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Les tuyaux en polyester renforcés de fibres de verre (PRV) dans le domaine de l'eau. Ou en est-on en France ?

30 novembre 1993 Paru dans le N°168 à la page 66 ( mots)

Bien que fabriqués dans le monde entier depuis de nombreuses années, les canalisations en polyester renforcé de fibres de verre (PRV), jusque là objet d'un faible développement en France, augmentent leur part de marché dans l'hexagone : qu'ils soient produits par enroulement filamentaire ou par centrifugation de résine et de fibres de verre coupées, les tuyaux et raccords en PRV tendent on effet à occuper une place de plus en plus importante en adduction d'eau, dans l'industrie, les égouts et la rénovation, partout où l'on a besoin d'utiliser leurs propriétés d'anti-corrosion sous des pH bas, de tenue à de hautes températures et de débitances élevées. A noter en même temps que la toute nouvelle normalisation européenne ne peut que donner un élan supplémentaire à cette industrie du futur.

Les matériaux composites connaissent un développement spectaculaire dans bien des secteurs économiques et en particulier dans celui des travaux publics, notamment dans le domaine des amenées ou rejets d'eaux potables et usées ; leurs qualités propres leur ont permis de prendre le pas sur les matériaux traditionnels chaque fois que le poids, la résistance aux agents chimiques, la résistance à la fatigue ou l'esthétique représentaient des critères prépondérants. Cependant, leur part de marché en France est encore faible dans le bâtiment et les travaux publics bien que les tuyaux en polyester renforcé de fibres de verre (PRV), notamment, soient produits depuis de nombreuses années et connaissent un succès indiscutable en Europe (Allemagne, Angleterre, Suisse, Autriche, Italie, Belgique...) et dans le reste du monde (États-Unis, Japon, Australie...). Leur part de marché grandissante dans ces pays et leur développement rapide en France sont l'occasion de faire le point sur leurs caractéristiques et leur implantation.

Fabrication et matières premières

Deux grands types de fabrication des tuyaux en PRV sont actuellement couramment utilisés à travers le monde :

– l'un, le plus commun, est l'enroulement filamentaire discontinu ou continu. Le premier consiste à enrouler des filaments de verre continus sur un mandrin selon un ou plusieurs angles choisis en fonction des valeurs respectives des contraintes axiales et circonférentielles. Cet enroulement est réalisé par un mouvement de va-et-vient d'un chariot de guidage des fils de verre placé devant un mandrin en rotation.

[Photo : Figure 1]

…mentaire continu, c'est une succession de mandrins qui se déplacent axialement (ou bien le mandrin se reconstitue en continu). Les filaments de verre sont ici enroulés selon un angle proche de 90°, et la résistance axiale est obtenue par l'ajout de charges de fibres coupées afin d'obtenir une armature « croisillonnée », capable de résister aux contraintes d'utilisation. La polymérisation des tubes peut être réalisée par infrarouges et achevée éventuellement par traitement thermique en four ;

[Photo : Figure 2.]

● l'autre, le plus récent (le procédé Hobas par exemple), opère par centrifugation, ce qui, en jouant sur la vitesse circonférentielle et celle d'avancement linéaire du bras d'alimentation axial, permet également une orientation des fibres de verre, en optimisant ainsi l'effet d'armature, pour répondre tant aux sollicitations extérieures ovalisantes qu'aux effets de traction radiale d'une pression hydraulique interne. À cet effet, on répartit par couches successives, dans un moule cylindrique tournant les matériaux constituants : la résine, la fibre de verre et la charge minérale de silice. Pendant la première partie de la fabrication, la vitesse de rotation du moule est modérée, pour être ensuite considérablement accélérée jusqu'à produire une force centrifuge atteignant cinquante fois celle de la gravité, ce qui entraîne une remarquable compacité de l'ensemble, les matières étant densifiées et les gaz extraits. Après cette opération, une source de chaleur additionnelle à la naturelle exothermie accélère la polymérisation du polyester et conduit en quelques minutes à donner au produit une réticulation achevée de ses chaînes moléculaires.

[Photo : Figure 4.]

Les matières premières

Les matières premières sont de trois types : les résines, la fibre de verre, les charges.

Les résines

Les résines de polyester peuvent être choisies en fonction du fluide transporté, c'est-à-dire compte tenu de sa nature chimique, de son pH et de sa température : des résines chimiquement plus performantes les unes que les autres (famille des vinylester par exemple) sont utilisées, augmentant ainsi l'adéquation du produit à l'emploi et minimisant les coûts. Dans le cas de réseaux d'eau potable, la résine utilisée doit être inerte vis à vis de l'eau.

[Photo : Figure 3.]

