Cet article expose les atouts d'un nouveau système de test chlore précis et fiable, même dans des circonstances défavorables, dont la performance et la précision ne sont pas dépendantes de la technique et dont l'étalonnage peut être réalisé, contrôlé et même enregistré facilement. Le système décrit ici utilise seulement un instrument et un capteur pour la mesure simultanée du chlore libre et total, ainsi que la température de l'échantillon, sans aucun réactif ou étalonnage manuel de l'utilisateur.
Le chlore a longtemps été utilisé comme premier agent de désinfection de l'eau. En solution aqueuse, cet élément est un puissant oxydant et est utilisé pour traiter l'eau potable ainsi que les eaux industrielles. Cela peut se faire par addition de chlore gazeux ou par addition de sodium hypochlorite. Le chlore gazeux se dissout rapidement dans l’eau et forme à la fois de l'acide hypochloreux et de l'acide chlorhydrique :
Cl₂ + H₂O ⇌ HCl + HOCl (1)
De la même façon, le sodium hypochlorite forme de l’acide hypochloreux avec l’eau et de l’hydroxyde de sodium :
NaOCl + H₂O ⇌ NaOH + HOCl (2)
L'acide hypochloreux résultant de ces réactions se dissocie ensuite partiellement pour donner un ion hypochlorite (OCl⁻) :
HOCl ⇌ H⁺ + OCl⁻ (3)
Les trois formes de chlore impliquées dans
Les réactions 1-3 sont : du chlore moléculaire, de l’acide hypochloreux et l’ion hypochlorite. Leurs proportions relatives dépendent du pH et de la température de la solution. Le chlore sous chacune de ces formes est appelé chlore résiduel libre.
Quand le chlore libre est ajouté à de l’eau contenant de l’ammoniaque, l’acide hypochloreux réagit avec l’ion ammonium. Selon le pH, la température et le ratio initial chlore/ammoniaque, cela donne une formation de monochloramine (NH₂Cl), dichloramine (NHCl₂) et trichlorure d’azote (NCl₃). Le chlore sous ces formes est appelé chlore combiné résiduel.
Le chlore sous la forme HOCl est le désinfectant le plus efficace, montrant l’activité bactéricide la plus importante ; le chlore combiné a une action bien plus faible. Il est de ce fait très important de pouvoir mesurer les deux formes de chlore et de faire la distinction.
Prouver la précision et la reproductibilité de leurs moyens de contrôle
L’inconvénient de l’utilisation du chlore est la formation de produits secondaires de désinfection (PSD) tels que les trihalométhanes (THM) qui, en forte concentration, sont dangereux pour la santé. De ce fait, ces dernières années, la tendance (aidée par les autorités) a consisté à réduire de plus en plus les taux de chlore, particulièrement dans l’eau potable où les dangers des PSD sont les plus importants. De plus, la diminution des produits chimiques réduit aussi les coûts de production d’eau. Évidemment, il est impératif de ne pas prendre de risque à cause d’une trop faible désinfection, ce qui signifie que le taux de chlore doit être contrôlé plus fréquemment et plus rigoureusement. Ainsi, compte tenu de cette obligation, les producteurs d’eau doivent prouver qu’ils contrôlent l’eau mais aussi qu’ils le font correctement. Ils doivent donc être capables de prouver la précision et la reproductibilité de leurs moyens de contrôle, ceci même sur site.
Les méthodes actuelles pour le chlore libre et total
Il y a différentes méthodes de laboratoire pour mesurer le chlore libre et combiné, par exemple la titration iodométrique ou ampérométrique, les titrations redox utilisant la N-diethyl-p-phenylenediamine (DPD) comme indicateur, et des méthodes colorimétriques utilisant la DPD ou la syringaldazine.
Quoi qu’il en soit, le taux de chlore dans l’eau diminue très rapidement et il est donc très important de faire le contrôle dès que possible, de préférence sur le lieu de prélèvement. Beaucoup de tests de terrain ont été développés, le plus couramment utilisé est la méthode colorimétrique à la DPD.
Le test DPD
Les réactifs se présentent sous forme de comprimés, poudre ou liquides, qui sont ajoutés à l’eau à analyser. La DPD réagit avec le chlore libre en donnant une solution colorée qui peut être mesurée, pour plus de précision en photométrie.
