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Logiciel d'aide à la décision pour le choix d'un diamètre économique en transport d'eau potable et industrielle

31 mars 2010 Paru dans le N°330 à la page 91 ( mots)
Rédigé par : G. GRAPIN et A. MESSINA

La recherche d'un diamètre économique est l'un des éléments permettant d'optimiser techniquement et financièrement la filière de pompage et d'adduction. Mais le diamètre dit « économique » peut varier assez significativement en fonction des contraintes du projet, contraintes autres que le débit et la hauteur géométrique à vaincre. En particulier sont à prendre en compte, l'évolution possible de la rugosité, la forme de la demande et son évolution future et les contraintes associées au réseau.

Un projet d’adduction, de transport d’eau potable ou industrielle, expertisé par une équipe technique, privilégie naturellement l’approche scientifique au détriment de l’aspect économique. Peut-on conduire parallèlement les deux approches en sachant qu’il ne s’agit pas de descendre à la précision comptable mais de prendre en compte globalement l’aspect financier d’un projet ? Existe-t-il un compromis acceptable entre les approches technique et économique ?

Les fabricants de pompes font actuellement des efforts notables pour réduire les consommations énergétiques. Ainsi, des gains appréciables peuvent être obtenus dès à présent par la mise en œuvre de divers compromis techniques. Ces efforts ne prennent leur sens qu’à condition d’être accompagnés par une conception appropriée du transport de l’eau. La recherche d’un diamètre économique est un des élé-

C. AULT PEZARD, Pompes : quelles solutions pour économiser les consommations énergétiques, L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES, N° 324, pp 35-45

ments permettant d’optimiser techniquement et financièrement la filière de pompage et d’adduction.

Bon nombre de relations de la littérature conduisent à proposer des diamètres dits « économiques » relativement importants, minimisant ainsi les vitesses qui doivent cependant être comprises dans une plage acceptable au sens de critères techniques (éviter les dépôts, minimiser les temps de séjour…).

Les gains financiers rendus possibles au niveau du pompage militent en faveur d'une analyse fine de la consommation énergétique du transport de l'eau.

Le choix des diamètres est ainsi basé sur au moins deux approches différentes :

  • Définir un diamètre selon des critères purement hydrauliques : vitesses suffisantes pour éviter les dépôts, minimiser les temps de séjour, mais limitées afin de réduire les pertes de charge, l’abrasion. La plage de vitesses explorées est classiquement comprise entre 1 et 2,0 m/s ;
  • Considérer une approche budgétaire complémentaire. En effet, si l’on opte pour des vitesses plutôt faibles, donc un grand diamètre de conduite, le coût d’investissement et de pose de la canalisation sera plus élevé. Par contre, on réalisera une économie en investissement sur le pompage et en exploitation sur le coût de l’énergie. Le choix d’une vitesse plus élevée maximisera le coût d’exploitation au profit d’un coût d’investissement moindre.

Finalement, le choix du diamètre économique résulte d'un compromis entre dépenses de fonctionnement et d’investissement. Ainsi, sont à considérer : le mode de gestion du pompage et les caractéristiques structurelles et opérationnelles du réseau (qualité d’eau, diamètre, rugosité, pertes de charge singulières, dénivelé).

Certains de ces facteurs sont fixés par le choix d’un projet : ressources, nature des terrains, dénivelés ; d’autres peuvent être ajustés par une conception judicieuse (matériaux, structure du réseau, équipements).

Il faut également concilier ces approches en prenant en compte les demandes de consommation définies par un plan de consommation préétabli ou induites par le résultat du foisonnement des puisages d'un réseau.

Il existe dans la littérature des relations permettant de choisir un diamètre économique : Bresse, Bonnin, Vuibert, Munier, Bedjaoui et al. Souvent, les auteurs recherchent une relation simple impliquant des hypothèses plus ou moins réductrices. Finalement, ces relations conduisent, pour un même projet, à des diamètres très différents. Souvent, leur utilisation conduit à privilégier l’approche purement hydraulique.

Le but de ce travail est de présenter une approche sans concession sur les hypothèses de base en poussant le calcul à son terme. Notre réflexion est basée sur l’approche proposée par Bedjaoui et al¹.

