Dans certains pays, la rareté de l'eau constitue l'un des obstacles majeurs qui s'opposent à leur développement économique. Cependant, pour ne citer qu'elles, les industries textile, papetière et alimentaire consomment d'énormes quantités d'eau, que l'on pourrait réutiliser après un traitement adéquat. Une fois épurées, ces eaux pourraient être réutilisées dans le même genre d'industries ou servir à des usages sanitaires, agricoles, ou même comme eau potable, d'autant que les méthodes de traitement et les installations modernes permettent d'atteindre des normes d'épuration élevées avec des coûts qui restent d'un niveau acceptable.
Le traitement des eaux usées peut ainsi constituer un moyen propre à la réalisation d'économies ou à la protection de l'environnement dans les pays industrialisés, mais il constitue aussi un élément vital dans les pays qui ne disposent pas de ressources en eau suffisantes.
On peut relever, parmi les raisons qui justifient la récupération et le traitement des eaux usées :
- — la rareté de l'eau, qu'elle soit occasionnelle ou constante ;
- — la nécessité de transporter l'eau à grande distance ou à une altitude élevée (dépense d'énergie) ;
- — l'augmentation de la quantité et de l'état de pollution des eaux résiduelles, les services publics ne suffisant plus à en assurer le traitement ;
- — le coût de l'approvisionnement en eau par les services publics devenant si élevé qu'il justifie la récupération des eaux usées ;
- — les modifications d'ordre hydrologique provoquées par le pompage des eaux souterraines ou des eaux de surface.
Dans le cadre du problème de l'épuration des eaux usées, nous ferons état dans le présent document de trois systèmes physico-chimiques à rendement élevé permettant d'obtenir la production de rendements spécifiques allant de 8 m³/m²/h à 16 m³/m²/h. Ces systèmes peuvent s'intégrer dans des installations d'épuration ou fonctionner de manière autonome, en fonction de la quantité et de la nature des impuretés contenues dans l'eau résiduelle. Ils recourent tous les trois au procédé de floculation dans lequel la séparation des flocons met en œuvre les procédés suivants :
- — décanteurs tangentiels ;
- — décanteurs à tuyaux inclinés ;
- — filtres à action rapide comportant diverses cartouches filtrantes.
Pour éliminer les sels solubles tels les sulfates, chlorures, nitrates, sels de sodium, de potassium et autres, on a recours à l'osmose inverse. La mise en œuvre de cette technique, qui fait appel à la perméabilité de membranes très élaborées, exige dans la plupart des cas un traitement préliminaire de l'eau brute pour éviter de les endommager.
Coagulation et floculation
On connaît le rôle que jouent les facteurs « énergie » et « temps » dans les processus de coagulation et de floculation. Dans le cas de systèmes de floculation/décantation, on recommande une valeur Gt située entre 80 000 et 200 000, tandis qu'avec les systèmes de floculation/filtrage cette valeur est moindre et varie entre 3 000 et 12 000. Le gradient de vitesse G est défini par l'équation suivante :
\[ G = \frac{W}{\mu V} \]
où W = énergie fournie en watts (Nm/s) V = volume entrant dans la réaction (m³) μ = viscosité du liquide (Ns/m²) t = temps (s)
Ces valeurs Gt peuvent être obtenues soit à l'aide de mélangeurs statiques, soit avec des tuyaux de longueur et de diamètre adéquats, soit encore au moyen d'un ensemble groupant des mélangeurs statiques et des tuyaux. Il va de soi que la méthode traditionnelle, qui met en œuvre des agitateurs mécaniques à l'intérieur des cuves de réaction, permet aussi d'arriver à ces valeurs Gt, mais elle nécessite un plus grand espace. Jouent également un rôle dans le procédé de coagulation/floculation le volume des particules colloïdales présent dans chaque unité du volume de boues en suspension (Q) ainsi que la part du nombre total de collisions qui provoque une agglomération de matière (η).
Si nous tenons compte de tous ces facteurs, nous obtenons l'équation suivante, qui permet de définir la floculation orthocinétique des particules sphériques :
ln Nₜ/N₀ = −4 n² G t
où N₀ = concentration initiale des particules
Nₜ = concentration en particules après un temps t
Les autres paramètres qui interviennent dans ces processus sont constitués par la nature des particules et les réactions secondaires ainsi que le pH et la température du système.
L’une des manières les plus simples de contrôler si la floculation se déroule correctement consiste à déterminer la quantité d’aluminium ou de fer provenant de l’agent floculant subsistant dans l’eau traitée. Cette quantité ne devrait pas excéder 0,02 g Al/m³ ou 0,05 g Fe/m³. Si ces normes sont dépassées, on peut dire que le traitement ne s’est pas effectué de manière convenable ; ceci peut provenir de diverses raisons, par exemple une valeur G t très basse, la présence de substances qui perturbent la coagulation, etc.
