Your browser does not support JavaScript!

L'essai d'infiltration couplé à un traçage non réactif : un outil pour évaluer le transfert des polluants dans la zone non saturée des sols

29 février 2012 Paru dans le N°349 à la page 38 ( mots)
Rédigé par : Jean-marie CôME, Sébastien KASKASSIAN, Juliette CHASTANET et 4 autres personnes

La zone non saturée du sol (ZNS) joue généralement un rôle important dans le devenir des polluants dans le milieu souterrain. Étant située en position centrale dans les échanges avec les autres compartiments de l'environnement (atmosphère, biosphère et eau souterraine), la ZNS est soumise à des conditions d'écoulement d'eau fortement transitoires. À l'échelle d'un déversement en surface au droit d'une unité industrielle, l'hétérogénéité des propriétés d'écoulement d'eau et de transport des polluants dans la ZNS se traduit généralement par une large disparité des temps d'arrivée et des concentrations des polluants au toit de la nappe. Dans ce contexte, le consortium CEA / BURGEAP / LTHE / EDF a mené un projet de recherche & développement co-financé par l'Agence Nationale de la Recherche : TRANSAT. Le guide issu de ce projet décrit des recommandations techniques et méthodologiques visant à préciser quand et comment prendre en compte la ZNS et avec quels outils de caractérisation et de modélisation en fonction du scenario de déversement. Parmi les techniques disponibles, une attention particulière a été portée sur l'essai d'infiltration gros diamètre couplé à un traçage en ZNS, seule méthode permettant de mesurer, à l'échelle de la zone de déversement du site, les temps et concentrations d'impact à la nappe en intégrant les hétérogénéités et les effets de rétention capillaire/dispersion dans la ZNS.

Dans le contexte d'un site industriel, répondre rapidement et avec précision aux questions quand, où et dans quelle proportion une pollution répandue accidentellement à la surface du sol atteindra la nappe représente un enjeu environnemental important (figure 1) et ce, pour tous types de polluants (métaux lourds, composés organiques, radioéléments). Les observations ponctuellement réalisées sur site à petite échelle (quelques cm³) montrent une très grande variabilité spatiale et temporelle des propriétés du milieu poreux et de la teneur en eau. En conditions non saturées,

[Photo : Problématique du projet TRANSAT : où, quand et avec quelle concentration le polluant, déversé en surface, atteindra-t-il la nappe ?]

Les paramètres du transfert et de l’écoulement des polluants (temps de séjour, rétention, étalement du panache) dépendent non linéairement de l’état hydrodynamique du système.

Or, dans les études d’impact et de vulnérabilité ou les évaluations des risques (sanitaires ou sur la ressource en eau), la ZNS n’est généralement prise en compte que moyennant des hypothèses simplificatrices fortes sur l’homogénéité des propriétés physiques et hydrodynamiques du sol (porosité, teneur en eau, conductivité hydraulique, dispersivité, structure), l’apport d’eau (généralement la moyenne annuelle de la pluie efficace) et le transport (transport unidirectionnel par convection, absence d’écoulement préférentiel). Du point de vue du transport réactif, les réactions de sorption à l’interface sol/eau sont souvent décrites par des modèles équilibre local de type Kd (coefficient de distribution sol/eau). Quant aux transferts vers la phase gazeuse ou la dégradation chimique/biologique, ils sont généralement négligés.

Dans ce contexte, le consortium CEA/BURGEAP/LTHE/EDF (coordonnateur : CEA) a proposé le projet de Recherche & Développement TRANSAT (TRAnsferts dans la zone Non SATurée) à l’ANR (Agence Nationale de la Recherche) dans le cadre du programme PRECODD 2005. L’objectif de ce projet est de développer des méthodologies permettant d’estimer les temps de transfert de polluants dissous et particulaires dans la ZNS et leur atténuation au toit de la nappe en termes de concentrations. Ceci résulte du retour d’expériences sur la base d’essais expérimentaux à différentes échelles (colonne, maquette, sites réels), de travaux de simulations numériques et du développement d’un outil de mesure (infiltromètre grand diamètre).

