L’analyse en continu du Carbone Organique Total est de plus en plus fréquente. Le COT permet de mesurer la teneur en matières organiques carbonées d'un échantillon.
Il s’agit d’un paramètre global, excellent indice de pollution.
La mesure, contrairement à certains paramètres similaires comme la Demande Chimique en Oxygène (DCO) est fiable, simple, rapide et nécessite une maintenance très raisonnable.
Les applications sont nombreuses étant donné l’intérêt d’une telle mesure : eaux potables, eaux de surface, eaux usées urbaines, eaux usées industrielles ou eaux pluviales.
La problématique principale provient de l’échantillonnage et plus particulièrement des matières en suspension (MES). 90 % des analyseurs automatiques ne peuvent mécaniquement fonctionner que sur un échantillon filtré. La mesure ne tient pas compte des matières en suspension. L’analyseur ne mesure plus le COT mais le COD, Carbone Organique Dissous. Or, ce sont les matières en suspension qui, dans un échantillon, génèrent la part la plus importante de matières organiques : jusqu’à 85 %.
Dans un second temps, et dans le cas où l’analyseur fonctionne sur un échantillon brut non filtré, l’oxydation des MES est parfois délicate, voire impossible par les technologies utilisées aujourd’hui sur les analyseurs automatiques. Pour preuve, les essais réalisés sur site sur la station de Valenton (94) où l’on vérifie bien l’excellente corrélation du COT automatique par rapport au COT Labo (graphe 1) mais néanmoins un écart équivalent ou presque à la quantité de MES dans l’échantillon (graphe 2).
L’objectif est pourtant de remplacer la mesure du COT en laboratoire ou de la corréler à la mesure de DCO. Or, ces deux tech-
[Photo : Graphe 1 : Mesure du COT]
[Photo : Graphe 2 : Mesure des MES et différence COT labo – COT Hydro]
[Photo : Analyseur de Carbone Organique Total COT 9010]
Nous avons donc mis au point sur notre analyseur automatique un sonificateur qui présente la propriété de désintégrer les cellules et de disperser les MES. Ce système, installé en amont de l’oxydation, permet la décomposition rapide des MES et ainsi une mesure totale du COT.
Les résultats sont présentés ci-après.
Principe de la mesure automatique du COT intégrant le traitement par sonification
Ligne opératoire générale
Il existe plusieurs techniques permettant de mesurer le COT :
La technologie que nous avons choisie consiste à mesurer le CO₂ résultant de l’oxydation au persulfate sous ultraviolet par une électrode spécifique.
Échantillonnage
L’échantillonnage est réalisé grâce à des doseurs volumétriques en plexiglas. Ces doseurs, sans aucune articulation, sont précis en volume et, de par leur large section, peuvent prélever les MES. L’échantillonnage est donc réalisé sans aucune filtration, ce qui est impératif pour ces essais.
Stripping
À l’arrivée sur l’analyseur, l’échantillon contient des matières organiques dissoutes et particulaires ainsi que des matières carbonées minérales et des carbonates.
Afin de ne doser que le carbone organique, le carbone minéral est préalablement éliminé par un dégazage sous acide (stripping).
Désintégration des MES par ultrasons
La sonification est réalisée pendant la phase précédente (stripping). Ceci permet de ne pas modifier la durée du cycle de mesure.
Les ultrasons sont des vibrations acoustiques dont la fréquence se situe entre 18 et 50 kHz. Ils engendrent dans un volume très restreint des différences extrêmes de pression qui provoquent des processus de mélange et de désintégration : c’est l’effet de cavitation.
Dans notre cas, l’application consiste à désintégrer les cellules ou à casser les matières en suspension afin de faciliter ensuite le rendement d’oxydation.
Oxydation
L’oxydation est réalisée au persulfate de sodium sous catalyseur ultraviolet. Cette technologie permet de travailler sur des échantillons de volume important (150 ml), donc représentatifs. Son avantage principal réside cependant à nouveau dans sa capa-
Tableau 1 : Caractéristiques du sonificateur
• puissance de sonification : ~200 W |
• fréquence de sonification : 25 kHz |
• volume de l’échantillon traité : 150 ml |
• durée de sonification : 4 minutes |
• profondeur d’immersion : 45 mm |
• emplacement du sonificateur : dans la cellule de stripping avant l’oxydation |
cité accepter les MES, en opposition aux fours dont l’action porte sur des microvolumes nécessitant impérativement une filtration. Lors de cette étape, les matières organiques sont transformées en CO₂.
■ Mesure
La mesure est réalisée par une électrode spécifique à diffusion gazeuse suivant le principe de l’ajout dosé. L’électrode est préférée à l’infrarouge qui nécessite de débarrasser le gaz de toute trace de liquide afin d’éviter les interférences.
Essais métrologiques et conditions expérimentales
Les essais ont été réalisés sur quatre échantillons différents : échantillon de phtalate, solution de levures dissoutes, eau de Seine et eau usée en provenance d’une station d’épuration. Tous les essais ont été réalisés sur le même analyseur, et ceci en fonctionnement continu.
Dans tous les cas, l’échantillon est homogénéisé par agitation et, pour chaque type d’échantillon, une série de mesures est réalisée sans sonification puis avec sonification. L’analyseur est branché directement sur les échantillons sans filtration ni pré-traitement. Tous les essais sont effectués à température ambiante.
Échantillon 1 : échantillon de phtalate à 10 mg/l en carbone.
L’échantillon est préparé à partir d’une solution à 21,273 mg/l en hydrogénophtalate de potassium (C₈H₅KO₄), représentant 10 mg/l en carbone. L’échantillon est agité en permanence.