Hypothèses

Afin de fixer des critères financiers en accord avec une approche scientifique, nous définissons l'économie du projet comme la minimisation de la somme des coûts liés aux frais d’investissement de la conduite (coût de la conduite posée y compris la maîtrise d’ouvrage), des coûts d’installation du pompage (coût des pompes ramené au kW installé), des frais d’exploitation représentés par les coûts énergétiques (consommation électrique des pompes). Ce minimum est obtenu en calculant et annulant la dérivée de la fonction coût par rapport au diamètre d, dcoût/ddiam = 0.

Afin de simplifier l'approche pour l’opérateur, les calculs sont réalisés de façon automatisée à l'aide d’une application logicielle.

Coûts d’investissement de la conduite

Les coûts d'investissement dépendront de la structure du réseau, du diamètre et de la nature de la conduite, mais également pour l'eau potable des conditions de pose : nature du terrain, terrain naturel, accotement voirie, sous voirie.

Le bureau d'études propose et hiérarchise les solutions qui lui paraissent les mieux adaptées en fonction de diverses contraintes techniques, scientifiques, locales : contraintes terrain, disponibilités du matériel, habitudes et technicité des entreprises de pose du secteur.

Ainsi, plusieurs analyses de coûts sont alors possibles en fonction d’une hiérarchisation des choix potentiels.

Pour ce faire, l'opérateur renseigne un tableau coût/diamètre. Automatiquement, une équation paramétrée est ajustée et les paramètres obtenus sont transmis au module de calcul.

Coût d’installation de la station de pompage

Ce coût est pris en compte dans les calculs par la puissance installée. Les coûts supplémentaires de l'infrastructure, de l’électromécanique et des transformateurs sont à considérer indépendamment au cas par cas. En effet, pour des installations de fortes puissances, l’électromécanique, les lignes électriques, le poste de transformation peuvent alourdir le coût d’investissement du pompage de façon non négligeable. Ces coûts sont dépendants du site et sont à définir précisément pour chaque projet. Pour faciliter l’entrée des données, nous avons, comme dans le cas précédent, paramétré une relation coût/puissance de l'installation qui peut être adaptée au contexte local du projet.

Coût d’exploitation annuel

Ce coût est représenté par le coût de l’énergie électrique qui dépendra, entre autres, de l'abonnement, de la puissance de l’installation (hauteur géométrique à vaincre plus pertes de charge) et éventuellement de contraintes spécifiques liées à la consommation énergétique selon la puissance installée.

S’agissant de projets de prédimensionnement, nous ne prenons pas en compte la modulation des coûts énergétiques selon l’heure de la journée. Les différents tarifs sont inclus dans un coût moyen fonction des plages horaires du pompage.

Dans le détail du calcul de ces coûts intervient la perte de charge (consommation énergétique) prise en compte très couramment par les relations de Darcy-Weisbach/Colebrook-White. Cette dernière n’est pas dérivable facilement et nous l’avons remplacée par la relation de Swamee-Jain qui donne des valeurs de coefficients de perte de charge très proches. Sur quelques exemples traités, les écarts trouvés sont inférieurs à 3 %.

Exemples d’applications

Nous avons choisi comme exemple deux

¹ A. Bedjaoui, Pr B. Achour, M. T. Bouziane, « Nouvelle approche pour le calcul du diamètre économique dans les conduites de refoulement », Courrier du savoir, n° 06, juin 2008, pp. 141-145.

[Photo : Recherche du diamètre dit « économique ».]
[Photo : Mêmes hypothèses que précédemment mais pour un fonctionnement de 360 jours par an.]
[Photo : Exemple 2 de recherche de diamètre économique.]

Cas de transport.

Le premier est une adduction permettant d'alimenter en eau de surface à partir d'une retenue une station de traitement éloignée du lieu de pompage.

Dans un premier temps, cet approvisionnement devrait être utilisé en secours, uniquement durant la période estivale. Les paramètres du projet, tableau 1, sont : débits 2 160 m³/h, temps de fonctionnement des pompes 20 heures par jour durant 160 jours dans l'année, longueur de l’adduction 14 km, rugosité à terme des conduites prise à 1,5 mm pour tenir compte d'un encrassement possible.