Le chlore total peut être déterminé ensuite, par addition de potassium iodure qui fait réagir le chlore combiné. La différence entre le chlore total et le chlore libre donne le chlore combiné. La dernière chose à noter est que différentes préparations d’échantillon peuvent être requises selon la concentration, différents volumes ou réactifs, en particulier pour les hautes ou basses teneurs. Un exemple de ces tests de terrain est la gamme de chloromètres Palintest.
Mesure électrochimique du chlore
Il existe une autre méthode de mesure du chlore libre et du chlore total par électrochimie. La détection électrochimique est possible en envoyant un courant à une électrode immergée et en mesurant le courant de sortie qui exprimera le résultat. Cette méthode donne des résultats identiques ou plus précis que la DPD.
Le chlore libre peut être mesuré directement par la réaction sur l’électrode traduite par :
HOCl + 2e⁻ → Cl⁻ + OH⁻ (4)
Le chlore total (somme du chlore libre et combiné) est mesuré par addition de potassium iodure. Les réactions (5) et (6) montrent l’action du potassium iodure sur le chlore libre et total :
2I⁻ + Cl₂ → I₂ + 2Cl⁻ (5)
2H⁺ + NH₂Cl + 2I⁻ → NH₄⁺ + Cl⁻ + I₂ (6)
L’iode ainsi produit est réduit en ions iodures sur l’électrode :
I₂ + 2e⁻ → 2I⁻ (7)
Le chlore combiné peut être calculé par différence du chlore libre et total comme avec la DPD.
La traditionnelle critique de ce système est qu’il demande des réactifs pour tamponner l’échantillon, d’ajouter de l’électrolyte et du potassium iodure pour mesurer le chlore total, tout ceci en quantités et temps précis. Cela requiert aussi de fréquentes calibrations pour s’assurer de la réponse de l’électrode.
Les tests existants : passé et futur
En 2003, une étude d'une autorité britannique du contrôle de l’eau (DWI) a suscité beaucoup de questions au sein des industries de l'eau, particulièrement sur la précision, la mise en œuvre, les résultats des traditionnels tests chlore à la DPD. L’étude a montré qu’en dépit du fait que la DPD est l’un des principaux moyens de protection de la santé publique, beaucoup de compagnies n’utilisent pas des étalons adéquats, n’ont pas ou peu de système qualité, et bien sûr aucune mesure de performance de leurs tests. Seulement 30 % des sociétés auditées effectuaient des vérifications tous les mois, ou parfois plus, comme c’est recommandé. Ce rapport a conclu que la situation ne pouvait pas être considérée comme satisfaisante.
Le problème avec la DPD, un test vieux de 50 ans, est que sa précision est très liée au strict respect des procédures. Les variations proviennent d’une foule de paramètres, souvent dues à d’inexplicables ou inquantifiables erreurs humaines. Rayures ou gras sur les tubes de photométrie, non-respect des temps de réaction ou des dosages, ou parfois réactifs périmés. Tout ceci peut affecter facilement le résultat d’un test DPD.
Une situation qui appelle donc un système de test chlore précis et fiable, même dans des circonstances défavorables, dont la performance et la précision ne sont pas dépendantes de la technique, et dont l’étalonnage peut être réalisé, contrôlé et même enregistré facilement.
Le Chlorosense : appareil et électrodes jetables, nouvelle génération
Le système décrit ici utilise seulement un instrument et un capteur pour la mesure simultanée du chlore libre et total, ainsi que la température de l’échantillon, sans aucun réactif ou étalonnage manuel de l’utilisateur.
Le capteur est constitué d’une lame de plastique sur laquelle sont déposées des couches successives formant ainsi quatre électrodes : une électrode de référence (en argent ou argent/chlorure d’argent), une contre-électrode (de carbone) et deux électrodes (carbone).
Chaque lame est recouverte d’une fine couche d’isolant formant ainsi un champ d’électrodes en disques de carbone. La surface de travail de chaque électrode est effectivement constituée d’au moins 95 disques, chacun isolé des autres. Ce dispositif offre l’avantage d’utiliser une très faible partie de l’électrode, ce qui fait que le courant traversant l’électrode est très faible. Ceci rend donc possible une mesure électrochimique dans une solution sans apport d’électrolyte.
La figure 2 est un graphique montrant un voltammogramme cyclique de chlorure d’hexaamineruthenium à une électrode plane par rapport à une électrode-array. L’électrode array du tableau montre clairement une amélioration de la réponse par rapport à l’électrode plane, et la marche avant et arrière ainsi que les scans plus proches indiquent la moindre capacité de l’électrode.
