N.D.L.R. — Cette communication est la troisième publiée dans nos colonnes concernant la séparation lamellaire, formant un cycle d'études qui va se poursuivre dans de prochains numéros de « L’EAU ET L'INDUSTRIE », avec deux autres articles des mêmes auteurs :
CYCLE DE LA « SÉPARATION LAMELLAIRE »
1) Le séparateur lamellaire à co-courant, procédé AXEL-JOHNSON par G. Jacqueline et G. Thomas, n° 6, pages 20 et suivantes ; n° 7, page 90 (rectification).
2) Un décanteur à la pointe du progrès : « le SUPERPULSATOR » par Y. Richard, n° 9, pages 33 et suivantes.
1ʳᵉ PARTIE
— Définition et rappel chronologique. — Analyse comparative des différents modes de conception modulaire. — Exemple de réalisation pour Centrale à Béton.
LES DEUX EFFETS GRAVITAIRES
Voilà une dualité assez négligée ! Des particules solides et dispersées dans un fluide sédimentent ou crément. Les travaux de C. G. STOKES datant de 1849 laissent prévoir cette éventualité par le signe + du terme (p₂ – p₁) de l’équation du mouvement :
v = (p₂ – p₁) D g / 18 η
équation dans laquelle figurent la vitesse limite v, l'accélération de la pesanteur g, les masses volumiques p₂ des particules en phase dispersée et p₁ du fluide de phase dispersante de viscosité η, relativement à un diamètre D de ces particules considérées sphériques. En pratique, η variant bien moins que le carré du diamètre granulométrique moyen et que l'écart des densités, ces deux dernières données sont déterminantes. Cette loi reste compatible avec un régime hydraulique non turbulent (nombre de Reynolds : 10⁻⁴ < Re < 2 d'après RAYLEIGH) et des particules sphéroïdes de diamètre compris entre 0,1 et 50 μ (bien que CUMMINGS admette 400 μ comme limite supérieure avec des particules de quartz).
De cette alternative, dépôt vers le fond ou dépôt en surface, est née la double vocation de ERPAC : décantation lamellaire ou flottation lamellaire. À quoi bon s'ingénier à faire chuter des globules, des granules légers ou à faire surnager des flocs denses ? D'autant plus que la densité apparente du dispersoïde est, dans la plupart des cas, très différente de sa densité constitutive par suite d'inclusion ou d'absorption de gaz, d'air, de fixation en double couronne de petits ions, d'effet de solvatation et surtout d'agglutination naturelle, d'ordre électrostatique, à d'autres particules présentes ou encore d'agglutination provoquée par floculation préalable. Ces phénomènes conféreraient d'ailleurs une certaine sphéricité à l'agglomérat par le jeu des tensions interfaciales, et un encombrement assez éloigné de celui de la particule élémentaire.
Alors, décantation ou flottation ? L'expérimentation seule peut conseiller dans ce choix, sans aucun « a priori » restrictif et ceci selon le type d'industrie et les conditions d'exploitation locale. La majorité des constructeurs proposent des décanteurs calculés pour des vitesses ascensionnelles de 0,5 à 20 m/h, la flottation étant reléguée au régime des faibles vitesses, toujours < 1 m/h. Après essais de conditionnement, ERPAC recommande des vitesses de 2,3 m/h en flottation et réserve les vitesses > 5 m/h à la décantation.
LA SÉPARATION EN LAMES MINCES
Un décanteur lamellaire n’est autre qu'un séparateur gravitaire dont le casing dispose d’un système de plaques parallèles d'orientation, d'inclinaison et d’écartement conçu pour faciliter l'écoulement des phases de concentration différente. Le raisonnement original date de la fin du siècle dernier et n’est plus brevetable : puisque la profondeur d’un décanteur n’influence pas sensiblement le rendement de sédimentation des particules de diamètre constant, pourquoi ne pas multiplier artificiellement la surface utile de l'ouvrage ?
L'effluent brut traverse la cellule horizontalement suivant A. Les particules se déplacent verticalement dans le courant d'eau et viennent en contact avec les lames inclinées de la cellule (1). Elles glissent alors le long des parois et s'évacuent par les cheminées de collecte des boues (2) ou des masques transversaux (3) interdisent la circulation d’eau. Les courants de concentration sont matérialisés.