Méthodologie et démarche d’une étude en ZNS

Dans ce périmètre, un guide technique [1] a été élaboré à usage des sociétés d’ingénierie, des maîtres d’ouvrage (industriels, collectivités territoriales) et des administrations. Il propose des recommandations dans le choix des techniques de caractérisation (outils et méthodes) et d’interprétation des données (outils analytiques ou numériques) permettant de quantifier les mécanismes d’écoulement et de transport (réactif ou non) de polluants s’infiltrant à travers les sols de la ZNS lors d’un épisode de pollution ponctuel dans l’espace. Il comprend une description de différentes méthodes d’investigation (description technique, coûts, temps et compétences nécessaires) et d’exemples d’application, une typologie des modèles physiques pertinents pour les transferts en ZNS et des outils de calcul numériques associés.

La démarche générale d’une étude du transfert de polluants dans la ZNS suite au déversement d’eau polluée en surface peut se décomposer en différentes étapes :

1. schématisation initiale de la ZNS et de la zone saturée : géologie locale, présence de litages, ordre de grandeur de la conductivité hydraulique, profondeur de la nappe… Dans certains cas, une étape préalable de reconnaissance géophysique peut être nécessaire.

2. définition du scénario type du déversement à prendre en compte : déversement accidentel ou chronique, volume infiltré, pluviométrie, typologie des polluants (polluants organiques dissous ou sorbés sur des particules, métaux et métalloïdes dissous, sorbés sur des particules ou sous forme solide).

3. définition du régime d’écoulement et des mécanismes de transport. Le régime d’écoulement dépendra non seulement des caractéristiques des terrains (porosité, conductivité hydraulique ou courbes caractéristiques de l’écoulement : succion capillaire en fonction de la teneur volumique en eau, h(Θ), et conductivité hydraulique en fonction de la teneur volumique en eau, K(Θ)) mais également des conditions du déversement (charge ou débit imposé, volume infiltré, superficie et durée d’infiltration). Les mécanismes de transport dépendent des polluants, leur schématisation étant fonction des temps caractéristiques de ces mécanismes par rapport au temps de transit de l’eau dans la ZNS.

4. caractérisation des transferts (écoulement avec ou sans mécanisme de transport) : sélection et mise en œuvre de méthodes adaptées sur site et/ou au laboratoire.

5. lorsque l’étape précédente ne permet pas de répondre entièrement à la question posée (quand et avec quelle concentration ?) ou lorsque d’autres conditions de déversement doivent être testées, l’étape d’interprétation et de modélisation des transferts devient nécessaire : sélection puis mise en œuvre de logiciels de simulation.

Outils de caractérisation des transferts

La figure 2 et le tableau 1 sont des outils d’aide à la décision pour choisir une méthode de caractérisation des paramètres d’écoulement (et de transport pour certaines) dans la ZNS. Pour guider ces choix, différents critères ont été définis. Ils tiennent compte à la fois du type d’écoulement dans la ZNS (gravitaire ou capillaire), de la présence d’hétérogénéités des terrains, des effets d’échelles d’observation et de mesure des paramètres ainsi que des mécanismes du transport de masse (dispersion), de la réactivité chimique ou biologique des polluants (dégradation chimique, géochimique et/ou biologique) et des échanges entre phases (adsorption/désorption avec la matrice sol, volatilisation de

[Photo : Figure 2 : Logigramme de sélection des méthodes de caractérisation des principaux paramètres en fonction du régime d’écoulement.]