Les décanteurs tangentiels
Le décanteur tangentiel Rotopur qui en constitue une réalisation récente, mise au point d’après la théorie du P. Hasselbarth et de ses collaborateurs, MM. Moll, Grohmann et Marks est reproduit sommairement sur la figure 1.
Il fonctionne schématiquement comme suit : l’eau polluée est pompée (1) et passe au travers d’un ensemble de mélangeurs statiques et de conduites d’alimentation, où le floculant et les autres produits chimiques nécessaires se mélangent à l’eau pour réaliser la coagulation ou la déstabilisation des matières en suspension. Des réactions secondaires ont lieu entre le floculant et certaines des matières en suspension contenues dans l’eau brute. Celles-ci, après floculation, précipitent dans la tour de réaction (2), ce qui constitue la phase préliminaire du traitement. La sédimentation des particules et du précipité s’effectue ensuite dans le décanteur proprement dit qui consiste en un dispositif tangentiel d’alimentation en eau contenant les particules et le précipité ainsi qu’en un canal annulaire (3), qui confère à l’eau un mouvement de rotation, lequel permet de distribuer le liquide sur toute la surface intérieure de l’appareil. L’eau pénètre dans la zone de sédimentation et de clarification (4) en passant au travers de chicanes placées de telle manière qu’elles changent la direction du mouvement de l’eau tout en réduisant sa vitesse ; on obtient ainsi un flux d’eau stable sur toute la hauteur de l’installation.
La sortie de l’eau pure se fait par le centre, par l’intermédiaire d’un cylindre (6) qui comporte des rainures calculées de manière à obtenir un courant pratiquement horizontal au niveau de la clarification, ce qui permet d’assurer une sédimentation des flocons exempte de turbulence. L’extraction des boues se fait de manière continue grâce à des racloirs rotatifs (5) qui les amènent aux canaux d’évacuation (7).
On peut constater que le circuit de l’eau permet l’utilisation optimale de toute la surface de clarification, sans risque d’obstruction. L’installation allie ainsi efficacité et compacité, ce qui réduit son coût.
La figure 2 montre l’appareil suivant une projection horizontale dans une configuration nouvelle, actuellement en voie de réalisation à la station d’épuration de Nordgraben, dont la sortie débouche dans le lac de Tegel, à Berlin. Cette installation comporte trois décanteurs tangentiels Rotopur, d’une superficie de 615 m² chacun, suivis de 18 filtres de 105 m². Elle a été prévue pour pouvoir traiter une quantité maximum de 21 600 m³/h (soit 6 m³/s) d’eau présentant une teneur élevée en
résidus organiques (difficiles à éliminer) et en phosphates (qui exigent une forte dose de floculants primaire et secondaire). En dépit des difficultés inhérentes à la pollution de l'eau brute, on a obtenu les excellents résultats suivants au cours de la phase d'essais, après passage de l'eau dans le Rotopur et dans un filtre à double cartouche filtrante : phosphore : 0,01 g/m³ turbidité : 0,10 unité de formamide (UNT) fer : 0,02 g/m³ polyélectrolyte : non détectable
La consommation d'eau nécessaire au rinçage des filtres varie entre 1 et 2 %.
Les décanteurs à tuyaux inclinés
Ces décanteurs fonctionnent selon le principe du traitement à contre-courant, l'eau s'écoulant dans le sens inverse de celui des flocons ; ils sont polyvalents, car ils peuvent être utilisés pour le traitement de toutes les eaux, pour en diminuer momentanément la dureté à l'aide de chaux, ou pour les saturer en vue de la production d'hydroxyde de calcium.
La figure 3 montre un schéma d'installation d'épuration équipée de décanteurs à tuyaux inclinés. La tour de gauche joue le rôle de chambre de réaction (7) dans laquelle les produits chimiques sont mélangés à l'eau brute dans un ordre déterminé, ce qui est réalisé à l'aide d'un agitateur dont la puissance est adaptée aux normes indiquées plus haut. L'appareil, de forme conique, situé à droite, constitue la chambre de sédimentation qui est équipée de l'ensemble des conduites inclinées, dont la hauteur est de 500 mm. Cette chambre comporte trois sections : la section supérieure qui reçoit l'eau pure et l'évacue, la section centrale qui abrite les conduites inclinées et la zone de sédimentation, et la partie inférieure où se concentrent les boues. Une partie des boues retourne à la chambre de réaction, améliorant ainsi l'efficacité et la rentabilité du système.