La fibre de verre

En général, on utilise un verre de silicate de bore et d'aluminium appelé « Verre E » ou, plus rarement, un « Verre E-CR », dit « corrosion resistant », dont la section des fibres varie de 9 à 14 µm. Ces verres de haute qualité sont munis d'un revêtement dénommé ensimage, destiné à obtenir une adhérence optimale avec la résine et son maintien à long terme.

[Photo : Figure 5.]

Les charges

Le sable de quartz constitue la charge la plus courante ; il contribue à diminuer le coût du produit tout en augmentant le moment d'inertie de la paroi et donc la rigidité annulaire spécifique des tuyaux (structure sandwich, en …). On choisit un sable lavé, séché à haute température et de granulométrie maximale de 0,8 mm. D'autres charges telles que le carbonate de calcium réduit en poudre peuvent être utilisées.

Caractéristiques des tuyaux et raccords

Les tuyaux

Les tuyaux sont fabriqués couramment dans la gamme de diamètres s'étendant de DN 100 à DN 2500. Les pressions nominales s'échelonnent de PN 1 à PN 25 (tableau 1). Deux valeurs de rigidité annulaire spécifique sont utilisées de façon courante : 5000 N/m² et 10 000 N/m² (la rigidité, dont la définition et la détermination sont fixées par des normes ISO, CEN ou NF, résume l'aptitude du tuyau à résister à l'ovalisation). Pour des utilisations spéciales, à mise en œuvre contrôlée, la rigidité 2500 N/m² est envisageable, voire une rigidité de 1250 N/m² avec enrobage béton.

Tableau 1.

PNDN
PN 1DN 100 à 2500
PN 6DN 100 à 2500
PN 10DN 100 à 1600
PN 16DN 100 à 1200
PN 20DN 100 à 600
PN 25DN 100 à 500

Les raccords

Tous les types de raccords de tuyauterie sont aujourd'hui réalisés en PRV, qu'il s'agisse de coudes, branchements, cônes… (raccords de forme), ou de brides et collets (raccords de liaison). – (figures 1, 2 et 3). Leurs qualités mécaniques et chimiques

assurent la continuité avec les tubes en PRV.

Fabrication

Les raccords de grands diamètres (DN ≥ 1000) de type coudes et branchements sont réalisés avec des éléments de tubes assemblés par frettage.

[Photo : Figure 6.]

Pour les raccords de forme jusqu'au diamètre 1000, le procédé le plus couramment utilisé est l'enroulement de rubans de verre, technique qui donne une grande résistance aussi bien circonférentielle qu'axiale. En outre, cette méthode permet de produire des coudes de courbure constante, ce qui réduit considérablement les pertes de charge, ainsi que les risques de dépôt.

[Photo : Figure 7.]

Les pièces ainsi produites sont caractérisées par leur constitution monobloc, ce qui entraîne un effet très favorable, tant sur les caractéristiques mécaniques que sur la résistance à une éventuelle attaque chimique ou à un simple vieillissement grâce à la continuité du liner anticorrosion interne ou externe.

Les brides et collets sont, quant à eux, réalisés par moulage dans des moules de forme, avec des tissus de verre imprégnés de résine, puis par compression à l'aide d'un contre-moule. Les tissus ainsi disposés, remontant le long de la partie tubulaire d'une bride ou d'une tulipe, sont orientés dans les directions les plus favorables pour donner une résistance maximale : les filaments sont placés perpendiculairement aux forces de flexion/cisaillement au niveau du plateau, et dans le sens des forces de traction s'appliquant sur la partie tubulaire, ou au niveau de la jonction à un tube.

[Photo : Figure 8.]

Tous les raccords sont polymérisés à chaud comme les tubes, afin que soit assurée à cette opération une progression contrôlée au mieux et afin que le durcissement soit complet.

Matières premières

Les matières premières utilisées pour la fabrication de ces pièces sont, d'une part, des résines identiques à celles utilisées pour les tubes et, d'autre part, des produits à base de filaments de verre destinés à leur renforcement ; cependant, afin de tenir compte des conditions de travail plus difficiles des raccords et des dispositions plus complexes des contraintes existant en leur sein, il est fait usage de filaments de verre tissés en rubans ou tissus qui donnent une répartition plus équilibrée des résistances mécaniques. On n'utilise pas de sable, sauf dans le cas de raccords fabriqués par chaudronnerie plastique à partir de segments de tubes découpés aboutés par collage et renforcés de mat* de verre imprégné de résine. Des charges additionnelles peuvent être introduites pour améliorer certaines caractéristiques.

* Ce mot désigne, selon la définition de la norme NF T 57-200, un « produit constitué de filaments, de fibres discontinues, de fils de base coupés ou non, orientés ou non, maintenus ensemble sous forme d'une nappe ».

