de pollution accidentelle des cours d'eau ont eu pour effet une sophistication croissante du prétraitement chimique par adjonction de réactifs nouveaux et augmentation constante des doses de produits appliqués.
Il est alors apparu qu’une simple injection simultanée de tous les réactifs de traitement à l'entrée des décanteurs devenait insuffisante.
1) L'augmentation des débits en multipliant les files de traitement des usines a engendré des difficultés d’exploitation nouvelles :
— la bonne conduite du traitement passe en effet par une connaissance précise des taux effectivement appliqués. Cependant l’équilibre de répartition du débit d'eau brute entre les ouvrages n'est qu'approximatif ; l'incertitude qui en résulte au niveau du traitement peut conduire l’exploitant à effectuer par sécurité des surdosages,
— les problèmes de maintenance et de fiabilité prennent une acuité particulière. L'usine de Choisy-le-Roi par exemple.
Usine | Département | Cours d'eau | Capacité |
---|---|---|---|
MÉRY-SUR-OISE | Val-d'Oise | L'Oise | 270 000 m³/j |
CHOISY-LE-ROI | Val-de-Marne | La Seine | 800 000 m³/j |
NEUILLY-SUR-MARNE/NOISY-LE-GRAND | Seine-Saint-Denis | La Marne | 600 000 m³/j |
(1) Le Syndicat des Communes de la Banlieue de Paris comptait en 1977 : 430 000 abonnés, pour une population globale desservie de 4,5 millions d’habitants.
compte 10 décanteurs indépendants et pour chaque réactif, 10 chaînes de distribution seraient donc nécessaires.
2) La détérioration de l'eau brute s’est traduite comme il a été indiqué plus haut par l’adjonction de réactifs nouveaux.
Les incompatibilités entre produits à mettre en œuvre conduisent dès lors à préférer une injection échelonnée. Cette procédure permet seule en effet de limiter au strict nécessaire les doses de réactifs introduites. Outre les économies que cela procure on atténue ainsi le caractère chimique de l’eau délivrée par les usines, et que le public aujourd'hui accueille de plus en plus mal.
3) L’optimisation du traitement doit être revue en accord avec le rôle nouveau accordé à la floculation-décantation.
Le temps n’est plus où l'on se limitait à rechercher à ce stade une simple clarification de l'eau. Il apparaît en effet que l’élimination des toxiques et matières organiques est, pour sa plus grande part, assurée à ce niveau (cf. tableau I). Ce point qui conditionne l’efficacité et l'économie des traitements d’affinage aval (périodicité de régénération des lits de charbon actif en grains, arrêt des substances inhibitrices de la filtration biologique) doit conduire à repenser le prétraitement et à tirer le meilleur parti des ouvrages existants.
TABLEAU I
Efficacité de la floculation-décantation
PARAMÈTRE — ABATTEMENT MOYEN |
---|
D.B.O. — 69 % |
Matières organiques (KMnO₄) — 45 % |
Substances extractibles au chloroforme — 45 % |
Carbone organique total — 27 % |
4) Enfin, la diversification des eaux brutes à traiter actuellement envisagée (storage d'eau brute, report de prises d'eau) contraindra des eaux de natures différentes à coexister dans les installations et la refonte du réseau d'eau brute de l’usine que cela implique sera réalisée à l'occasion de la construction de l’ouvrage de prétraitement.
En conséquence, la conception de cette nouvelle cuve de prétraitement a conduit la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX à développer des recherches dans les voies suivantes :
- — détermination de la séquence d’introduction des réactifs (ordre et intervalles),
- — optimisation de l’équipement d’agitation,
- — enfin études hydrauliques, sur maquettes, des ouvrages.