Ces installations peuvent être réalisées en béton ou en acier, sous une forme circulaire ou rectangulaire. La figure 4 représente une installation en béton de forme carrée équipée de deux décanteurs à tuyaux inclinés et la figure 5 une installation en acier de section circulaire.
Nous donnerons plus loin quelques résultats obtenus avec ces décanteurs.
La figure 6 représente graphiquement la diminution de la turbidité de l'eau en fonction de la concentration des matières en suspension dans l'eau brute et de la quantité de floculant. Dans le cas présenté, le traitement s'est effectué pour un débit d'eau spécifique de 10 m³/m²·h à une température de 6 – 9 °C.
10 m³/m²/h, avec une adjonction de floculant secondaire constante de 1 g/m³, avec une valeur Gt de 100 000 à l'intérieur de la chambre de réaction et une proportion de matières en suspension de 3 000 g/m³ dans la chambre de réaction, cette valeur étant obtenue par remise en circulation partielle des boues en provenance du décanteur.
On y a comparé un floculant à base d’aluminium et un floculant à base de fer. On peut déduire de cette comparaison que le premier a permis d’obtenir une diminution maximum de la turbidité ; le floculant à base d’aluminium présente cependant de l'intérêt dans le cas où l'on ne recherche pas une grande amélioration de la turbidité, car il permet alors d’économiser le floculant.
Une méthode d’épaississement conventionnelle et une méthode à vibration (système Sulzer) ont été comparées. Cette dernière permet d’obtenir non seulement un épaississement plus important, mais encore une boue plus homogène ; en outre elle s’installe plus facilement, nécessite moins d’énergie et permet d’éviter la formation de canaux dans les boues, ce qui facilite leur extraction.
Les filtres à action rapide
La floculation/filtration dans des filtres à action rapide équipés de cartouches filtrantes peut se concevoir soit comme une opération autonome et séparée, soit pour achever une épuration commencée par floculation/sédimentation à l'aide de décanteurs tangentiels ou d'un système à tuyaux inclinés. Cependant, il faut tenir compte du fait que, en dépit du fait que l’on dispose de connaissances théoriques qui nous aident à définir les processus de floculation et de filtration des eaux usées, il n’existe pas de méthode absolue permettant de calculer les filtres industriels, en raison du grand nombre de variables qui entrent en jeu.
La possibilité pour une cartouche granulaire de séparer, avec une faible perte de pression, et donc à faible coût, une grande quantité de matières en suspension (comprenant aussi certaines matières organiques) plus ou moins diluées, pour arriver à une concentration inférieure à 1 g/m³, se définit en tenant compte des mécanismes spécifiques qui interviennent dans l’opération. L'adhérence des particules en suspension aux grains des filtres et au floculant est due à l’inertie de la masse, à des facteurs hydrodynamiques, à la pesanteur et à d'autres mécanismes d’interception qui, dans la masse filtrante, conjuguent leur action à celles des flocons du coagulant. On peut déduire de ces propriétés que le phénomène de floculation/filtration survenant en milieu granulaire dépend dans une large mesure des mécanismes qui président au déplacement du liquide et des paramètres colloïdaux déterminant la rétention des particules dans le milieu filtrant. Ces facteurs dépendent en outre de la quantité agglomérée des floculants primaire et secondaire, du gradient de la vitesse, de la durée de la réaction, du pH, de la dimension des grains, de la vitesse de filtration, de la hauteur de la cartouche filtrante et d’autres facteurs.
Eu égard au nombre des éléments entrant en jeu, il est clair que pour arriver à une floculation et à une filtration en milieu granulaire qui satisfasse pleinement aux exigences particulières d'un cas déterminé, il est indispensable de prendre en considération toutes ces variables et de les ordonner en tenant compte des caractéristiques de l'installation et de l'opération de nettoyage de la masse filtrante, qui se fait à contre-courant. Celle-ci doit permettre l’élimination efficace des matières solides, des flocons et organismes qui ont été séparés des eaux résiduelles, afin de prévenir leur accumulation et leur agglomération dans le filtre.
Les figures 8 et 9 donnent les courbes de turbidité, de la chute de pression et de la concentration d’oxygène dans la masse filtrante après filtration pendant 24 heures d'une eau en provenance d’un décanteur. La figure 8 correspond à un filtre ayant fonctionné sous une charge spécifique de 10 m³/m²/h et qui a permis de réduire la turbidité de 30 UNT à
1,5 UNT avec une chute de pression totale de 27 kPa et une consommation d’oxygène de près de 90 %. La figure 9 montre le résultat obtenu avec un filtre fonctionnant sous une charge spécifique de 20 m³/m²/h en produisant une eau filtrée de turbidité semblable à la précédente mais avec une chute de pression plus élevée (70 kPa).
