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Lutte contre les nuisances olfactives en stations d'épuration industrielles : le procédé Nutriox

30 avril 1999 Paru dans le N°221 à la page 50 ( mots)
Rédigé par : Catherine FILHOLS et Antoine DAUDON

La production d'hydrogène sulfuré (H2S) dans les réseaux d'assainissement et les stations d'épuration est responsable de nombreux problèmes tels que les plaintes du voisinage, la corrosion des ouvrages, les risques sanitaires pour le personnel exploitant, le dysfonctionnement des stations d'épuration. Le procédé NUTRIOX® est une solution préventive, basée sur l'injection contrôlée de nitrates dans les effluents, ce qui permet d'éviter la formation de sulfures et donc d'hydrogène sulfuré. Plusieurs applications industrielles de ce procédé sont présentées dans ce document.

La collecte, le stockage et le traitement des effluents urbains ou industriels engendrent fréquemment de mauvaises odeurs et des nuisances olfactives. Ces nuisances ont une même cause : le dégagement d’hydrogène sulfuré (H₂S) lié à la présence de sulfures dissous dans les eaux, de mercaptans, d’ammoniac et d’acides gras volatils.

La présence de sulfures dissous dans les eaux résiduaires a plusieurs origines :

  • une origine industrielle utilisant des produits à base de sulfures dans leur procédé et que l’on peut retrouver dans les rejets ;
  • une origine biologique, la plus fréquente, par la décomposition de molécules organiques soufrées ou la réduction de composés inorganiques comme les sulfates.

Origine des émissions olfactives et conséquences

La formation des sulfures dissous (figure n° 1) résulte de l’activité métabolique des bactéries sulfato-réductrices. Lorsque le milieu s’appauvrit en oxygène dissous et que le potentiel rédox devient inférieur.

[Photo : Figure 1 : La septicité est causée par l’activité des bactéries anaérobies en l’absence d’oxygène ou de nitrates et résulte dans la production d’hydrogène sulfuré.]

À -200 mV, les bactéries sulfato-réductrices prolifèrent, catabolisent les composés soufrés organiques, réduisent les ions sulfates présents et libèrent des ions sulfures.

Ces bactéries se développent principalement dans la partie anaérobie du biofilm recouvrant les parois immergées des ouvrages d’assainissement et dans les matières en suspension.

Les paramètres contribuant à l’établissement des conditions anaérobies et au développement des bactéries sulfato-réductrices sont principalement :

  • - l’absence d’oxygène, ces bactéries étant strictement anaérobies,
  • - la qualité de l’effluent plus ou moins chargé en matière organique biodégradable (DBO),
  • - la teneur en ions sulfate,
  • - la température de ces effluents, son augmentation stimulant le métabolisme bactérien,
  • - le temps de séjour de l’effluent dans les collecteurs, dans les ouvrages.

Les effets de ce développement de bactéries anaérobies et de cette production de sulfures ont cinq conséquences importantes :

  • - Une odeur nauséabonde : l’hydrogène sulfuré H₂S a une odeur caractéristique d’œuf pourri à faible dose seulement. C’est la source d’odeur la plus importante en réseaux d’assainissement et sur les stations d’épuration, car son seuil de détection olfactif est très bas. Au-delà de 150 ppm, l’H₂S inhibe les nerfs olfactifs, ce qui le rend d’autant plus dangereux.
  • - Un risque sanitaire dû à la toxicité importante de l’H₂S (figure n° 2). Ces effets vont de la simple irritation à la Valeur Limite d’Exposition (V.L.E.) de 10 ppm jusqu’à la mort à partir de 500 ppm d’exposition. Sa toxicité est équivalente à celle du cyanure d’hydrogène (HCN).
  • - Un risque de formation de mélanges explosifs avec l’air dans les limites de 4,5 à 45,5 % en volume.
  • - Une forte corrosion des ouvrages (figure n° 3). En effet, en présence d’oxygène, l’H₂S gazeux est transformé en acide sulfurique (H₂SO₄) par des bactéries du genre Thiobacillus. Il en résulte une attaque acide des matériaux bétons, métaux, équipements électromécaniques… L’H₂S est reconnu comme étant le facteur principal de la dégradation des réseaux d’assainissement ; les attaques acides ont généralement lieu dans les conduites gravitaires et dans les zones de forte turbulence où les dégazages d’H₂S sont favorisés.
  • - Un dysfonctionnement des procédés d’épuration : les ions sulfures génèrent des surconsommations de coagulants pour les procédés d’épuration chimiques, au niveau de la précipitation des matières en suspension.
      2S⁺ + 3Fe³⁺ ⇔ Fe₂S₃ ⇔ 2FeS + S
    Ces ions sulfures sont aussi des toxiques pour les bactéries aérobies épuratrices et favorisent le développement des bactéries filamenteuses du genre Microthrix, Thiobacter, Thiotrix.