La formule de HAZEN définit en effet la vitesse ascensionnelle comme le quotient du débit traité à la surface miroir : Q/S. La surface équivalente de séparation S devient le produit de la surface de projection de lame rectangulaire L·t sur le plan horizontal par le nombre de lames N en service ; elle s’exprime par :
S = N (L·t·cos α)
Alimentation à co-courant, alimentation à contre-courant, ces dispositifs souffrent d'insuffisances. Elles ont amené les services d'essais d'ERPAC à expérimenter et améliorer le troisième mode d’alimentation dit à « courants croisés ». Ce mode évite de faire repasser l'effluent à travers le voile de boue et permet d’éliminer sur les flancs du chevron des particules qui décanteront selon une trajectoire oblique (Fig. 4). Par ailleurs, ce choix se justifie aussi par la longueur utile des plaques. Le calcul théorique de la longueur de parcours nécessaire entre deux lames pour un même espacement e, une même largeur l, une vitesse de sédimentation Vt, et un écoulement laminaire Ve met en évidence l'intérêt de l’alimentation à courants croisés (Fig. 2 b page suivante).
À contre-courant, le temps pour parcourir PePs vaut :
t = e / (Vt cos α)
La longueur L devra donc être :
L = (Ve – Vt sin α) · e / (Vt cos α)
À co-courant, on obtient, dans les mêmes conditions :
t = e / (Vt cos α) relativement à un parcours :
L = (Ve + Vt sin α) · e / (Vt cos α)
Alors qu'à courants croisés, on obtient :
t = e / Vt et L = Ve · e / Vt
En conséquence, la longueur L sera la plus réduite en décanteur à lames minces à courants croisés puisque α = 0, sin α = 0, cos α vaut 1. Le décanteur à lames minces (DLM) à contre-courant nécessiterait une longueur légèrement plus faible que le DLM à co-courant pour une même valeur de α mais en pratique l’écart n’affecte que de quelques pour cent la valeur de L, Ve étant compris entre 30 et 100 m/h, Vt variant de 0,5 à 5 m/h.
Le multidécanteur évitant le clarificateur-monstre, la lutte contre le gigantisme bétonnier s'engageait, non sans mal. Si, théoriquement, l'idée s’avérait séduisante par la mise en application de vitesses de passage jamais escomptées, l’exploitation en fut désastreuse à cette époque. Les deux phases : eaux clarifiées et boues, mal canalisées, se contrariaient, les effets de turbulence et de colmatage interféraient en cours de séparation. Ce sont d’ailleurs sur ces problèmes technologiques que les principales investigations ont dû porter.
Malgré un dénigrement acharné de plusieurs parmi les grands noms de « traiteurs d’eaux », plus habitués, faut-il avouer, à négocier du génie civil que de l'équipement dans les concours, malgré ce discrédit conventionnel, la séparation lamellaire a repris quelque faveur depuis 1970. Ce juste revirement est obtenu grâce aux avis éclairés de certaines Agences de Bassin et à la volonté du Ministre de l’Environnement, personnalités qui entendent promouvoir des techniques sans doute peu traditionnelles mais opportunément efficaces. C'est bien sûr l'option fondamentale de jeunes entreprises novatrices comme ERPAC qui a désiré, dès 1967, créer et assurer ses propres techniques, au goût d’une économie libérale. De 1969 à 1977, cinq dépôts de brevet sont accomplis par ERPAC, en séparation lamellaire. La multiplicité des travaux prouve l'intérêt suscité (Fig. 2 a page suivante).
Nous mentionnerons, parmi ceux-ci :
— la décantation à plaques à co-courant avec « faible » 30-35 %, en unité LAMELLA de AXEL-JOHNSON ;
— la décantation lamellaire à contre-courant avec « > 45° » sur réacteur à tubes MICROFLOC, en cellule TPS (Tiltable Plate Settler) de SHELL pour hydrocarbures. La cellule TPS peut être combinée à un floculateur à plaques ondulées CPF (Corrugated Plates Floculation) en module de PIELKENROOD-VINITEX ; le mode d’alimentation à contre-courant est également exploité en unité GEWE de GRANGES, en décantation combinée à la filtration sur lit de boues, en unité SUPERPULSATOR ;
— la décantation lamellaire en courants croisés avec « > 45° » sur polydécanteur SEM ou sur lit WEDGEWIRE, enfin en cellule SERPAC de ERPAC.