Échantillon de phtalate
N° d’échantillon |
sans sonification (mg/l) |
avec sonification (mg/l) |
1 | 10,0 | 10,4 |
2 | 10,4 | 10,0 |
3 | 10,4 | 10,0 |
4 | 10,2 | 10,4 |
5 | 10,4 | 10,2 |
6 | 10,4 | 10,2 |
7 | 10,0 | 10,4 |
8 | 10,4 | 10,4 |
9 | 10,0 | 10,0 |
10 | 10,0 | 10,0 |
Moyenne : |
10,07 mg/l |
10,08 mg/l |
Interprétation
Le phtalate est un composé organique carbone entièrement dissous dans l’eau et dont le rendement d’oxydation est voisin de 100 % même sans sonification. Ce composé est utilisé pour calibrer l’analyseur.
La sonification n’améliore donc pas l’oxydation dans cette situation, ce qui est normal. Nous pouvons conclure que l’utilisation des ultrasons ne modifie pas la métrologie de l’appareil dans le cas où tout le COT est dissous.
Échantillon 2 : échantillon de levure.
L’échantillon est une solution de levures à 100 mg/l dont la teneur en carbone est inconnue.
Échantillon de levure
N° d’échantillon |
sans sonification (mg/l) |
avec sonification (mg/l) |
1 | 4,9 | 5,1 |
2 | 5,1 | 5,4 |
3 | 5,2 | 5,5 |
4 | 5,0 | 5,5 |
5 | 4,9 | 5,4 |
6 | 4,8 | 5,1 |
7 | 4,8 | 5,5 |
8 | 4,9 | 5,5 |
9 | 4,8 | 5,4 |
10 | 4,8 | 5,4 |
Moyenne : |
4,92 mg/l |
5,33 mg/l |
Interprétation
La sonification améliore légèrement le rendement d’oxydation sur la solution de levure : + 8 %.
Ceci est probablement dû à la désintégration plus rapide et plus complète des cellules.
Échantillon 3 : eau de Seine
Un échantillon de 10 litres est prélevé le 18/07/96 sur un des bras de la Seine près de Poissy (78 / Yvelines).
Échantillon d’eau de Seine
N° d’échantillon |
sans sonification (mg/l) |
avec sonification (mg/l) |
1 | 7,8 | 9,3 |
2 | 7,0 | 9,3 |
3 | 6,8 | 9,0 |
4 | 7,3 | 9,0 |
5 | 6,9 | 8,5 |
6 | 7,3 | 8,9 |
7 | 7,3 | 8,7 |
8 | 6,3 | 8,4 |
9 | 6,9 | 8,4 |
10 | 7,3 | 8,8 |
11 | 6,8 | 8,9 |
12 | 6,5 | 8,7 |
Moyenne : |
7,1 mg/l |
8,9 mg/l |
Interprétation
La sonification améliore l’oxydation de 25 % sur cet échantillon de rivière.
La forte dispersion des mesures pour chacun des essais provient probablement de la difficulté d’homogénéiser l’échantillon stocké dans un bidon de 10 l près de l’analyseur. L’agitation est effectuée par un agitateur magnétique.
Échantillon 4 : eau usée
Un échantillon d’eau usée est prélevé le 12/07/96 en entrée d’une station d’épuration de la région parisienne.
Échantillon d’eau usée
N° d’échantillon |
sans sonification (mg/l) |
avec sonification (mg/l) |
1 | 28,0 | 45,0 |
2 | 28,0 | 51,5 |
3 | 31,5 | 49,5 |
4 | 27,5 | 48,0 |
5 | 27,5 | 43,0 |
6 | 28,5 | 45,0 |
7 | 25,0 | 47,5 |
8 | 29,5 | 44,5 |
9 | 26,0 | 44,0 |
Moyenne : |
28 mg/l |
46,5 mg/l |
Interprétation
La sonification améliore, dans ce cas, de 66 % le rendement d’oxydation.
En comparant ces deux derniers essais, on peut conclure que les matières en suspension de l’échantillon d’eau de Seine sont moins oxydables que celles de l’échantillon d’eaux usées et que, par conséquent, l’efficacité des ultrasons dépend de la nature des matières en suspension.
[Photo : Analyseur de COT]
sion contiennent une partie importante de matières organiques.
Par ailleurs, cette matière organique, particulaire lorsqu’elle est échantillonnée (analyseurs capables de fonctionner sans filtration), n’est pas ou mal oxydée par les technologies classiques.
L'utilisation des ultrasons montre ici clairement l'amélioration du rendement d’oxydation.
Dans le cas de Valenton, et par simple transposition, l’augmentation du rendement d'oxydation grâce aux ultrasons (en fonction des MES) semble ainsi cohérente avec les différences enregistrées entre le COT laboratoire et le COT automatique.
Conclusion
L'utilisation des ultrasons permet d’améliorer nettement le rendement d’oxydation de cet analyseur automatique de COT.
La mesure devient alors très proche de la mesure laboratoire et tend même à s’y confondre.
L’opération est simple et n’augmente pas le temps du cycle de mesure, puisque la phase de sonification a été intégrée à la phase de stripping.
L’opération est réalisable sur ce COT grâce à sa conception lui permettant de travailler sur des échantillons non filtrés.
Les MES sont ainsi oxydées en totalité et l'analyseur mesure le carbone dissous et particulaire.
La transposition de ces résultats d’étude aux essais sur site à Valenton est cohérente.
On peut par ailleurs attendre des corrélations significatives avec la DCO dont une partie importante provient elle aussi des matières en suspension.
Le premier analyseur équipé du système de sonification a été installé sur la station de Valenton (SIAAP).
Des applications industrielles devraient suivre rapidement.
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