I. — LA SÉQUENCE D'INTRODUCTION DES RÉACTIFS DE TRAITEMENT
Le prétraitement chimique actuellement effectué dans les usines de la région parisienne présente deux composantes :
- — d'une part le traitement chimique de base ou traitement permanent constitué par un coagulant, le WAC (à un taux moyen de 30 g/m³), deux oxydants : l'eau de Javel qui assure l'élimination de l'ammoniaque (point de rupture moyen 7 g/m³) et le bioxyde de chlore maintenu à un taux de 2 g/m³ ; ce dernier produit complète l’action de l'eau de Javel, il permet en particulier de limiter les saveurs dues au chlore et réalise l’élimination du fond de pollution de manganèse et de phénols. Enfin le charbon actif en poudre, distribué à des doses habituelles de 3 g/m³ en saison froide est maintenu en fonctionnement pour des raisons de sécurité ; il importe en effet de pouvoir mobiliser cette installation dans les plus brefs délais en cas de pointe de micro-pollution et l'expérience a montré qu'une telle installation de produits pulvérulents ne pouvait redémarrer après un arrêt prolongé sans créer de multiples problèmes d'exploitation. À noter cependant que pendant la saison chaude des taux de 30 g/m³ sont généralement appliqués, ce qui pose alors le problème de la compatibilité avec les autres réactifs.
- — d'autre part, des traitements spécifiques destinés à faire face à des pollutions naturelles ou industrielles épisodiques ou accidentelles.
Outre le charbon actif et le bioxyde de chlore déjà cités, on peut signaler le sulfate ferreux qui permettrait de faire face à une pollution en chrome hexavalent et dans un autre ordre d'idée, la soude appliquée de manière épisodique pour réaliser une correction de pH.
Cette liste bien entendu ne pourra que s’accroître et des essais sont d’ores et déjà en cours sur installation-pilote pour mettre au point les parades contre le mercure et le plomb.
Les antagonismes auxquels pouvait donner lieu une telle succession de traitements sont de trois ordres :
- — interférence entre l'eau de Javel et le charbon actif dont le pouvoir déchlorant pouvait compromettre l'élimination de l'ammoniaque,
- — réduction du pouvoir adsorbant du charbon actif et par là-même de sa capacité à réduire la micro-pollution soit par l'eau de Javel, soit par le coagulant qui risque de piéger le charbon dans le floc naissant,
- — enfin, incompatibilité entre l’action du sulfate ferreux (réducteur) et les autres réactifs oxydants (en particulier l'eau de Javel).
Pour cette étude, confiée à la CTE : COMPAGNIE européenne de TRAITEMENT des EAUX, la procédure d’essai retenue a consisté à juger en laboratoire les pourcentages d’abattement obtenus lors du traitement d’une eau brute de Seine préalablement dopée de la façon suivante :
CORPS CHIMIQUE — CONCENTRATION |
---|
Lindane — 45 ppb |
Ammoniaque — 2 ppm |
Chrome VI — 2 ppm |
Il serait sans doute fastidieux d’exposer en détail les multiples séries de mesures auxquelles cette étude a donné lieu. Deux figures permettent d’en illustrer les conclusions :
— Élimination de l’ammoniaque (Figure 1)
La réaction d’élimination de l’ammoniaque par l’eau de Javel est extrêmement rapide pendant les premières minutes. L’abattement atteint en effet 90 % après 3 minutes. De plus, ces résultats semblent indiquer que, contrairement à ce que l’on pouvait prévoir, la présence de charbon actif accélère la vitesse de cette réaction. Sans doute s’agit-il là d’une action catalytique qui mériterait une étude complémentaire.
— Adsorption des micropolluants (Tableaux I)
Les résultats indiqués montrent l’inhibition importante qui se produit lors de l’injection simultanée du coagulant et du charbon actif. Ce phénomène est également sensible lorsque le charbon est introduit quelques minutes avant la coagulation.
On peut noter de plus que la présence des réactifs oxydants gêne également cette adsorption.
Enfin, nous avons vérifié l’intérêt d’une introduction du charbon actif en deux points et, à cet égard, un intervalle de temps de 2 minutes semble optimal.
