Quelle est l'origine de l'eau ? La Terre contenait-elle de l'eau dès sa formation ? La question, simple en apparence, divise la communauté scientifique. Grâce à l'exploration spatiale, nous savons aujourd'hui que l'eau est partout présente dans l'Univers, notamment sur les comètes, certains astéroïdes, sur les lunes de Titan, de Saturne ou bien dans les calottes polaires de Mars et au fond de certains cratères lunaires. Mais son origine reste mystérieuse.
Nous sommes il y a 4,55 milliards d’années.
Notre Soleil, qui vient tout juste de naître, est encore entouré d’un immense disque de gaz et de poussières.
Pendant plusieurs millions d’années, ce disque va peu à peu se condenser pour former les planètes.
C’est dans ce système solaire en pleine formation que l’ancêtre de ce qui deviendra notre planète s’agglomère et se concentre peu à peu.
L’énergie due aux collisions avec des comètes et des astéroïdes ajoutée à celle libérée par les éléments radioactifs qu’elle contient génère de la chaleur.
Les éléments les plus lourds comme le fer et le nickel migrent alors vers le centre de la Terre pour constituer son noyau tandis que les éléments plus légers comme le silicium, l’aluminium ou le magnésium sont expulsés à l’extérieur du noyau, préfigurant le futur manteau terrestre ; les gaz ainsi rejetés constituent une première atmosphère riche en hydrogène, hélium, ammoniac et méthane.
Cinquante millions d’années s’écoulent durant lesquelles la Terre n’est qu’un gigantesque océan de magma.
Mais alors que son noyau reste en fusion, sa surface refroidit lentement et se durcit jusqu’à devenir une enveloppe rocheuse solide.
La température baisse sensiblement : il ne fait plus que 1 000 °C environ.
Mais l’activité sismique et volcanique reste intense : l’enveloppe terrestre est parcourue de nombreuses fissures qui laissent échapper des rivières de magma liquide.
Les éruptions volcaniques permanentes.
tes libèrent de la vapeur d'eau qui vient enrichir l'atmosphère. Bientôt, cette vapeur va se condenser et commencer à ruisseler sur une surface terrestre en plein refroidissement.
Les premières masses d'eau vont se former annonçant les futurs lacs et océans. Mais la violence des phénomènes qui entrent en jeu, l'agressivité de l'atmosphère et le niveau des températures et de la pression empêchent encore l'apparition de la vie à la surface de la Terre. Pour la voir naître, il faut attendre que l'eau apparaisse. Car la Terre, dont l'histoire commence à peine, n’a encore rien à voir avec la planète bleue que nous connaissons aujourd'hui. Ce n’est encore qu'une protoplanète hostile en proie à une énergie considérable accumulée lors de l'accrétion. Bientôt, des processus vont se mettre en place et permettre l'apparition de l'eau à l'état liquide. Mais c'est là que s'arrête le consensus scientifique et qu'apparaissent des hypothèses différentes quant aux phénomènes qui ont permis l'arrivée de cette eau. La plus ancienne est basée sur une origine endogène : l’eau aurait été présente sur Terre dès sa formation. Elle repose essentiellement sur un dégazage primitif de l’enveloppe terrestre.
Un dégazage primitif de l’enveloppe terrestre
Comme toutes les planètes telluriques, la Terre s'est formée à partir d'une nébuleuse constituée de résidus d'étoiles au sein de laquelle étaient présents beaucoup de molécules hydratées. Lors de l'accrétion, c'est-à-dire de la phase d'agglomération de ces molécules, la chaleur aurait provoqué la fusion des silicates et du fer. Sous l’effet de cette chaleur, les molécules d’eau piégées au moment de la formation de la Terre se seraient détachées des silicates et du fer pour migrer vers la surface du manteau terrestre.
La vapeur d'eau, le gaz carbonique, l'ammoniac et le méthane qui s’échappent des failles et des volcans à la faveur d'une intense activité sismique forment alors une atmosphère dense matérialisée par l'apparition d'une épaisse couche nuageuse. La température diminuant, la vapeur d'eau va se condenser et donner lieu aux premières pluies. Ainsi, il y a 4,3 milliards d’années et presque sans interruption durant environ 150 millions d’années, des pluies ininterrompues vont s’abattre sur Terre donnant naissance à un réseau hydrographique et à des bassins sédimentaires. Peu à peu, ces pluies diluviennes remplissent les dépressions puis les bassins océaniques primitifs d'une eau chaude (70 °C), acide et nettement plus salée qu'actuellement comme le montrent certaines inclusions fluides découvertes dans les roches.