Prévention de ces émissions par le procédé Nutriox®

Ce procédé agit en développant l’activité métabolique et la croissance des bactéries hétérotrophes facultatives au détriment des bactéries anaérobies strictes. Il est basé sur la respiration de ces bactéries hétérotrophes facultatives, déjà présentes dans le milieu, et stimulées par la présence de nitrates, en absence d’oxygène dissous.

Il évite ainsi la formation de sulfures dissous au sein des effluents, en agissant de façon curative et préventive sur la septicité, et les maintient en état d’anoxie.

Action préventive

En maintenant les effluents en état d’anoxie,

[Photo : Figure 2 : Toxicité de l’H₂S]
[Photo : Figure 3 : Corrosion des bétons par l’H₂S]
[Photo : Figure 4 : Contrôleur de dosage]
[Photo : Figure 5 : Station d’épuration industrie papetière]

L’apport de Nutriox® inhibe le développement des bactéries sulfato-réductrices, anaérobies strictes.

Matières organiques (DBO5) + NO3 → CO2 + N2

Action curative

Le principe actif du Nutriox® intervient comme accepteur d’électrons dans la respiration des bactéries dénitrifiantes déjà présentes dans le milieu et capables d’oxyder les sulfures en sulfates.

H2S + NO3 → S + SO4^2- + H2OThiobacillus denitrificans

De par son principe écologique, le procédé Nutriox® ne colore pas les effluents et ne génère pas de boues.

La maîtrise du dosage est cruciale afin d’éviter tout surdosage ou tout sous-dosage. C’est pourquoi HydroCare a développé un contrôleur de dosage appelé SBOX™, NBOX™, IBOX™ selon les applications, afin d’injecter la dose optimale de Nutriox® à tout moment de la journée.

Cette quantité varie notablement en fonction de différents paramètres :

  • - débit instantané des effluents
  • - demande biologique en oxygène DBO5 des effluents
  • - caractéristiques des ouvrages
  • - temps de séjour des effluents dans les ouvrages
  • - température des effluents
  • - concentration initiale en sulfures dissous

La mise en application du procédé Nutriox® implique une collaboration étroite entre HydroCare et ses clients. C’est en analysant et comprenant ensemble le problème qu’est mise au point la solution technologique et économique la mieux adaptée à chaque situation.

L’équipe HydroCare s’attache à définir avec ses clients le niveau de service dont ils ont besoin :

  • - audit des réseaux concernés
  • - fourniture des équipements de stockage, dosage et de contrôle
  • - télégestion du fonctionnement du procédé et des stocks (hebdomadaire, mensuel…)
  • - maintenance des équipements
  • - suivi des performances

Le produit Nutriox® est une solution liquide, neutre, d’un sel de nitrate, prête à l’emploi, stable dans le temps, non dangereuse et non corrosive.

Ce procédé requiert donc la réalisation d’une unité d’injection, localisée juste en amont de l’ouvrage générant la formation de sulfures dissous.