— Réduction du chrome hexavalent
Le caractère réducteur du sulfate ferreux contraint à introduire le réactif tout à fait en tête du prétraitement. Nous avons ainsi établi qu’à la condition de travailler avec un large excès de fer (environ 2,5 fois les proportions stœchiométriques soit un rapport Fe/Cr de 8,5) l’élimination du chrome hexavalent était assurée en moins de 2 minutes. Les phases ultérieures au traitement réalisent ensuite une élimination des composés résiduels (chrome trivalent insoluble aux pH
TABLEAUX I
Adsorption du lindane : 45 ppb ajoutés à de l’eau brute de Seine par le charbon actif en poudre (taux 50 ppm)
1) Antagonisme Charbon actif — Coagulant
Filtre | Abattement |
---|---|
Charbon actif — 6 mn — WAC — 4 mn — floculation — décantation : | 72 % |
WAC — 6 mn — Charbon actif — 1 mn — floculation — décantation : | 83 % |
WAC — 8 mn — Floculation — 15 mn — Charbon actif — Décantation : | 46 % |
WAC — Charbon actif — 8 mn — Floculation — décantation : | 45 % |
2) Influence des réactifs chlorants
Filtre | Abattement |
---|---|
Charbon actif — 2 mn — HClO — 4 mn — WAC — 1 mn — ClO₂ : | 62 % |
HClO — 2 mn — (WAC + Charbon actif) — 2 mn — ClO₂ : | 22 % |
HClO — 1 mn — WAC — 4 mn — Charbon actif — 1 mn — ClO₂ : | 38 % |
(HClO + WAC) — 2 mn — ClO₂ — 4 mn — Charbon actif : | 71 % |
3) Influence de l’introduction en 2 points du Charbon actif
Filtre | Abattement |
---|---|
(HClO + WAC) — 2 mn — ClO₂ — 4 mn — Charbon actif 50 mg/l : | 58 % |
(HClO + WAC) — 2 mn — ClO₂ — 2 mn — Charbon 25 mg/l — 2 mn — C 25 mg/l : | 87 % |
C.A. 25 mg/l — 2 mn — (HClO + WAC) — 2 mn — ClO₂ — 8 mn — Charbon 25 mg/l : | 27 % |
Nota : Les diverses séries de mesures montrent de plus l’influence de la qualité de l’eau brute sur l’efficacité des réactifs. C’est ainsi que deux filtres identiques conduisent à quelques jours d’intervalle à des abattements de 71 % et 88 % (dernière mesure de l’alinéa 2 et première mesure de l’alinéa 3). Ce point démontre l’intérêt qu’il y a à procéder aux essais sur les eaux brutes et non sur des eaux pures artificiellement dopées en micropolluants.
courants et fer ferreux oxydé en fer ferrique et éliminé par la décantation et la filtration) et les teneurs de l'eau filtrée respectent alors les recommandations des normes communautaires. Enfin, le traitement au break-point, quelque deux minutes après, n’a pas posé de problème particulier.
En conclusion de cette phase d’étude, la séquence qui a été retenue est indiquée dans la figure 2 et le dimensionnement adopté pour les cuves de prétraitement représente en définitive un temps de rétention de quelque 10 minutes.
On peut indiquer de plus que le traitement au break-point ne sera effectué dans la cuve que de façon transitoire.
Dès que les ouvrages de filtration biologique en cours d'études seront en place, le traitement à l'eau de Javel pourra être reporté en fin de chaîne de traitement, après filtration pour réduire très fortement la formation de composés organo-chlorés.
II. — OPTIMISATION DE L’ÉQUIPEMENT D’AGITATION
Les résultats indiqués ci-dessus ont montré que les rapports d'abattement constatés en essais pouvaient varier de façon importante suivant l'ordre des injections et l'intervalle de temps les séparant.
Cependant, il convient d’insister sur le fait que ces résultats ont été obtenus dans des conditions d’agitation parfaites : les dépenses énergétiques ne tirent guère à conséquence lors d'essais en laboratoire ou en station pilote et, afin d’isoler l'influence des paramètres étudiés, des coefficients de sécurité importants sont invariablement adoptés en ce qui concerne les procédés de mélange.