Le capteur (lame) permet également la mesure simultanée du chlore libre et total. Pour faciliter cette mesure, des réactifs liquides sont déposés sur les électrodes lors de la fabrication. En enrobant chaque électrode dans un réactif différent, on s’assure
ainsi qu'une travaillera sur le chlore total uniquement et l'autre sur le chlore libre. Une fois ces réactifs d’enrobage séchés chaque capteur est emballé, les capteurs sont jetables, et chaque test utilise un nouveau capteur (figure 3).
L'instrument lui-même est compact, robuste et portatif, conçu pour une utilisation sur le terrain ou sur site (figure 4). Un test prend moins de 60 secondes, et peut être effectué avec précision et un minimum d’instructions, ce qui le rend adapté à toute personne, techniciens qualifiés ou non.
Moins d’une minute après le lancement du test, les résultats précis en chlore total et libre s'affichent et sont enregistrés dans la mémoire interne avec la température de l’échantillon au moment du test.
L'instrument mesure 15 × 12 × 11 cm, et pèse 800 g. Sur la face supérieure se trouvent l’interrupteur marche/arrêt, cinq touches de navigation, l’écran LCD, et une connexion USB étanche à l’arrière. La partie haute de l’instrument s'ouvre montrant le logement de l’électrode et la sonde de température. La base de l'instrument contient le compartiment de la batterie, un espace de stockage pour les capteurs, et la cuve destinée à l’échantillon d’eau à analyser. L'appareil est classé IP67 et est conforme à la CEM et aux directives de basse tension.
Procédure du test
1. L'appareil est allumé, et « Effectuer un test » est sélectionné dans le menu.
2. L’écran invite l'utilisateur à insérer l’échantillon d’eau et mettre un nouveau capteur (électrode).
3. Le Chlorosense est ouvert et la cuve contenant l’échantillon est remplie avec l’eau à analyser.
4. Un nouveau capteur est retiré de son emballage aluminium et placé dans le logement prévu à cet effet.
5. Une fois l'instrument refermé, le test se lance automatiquement.
6. La température de la solution d’essai est mesurée et les résultats sont ensuite automatiquement ajustés en fonction des variations de la température de l’échantillon.
7. Le résultat pour le chlore libre (mg/l) et de chlore total (mg/l) est affiché en moins de 60 secondes.
8. Le résultat est stocké avec la température, la date, l’heure et le numéro d’échantillon. La mémoire interne peut enregistrer jusqu’à 500 résultats, et les données peuvent être transférées simplement et facilement à un ordinateur via la connexion USB.
9. À la fin du test, l’électrode est retirée et la cuve vidée.
Mesure du chlore libre
La gamme de mesure du chlore libre est de 0,02 mg/l à 10 mg/l avec un écart type relatif de < 5 % sur la moyenne de 80 % de cette gamme. Une courbe d’étalonnage pour chlore libre obtenu avec l'instrument Chlorosense et capteurs jetables est illustrée figure 5.
Mesure du chlore total
La gamme de mesure du chlore total est de 0,5 mg/l à 75 mg/l (au-dessus de 75 mg/l le résultat est affiché entre 75 et 85 mg/l ou 85 et 100) avec un écart type relatif de < 5 % sur la moyenne de 80 % de cette gamme. Une courbe d’étalonnage pour chlore total obtenu avec l’instrument Chlorosense et capteurs jetables est illustrée figure 6.
Conclusion
La nouvelle méthode de test proposée ici présente plusieurs avantages sur la traditionnelle méthode DPD : le système est autonome et portable, beaucoup moins dépendant de la technique ou d'une erreur humaine, et peut tester une large gamme sans savoir par avance le niveau de concentration. Il dispose également d’une auto-calibration, et tous les résultats du test sont stockés, enregistrés, et non modifiables permettant une réelle traçabilité des analyses. La méthode DPD reste appropriée si la mesure du chlore n’a pas besoin d’être aussi précise, et lorsque le temps et la fiabilité ne sont pas importants.
Ce système de mesure électrochimique représente un grand pas en avant lorsque la précision est primordiale. Sa conception « terrain » et son insensibilité à des facteurs extérieurs le rendent particulièrement adapté à des analyses sur site de l'eau potable.