La diminution des matières colloïdales et des matières solides en suspension a pour conséquence une diminution de la demande chimique en oxygène.
Le rapport Δ DQO/MS est supérieur à 2 si les eaux résiduelles sont traitées par floculation/filtration et il est inférieur à 1 si la filtration s’effectue sans floculation, ces valeurs étant obtenues au moyen de l’équation :
Δ DQO = DQO entrée – DQO sortie Δ MS = MS entrée – MS sortie
La figure 10 montre quelques-uns des résultats obtenus durant nos recherches relatives au rapport quantitatif existant entre l’élimination des matières en suspension et la diminution de DQO (les valeurs sont groupées par paires).
2 g/m³/ pH : 7,0 – 7,8 Norme de filtrage : 10 m/min
Un élément qui joue un rôle important dans l’épuration des eaux usées en vue de leur réutilisation est souvent constitué par leur teneur en métaux lourds. La figure 11 montre l’efficacité de la méthode de floculation/filtration quant à la séparation du cadmium, du cuivre, du nickel, du plomb et du zinc.
La floculation et la filtration permettent aussi de séparer les matières organiques telles que les colorants synthétiques et naturels ainsi que les substances contenant du phosphore et des micro-organismes.
L’épuration réalisée par floculation/filtration a également une influence bénéfique sur la désinfection ultérieure : la figure 12 fait état des résultats obtenus par cette
méthode lors de la désinfection des eaux usées brutes et des eaux résiduelles, en prenant pour paramètres la concentration en colibacilles, la teneur résiduelle en chlore et la durée de réaction. La vitesse de désinfection est très proche de l’équation de Selleck, Collins et White :
N₀ / Nₜ = (1 + 0,23 ct)³
où c = concentration résiduelle de chlore (g/cm³) t = temps de réaction (min).
La figure 13 représente l’installation de filtration des eaux résiduelles de Werdhölzli, à Zurich, qui peut traiter un volume d’eau de 34 500 m³/h (soit 9,6 m³/s). Elle est équipée de 22 filtres à double cartouche filtrante, chacun des filtres présentant une surface filtrante de 82 m².
Enfin, la figure 14 reproduit l’installation de filtration des eaux résiduelles de Berne-Neubrück, prévue pour un débit maximum de 14 400 m³/h, soit 4 m³/s. Elle comporte 18 filtres à double cartouche filtrante de 50 m² chacun.
L'osmose inverse
Comme nous l’avons indiqué dans notre introduction, les sels dissous, comme les sulfates, chlorures, nitrates et autres de sodium, de potassium, de calcium, de magnésium, etc., ne peuvent être éliminés ni par floculation/sédimentation, ni par floculation/filtration en utilisant les produits de floculation usuels. Pour réduire la teneur de ces sels, il faut donc faire appel à la technique des membranes semi-perméables, des échangeurs d'ions ou à la distillation.
L’osmose inverse fait partie de la technique des membranes semi-perméables (figure 15).
L'avantage que présente l’osmose inverse par rapport aux échangeurs d’ions réside dans le fait qu'elle exige une quantité beaucoup plus faible de produits chimiques et qu’elle évite la prolifération bactérienne. Certaines membranes permettent d'ailleurs l'emploi du chlore comme désinfectant.
La distillation des eaux présentant une teneur en sels relativement faible (moins de 10 000 g/m3) se révèle moins économique que l’osmose inverse.
En tout état de cause, l’élimination des sels solubles est une opération coûteuse qui ne doit s’effectuer que dans la mesure où elle est absolument nécessaire, par exemple pour la récupération de l'eau à usage domestique (eau potable) ou pour certains usages industriels.
La figure 15 représente une installation fonctionnant par osmose inverse utilisée par la Swissair, à Kloten-Zurich, pour la récupération de certaines eaux. Sa capacité est de 730 m3/j et ses dimensions sont de 8 m x 2,5 m x 2 m.
Tableau de comparaison des procédés de distillation et d’osmose inverse à partir d'une eau brute contenant 2 500 g de sel par mètre cube.
Le tableau ci-dessus fournit quelques données comparatives relatives à la mise en œuvre de l’osmose inverse ou de la distillation pour l'élimination des sels solubles, à partir d'une eau brute comportant 2 500 g de sels par m3. La comparaison établie fait clairement ressortir l'avantage de l’osmose inverse par rapport à la distillation.
Ces coûts varient bien sûr d'un pays à l'autre en fonction des prix du combustible et de l’électricité.