Il apparaît cependant que cet aspect revêt une importance considérable lors de la conception d’ouvrages construits pour épurer jusqu’à 1 200 000 m³/j d'eau de surface ; le choix des agitateurs influe bien sûr sur l'économie générale du traitement mais surtout il conditionne son efficacité. Enfin, les tonnages de produit brut traités par les usines de production d'eau potable trouvent peu d'équivalents dans les autres branches industrielles et cela justifiait à nos yeux des essais spécifiques sur station pilote.
Le simulateur de traitement
Cette installation implantée à Choisy-le-Roi comporte deux files de traitement d’un débit d’eau brute de 3,4 m³/h chacune. Elle a été conçue de façon à simuler au mieux la filière actuelle de traitement de l'usine et doit permettre ainsi d’expérimenter les traitements complémentaires que l'on envisage de développer dans les usines ou, comme c'est le cas ici, de conduire à l'optimisation des ouvrages actuels. Chaque file comporte donc une cuve de prétraitement, un floculateur-décanteur, un filtre à sable et une série de quatre colonnes d’ozonation. De plus un mini-réseau représentant un temps de rétention de 4 jours peut y être couplé.
Les essais
À sa construction le simulateur de traitement a été équipé d’agitateurs à vitesse variable munis d’hélices marines. Ce type de mobile ne saurait être retenu sur l’usine réelle pour des raisons de rendement énergétique, mais il a pu constituer pour nous tout au long des essais une référence.
Notre procédure d’essais a consisté à juger de la qualité de l’agitation appliquée en prétraitement par examen des caractéristiques de l'eau décantée. Nous n’avons pas cherché à mesurer des variables intermédiaires tels que écart type de distribution de floculant et temps d’obtention.
Ces mesures quelque peu artificielles et mal commodes ne nous semblent en effet que répondre très partiellement au problème du traiteur d'eau ; compte tenu en effet des réactions chimiques particulières mises en jeu et surtout du type d’ouvrage existant, il serait vain de chercher une homogénéisation parfaite dès l’introduction des réactifs si, de toutes façons, au sortir des floculateurs-décanteurs (qui représentent 2 heures de temps de contact) aucune amélioration ne s’ensuivait.
Il importe en effet d’utiliser au mieux ces installations qui sans doute lissent sensiblement les écarts de prétraitement. Au demeurant il n’entrait pas dans nos intentions de reprendre après les constructeurs d’agitateurs des études théoriques, mais plutôt d’apporter un éclairage particulier à ces problèmes en y intégrant tous les paramètres particuliers de notre filière.
Enfin ces essais étaient destinés à guider le choix à faire à l'issue de la consultation des fournisseurs en examinant en particulier les questions suivantes :
- — optimisation de l'agitation à l'introduction du coagulant dont la dispersion doit être très rapide (notion à préciser) ;
- — optimisation de l’agitation à l'injection du charbon actif pour laquelle un brassage moins vigoureux doit suffire ;
- — vérification que cette seconde agitation, quelque 5 à 10 minutes après coagulation, ne présente aucun effet néfaste pour le floc naissant.
La première phase d’essais a consisté en l’étude des hélices marines dont nous disposions. Une file se trouvait équipée d'une telle hélice à vitesse fixe (700 t/mn) tandis que les agitateurs à variateur électronique de vitesse de l’autre file permettaient d’expérimenter entre 0 et 1 200 t/mn.
Pour permettre des comparaisons entre mobiles nous raisonnons dans la suite les valeurs du coefficient de recirculation (rapport du débit propre de l'agitateur Qa au débit d’eau brute à traiter). Rappelons que ce rapport est proportionnel à la vitesse de rotation puisque le débit propre est donné par :
Qa = K N D²
N vitesse de rotation, D diamètre de l'agitateur, K coefficient de débit variable suivant les agitateurs.
Fig. 3. — Influence de l'agitation sur l'opalescence.
Fig. 4. — Influence de l'agitation sur les matières organiques.