Au stade de l’étape de schématisation, la définition du régime d’écoulement se base sur la connaissance, parfois parcellaire, des caractéristiques suivantes :

  • la conductivité hydraulique, Ks, des terrains de surface. Ce critère définit la capacité des terrains à laisser l’eau s’infiltrer : typiquement, pour Ks < 10⁻⁶ m/s le régime d’écoulement est principalement capillaire alors que pour Ks > 10⁻⁶ m/s, il est généralement gravitaire ;
  • la vitesse (ou l’intensité) d’infiltration (vitesse au sens de Darcy), qi, qu’il convient de comparer avec la valeur de Ks, qui constitue la vitesse maximale d’infiltration. En première approximation (moyenne temporelle), ce critère peut être calculé à l’aide des caractéristiques du déversement identifié : Vi / Ti / Si, où Vi, Ti et Si sont respectivement le volume, la durée et la superficie d’infiltration en surface lors du déversement ;
  • le volume d’infiltration, Vi, qu’il convient de comparer au volume de pores des terrains de la ZNS situé au droit de la superficie d’infiltration, Vz, dont une première approximation est donnée par : θr × St × εt × Sz, où εt et St sont respectivement l’épaisseur de la ZNS et la porosité totale des terrains.

Ces définitions sont des approximations et les valeurs seuils de Ks sont des ordres de grandeur caractéristiques [2]. La géométrie du volume poral concerné par l’infiltration, par exemple, dépend très fortement du régime d’écoulement : en conditions saturées et en régime d’écoulement gravitaire, le volume d’infiltration peut s’apparenter à un cylindre ; en régime capillaire, en revanche, le « bulbe » d’infiltration aura tendance à s’étendre latéralement.

Compte tenu de ces critères et des méthodes testées dans TRANSAT, nous préconisons en priorité :

  • la fiche n° 5 pour la mesure in situ de la vitesse d’infiltration ainsi que du temps et de la concentration d’arrivée du traceur (non réactif) dans la nappe. Notons que c’est l’outil permettant de simuler expérimentalement les conditions réelles d’un déversement à l’échelle du site ;
  • la fiche n° 4 pour la mesure au laboratoire des courbes caractéristiques h(θ) et Ks(θ) et également de tous les mécanismes de transport souhaités (traçages réactifs). Bien que présentant certaines limites, notons que la fiche n° 2 est la seule méthode non destructive permettant l’acquisition des courbes h(θ) et Ks(θ) par des essais d’infiltration sur site.

Tableau 1 : Critères de choix des différentes méthodes de caractérisation mises en œuvre dans le cadre du projet TRANSAT

  • Fiche 1a : Valorisation des courbes granulométriques
  • Fiche 1b : Lois Ks / Kh – BDD
  • Fiche 1c : Colonne de laboratoire – condition saturée
  • Fiche 2 : BEST-Beerkan (in situ + laboratoire)
  • Fiche 3 : Colonne de laboratoire – condition non saturée
  • Fiche 4 : Filtre à grand diamètre avec traçage
  • Fiche 5 : Infiltromètre grand diamètre avec traçage

In situ ou laboratoire :

  • – Fiches 1a, 1b, 1c, 3, 4 : laboratoire
  • – Fiche 2 : in situ + laboratoire
  • – Fiche 5 : in situ

Coût global :

faible (1a, 1b) ; moyen (1c, 2, 3) ; élevé (4, 5)

Durée de mise en œuvre :

rapide (1a) ; moyenne (1b, 2) ; longue (1c, 3, 4, 5)

Simplicité de mise en œuvre :

simple (1a, 1b, 3) ; moyenne (1c, 2, 5) ; complexe (4)

Échelle spatiale :

dm³ (1a, 1b, 1c, 2, 4) ; cm³/dm³ (3) ; m³ (5)

Paramètres accessibles :