Jonctions

Selon le cas, le moulage sur des formes pré-établies ou l'usinage aisément réalisable sur ces matériaux permettent de s'adapter à la quasi-totalité des types de joints. Ainsi, les pièces peuvent se terminer par des emboîtures lisses, coniques ou non, pour collage, ou avec gorges pour l'installation d'un joint élastomère (avec ou sans bague de blocage). De même, les extrémités mâles peuvent être usinées coniquement ou cylindriquement pour introduction dans une tulipe ou un manchon, ou pour une utilisation avec jonction mécanique, ou elles peuvent encore être laissées à l'état brut pour un jointoiement par bandage frettant.

Le comportement des tuyaux fabriqués par le procédé Hobas

Les chiffres indiqués ci-après sont en général d'origine normative et concernent plus particulièrement les tuyaux fabriqués par centrifugation.

Rigidités annulaires spécifiques

Outre la résistance à la pression interne, lorsqu'il y a lieu, la grandeur dimensionnante d'un tube flexible enterré est sa rigidité annulaire spécifique RAS (tableau II) qui représente sa capacité à résister à l'ovalisation (tableau III) sous l'effet des charges dynamiques et statiques et qui est donnée par la formule :

RAS = EI / Dm³

avec : E : Module de fluage I : Moment d'inertie de la paroi du tube par rapport à son axe neutre = e³ / 12 e : Épaisseur structurante du tuyau Dm : Moyenne des diamètres extérieur et intérieur (tableau II).

Ovalisations admissibles

Les ovalisations admissibles sont données par le tableau III.

Les PRV présentent un comportement mécanique de type visco-élastique. Les principaux paramètres ou grandeurs physiques qui les caractérisent et nécessaires à leur conception doivent être mesurés et estimés à long terme (généralement 50 ans). Les calculs, dans le cas d'utilisation enterrée avec pression intérieure, doivent être effectués en tenant compte des effets combinés des charges extérieures et de la pression intérieure.

Résistances circonférentielles (allongement-contrainte)

Les allongements ou déformations minimum garantis (ε) sont de l'ordre de : 0,4 % pour des tubes sans pression et 0,5 % pour des tubes avec pression. La relation entre ε et la

Tableau II

RAS minimum (N/m²) initiale garantie :2500500010 000
RAS minimum (N/m²) garantie à long terme sans pression interne :100020004000
RAS minimum (N/m²) garantie à long terme avec pression interne :125025005000

Tableau III

Ovalisations – Classes de rigidité2500500010 000
Minimales admissibles sans rupture structurelle :25 %20 %15 %
Maximales autorisées in situ (calcul) :4 % à court terme, 6 % à 50 ans

La pression de rupture du tube est établie par la formule dite des « chaudronniers », qui peut s’écrire lorsque l’épaisseur e est faible devant le diamètre moyen dm :

Pr = 2 σt · e / dm
avec : Pr : pression de rupture
   σt : contrainte circonférentielle
   E : module de fluage

La pression minimale de rupture instantanée garantie est : Pri ≥ 4 PN

La pression minimale de rupture à long terme extrapolée à 50 ans est : P50 ≥ 2 PN

Propriétés physiques

Elles sont pour les principales caractérisées comme suit :

  • - Poids spécifique : 1,5 à 1,8 kg/m³
  • - Conductivité thermique : 0,35 kcal/m h °C
  • - Coefficient linéaire de dilatation thermique : 3 · 10-5 m/m °C
  • - Rugosité apparente (formule de Colebrook) : 0,01 mm
  • - Vitesse de l’onde de propagation du coup de bélier : 425 m/s

Utilisation

Les tuyaux Hobas et les raccords PRV sont utilisés dans les domaines suivants :

Adduction d’eau

Ils trouvent une utilisation naturelle dans les travaux d’adduction d’eau (figures 4 et 8) où leurs qualités de résistance à la corrosion, leurs diamètres intérieurs souvent plus grands que ceux d’autres matériaux à diamètre nominal égal, ainsi que leur coefficient de rugosité (le plus bas du marché des canalisations, ainsi que l’ont démontré des tests comparatifs effectués à l’Université de Darmstadt) présentent un avantage notable.

Le diamètre extérieur des tuyaux (DN 200 à 600) est le même que celui de la fonte, ce qui simplifie les opérations de gestion des stocks de pièces de raccord lorsqu’une intervention rapide est nécessaire. Leur insensibilité aux agents corrosifs les impose dans les sols agressifs où se combinent les attaques chimiques (acide humique en particulier) et les courants vagabonds en zone urbaine.