Nous avons ainsi mesuré les écarts de qualité d'eau décantée (Opalescence, Pouvoir Colmatant, Matières en Suspension pour l'aspect clarification, Matières Organiques par absorption dans l'U.V. pour l’aspect élimination de substances indésirables par adsorption sur les particules en suspension) et nous avons rapporté ces écarts aux valeurs du coefficient de recirculation.
Les figures n° 3 et 4 illustrent les phénomènes observés. Une amélioration sensible est obtenue lorsque le coefficient croit jusqu'à une valeur de k = 4. Pour des valeurs supérieures, une asymptote se dessine ; l'homogénéisation peut être considérée comme « parfaite » et aucun gain complémentaire ne peut être obtenu.
Pour la suite des essais nous avons maintenu sur la file de référence l'hélice marine au point de fonctionnement correspondant à k = 4 tandis que la file d’essais recevait différents mobiles testés.
À l'introduction du WAC, deux types de mobiles nous ont été proposés par les constructeurs :
– d'une part une turbine flash radiale de petit diamètre qui réalise une dispersion dans un plan horizontal et donc un micro-mélange très rapide du réactif à l'eau brute. Elle opère essentiellement par cisaillement et son débit propre est faible ;
– d’autre part des turbines axiales d'un cisaillement moindre et qui présentent un coefficient de recirculation de débit plus important. Ce type de mobile conduit également à une consommation d’énergie plus faible comme l'atteste le tableau comparatif ci-dessous :
Turbine flash | Turbine axiale | |
---|---|---|
d/D | 0,10 | 0,25 |
Vitesse de rotation | 320 t/min | 50 à 75 t/min |
Cisaillement | 270 s⁻¹ | 60 s⁻¹ |
Recirculation de débit | 0,2 | 0,8 |
Énergie de mélange | 3,3 Wh/m³ | 1,3 Wh/m³ |
Observation : d = diamètre du mobile, D = côté du compartiment de mélange.
Des courbes analogues à celles présentées pour l'hélice marine ont été dressées. Le point de fonctionnement optimum est obtenu pour k = 0,5 pour la turbine radiale testée : les essais effectués jusqu’à des valeurs de recirculation de 4 n’ont conduit à aucune amélioration. Là encore une asymptote de qualité d’eau décantée se dessine et qui n’est pas différente de celle obtenue avec l'hélice marine ; simplement ce mobile permet d’y arriver plus vite et dans des conditions énergétiques meilleures.
Enfin la turbine-flash (pour laquelle la vitesse a varié entre 50 et 320 t/mn) ne procure aucun avantage supplémentaire.
Ce mobile plus coûteux que le précédent n’a donc pas été retenu.
L’INTRODUCTION DU CHARBON ACTIF EN POUDRE
Comme indiqué plus haut ce réactif sera introduit en deux points, à intervalle de 2 minutes.
Pour la deuxième introduction nous avons décidé de ne pas utiliser d’agitateur : l’issue du prétraitement, l'eau transite en effet dans les conduites jusqu’à l’entrée des décanteurs ; la perte de charge correspondante d’environ 1 m de colonne d'eau (soit 3,6 Wh/m³) et la durée de séjour de quelque 4 minutes doivent ainsi laisser un temps et une énergie de brassage suffisants pour cette opération.
Par contre pour la première introduction il est indispensable de prévoir une agitation mécanique qui remplisse les conditions suivantes :
- — être d'une part suffisamment énergique pour assurer une homogénéisation rapide du charbon actif ; l'intervalle de 2 minutes ne doit évidemment pas être considéré comme un délai laissé pour les opérations de mélange, mais plutôt comme un temps de contact pour le produit mélangé. À cette condition seulement sera obtenu le supplément d’efficacité indiqué dans les tableaux II et III à l'introduction partialisée du charbon en deux points.
- — de plus un brassage trop lent (du type floculateur) favoriserait la coalescence du floc et par là même accroîtrait les risques de dégradation lors du passage dans les conduites de liaison entre cuve de prétraitement et décanteurs.
- — être d’autre part suffisamment doux pour ne pas entraîner un cisaillement du floc naissant quelque 5 à 10 minutes après la coagulation.