INTÉRÊTS RESPECTIFS DES 3 MODES D’ALIMENTATION
§ DLM à co-courant, type AXEL-JOHNSON (Fig. 5)
Avantages :
— Les boues sont poussées par le flux d’eaux brutes, donc « τ » peut être plus faible et amélioré, les boues se pré-épaississant sur lames.
— Les chenaux d’entrée et de sortie sont superposés sur la cellule, ce qui limite l’encombrement au sol.
— Le transfert de l’eau du réacteur à la cellule est facilité, ce qui devrait permettre de garder les flocs intacts.
Inconvénient principal :
— Le réglage du débit et la reprise de l’eau clarifiée dans la zone en R, zone à forte concentration de boues, est très délicat. Le système accuse une grande sensibilité aux variations de flux, aux variations de charge en matières en suspension (MeS) et aux fortes concentrations en MeS des eaux brutes.
Inconvénients secondaires :
— Il faut craindre un colmatage accéléré et fréquent des filtres situés en aval.
— Les boues pré-épaissies sur lames se déconcentrent au cours de leur chute entre les lames et la trémie, dans le contre-courant d’eau qu’elles déplacent.
— Une partie non négligeable de L se trouve mobilisée pour clarifier le débit d’eau chassée par la chute des boues et leur épaississement dans la trémie inférieure.
§ DLM à contre-courant
1. À réacteur externe indépendant, type SHELL (Fig. 6) :
Avantages :
- La sortie de l'eau a lieu dans une zone à très faible concentration en boues.
- La possibilité de prédécantation des boues dans le chenal d’entrée est favorable.
- L’eau chassée par les boues provenant de l’épaississement de ces boues est reprise à l'entrée de la cellule.
Inconvénients :
- L'angle est élevé pour assurer le glissement des boues à contre-courant.
- Le colmatage reste possible dans la cellule par fluidisation des boues et sensibilité aux augmentations de flux d'eaux brutes.
- La difficulté de canaliser à l'entrée de la cellule des eaux à traiter, les boues quittant la cellule, et les boues déjà décantées provoque des interférences.
2. À réacteur interne incorporé, type Superpulsator (Fig. 7) :
Avantages :
- La superposition du réacteur et du décanteur en lames minces réduit l'encombrement au sol (avantage modéré par les places prises par les fosses et trémies d’épaississement des boues et le chenal d'évacuation extérieurs aux DLM).
- Coagulation, floculation et décantation sont assurées avec très forte concentration en boues.
- Les zones de floculation et de décantation sont contiguës, à moindre risque pour l’intégralité du floc.
- L’équirépartition théorique aisée (avantage modéré par les défauts de fluidisation des boues).
- L'évacuation de l'eau dans une zone à faible concentration en boues.
Inconvénients :
- Le fonctionnement par pulsation implique la fréquence des chasses d'eau.
- La fluidisation équilibrée du lit de boues et l'équirépartition imposent un minimum technique de débit, de l'ordre de 20 à 30 % du débit nominal, et rendent l'appareil vulnérable aux variations de charges hydrauliques et massiques (les boues denses sont difficiles à fluidiser).
- La décantation-filtration sur lit de boues nécessite une constance dans la qualité des boues devant assurer la cohésion du lit : celle-ci ne peut être obtenue qu’avec une exploitation minutieuse ou un over-dosage de sécurité des réactifs de floculation.
- L'appareil est à fond plat, il nécessite la présélection des particules minérales ou métalliques denses non pulsables afin d’éviter l'envasement du réseau inférieur d’alimentation (dessablage préliminaire).
- Le volume très important du lit de boues et sa stagnation anaérobie imposent une bonne stérilisation pour éviter les fermentations et les entraînements de boues putrides ou digérées qui en résulteraient inéluctablement ou bien un renouvellement accéléré de ce lit.
- La surface nécessaire à l’épaississement des boues à l'extérieur du DLM limite, voire supprime l'avantage d'avoir superposé le réacteur et le DLM à moins d’admettre une évacuation des boues très faiblement concentrées (l’épaississement d'une boue étant directement lié à la surface disponible, celle-ci est très faible dans le Superpulsator, l’épaississement sera lui-même réduit : les boues sont évacuées par surverse lors de l'expansion du lit, donc assez diluées).
- Le gain sur les temps de floculation ordinaire n’est pas significatif : 12 à 25 mn au lieu de 30 mn.