Cette unité d’injection est composée :

  • - d’une capacité de stockage du principe actif (équipée d’une sonde de niveau),
  • - d’un système d’injection par pompe doseuse,
  • - d’une armoire électrique comprenant les équipements de commande, le contrôleur de dosage, les informations de débit et de température des effluents, un modem pour la transmission de ces informations.

Application en station d’épuration d’industrie papetière

Il s’agit d’une station qui traite et recycle les effluents d’une usine produisant du carton à partir de vieux cartons recyclés (voir figure 5).

Le type d’effluent est particulier au procédé.

[Photo : Figure 6 : Injection en industrie papetière]
[Photo : Figure 7 : Optimisation du dosage]

NUTRIOX

Élément 250-350 m³/h
Température 20-30 °C

La concentration en hydrogène sulfuré dégagée reste voisine de 2 ppm avec quelques pointes à 5 ppm, pour la même quantité journalière de Nutriox®.

La figure n° 7 illustre le fonctionnement du contrôleur de dosage qui régule le débit d’injection de Nutriox® en fonction de la qualité de l’eau, du débit, de la température des effluents, de leur temps de séjour dans le décanteur et de la concentration en H₂S, ainsi que son efficacité : la concentration en H₂S reste inférieure à 5 ppm sur la journée.

Application en station d’épuration d’industrie pétrolière

Il s’agit ici d’une application sur la station d’un centre de traitement de déchets liquides d’origine pétrolière. Ce centre de traitement récupère des eaux provenant du lavage de camions-citernes, de barges ou péniches ayant transporté des hydrocarbures et des effluents aqueux provenant d’unités de séparation et distillation de mélanges d’hydrocarbures.

Ces eaux sont envoyées vers l’unité de traitement (figure n° 8) et stockées dans le bac n° 13 (alternativement n° 14), pendant que les eaux du bac n° 14 (alternativement n° 13) sont dirigées vers la filière de traitement composée d’un séparateur T27 et d’un oléofiltre OF (une céramique greffée retient les dernières molécules hydrocarbonées). Les eaux usées sont ensuite rejetées dans le réseau d’égout communal.

La formation de l’hydrogène sulfuré et, par conséquent, les gênes olfactives autour de l’usine s’expliquent par :

  • la nature de ces eaux contenant des hydrocarbures facilement biodégradables ayant une DCO comprise entre 500 et 2000 mg O₂/l ;
  • leur température : 20 à 30 °C ;
  • leur temps de séjour en amont du traitement d’environ 24 heures en semaine et de 72 heures pendant le week-end.

On mesure effectivement (figure n° 9), dans le regard de sortie de l’unité de traitement, des concentrations en hydrogène sulfuré variant entre 150 et 200 ppm.

Nous avons dans un premier temps procédé à une injection de Nutriox® en aval des bacs n° 13 ou n° 14, dans le but de réduire les sulfures dissous formés pendant le stockage des eaux dans ces bacs. On constate (figure n° 9) une légère baisse de la concentration en hydrogène sulfuré dans le regard de sortie de l’unité de traitement autour de 100 ppm ; cependant ces valeurs restent encore trop élevées : le temps de contact du Nutriox® avec les effluents est trop court pour permettre l’élimination de telles concentrations de sulfures dissous.

Faisant suite à l’analyse de ces premiers résultats, nous avons décidé de procéder à l’injection de Nutriox® en entrée des bacs.

[Photo : Figure 8 : Centre de traitement de déchets liquides. Filière concernée : traitement des eaux huileuses]
[Photo : Figure 9 : Injection et traitement des eaux huileuses]
[Photo : Figure 10 : station d’épuration dans l'industrie agro-alimentaire]

n° 13 & 14, afin d’augmenter le temps de contact du principe actif, et ainsi permettre aux bactéries dénitrifiantes présentes dans le milieu de se développer et de prévenir la formation des sulfures pendant le stockage des eaux dans les bacs n° 13 & 14.

On enregistre alors (figure n° 9) une diminution de la concentration en hydrogène sulfuré dans le regard en sortie de l'unité de traitement inférieure à 5 ppm en moyenne.