Cette recherche d’un équilibre délicat présentait pour nous un caractère assez nouveau et nous avons procédé à quelques essais sur simulateur.
La comparaison a porté sur :
- — d'une part une hélico-turbine ou hélice profilée HAS présentant une recirculation de débit de 0,8 (suivant proposition du constructeur pour l'équipement de nos usines), mais d’un cisaillement bien moindre que les modèles adoptés pour le WAC : l’énergie y est en conséquence 2 fois plus faible (0,65 Wh/m³ d'eau). Ce mobile constitue en fait une transition entre les hélico-turbines et les agitateurs de floculation classiques.
- — d’autre part une hélice 4 pales minces profilées. Conçues pour l'obtention d'un débit propre maximum elle réalise un macro-mélange (par opposition à la notion de micromélange évoquée pour les turbines-flash). Il s'agit à notre connaissance du modèle le plus performant sur le marché, c’est-à-dire celui qui, à vitesse de rotation et diamètre donnés, conduit à un ratio minimum de puissance rapportée au débit. De telles hélices sont souvent utilisées pour l’équipement des floculateurs et c'est le cas pour notre simulateur d’essais.
Pour déterminer notre choix face au problème très particulier qui nous était posé nous avons donc retenu un protocole consistant à appliquer la dispersion du WAC pour juger de la qualité et de la rapidité de la dispersion obtenue ; et nous recherchons ensuite par variation de la vitesse de fonctionnement un point d’équivalence entre ces agitateurs.
Cet essai a conduit à une équivalence de qualité pour les valeurs suivantes : Hélico-turbine k = 0,4 Hélice à pales minces k = 1,6
Ce résultat indique que l’hélice doit compenser la douceur de son brassage par une augmentation importante de son débit propre et de ce fait deviendrait pour nous plus gros consommateur d’énergie. Corrélativement on peut penser que cela se traduit par un délai d'homogénéisation plus important pour l’hélice. Il convient d'indiquer à cet égard les chiffres publiés dans une étude américaine concernant l'homogénéisation de volumes importants (en batch il est vrai) par une hélice qui conduiraient à une durée de 40 secondes.
Cet ordre de grandeur semble très largement satisfaisant pour des floculateurs (représentant un temps de rétention de 30 minutes) mais peut induire des effets néfastes sur l’efficacité des traitements au charbon actif appliqués à deux minutes d’intervalle.
Si donc ces éléments nous incitaient à préférer l’hélico-turbine, il restait à vérifier l’absence d’effet destructeur sur le floc : c'est ce qui a été réalisé sur notre installation d’essai ; même pour une recirculation de k = 3 réalisée par l'hélico-turbine nous n’avons observé aucune dégradation de la qualité d'eau décantée. On peut estimer que le floc n’a pas encore acquis une taille telle qu’il présente une fragilité importante.
En conclusion de cette phase d’essais il a été décidé d’équiper les cuves de prétraitement de 3 agitateurs du type hélico-turbine ; les deux premiers identiques seraient placés dans les 1er et 3e compartiments (le second servant pour l’introduction du bioxyde de chlore pourra de plus constituer un équipement de secours en cas d'indisponibilité du premier. En outre en cas de pollution en chrome hexavalent le premier compartiment doit être neutralisé et on peut ainsi reporter la coagulation dans le 3e compartiment).
Enfin le 3e agitateur dont les caractéristiques, un peu différentes, sont indiquées ci-dessus est nécessaire pour permettre l'introduction partialisée du charbon actif en poudre.
III — LES ESSAIS SUR MAQUETTE HYDRAULIQUE
Les précédents essais ayant conduit à retenir des intervalles de temps et des modalités d’agitation précis, il convenait de s’assurer que les cuves de prétraitement en vraie grandeur ne conduiraient pas à des déconvenues du fait de l'existence de zones mortes — ou d'un mauvais positionnement des agitateurs.
Il ne s'agissait plus tant, à ce niveau, d’essais de nature chimique mais plutôt d'études hydrauliques visant d'une part à effectuer un bilan des pertes de charge occasionnées par ces installations et d’autre part à arrêter les dispositions hydrauliques propres à éviter ces zones mortes et donc à assurer le respect de l’échelle des temps déterminée précédemment.