§ DLM à courants croisés type ERPAC
D'après l'analyse cinématique des particules véhiculées, le type ERPAC résulte de la combinaison d'un DLM co-courant et d'un DLM à courants croisés (Fig. 8). Dans leur course initiale, les particules sont alimentées en co-courant mais, dès qu'elles atteignent la lame, leur trajet se poursuit dans un système DLM à courants croisés. Ensuite, elles ne sont plus soumises au flux et peuvent ainsi, dans un conduit latéral, être recueillies dans le réceptacle à boues.
Une cellule complète DLM ERPAC est constituée par un ensemble de conduits délimités par des lames parallèles et forme un empilage plus ou moins important suivant les applications, ces empilages étant séparés les uns des autres par des cheminées d'évacuation des boues (Fig. 9 et 10).
Avantages :
La chambre de réaction assure :
- — le dessablage éventuel, voire le déshuilage ;
- — la réaction de coagulation-floculation en présence d'un lit de boues fluidisées à la concentration optimale par le flux d'eau à traiter, ce qui permet de limiter les consommations de réactifs au conditionnement minimum ;
- — un temps de séjour particulièrement réduit :
- • 0,5-1 mn pour les eaux boueuses de carrière,
- • 1-3 mn pour la clarification des eaux de surface, contre 10-30 mn ordinairement prévues,
- • 5-12 mn pour la décarbonatation à la chaux.
Le chenal de liaison chambre de réaction-cellule de décantation permet :
- — la prédécantation sans turbulence de l'eau et assure l'évacuation de plus de 50 % des boues véhiculées par l'eau ;
- — une alimentation très stabilisée, adaptée au cas par cas au problème à résoudre.
La cellule (brevet ERPAC) :
- — complète la décantation des microparticules en suspension ;
- — clarifie l'eau déplacée par la décantation des boues et leur épaississement.
L'organe de reprise (brevet ERPAC) :
- — règle la loi de circulation du flux d'eau dans la cellule. À noter que ce réglage se fait sur l'eau clarifiée et qu'à l'inverse des autres DLM, il n'est pas recherché d'équirépartition du débit. Le chenal de prédécantation clarifie la veine fluide supérieure très rapidement ; cet aménagement permet l'accélération du débit dans la partie haute de la cellule par rapport à la partie basse, qui, elle, travaille au débit normal de DLM.
Le SERPAC est de conception modulaire pour s'adapter aux extensions successives par tranches de travaux.
Les cellules sont pendues sur des cadres servant de caillebotis, permettant d’accéder, sans autre passerelle, en tout point du dispositif.
Tous les éléments constitutifs d’une cellule sont standards (production série à partir d’outillages spéciaux), aisément accessibles, démontables simplement, en matériaux inertes chimiquement (inox, plastiques chargés), stables jusqu’à 90 °C.
Les lames sont flexibles latéralement, ce qui permet de s'ajuster avec la charge de boues décantées, phénomène d’auto-régulation intéressant le traitement des eaux très boueuses.
[Figure : Fig. 11. — Schéma de principe du D.L.M. SERPAC.]Sable Boues S1 S2 S3 S4 Chambre de réaction Cellule Déversoir ERPAC Chenal de prédécantation
— Chambre de réaction (surface S1) : ce réacteur est toujours défini dans toutes ses dimensions, en fonction du problème à résoudre. Il permet de travailler avec la concentration optimale en boues, sans pour autant exiger une cohésion parfaite du floc, ce qui permet de réduire les consommations en réactifs de 20 à 40 % de leurs besoins traditionnels.
— Chenal de prédécantation (S2) : il prolonge l’action de la chambre de réaction jusqu’à l’entrée des cellules, tout en éliminant les flocs les plus denses, ce qui décharge d’autant la cellule (à noter que pour certains problèmes simples, la chambre de réaction peut être supprimée, le chenal servant alors de réacteur).
— Cellule (S3) : l’importance de la surface réservée à l’évacuation des boues et à la réincorporation de l’eau qu’elles chassent, permet au SERPAC d’être totalement insensible à la charge en MeS et aux variations de débit.
— Organe de reprise et déversoir (S4) : sa conception originale, sa position, son accessibilité permettent d’utiliser la cellule ERPAC au maximum de ses possibilités.