Industrie

Le choix chimique de résines polyester ou vinylester permet d’adapter l’offre aux contraintes techniques rencontrées dans les réseaux industriels. Certaines résines supportent par exemple des plages de pH de 0,2 à 14, sous des températures pouvant atteindre 90 °C en régime continu, sans pression, c’est-à-dire dans un domaine d’emploi interdit aux thermoplastiques courants (PVC, PEHD…). De nombreuses références ont été enregistrées dans les industries du papier et de l’agro-alimentaire notamment. Toute une gamme compatible de raccords PRV (coudes, tés, branchements) permet la réalisation de réseaux homogènes.

Assainissement

De même que pour les réseaux industriels, ils permettent de résoudre la plupart des problèmes des réseaux, publics ou privés, liés aux corrosions acides dues aux fermentations septiques ou à l’abrasion dans le cas de fortes pentes. Là encore, des regards de visite (figures 5 et 6) en DN 800, 1000 ou 1200 présentant les mêmes qualités anti-corrosives complètent la gamme.

Rénovation de canalisations d’eaux usées ou d’eau potable sous pression

Légèreté, longueur adaptable à la demande, résistance à la corrosion, résistances longitudinale et transversale élevées sont les qualités indispensables à la rénovation par tubage de réseaux dégradés. Le faible coefficient hydraulique du PRV (λ < 0,01 mm) permet, malgré la réduction de diamètre entraînée par le retubage, de conserver un débit satisfaisant par rapport à l’ancien, voire même supérieur.

Cas particuliers

La légèreté du tuyau (31 kg/m linéaire pour un DN 500, par exemple) permet de réaliser des poses difficiles : pose en élévation ou à grande profondeur, ou dans un sous-sol encombré de tuyauteries diverses, transport à la main ou par hélicoptère, pose en galerie sur consoles (figure 7) ou sur plots et pouvant nécessiter des dispositifs d’auto-verrouillage.

Références

Bien que l’utilisation des tuyaux PRV soit récente en France, de nombreuses références peuvent témoigner de son succès et de ses performances ; on citera à titre d’exemple :

  • • Assainissement EU à Joué-les-Tours (37) : DN 400, PN 1, SN 10 000 : 900 m (tuyaux et regards, couverture : 7,3 m)
  • • A.E.P. Tunnel sous la Manche (62) : DN 300, PN 10, SN 10 000 : 7000 m (alimentation en eau potable du terminal)
  • • Industrie chimique – Pose en galerie technique : DN 500, PN 6, SN 5000 : 900 m. Refoulement d’eaux d’incendie contaminées (figure 7)
  • • Papeterie Aussedat-Rey Saillat sur Vienne (87) : DN 200 à 700, PN 6, SN

5000 en résine vinylester : 1800 m, réseaux de procédés acide et basique.

Réhabilitation à Nîmes (30) : DN 600, PN 16, SN 10000 : 330 m (tubage d'une conduite en fonte DN 800 corrodée) (figure 8).

Normalisation française et européenne

Étant donné la faible implantation en France, jusqu'à ces derniers temps, des canalisations en PRV, la normalisation française, bien que notablement avancée, reste incomplète. Cependant, grâce aux normes ISO (International Standard Organisation) déjà très élaborées et dont certaines sont publiées sous le sigle NF-ISO, le CEN (Comité Européen de Normalisation) a pu, très rapidement, adapter à partir de cette base une normalisation européenne complète comprenant aussi bien des spécifications générales que des méthodes d'essai pour les établir. Un certain nombre de ces projets de normes ont déjà dépassé le stade de l'enquête publique, accédant ainsi au rang officiel de projet de norme européenne pr-EN dont la circulation pour avis est assurée dans la CEE et l'AELE. Les canalisations thermodurcissables en PRV vont ainsi pouvoir prétendre, grâce à cette couverture normative, au même degré de confiance de la part de l'usager que les autres matériaux, rattrapant par là le retard qu'avait pris la France en ce domaine. Notons qu'en France les canalisations en PRV peuvent être dimensionnées et mises en œuvre suivant la législation applicable aux marchés d'État, c'est-à-dire le nouveau Fascicule 70 pour l'assainissement gravitaire et le projet en cours de modification du Fascicule 71 pour les applications sous pression, eaux potables ou usées.

Conclusion

Comme dans tous les secteurs et en particulier celui du transport de l'eau potable et usée, les Polyesters Renforcés Verre vont inéluctablement se développer. Le tuyau Hobas en PRV apportera les qualités propres à ces matériaux : légèreté, facilité de mise en œuvre, résistance et pérennité, pour un prix compétitif, apportant ainsi sa contribution au progrès technique des métiers du cycle de l'eau.

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