  • – αi : mesuré (1c)
  • – Ks : interprété (1a), BDD (1b), interprété/BDD (2), interprété (3), mesuré (4, 5)
  • – Ratio Ks / Kh : mesuré (4)
  • – Courbes Ks(θ) – h(θ) : interprété/BDD (2), interprété (3), mesuré (4)
  • – Granulométrie : mesuré (1a, 1b, 1c, 2)
  • – Porosité totale : mesuré (1a, 1b, 1c, 2, 3), (mesuré) (4)
  • – Adsorption : (mesuré) (1a, 1b), mesuré (1c), (mesuré / interprété) (2, 3), (mesuré / interprété**) (4, 5)
  • – Dispersion : mesuré (4)
  • – Autres mécanismes : (mesuré / interprété) (2, 3), (mesuré / interprété**) (4, 5)
  • – Temps et concentration : mesuré (5)

Interprété : grandeur estimée (lois empiriques) ou interprétée (exploitation analytique ou ajustement d’un modèle).

BDD : grandeur issue d’une base de données.

Mesuré : grandeur ou effet mesuré.

(entre parenthèses) : grandeur ou effet mesuré ou interprété en option (non nécessaire pour la méthode).

FPT : Fonction de pédotransfert.

* interprétation analytique pour Ks < 10⁻⁶ m/s ou recours à la modélisation.

** sous réserve de l’autorisation d’injection in situ d’un traceur réactif ou particulier.

Tableau 2 : Fiche n° 1a : Ksat (m/s) estimée selon différentes lois empiriques

Beyer Hazen Terzaghi Kozeny Kruger NAVFAC Chapuis
Validité : 0,06 < d10 < 0,6 mm ; 1 < U < 20 Sable grossier Sable moyen U > 5 Sable et gravier
2,258 < 2,50 m : 2,5 10³ 1,9 10⁵ 15 10⁴ 7,6 10³ 2,9 10⁴ 4,0 10⁴
6,25 < 6,50 m : Maille B4 2,4 10⁴ 7,3 10² 7,7 10⁴ 9,0 10⁴ 7,9 10⁴

caractérisation, se posent des questions quant à la quantité et la répartition des données à mesurer dans l’espace 3D, la qualité ou la représentativité de la méthode de caractérisation vis-à-vis des terrains du site, des polluants d'intérêt et des conditions d’écoulement du scénario retenu. Selon les moyens investis, les outils et méthodes mis en œuvre permettront de rendre compte plus ou moins finement de l’hétérogénéité des propriétés du sol sur le site dans le plan (xy) et selon la profondeur (z).

Fiche n° 1 : valorisation des courbes granulométriques

Cette méthode consiste en la mesure de la courbe granulométrique des terrains et en son interprétation pour estimer soit une valeur de conductivité hydraulique (Ksat) soit les courbes caractéristiques h(θ) et K(θ) avec le détail suivant :

  • • Fiche n° 1a : estimation de Ksat à l'aide de lois empiriques [3] en fonction de leur plage de validité (tableau 2) ;
  • • Fiche n° 1b : estimation de Ksat sur la base d'une classification texturale et à partir de bases de données (mesures ou gamme de mesures), dont on ne connaît que rarement les sources ;
  • • Fiche n° 1c : estimation des courbes h(θ) et K(θ), soit sur la base d'une classification texturale et de bases de données, soit sur la base de Fonctions de Pédo-Transfert : Grizzly [4], Unsoda [5] et Hypres [6].

La plupart des méthodes disponibles valorise la fraction fine des sols (d < 2 mm) et peu sont applicables aux terrains plus grossiers. Ces lois nécessitent parfois la mesure d'autres paramètres (porosité totale, teneur en matières organiques) et sont représentatives de l’échelle de l’échantillon.