Pour réaliser les calculs, les paramètres à renseigner sont alors les suivants (voir tableau 1).

Les coefficients correspondants aux formulations des coûts de pose et du kW installé sont intégrés dans le logiciel et peuvent être modifiés en fonction des données spécifiques de terrain.

Tous calculs faits, nous obtenons les résultats graphiques ci-dessus (figure 1).

Dans cet exemple (tableau 1), on obtient un diamètre économique de 700 mm correspondant à une vitesse d’environ 1,6 m·s-1. Pour des raisons d’échelle, la courbe des coûts a été normée par rapport au coût minimum : division des valeurs de coûts par le coût minimum. Cette courbe permet de vérifier facilement l'impact d’un changement de diamètre sur le coût. Par exemple, si l'on souhaite passer à un diamètre normalisé de 800 mm, l’annuité sera égale à 1,07 fois l’annuité minimale et la vitesse d'environ 1,2 m·s-1.

Pour un diamètre de 600 mm, l’annuité passera 1,09 fois l’annuité minimale mais la vitesse sera d’environ 2,1 m·s-1.

Si l'on estime que cette ressource sera, à terme, mobilisée tout au long de l'année, un calcul pour une utilisation sur 360 jours donnera les résultats graphiques suivants (voir figure 2).

Dans ce cas de figure, le diamètre économique se rapproche de 800 mm correspondant à une vitesse de l’ordre de 1,2 m·s-1. Avec les hypothèses prises, le coût total annuel est d’environ 20 % plus élevé par rapport à un diamètre de 700 mm et une utilisation de 160 jours par an.

Le deuxième exemple consiste en un transport d’eau potable sur une longueur de 5 700 m, à un débit de 40 m³/h, rugosité à terme estimée à 1 mm, avec une hauteur

Tableau 1 : Tableau de paramétrage (valeurs données à titre d’exemple)

Valeurs purement indicatives pour l'exemple

4 %Taux d’annuité en % (conduite)
5 %Taux d’annuité en % (pompe électromécanique)
30Nombre d’années d’amortissement (conduite)
10Nombre d’années d’amortissement (pompes)
14 000Longueur réseau (m)
3 200Nombre d'heures de fonctionnement des pompes par an
0,75Rendement global du pompage situé entre 60 et 85 %
20Hauteur géométrique de refoulement (m)
0,6Débit demandé (m³/s)
0,0015Rugosité Colebrook de la conduite (m) après plusieurs années de fonctionnement
0,08Coût du kWh fonction de l'abonnement

Géométrique à vaincre de 158 m durant 7 heures par jour et ce pour 365 jours.

Le diamètre économique est d’environ 110 mm - 120 mm pour une vitesse d’environ 1,1 m/s (voir figure 3).

Le graphique montre qu’un diamètre nominal (DN) de 125 mm conviendrait pour cette application.

Dans ce cas de figure, avec un tuyau de même nature, de faible rugosité (0,05 mm) et en estimant que celle-ci n’évoluera pas de façon importante au cours du temps, l’optimum se situerait à un diamètre d’environ 100 mm pour une vitesse de 1,4 m/s. De plus, le gain sur le coût total annuel serait d’environ 6 %.

Conclusions

Ces exemples montrent que le diamètre dit « économique » peut varier assez significativement en fonction des contraintes du projet, contraintes autres que le débit et la hauteur géométrique à vaincre.

En particulier sont à prendre en compte l’évolution possible de la rugosité (matériaux, qualité de l’eau), la forme de la demande et son évolution future, les contraintes associées au réseau (conception, classe de diamètre et choix des matériaux, rugosité, nature du terrain, dénivelé).

Par ailleurs, la visualisation simultanée des fonctions coût et dérivée du moyen permet de choisir un diamètre commercial voisin du diamètre économique calculé qui satisfasse globalement les diverses contraintes du projet par la prise en compte d'une vitesse de circulation adaptée aux impératifs techniques et qualitatifs.

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