La fosse à boues :
— assure une canalisation rationnelle des flux de boues et d’eau déplacée ou d’eau d’épaississement ;
— favorise une concentration optimale des boues nettement supérieure à celle des trémies de décanteurs traditionnels, à l’aide d’un épaississeur en lames minces lorsque cela s’avère utile.
Inconvénients :
Les opérations successives nécessitent chacune un organe de traitement spécialisé et adapté pour bénéficier des avantages énumérés ci-dessus, le SERPAC n’est pas un appareil combiné (Fig. 11). Il présente l’inconvénient de cumuler au niveau du sol les surfaces élémentaires :
— de la chambre de réaction, — du chenal de prédécantation, — de la cellule de décantation avec, pour celle-ci, une surface d’évacuation des boues et une surface de remontée d’eau déplacée, — de l’organe de reprise permettant de répartir le flux sur tout le volume des cellules.
Mais l’optimisation du procédé est à ce prix : les conditions de réaction, de floculation, de décantation des eaux et d’épaississement des boues ne sont pas conciliables et ne peuvent se dérouler dans le même ouvrage (en leur temps, les bassins concentriques et les ouvrages combinés, mêlant décantation et recirculation n’ont pas convaincu). Il n’en est pas moins vrai que les installations de séparation lamellaire ERPAC restent largement compétitives même si l’on choisit comme critère le rapport Q/S : débit traité/emprise au sol. Cette compétitivité se trouve justifiée par les nombreuses applications faisant référence dont jouit le matériel ERPAC : décantation des eaux de surface, eaux de lavage d’agrégats, eaux de ponçage ou de sciage, décarbonatation à la chaux, classification des fillers, décantation des effluents de traitements de surface, de dépoussiérage des gaz, de délainage des peaux et tout récemment décantation des eaux de lavage des camions-malaxeurs de béton. C’est le premier exemple d’application du DLM à courants croisés SERPAC que nous allons examiner.
1er EXEMPLE :
TRAITEMENT DES EFFLUENTS D’UNE CENTRALE À BÉTON
Cette application de la séparation lamellaire aux effluents de centrales fixes, productrices de béton prêt à l’emploi, est démonstrative car elle répond parfaitement au double objectif industriel : économie d’eau et récupération de produits élaborés. Les centrales fixes fabriquent des bétons de qualités contrôlées pour être distribués sur les différents chantiers au moyen de camions-malaxeurs. Comme les chantiers importants s’édifient en zone urbaine ou suburbaine et que la durée de vie du béton n’excède pas 2 heures, les centrales se trouvent implantées à proximité des agglomérations, ce qui implique une limitation en surface de terrain disponible et une limitation en décharge autorisée. En effet, les camions-citernes distributeurs reviennent à la centrale pour le nettoyage des cuves : les résidus (4 % de pertes en béton, région parisienne) représentent 50 à 500 l de solides/cuve/jour et nécessitent 2 à 3 m³ d’eau au jet sous pression.
La plupart des grandes centrales urbaines ont installé de petits bacs de décantation dont la surverse est évacuée dans le milieu naturel ou dans les égouts. La surface de décantation étant forcément restreinte et le volume de solides important, les eaux de surverse sont très chargées de matières en suspension, 2 g/l en moyenne, et présentent un niveau d’alcalinité élevé, pH de 11,5 à 12,5 dû au ciment entraîné. Ces conditions de rejet sont incompatibles avec la législation en vigueur. Au « BÉTON INDUSTRIEL DE L’OISE », implanté à Verberie, les critères de dimensionnement pour cette installation se déduisaient de ses conditions d’exploitation :
— traitement des eaux de lavage de 15 camions-malaxeurs en fin de journée (durée 2-3 h) ;
[Figure : Fig. 12. — Schéma général de l’installation en Centrale à Béton.]- — récupération séparée et lavage des graviers et du sable de façon à ce qu'ils puissent être réincorporés dans le circuit de fabrication des bétons ;
- — traitement en moins d'une heure du contenu en béton frais d’un camion-malaxeur, soit environ 6 m³ (1 m³ de béton moyen étant constitué par les agrégats siliceux suivants : 900 kg de graviers 5-25 mm, 900 kg de sable 0-5 mm, 300 kg de ciment) ;
- — lavage simultané de 2-3 camions ;
- — installation en circuit fermé ne produisant aucun rejet d'eau.