Fiche n° 2 : méthode BEST-Beerkan

Cette méthode repose sur la mesure de la densité apparente et de la courbe granulométrique de la fraction fine des terrains (d < 2 mm) ainsi que d’un essai d’infiltration axisymétrique à charge nulle à l'aide d'un simple anneau de diamètre décimétrique. L'essai d'infiltration permet de mesurer l'évolution de la vitesse d’infiltration et du volume d’eau cumulé jusqu'à l’obtention d’un régime permanent. Une mesure de la teneur volumique en eau initiale et finale sous l'anneau est également nécessaire. L'interprétation analytique des données [7] permet d’estimer les paramètres des courbes h(θ) et K(θ) à l’échelle de quelques cm³ de sol sous l’anneau.

[Photo : Figure 3 : Fiche n° 2 : courbes h(θ) et K(θ) estimées par la méthode BEST-Beerkan.]

Fiche n° 3 : essais en colonne de laboratoire en conditions saturées

Cette méthode consiste en la mesure des paramètres d’écoulement (porosité, conductivité hydraulique) et de transport en conditions saturées (tableau 3) en réalisant des essais de percolation [8] : injection d'eau à différents débits et suivi de la perte de charge (mesure de Ksat), injection de traceurs réactifs et calage d'un modèle pour le transport réactif. Les colonnes sont de préférence constituées d’échantillons non remaniés (prélèvements par carottage sous gaine par exemple). Les paramètres sont mesurés à l’échelle de la colonne. La dispersion des polluants mesurée à cette échelle n'est généralement pas représentative de celle identifiée à l’échelle du site.

Tableau 3 : Fiche n° 3 : mesure au laboratoire de certains paramètres en conditions saturées (carotte non remaniée)

Paramètres des terrains Masse volumique des terrains secs (g/cm³) Masse volumique des solides (g/cm³) Perméabilité à l’eau (mD) Teneur en carbone organique (%) Porosité totale (%) Conductivité hydraulique verticale à 15 °C (m/s)
P4T1 2,0 à 2,25 m 1,86 2,69 1,04 10⁴ 0,036 31 8,8 10⁴
P4T1 6,0 à 6,25 m 2,04 2,69 3,85 10³ 0,25 24 3,3 10³

(teneur en matières organiques à minima)

Fiche n° 4 : essais en colonne de laboratoire en conditions non saturées

Cette méthode consiste en la mesure des courbes h(θ) et K(θ) (injection d’eau à différents débits, suivi des teneurs en eau et des succions capillaires) et des paramètres…

de transport (injection de traceurs réactifs et calage d'un modèle pour l'adsorption, la volatilisation et/ou les réactions) sur des colonnes de laboratoire par la réalisation d'essais de percolation en conditions non saturées (figure 4). Lorsque nécessaire, cette méthode permet d’acquérir les courbes h(θ) en drainage et en imbibition.

[Photo : Figure 4 : mesure en colonne de laboratoire des propriétés d’écoulement et de transport en conditions non saturées (sol remanié).]

Le besoin plus lourd en instrumentation implique souvent la mise en œuvre d’échantillons remaniés. Les paramètres sont mesurés à l'échelle de la colonne. La dispersion des polluants mesurée à cette échelle n'est généralement pas représentative de celle identifiée à l’échelle du site.

Fiche n°5 : infiltromètre simple anneau grand diamètre avec traçage ZNS+ZS.

Cette méthode repose sur la réalisation d'un essai d'infiltration à l’aide d’un simple anneau de diamètre métrique avec une charge imposée couplée à l’injection d’un traceur, a priori non réactif, avec le suivi de la réponse de la charge hydraulique et des concentrations du traceur dans un (ou plusieurs) piézomètre(s) (figure 5, deux traceurs peuvent être utilisés, un pour mesurer la fonction de disparition dans l’anneau, l’autre pour mesurer la fonction de restitution dans la nappe). Cette méthode permet de mesurer sur site l’évolution des vitesses d'infiltration jusqu’à l’obtention d’un régime permanent ainsi que le temps et la concentration d’impact (du traceur) dans la nappe.

[Photo : Figure 5 : principe de l'essai d’infiltration avec traçage et mise en œuvre sur site.]