Le Laboratoire National d’Hydraulique de Chatou a ainsi réalisé un modèle réduit au 1/20 d'une île de traitement, incluant bien sûr les dispositifs d’alimentation, d’agitation et de restitution de l'eau brute. L'expérimentation qu'il a conduite a été réalisée en similitude de Froude et des injections d’encre ont permis de visualiser les phénomènes d’écoulement et de répartition des filets fluides.
La mesure par chronométrage de la durée de transit du front d’onde colorée dans les différentes parties de l'ouvrage a permis de
sélectionner les configurations suivantes, représentées sur la figure n° 2.
- dans les compartiments sans agitateur, mise en place de déflecteurs transversaux en partie basse ;
- dans les compartiments agités, adaptation de deux diaphragmes.
Le diaphragme bas, de section carrée centrée dans le compartiment, doit être situé légèrement au-dessous de l'agitateur refoulant à contre-courant. De plus, les réactifs doivent être injectés sous le mobile d’agitation et dans leur axe.
Enfin, un diaphragme haut implanté latéralement permet d’éviter l'écoulement direct vers les compartiments descendants.
Avec ces aménagements on peut dès lors considérer que, sur le plan des durées de séjour :
a) la durée moyenne de transit est approximativement égale à la valeur théorique donnée par le rapport du débit d’eau traitée au volume de l’ouvrage, soit 10,5 minutes ;
b) pour ce qui concerne la dispersion autour de cette moyenne, les valeurs expérimentales suivantes permettent d’en préciser l'ordre de grandeur :
Débit : 400 000 m³/j — Injection à l’entrée de la cuve.
0 | 29 | 89 | 134 | 232 | 335 | |
---|---|---|---|---|---|---|
front d’onde | 0 | 29 | 89 | 134 | 232 | 335 |
moyenne théorique | 0 | 108 | 242 | 372 | 499 | 624 |
Nous avons, pour interpréter ces chiffres, adopté le modèle de J. Krejcik et coll., représentant la distribution du temps de séjour dans un bassin agité. Une bonne corrélation a en effet été obtenue avec les lois de probabilités du χ². Pour notre cas, la valeur moyenne étant prise égale à 10,5 minutes, nous avons admis l’hypothèse d'une distribution suivant la loi du χ² à 11 degrés de liberté. Nous obtenons ainsi :
Durée de transit (minutes) | % de molécules ayant passé un délai plus long |
---|---|
5,5 mn | 90 % |
7 mn | 80 % |
8,1 mn | 70 % |
10,3 mn | 50 % |
Ces chiffres (qui de plus sont relatifs au fonctionnement à débit nominal, soit seulement quelques jours par an) indiquent bien l’efficacité obtenue, alors que sans diaphragme ni déflecteur un tiers de l'ouvrage environ aurait été en zone morte.
La contrepartie de cette efficacité réside bien sûr dans le bilan des pertes de charge indiqué ci-dessous, pour un compartiment de 400 000 m³/j :
- compartiment équipé de déflecteur (cf. compartiments n° 5 ou 9)
- double diaphragme.
CONCLUSION
La réalisation de ces nouveaux ouvrages représente pour la Compagnie Générale des Eaux un important effort d’optimisation des filières de production d’eau potable.
Cette refonte des ouvrages de prétraitement et les possibilités de diversification des ressources d'eau brute qu'ils doivent faciliter s’inscrivent ainsi dans le plan général d’amélioration de la qualité et de la sécurité de la distribution d'eau qui sera développé au cours des prochaines années.
BIBLIOGRAPHIE
- Mixing in the chemical industry — par Z. Sterbacek et P. Tausk (Pergamon Press).
- Techniques d'agitation et de mélange — compte rendu du symposium de Mons les 21-24 février 1978 (en particulier communication de J. Krejcik).
- Techniques de l’ingénieur — brochure J2 « opérations de mélange ».
G. Bourdonnay