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Les travaux immergés en site industriel et ouvrages d'épuration

30 avril 1996 Paru dans le N°191 à la page 29 ( mots)

Les techniques de la plongée industrielle offrent de nouvelles réponses aux problèmes d'expertise et de maintenance des équipements immergés. S'appliquant aux prises d'eau, aux canalisations, aux cuves et stations d'épuration, leur but est d'éviter l'indisponibilité de ces zones " sensibles ". Ainsi, elle permet aux exploitants de ces ouvrages d'éviter les rejets d'effluents en milieu naturel, et cela même en cas de graves dysfonctionnements.

Les scaphandriers ont traditionnellement un rôle de « sauvetage », mais leur rôle de prévention est souvent moins bien connu. Par exemple, en matière de ponts routiers et ferroviaires, la législation impose une visite quinquennale des ouvrages d’art par plongeurs afin de relever les dégradations et permettre à l’équipement et à la SNCF de planifier leur réparation.

En industrie aussi, pouvoir évaluer l’état des ouvrages et des équipements immergés est une nécessité pour assurer un approvisionnement constant en eau, prévoir et éviter les pollutions accidentelles et, d’une façon générale, assurer leur pérennité.

Du point de vue du maître d’œuvre, ce n’est ni plus ni moins qu’un moyen d’atteindre un objectif dans des conditions données. La technique utilisée peut être considérée comme un moyen de transport permettant de travailler en absence d’air respirable (cuves), et plus particulièrement dans l’eau ou d’autres fluides.

Plusieurs types d’installations peuvent exiger d’être contrôlés ou réparés « en eau ». On distingue principalement :

  • • les prises d’eau,
  • • les canalisations,
  • • les cuves de stockage de produits chimiques ou de gaz,
  • • les ouvrages d’épuration.

Conditions d’intervention

L’absence de visibilité est souvent perçue comme une limite, en réalité cela exige surtout une adaptation des méthodes de travail et une organisation particulière, c’est une spécialisation.

Quel que soit le degré de visibilité, l’un des facteurs primordiaux de la sécurité du scaphandrier est la prévention des risques liés à la contamination bactérienne ou chimique, d’où l’importance de leur identification et l’emploi d’équipements spécifiques.

La densité du fluide a une forte incidence quand elle se conjugue avec des profondeurs et des temps de plongée importants, elle est aussi à prendre en compte dans le lestage des hommes et du matériel.

Les prises d’eau

Quand l’eau est un facteur de production industrielle dont la carence risque d’engendrer un arrêt de production, la prise d’eau devient un point particulièrement sensible du complexe industriel.

L’approvisionnement en eau d’une industrie se fait par prise d’eau en rivière ou puits de captage avec éventuellement stockage. Les désordres les plus fréquemment rencontrés se situent au niveau des dégrilleurs et des pompes immergées. Leur mise à sec pour réparation dispensant de l’intervention subaquatique est rarement possible, d’autant qu’il n’existe qu’exceptionnellement une autre source d’alimentation en eau.

Les dégrilleurs mécaniques peuvent nécessiter l’intervention subaquatique dans de nombreux cas : corps étrangers bloqués ou usure, qui en entravent le fonctionnement, pièces défaillantes, oxydation des ancrages immergés ou encore des aciers.

Les galeries d’amenée et de refoulement font l’objet de visite pour évaluation de leur état, vérifier ou assurer leur étanchéité, procéder à leur dévasage ou leur consolidation en cas de fracturation des éléments béton.

Exemples

  • • Le Bourget, usine de Fresnoy-Le-Grand : entretien des crépines d’aspiration des pompes situées dans un puits de captage à – 80 m du terrain naturel, obturées par des dépôts calcaires. Nécessité d’entretien annuel.
  • • CPCU Paris, dévasage des galeries d’amenée des eaux de Seine, volume retiré : 2000 m³.
[Photo : Rexim - pose de poutres équipées de Dipair.]
[Photo : Mc Cain - pose d’un système de pompage en méthaniseur.]

Conduites et canalisations

La visite par plongeur est possible dans des conduits dont le diamètre est au moins égal à 80 cm ; en deçà, la seule solution reste l’expertise vidéo télécommandée.

Le scaphandrier bénéficie, bien sûr, parfois d’un peu de visibilité, mais surtout du toucher, et d’une capacité de progression que n’a pas la machine dans des conduits partiellement obstrués.

Ce type de travaux en milieux confinés se caractérise par leur difficulté d’accès et d’exécution, mais offre pourtant souvent les seules solutions ne portant pas atteinte à l’intégrité de l’ouvrage (on pense en particulier aux conduites enterrées) et donc à la continuité de la production.

Le scaphandrier peut expertiser les joints, détecter et éliminer les dépôts et concrétions éventuelles, procéder à la pose d’obturateurs, de vannes, application de résine, injections, contrôles d’épaisseur, confortement d’éléments, étanchéité.