L'exploitation analytique de l’essai de traçage consiste en la déconvolution de la courbe de restitution du traceur dans le piézomètre par la fonction d’entrée du traceur. Ce type d’essai ne permet généralement pas d’estimer analytiquement K__. Au besoin, cette interprétation peut être réalisée par ajustement d’une simulation sur la courbe d’infiltration. Par contre, cette méthode est la seule permettant d’accéder à la fonction de transfert de la ZNS (temps et concentration d’impact à la nappe) sous les conditions d’un essai in situ et à l’échelle métrique de la problématique en intégrant les effets d’hétérogénéité du site, de capillarité et de dispersion.

Outils de modélisation

Dans le contexte de la simulation d’un déversement, l’outil de modélisation doit intégrer a minima les fonctionnalités d’écoulement en milieu non saturé, de

[Photo : Description de la zone d’essai en plan (à gauche) et en coupe (à droite).]

Le transport dispersif et d’adsorption (à l’équilibre). Le guide technique TRANSAT propose un logigramme pour aider à la sélection de l’outil de modélisation approprié au scénario ainsi que des recommandations pratiques pour la réalisation de la modélisation des transferts en ZNS. Même si une première estimation des transferts peut être réalisée à l'aide de solutions analytiques (via une schématisation 1D en conditions saturées le plus souvent), une modélisation plus représentative requiert le plus souvent la mise en œuvre de codes numériques. La modélisation peut servir différents objectifs :

• pour dimensionner l’essai d'infiltration (fiche n° 5) préalable à sa mise en œuvre,

• pour interpréter (ajustement) l’essai d’infiltration avec traçage (fiche n° 5) ou l’essai de transport réactif réalisé au laboratoire (fiche n° 4),

• pour appréhender différents scénarios de pollution (avec transport réactif) et leur impact au niveau des cibles par le biais de simulations prospectives et d'une étude de sensibilité.

Exemple de mise en œuvre de l’essai d’infiltration couplé à un traçage

Le site industriel de démonstration a été le lieu de la mise en œuvre des différentes méthodes de caractérisation. L'anneau d'infiltration (80 cm de diamètre) a été implanté au fond d’une fouille (1,10 m de profondeur par rapport à la surface naturelle du sol) au centre d'un réseau de 4 piézomètres (figure 6) au droit de terrains de type sables limoneux en surface. Les terrains présents en zone non saturée présentent un litage naturel et on note la présence d'une passée argileuse entre 3,60 et 5 m de profondeur au droit des ouvrages. Cette passée argileuse n'a cependant pas été rencontrée dans la partie sud de la zone d’essai (fosses en escalier).

L'essai d’infiltration a été réalisé en maintenant une charge d’eau de 20 cm pendant toute la durée de l’essai (sauf pannes, figure 7). Pendant les 5 premières heures, le débit d'infiltration est constant de l’ordre de 7 L/min (hormis les premières minutes), ensuite, il augmente jusqu’à environ t = 20 h pour atteindre une valeur stabilisée entre 12 et 17 L/min jusqu’à t = 60 h (avant la première panne). Pendant cette période, la charge dans PzD1 augmente, jusqu’à ce que les incidents d’infiltration induisent des variations de charge. L'augmentation conjointe du débit d’infiltration et de la charge en nappe semble indiquer que l'infiltration d’eau en surface génère un dôme piézométrique dans la nappe au droit de l'infiltromètre.

L'interprétation de la courbe d’infiltration pendant les 5 premières heures et la mesure des teneurs en eau avant et après l’essai permettent de déterminer les paramètres d'infiltration en régime permanent :

[Photo : Suivi du débit d'infiltration dans l'infiltromètre (à gauche) et de la charge dans la nappe au droit de PzD1 (à droite).]
[Photo : Figure 8 : Courbes d’injection du traceur n° 2 dans l’infiltromètre (à gauche) et de restitution dans les piézomètres (à droite).]

q_w = 0,24 mm/s et S_1 = 0,66 mm/s^1/2, où S_1 est le paramètre de sorption capillaire [9].