Le décanteur lamellaire SERPAC n’occupe que 5 m² par rapport à l'emprise de la centrale : 33 m L × 15 m l, et la surface occupée par le matériel d’exploitation : 13 m L × 7 m l (fosse pour séparation des agrégats et relevage, matériel de clarification, local technique et réserve d’eau claire). Le conditionnement nécessite un dosage de floculants < 2 g/m³ ; ainsi, pour une moyenne de 3 h de fonctionnement par jour, le coût de la floculation est d’environ 6,5 F/j. La puissance électrique totale est de 23 kW, avec une pompe haute pression pour lavage de 9,5 kW.
Les performances actuellement obtenues se résument ainsi :
- — durée du traitement ~ 25 min d’un camion complet de béton frais, soit ~ 6 m³, ce qui correspond à un débit de 10-15 m³/h ;
- — qualité des agrégats récupérés : les graviers et le sable sont parfaitement propres, sans trace de pellicule de ciment visible. Le recyclage des agrégats dans le circuit de fabrication des bétons ne pose aucun problème ;
- — clarification des eaux à la sortie du SERPAC : MES < 20-40 mg/l, pH ~ 12 ;
- — boues de ciment : leur consistance solide-pâteuse après 2 jours de stockage dans la fosse nécessite un curage de fosse tous les 2 jours maximum pour éviter la prise en masse. L’excédent d'eau dans la fosse est recyclé dans la cuve du poste de relevage. L'installation peut donc fonctionner en circuit fermé intégral, sans rejet, avec un appoint d'eau claire extérieure négligeable qui correspond strictement à la teneur en eau des boues extraites de la fosse, à la teneur en eau dans les agrégats et à l’évaporation ;
- — débit total d’eau clarifiée disponible en circuit fermé ~ 60 m³/h, utilisés soit en totalité pour la dilution fractionnée (traitement retour béton), soit partiellement pour le lavage des camions-malaxeurs (20-40 m³/h) ;
- — fonctionnement automatique de l’installation : les chauffeurs assurent eux-mêmes la mise en route et l'arrêt du SERPAC.
Suite à cette première expérience très encourageante et après de nombreux contacts dans la profession du béton prêt à l’emploi, la Société SERPAC a mis au point une nouvelle station standardisée qui répond entièrement aux exigences des centrales urbaines en région parisienne. Le choix de la destination des eaux clarifiées l'a conduit à une réflexion approfondie sur les trois possibilités de rejet :
- — évacuation en milieu naturel ;
- — circuit fermé dans la centrale par mélange des eaux de lavage avec les eaux de gâchage du béton ;
- — circuit fermé dans l'installation de lavage.
Dans les conditions d’évacuation en milieu naturel, la conception d'un poste de neutralisation fiable avec dosage d’HCl implique une technologie assez élaborée nécessitant une surveillance et un entretien très suivis. L'utilisation de certains adjuvants qui restent en solution dans les eaux de lavage pourrait occasionner une élévation de la DCO. Dans le second cas, le mélange des eaux de lavage avec les eaux de gâchage serait une solution séduisante, mais la présence de traces d’adjuvants en solution entraîne un risque de perturbation dans la fabrication de bétons aux caractéristiques rigoureuses.
Le circuit fermé des eaux de lavage semble devoir retenir l’attention de la profession. Cependant, l'utilisation permanente d'une eau à pH > 12 risque d’occasionner un entartrage du circuit. Pour pallier cet inconvénient, SERPAC inclura dans ses stations SERPAC BETON un poste de dosage d'un réactif antitartre stabilisant, Soperion CGM. La nouvelle station SERPAC BETON pour implantations urbaines présente alors les caractéristiques suivantes :
- — surface au sol occupée par l’équipement de séparation des agrégats et de clarification des eaux (non compris la goulotte d’alimentation) : 45 m² ;
- — débit d'eau claire en circuit fermé : 80 m³/h ;
- — capacité de traitement en béton frais : 0,5 m³/min, ce qui correspond à un déchargement régulier de ~ 30 m³/h, soit 5 camions ;
- — automatisme intégral permettant aux chauffeurs d’assurer seuls l'utilisation de la station, avec interventions très sporadiques du personnel d’entretien ;
- — insertion de 2 séparateurs SERPAC travaillant en série pour absorber les pointes importantes de concentration en solides dans les eaux à traiter, tout en maintenant une consommation moyenne en floculant raisonnable.
G. Treyssac – M. Maes