Application en station d’épuration d’industrie agro-alimentaire

Les nuisances olfactives sont ici liées à la station de traitement des effluents d'une usine productrice d’andouillettes et de triperies.

La station d’épuration (figure n° 10) est constituée d’une bâche recueillant les effluents de l'usine, d'un poste de pompage, d'un flottateur équipé d'un racleur pour récupérer les graisses. Après correction du pH, les effluents sont acheminés vers le réseau d’assainissement de la ville.

La formation de l’hydrogène sulfuré et par conséquent les plaintes du voisinage autour de l'usine ont pour origine dans ce cas :

  • la nature de ces effluents fortement chargés en matières organiques biodégradables : DCO de 7 500 mg O₂/l, DBO₅ de 5 000 mg O₂/l,
  • la température de ces eaux : 30 °C,
  • le débit faible et variable des effluents et donc le temps de séjour élevé dans le flottateur, d’environ 5 heures en semaine et de 72 heures pendant le week-end.

L’injection s’effectue dans la bâche d’arrivée des effluents.

Les mesures d’hydrogène sulfuré (figure n° 11) en sortie de la station de traitement des effluents montrent des concentrations comprises entre 100 et 150 ppm.

La mise en place du procédé Nutriox® permet de réduire considérablement ces émissions d’hydrogène sulfuré à des concentrations inférieures à 5 ppm en moyenne.

[Photo : Figure 11 : station d’épuration dans l'industrie agro-alimentaire : concentration en H₂S en ppm]

L'utilisation du contrôleur de dosage permet de s'adapter aux conditions spécifiques de cet industriel et d’obtenir des résultats conformes à ses besoins.

Conclusions

Ce procédé, breveté par la division Hydro-Care du groupe Norsk Hydro, est un outil efficace de lutte contre les nuisances olfactives et de prévention de la formation d’hydrogène sulfuré.

Basé sur le dosage contrôlé d’un sel de nitrate dans les effluents, il s'adapte aussi bien aux différents types d’effluents industriels et urbains qu’aux différents procédés d'épuration.

Ces exemples montrent les bénéfices du procédé Nutriox® pour ses utilisateurs :

  • élimination des dégagements d’hydrogène sulfuré,
  • élimination des plaintes du voisinage, du risque sanitaire pour le personnel exploitant,
  • arrêt de la corrosion des ouvrages.

Sa mise en œuvre engendre de faibles investissements et son coût de fonctionnement, prestations de services incluses, est de l’ordre de quelques dizaines de centimes par m³ d'eau traitée en industrie.

[Encart : texte : Références bibliographiques Aesoy, A., Storfjell, M., Melgren, L., Helness, H., Thorvaldsen, G., Odegaard, H., and Bentzen, G. (1996). A comparison of biofilm growth and water quality changes in sewers with anoxic and anaerobic (septic) conditions respectively. Proceeding at the Third International Conference on Biofilm Systems, Copenhagen. Bentzen, G., Smith, A. T., Bennett, D., Webster, N. J., Reinholt, F., Sletholt, E. and Hobson, J. (1995). Controlled dosing of nitrate for prevention of H₂S in a sewer network and the effects on the subsequent treatment process. Wat. Sci. Tech., 31, 7, 293-302. Boon, A. G. and Lister, A. R. (1992) Septicity in sewers: Causes, Consequences and Containment. J. Instn. Wat. & Envir. Managt., 6, 79-90. Boon, A. G. and Lister, A. R. (1975) Formation of sulphide in rising main sewers and its prevention by injection of oxygen. Prog. Wat. Tech., 7, 2, 289-300. Henze, M. (1986). Nitrate versus oxygen utilization rates in wastewater and activated sludge systems. Wat. Sci. Tech. 18, 6, 115-122. Pomeroy, R. D. (1990). The problem of Hydrogen Sulphide in sewers. Clay Pipe Development Association LTD, London. Thistlethwayte, D. K. B. (1972) The Control of sulphides in Sewerage Systems, Ann. Arbor. Science, Ann Arbor, MI.]
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