Contrôles d’épaisseur non destructifs

Encore une fois, l’alternative « en eau » peut se présenter pour procéder aux contrôles d’épaisseur non destructifs des collecteurs et surtout des cuves de stockage métalliques.

Cette technique est couramment utilisée dans les travaux offshore (pipe lines) et portuaires.

L’idée est simple : pour éviter le dégazage de la cuve puis l’installation d’échafaudages, avec toutes les difficultés de mise en œuvre que cela représente, on procède au remplissage de la cuve par de l’eau. Cette solution a l’avantage d’éliminer les risques de déflagration, tout en garantissant une qualité de prestation identique et de meilleurs délais.

Ouvrages d’épuration

De nombreuses possibilités sont offertes pour expertiser les bétons et revêtements, les équipements in situ, ou l’envasement de l’ouvrage… et remédier aux éventuels désordres.

Les visites vidéo peuvent être réalisées dans des effluents chargés, grâce au système du cône « d’eau claire », permettant de relever les dégradations des radiers ou des parois.

Une optimisation de l’aération par dévasage de l’ouvrage et des réseaux

On peut souligner plus particulièrement le cas des diffuseurs d’air de fond qui, dans certains cas, subissent une obturation progressive par des boues, sulfates ou carbonates. Cela engendre une diminution de l’aération de la charge, l’utilisation des surpresseurs ou turbocompresseurs à plein régime, impliquant une augmentation de la consommation d’énergie.

L’envasement n’est pas régulier puisque le brassage génère des courants au sein du bassin ; on a pu observer des épaisseurs de 2 m de hauteur en boues activées. Le dévasage ne se limite pas au radier, il peut être nécessaire de procéder au nettoyage haute pression des collecteurs et ramifications ; pour cela, des modifications sous eau de réseau sont parfois indispensables pour permettre l’accès des outils (furets rotatifs), tout en conservant l’aération en fonctionnement.

Exemple de réalisation : Rexim à Ham

En 1992, l’usine Rexim à Ham (Somme) a été le lieu d’une « première » dans ce type de travaux. Comme pour beaucoup d’industriels, suspendre le traitement des effluents signifie perte d’exploitation ; une solution alternative a donc été trouvée pour remplacer intégralement le réseau d’aération de fond, tout en maintenant l’oxygénation.

Une comparaison des deux alternatives

La conception même du bassin (semi-enterré, avec rabattement de nappe) ne permet qu’une vidange lente de celui-ci afin de préserver mécaniquement l’ouvrage. Il en va de même pour son remplissage après travaux.

Vidanger le bassin aurait aussi nécessité de stocker les boues biologiques dans un bassin tampon, en les maintenant sous aération afin qu’elles conservent leur activité. Rien n’indique qu’elles supporteraient cette manœuvre. Si les bactéries avaient souffert, le laps de temps nécessaire après ensemencement des bactéries pour que celles-ci soient efficaces s’ajouterait au délai de vidange, des travaux et du remplissage. En conséquence, la charge polluante de l’usine n’aurait peut-être pas pu être traitée pendant plusieurs mois.

Solution apportée : remplacement in situ, sans interruption du traitement

Dans un premier temps, une réparation provisoire a été effectuée pour stabiliser les aérateurs de fond avec un système de haubanage et de lestage permettant ainsi d’étudier une réparation définitive.

Des poutres béton équipées d’aérateurs de type Dipair® ont été posées au centimètre sur le radier, se substituant une à une aux ramifications défectueuses puis raccordées au réseau principal d’alimentation (figure 1).

Mc Cain :

travaux en méthaniseur

La société Mc Cain a chargé Tech Sub d’étudier les possibilités de remplacer le système d’aspiration des boues d’épandage du BVF, sans arrêter la production, donc sans débâcher le bassin de 4 500 m³ (110 m × 50 m, profondeur de 7 m). Or, seuls quatre trous d’homme de Ø 900 permettent l’accès à la zone (figure 2). Ce chantier rassemble toutes les difficultés pouvant être rencontrées en plongée industrielle : chaleur (32 °C), densité (moyenne de 300 g/l), visibilité nulle, milieu déflagrant et toxique.

Malgré toutes ces contraintes, une solution a été élaborée et mise en œuvre pour disposer, lester et connecter aux systèmes de pompage 200 m de canalisations inox (Ø 200).

Conclusion

Il apparaît donc que tous les travaux hors eau sont réalisables sous l’eau. La méthode immergée a un réel intérêt économique, en ce qu’elle offre la possibilité de prolonger la durée de vie des ouvrages. Mais on peut entrevoir qu’au-delà du simple entretien des ouvrages, elle apporte des solutions de rénovation, en phase avec le durcissement des contraintes réglementaires.

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