Ce dégazage, qui correspond à l'apparition de l'atmosphère, aurait donc eu lieu très tôt, moins de 200 millions d’années après la phase d'accrétion-différenciation, située à 4,55 milliards d’années.
L'hypothèse d’un dégazage massif de la Terre a été validée par plusieurs campagnes océanographiques menées sur les dorsales océaniques.
niques à la fin des années 1970. Ces campagnes ont mis en évidence des échappements de gaz d’origines très anciennes dans les panaches hydrothermaux de sources chaudes situées à plus de 3000 mètres de profondeur. Sans doute des résidus de ce fameux dégazage initial… Mais bien que validée, la théorie d’un dégazage massif ne peut expliquer à elle seule toute la quantité d’eau présente sur notre planète. Les premiers doutes apparaissent. Et en 1972, deux scientifiques de l’Institut de physique de Berne constatent que la teneur en deutérium de l’eau des océans terrestres est supérieure à celle du gaz qui a donné naissance au système solaire : il faut rechercher ailleurs l’origine de l’eau.
Le doute grandit et de nombreux scientifiques remettent en question la théorie du dégazage.
La découverte récente de certaines météorites riches en eau comme les chondrites va favoriser l’élaboration d’un autre scénario dans lequel l’eau, arrivée après la formation de notre planète, aurait une origine majoritairement interstellaire.
Une origine majoritairement interstellaire
Selon cette hypothèse, un bombardement météoritique serait intervenu sur notre planète quelques centaines de millions d’années après sa formation il y a 4,5 milliards d’années. L’eau en est alors absente, sans doute à cause de la température qui avoisine encore les 2000 °C. Mais on sait que 500 millions d’années après la création de la Terre, d’importantes pluies de météorites et de comètes se sont abattues sur presque toutes les planètes du système solaire et ce pendant plusieurs dizaines de millions d’années. Poussières, cailloux, astéroïdes et comètes s’abattent alors sur la Terre et font augmenter sa masse, son volume et son attraction. Les vestiges de ces événements peuvent encore être observés sur la surface de la Lune qui n’a pas subi, contrairement à la Terre, de grands changements depuis cette époque. Une partie de ces météorites, les chondrites carbonées, créées elles aussi à partir du nuage de poussière de la nébuleuse solaire, contient jusqu’à 20 % d’eau. En tombant sur Terre, l’eau de ces météorites se serait échappée dans l’atmosphère du fait des conditions de température et de pression régnant sur la planète. Le phénomène, qui se serait achevé il y a 3,9 milliards d’années, serait donc à l’origine de la formation de l’hydrosphère, c’est-à-dire de l’ensemble des masses d’eau terrestres.
Une variante à cette hypothèse privilégie l’écrasement sur la Terre de nombreuses comètes qui sont constituées de 80 % d’eau plutôt que des chondrites carbonées.
Mais bien que ce bombardement soit avéré, cette hypothèse comme la précédente ne peut à elle seule expliquer la totalité du volume de notre hydrosphère. De récents travaux ont également instillé le doute dans l’esprit des scientifiques en suggérant qu’il n’y aurait pas un seul, mais au moins deux phénomènes à l’origine de l’eau : la mesure du rapport deutérium/hydrogène (D/H) dans l’eau de trois comètes a montré que la concentration en deutérium était deux fois plus élevée dans l’eau cométaire que dans l’eau terrestre. Ce qui suggère que l’eau terrestre ne peut avoir pour seule origine ce bombardement météoritique…
Alors ? L’origine de l’eau serait-elle mantellique, dégazée rapidement lors de la formation de la Terre ou chondritique voire cométaire et apportée lors du bombardement météoritique ?
L’origine de l’eau reste aujourd’hui encore une énigme même si un consensus semble se dégager sur une double origine : une partie de l’hydrosphère serait le fruit d’un dégazage massif qui aurait ensuite été complété par un bombardement météoritique. En mélangeant les deux types d’eau à parts à peu près égales, on obtient une quantité de deutérium correspondant à la signature isotopique de l’eau terrestre.
Grâce à l’exploration spatiale, nous savons aujourd’hui que si l’eau n’existe dans ses trois phases, solide, liquide et vapeur que sur Terre, elle est partout présente dans l’univers sous forme de glace ou de vapeur depuis les galaxies éloignées jusqu’aux planètes du système solaire. Il ne reste plus qu’à découvrir le mécanisme par lequel l’eau est apparue dans les nuages interstellaires, car si l’on arrive à expliquer ce phénomène, on comprendra sans doute d’où provient la glace présente dans l’univers et de quelle manière ce type de nuage a donné naissance au système solaire et, en corollaire, à toute l’eau présente sur Terre.