Le traceur n° 2 a été injecté dans l’infiltromètre pendant les trois premières heures de l’essai selon une courbe en forme de créneau. La restitution du traceur dans les piézomètres montre un impact plus prononcé en PzD1 avec un temps d’apparition de l’ordre de 19 heures pour une concentration maximale d’environ 12 % de la concentration d’injection.

Le fait que le piézomètre le plus au sud soit plus largement impacté peut s’expliquer par l’absence de la passée argileuse dans la partie sud de la zone. La déconvolution de la courbe de restitution du traceur en PzD1 par la fonction d’entrée dans l’infiltromètre permet d’estimer les paramètres moyens du transport dans la ZNS (en négligeant le transport dans la nappe du fait de la création d’un dôme piézométrique) : vitesse de filtration = 0,25 m/h, dispersion longitudinale = 0,2 m.

Les différentes méthodes présentées précédemment ont été mises en œuvre afin de déterminer les paramètres relatifs à l’écoulement pour chaque horizon d’intérêt présent au droit de l’infiltromètre. Le tableau 4 synthétise ces données qui, couplées aux observations de terrain (géométrie de la passée argileuse), induisent la schématisation suivante : distribution hétérogène des conductivités hydrauliques (K_h) dans le modèle numérique (pour rendre compte des hétérogénéités de la ZNS et de la discontinuité de la couche d’argile notamment) et recours à une couche superficielle (0 à 0,5 m) afin de simuler au mieux la condition d’infiltration en surface.

Tableau 4 : Paramètres d’écoulement mesurés (et méthode d’acquisition) sur la zone d’essai

Sables & graviers (de 11 à 4,2 m) Passée argileuse (de 4,2 à 5 m) Sables & sables limoneux (de 5 à 8,8 m)
Perméabilité horizontale K_h (m/s) – essais de pompage : 3 × 10^-4 8 × 10^-4 1,5 × 10^-4
Perméabilité verticale K_v (m/s) – fiches 2, 3 et 5 / fiche 3 / fiche 3 : 5 × 10^-6 à 1,6 × 10^-6 5 × 10^-5 à 4 × 10^-5 4 × 10^-5 à 3 × 10^-5
Porosité (–) – fiche 3 : 0,23 à 0,45 0,24 à 0,50 0,20 à 0,47

Paramètre de van Genuchten h_g (m) – fiches 2 et 4 : 0,09 à 0,80

Paramètre de van Genuchten n (–) – fiches 2 et 4 : 2,4 à 3,3

Le modèle numérique ainsi construit permet de rendre compte des impacts de l’essai dans la nappe, à la fois en termes d’augmentation de charge hydraulique, de temps d’arrivée et de concentration de passage du traceur dans les différents piézomètres. Le modèle permet également de visualiser la progression du traceur et du bulbe d’infiltration au cours du temps dans la ZNS et l’impact, dans le volume 3D de l’aquifère, de l’essai d’infiltration.

Le travail de modélisation a également permis d’identifier les paramètres les plus sen—

[Photo : Figure 9 : Ajustement du modèle numérique : charge hydraulique (à gauche) et restitution du traceur dans les piézomètres (à droite).]
[Photo : Concentrations en traceur (µg/L, dégradé continu de couleurs) et saturations en eau (lignes de couleurs) simulées lors de l’essai après 5 heures (en haut) et 19 heures (en bas) d'infiltration – vue en coupe.]

visibles dans les conditions particulières de l’essai (régime gravitaire, teneurs volumiques en eau en ZNS élevées sous l’infiltromètre) : conductivité hydraulique de la couche superficielle de la ZNS et des horizons situés sous le niveau de la nappe, position de la discontinuité de la passée argileuse, porosité totale et cinématique des sols de ZNS. Une fois ajusté, le modèle numérique permet d’estimer l’impact, par le biais de simulations prédictives, de différents scénarios de déversement (sol sec, charge quasi nulle) et de pollution (polluant dissous réactif ou particulaire).

Conclusions

Compte tenu de sa position centrale dans les échanges avec les autres compartiments de l’environnement et des hétérogénéités spatiales et des variations temporelles la caractérisant, la zone non saturée des sols joue un rôle majeur dans la compréhension du transfert des polluants depuis la surface du sol jusqu’au toit de la nappe d'eau souterraine. Le devenir des polluants dans la ZNS dépend à la fois des propriétés intrinsèques d’écoulement et de transport mais également du scénario de pollution envisagé.

C’est dans ce contexte que le guide TRANSAT propose des recommandations pour la sélection des méthodes de mesure et de modélisation adaptées à différentes situations. À ce titre, l’essai d’infiltration en gros diamètre (proche de 1 m) couplé à un traçage est, à ce jour, la seule méthode permettant de répondre expérimentalement et à l’échelle d’un déversement localisé sur un site à la question « quand et à quelle concentration le polluant atteindra la nappe ? », tout en intégrant les hétérogénéités de teneurs en eau et de lithologie ainsi que les effets de rétention capillaire et dispersion propres à la ZNS.

Remerciements

Les auteurs remercient le programme PRECODD de l’Agence Nationale de la Recherche pour le cofinancement accordé au projet TRANSAT (partenariat CEA/BURGEAP/LTHE/EDF).

[Encart : Références bibliographiques [1] Kassakissian S., Gaudet J.P., Chastanet I., Decung F., Ayoglu-Jaramillo R., Szendnet S., Come J.M., Getto D., Barthe S., Krimissa M., 2009. Projet ANR PRECODD / TRANSAT 2005-2009. Évaluation des temps de transfert, dans la zone non saturée des sols, de contaminants dissous ou particulaires, guide technique, 105 pages. http://www.burgeap.fr [2] Musy A., Soutter M., 1991. Physique du sol. Lausanne : Presses Polytechniques et Universitaires Romandes, 335 p. [3] Kovacs G., 1981. Development in water science. Elsevier. [4] Heurterank R.C., Zammit F., Bouraoui K., Régali L., Arue N., Heikmann N., 1998. GRIZZLY. Grenoble Catalogue of Soils : survey of soil field data and hydraulic conductivity functions. LTHE, Grenoble, France. [5] http://ars.usda.gov/Services/docs.htm?80589 [6] Wösten J.H.M., Lilly A., Nemes A., Le Bas C., 1998. Using existing soil data to derive hydraulic parameters for simulation models in environmental studies and in land-use planning. Final report on the European Union funded project. DLO Winand Staring Centre, Report 156, 100 p.; 15 fig.; 11 tables; 32 réf. [7] Lassabatère L., Angulo-Jaramillo J.M., Soria Ugalde R., Cueto B., Braud I., Haverkamp R., 2006. Beerkan estimation of soil transfer parameters through infiltration experiments : BEST. Soil Science Society of America Journal 70 : 512-523. [8] AFNOR, XP CEN ISO/TS 17892-11 du 01-08-2005. Reconnaissance et essais géotechniques : essais de sol au laboratoire – Partie 5 : essai à l’odomètre sur sol saturé. [9] Angulo-Jaramillo R., Vandervaere J.P., Roulier S., Thony J.L., Gaudet J.P., Vauclin M., 2000. Field measurement of soil hydraulic properties by disc and ring infiltrometers. A review and recent developments. Soil and Tillage Research 55 : 1-29. [10] van Genuchten M.Th., 1980. A closed-form equation for predicting the hydraulic conductivity of unsaturated soils. Soil Science Society of America Journal 44 : 892-898.]
Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements