L?essor actuel des technologies pour la méthanisation des résidus solides permet aujourd'hui une meilleure appréciation de leurs spécificités. Dans cet article, nous en présentons les grandes familles, le principe général de leur fonctionnement, ainsi que les principaux paramètres nécessaire à leur dimensionnement et à la compréhension de leur fonctionnement. Nous soulevons également les manques en R&D pour ce qui concerne la méthanisation par voie sèche, dont le développement doit s'accompagner d'une meilleure connaissance du milieu de digestion et des écoulements afin d'être capable d'une meilleure maîtrise des procédés.
C’est en 1776 que VOLTA met en évidence et isole le “gaz des marais”, composé inflammable. Ce gaz, appelé plus tard méthane, provient de la décomposition de la matière organique par des bactéries en absence d’air. Plus récemment, la production croissante de déchets et de résidus organiques [1], ainsi que l’émergence de nouveaux gisements (tableau 1) a éveillé un intérêt remarquable pour appliquer ce processus aux résidus organiques solides. Cependant, il s’avère que, du point de vue des phénomènes et des technologies, la méthanisation de produits solides ne peut pas être considérée comme un cas particulier de la digestion anaérobie, mais plutôt comme un monde à part.
Que regroupe en fait le terme de résidu organique solide ? Intuitivement, nous imaginons un solide comme une substance qui ne coule pas, c’est-à-dire qui n’est pas pompable. Cependant, nous retrouvons parfois cette terminologie pour désigner l’ensemble des composés qui ne sont pas solubles, ou dont la majorité est sous forme insoluble. C’est pourquoi les boues d’épuration sont, par exemple, souvent désignées comme des déchets solides, même si elles se présentent sous forme liquide. Nous dirons que, globalement, les résidus organiques solides se caractérisent par certains critères, comme une faible teneur en eau, et/ou un caractère hétérogène (présence d’éléments de taille et de nature variée) et/ou leur difficulté à être pompés : du point de vue de la méthanisation, ils nécessitent le développement de procédés et de techniques spécifiques et différents de ceux utilisés pour la digestion anaérobie des eaux résiduaires ou des boues.
Depuis le début des années 1990, ce sont plus de 200 installations de méthanisation de résidus solides qui ont vu le jour en Europe, simplement dans le domaine des
Tableau 1 : Quantité de déchets par secteur en France et équivalent énergétique [11, 12]
Boues | FFOM | Déchets agro-alimentaires | Déchets agricoles | Déchets de culture | |
---|---|---|---|---|---|
Quantité en MT/an | 10 | 9 | 4 | 300 | 54 |
Estimation de l’énergie (MTEP*/an) | 0,2 | 1 | 0,2 | 5,3 | 4 |
*TEP : tonne équivalent pétrole
Déchets ménagers, selon les évaluations faites par De Baere [2, 3]. Initialement, ce sont surtout les déchets issus de la collecte sélective de la fraction organique (les biodéchets) qui ont été ciblés, notamment en raison de la possibilité de valoriser sous forme de compost le résidu de digestion. Plus récemment, nous constatons une montée en puissance des installations pour le traitement des ordures ménagères résiduelles (mixtes), pour lesquelles le résidu peut être considéré comme stabilisé. Toujours selon De Baere, la croissance de ce secteur est impressionnante : alors que 1 Mt de déchets étaient concernés en 1999, ce sont près de 6 Mt qui sont méthanisés en 2011, soit un taux de croissance annuel de plus de 30 % ! Les pays leaders en la matière sont surtout l’Espagne, la Belgique, les Pays-Bas, la Suisse et l’Allemagne. La France, peu encouragée jusqu’alors pour la valorisation d’énergie, n’a participé à ce développement que tardivement (seulement une poignée d’installations en 2006, et une multiplication des projets depuis). Ce développement est accompagné par des politiques publiques qui, peu à peu, encouragent la filière (tarifs de rachat d’électricité ex-biogaz, tarifs d’injection de biogaz épuré dans le réseau de gaz de ville, etc.). De plus, comme nous l’indique le tableau 1, les déchets des collectivités sont loin d’être le gisement le plus important pour la méthanisation. Ils constituent simplement le gisement le plus accessible (collecte et centralisation du traitement). Aujourd’hui, la méthanisation apparaît comme la solution pour la gestion environnementale et/ou énergétique dans de nombreux domaines (industrie, agriculture).
Description du fonctionnement des installations
L’importance de la caractérisation des résidus entrants
Nous ne soulignerons jamais assez l’aspect capital d’une bonne description des déchets devant être traités, et ce quel que soit le procédé choisi. L’idée est de pouvoir, à partir de cette caractérisation, estimer comment le déchet va se décomposer et quelle quantité de biogaz (ou de méthane) il est susceptible de produire lors du traitement. Les caractéristiques les plus importantes sont les teneurs en matières sèches et en matières volatiles. Ces données sont obtenues respectivement par évaporation de l’eau dans une étuve, puis par calcination des matières volatiles. Les matières volatiles sont assimilées à la matière organique et, rappelons-le, seule la matière organique pourra être éliminée par la méthanisation, à condition d’être biodégradable (voir figure 1). De plus, une faible part de la matière organique dégradée sera convertie en biomasse microbienne (la dégradation de la matière étant associée à la croissance).
En second lieu, il est important de connaître la quantité de méthane pouvant être produite lors de la méthanisation. En effet, toute la matière organique ne possède pas le même potentiel énergétique : il n’existe pas de correspondance entre la teneur en matière organique et la quantité de méthane qui sera produite (tableau 2). De plus, toute la matière organique n’est pas forcément dégradée par la méthanisation : cette grandeur doit donc être mesurée. Pour cela, des tests normalisés permettent de déterminer le potentiel méthanogène des résidus (BMP, pour Biochemical Methane Potential), c’est-à-dire la quantité maximale de méthane qu’ils sont susceptibles de produire lors de leur dégradation [4]. Cette mesure permet également d’accéder à la biodégradabilité du déchet considéré [5].
Schéma de principe d’une installation
Pour bien comprendre comment fonctionne un dispositif de méthanisation des déchets solides, il faut se ramener à un schéma de principe simplifié et très général, sur lequel les principaux flux de matière sont représentés (figure 2). Une installation type est constituée de trois opérations unitaires importantes : prétraitement (voir 3.3), le réacteur proprement dit, et un séparateur solide-liquide (il s’agit souvent d’un filtre-presse).
Le bilan matière de l’installation est représenté par les principaux « flux » associés aux trois lignes (solide, eau, gaz). Les intrants sont principalement les déchets ainsi que l’eau, qui peut, de manière facultative, être ajoutée aux déchets pour ajuster le taux de matière sèche dans le réacteur. Les sorties sont plus nombreuses. Nous notons tout particulièrement le digestat solide, le perméat liquide et le biogaz, qui devront chacun être gérés ou valorisés.
Tableau 2 : Potentiel méthanogène, en Nm³ de CH₄ par kg de matière volatile de différents composés
– Sucre simple (glucose) : | 0,373 Nm³/kg — | Maximum théorique |
– Protéines : | 0,496 Nm³/kg — | Maximum théorique |
– Lipides : | 1,014 Nm³/kg — | Maximum théorique |
– Déchets de cuisine : | 0,546 Nm³/kg — | Cho et Park, 1995 [6] |
– Déchets verts (feuilles, branches, écorces) : | 0,143 Nm³/kg — | Owens et Chynoweth, 1993 [7] |
– Papier bureau : | 0,369 Nm³/kg — | Owens et Chynoweth, 1993 |
– Carton : | 0,343 Nm³/kg — | Owens et Chynoweth, 1993 |
– Ordures ménagères : | 0,20 – 0,24 Nm³/kg — | Chynoweth et coll., 1993 [8] |
– Biodéchets (collecte sélective ou tri manuel) : | 0,36 – 0,40 Nm³/kg — | Macé et coll., 2003 [9] |
– Biodéchets (tri mécanique) : | 0,23 – 0,26 Nm³/kg — | Macé et coll., 2003 |
d'abord les refus de prétraitement, la sortie du solide après séparation, la purge liquide, et, bien entendu, le biogaz. La connaissance de l'ensemble de ces flux (en kg/jour par exemple, ou en Nm³/jour pour le biogaz) est incontournable pour avoir une bonne vision d’ensemble du procédé et de ce qu’il fait. Il est également indispensable de bien caractériser ces différents flux (teneur en matière sèche tMS et matière volatile tMV pour les flux solides et liquides, composition du biogaz).
Caractérisation des performances
Les définitions et calculs des principaux paramètres de performance des méthaniseurs sont repris dans le tableau 3.
Le dimensionnement : charge appliquée et temps de séjour
La charge volumique appliquée (CVA) est définie comme la quantité de matières volatiles entrant dans l’unité, par m³ de réacteur et par jour. À l’échelle industrielle, les charges appliquées varient entre 5 et 15 kgMV/m³/j. Cet important paramètre de dimensionnement dépend de la nature des composés à traiter et du type de technologie utilisée.
La notion de temps de séjour correspond au temps moyen pendant lequel un composé séjourne dans le réacteur. On dis-
Tableau 3 : Calcul des principaux paramètres des réacteurs
Paramètres | Définition et calcul |
---|---|
Charge volumique appliquée CVA (en kgMV/m³réacteur/j) | CVA = Fe × tMSe × tMVe / VR Fe : débit massique entrant en kg/j tMSe : taux de matière sèche en entrée kgMSe/kg tMVe : taux de matière volatile en entrée kgMVe/kgMSe VR : volume de réacteur (m³) |
Temps de séjour hydraulique TSH (en jours) | TSH = VR / Qe Qe : débit volumique entrant en m³/j |
Temps de séjour des solides TSS (en jours) | TSS = MR × tMSR × tMVR / (Fs × tMSs × tMVs) MR : masse du réacteur (kg) Fs : débit massique sortant en kg/j r, s : indices relatifs au réacteur et à la sortie |
Abattement des matières sèches RMS (sans dimension) | RMS = 1 – (Fs × tMSs) / (Fe × tMSe) |
Abattement des matières volatiles RMV (sans dimension) | RMV = 1 – (Fs × tMSs × tMVs) / (Fe × tMSe × tMVe) |
Production spécifique de gaz SGP (en Nm³/m³ de réacteur/j) | SGP = Qg / VR Qg : débit de biogaz (Nm³/j) |
Rendement apparent en méthane RCH4 (en Nm³CH4/kgMVe) | RCH4 = QCH4 / (Fe × tMSe × tMVe) QCH4 : débit de méthane (Nm³/j) |
Avancement de la réaction η (sans dimension) | η = RCH4 / BMP BMP : potentiel méthanogène du déchet entrant (en Nm³CH4/kgMVe) |
On distingue le temps de séjour hydraulique du temps de séjour des solides (tableau 3). Le temps de séjour hydraulique n’a de sens que lorsque le milieu de fermentation est liquide (cas des technologies « humides »). Si les composés traités sont des solides, il est préférable de se référer au temps de séjour des solides (TSS, [10]), qui varie entre 15 et 30 jours, selon le type de solide et la technologie utilisée.
Les critères de performances
Le premier critère de performance est le rendement d’élimination. Dans des procédés fonctionnant en continu, il est exprimé comme la fraction de solide éliminé entre l'entrée et la sortie du réacteur. Cet abattement peut s’exprimer par rapport à la matière sèche, ou par rapport à la matière volatile. Un autre critère de performance utilisé est la production spécifique de biogaz, qui donne une indication sur l’activité réelle de la dégradation. Nous trouvons également souvent, comme donnée de fonctionnement des installations, le rendement apparent en méthane, défini comme la quantité moyenne de méthane produite rapportée à la masse de matières volatiles introduites. Cependant, si ces deux critères globaux sont de bons indicateurs pour connaître le fonctionnement du réacteur, ils ne permettent pas pour autant de dire si ce dernier fonctionne de manière optimisée ou non. Nous préconisons d'utiliser une définition du rendement basée sur les performances de production de méthane de l’installation par rapport à la production maximale définie donnée par le potentiel méthanogène.
Les grandes familles de procédés de méthanisation de solides
Les procédés de méthanisation se distinguent selon plusieurs critères, comme la température de fonctionnement (ambiante, régulée, mésophile, thermophile), la teneur en eau (procédés humides, procédés secs) ou l’existence de plusieurs phases de traitement.
Digestion humide / digestion sèche
Les systèmes de digestion humide présentent de grandes similarités avec les procédés de digestion de boues d’épuration. Dans ces réacteurs, la teneur en eau est ajustée de manière à retrouver une teneur proche de 10-15 % de matière sèche. Les déchets sont préalablement mélangés dans un réacteur pouvant éventuellement être adjoint à un traitement mécanique et/ou thermique (pulpeur), qui permet de conférer au mélange la consistance souhaitée pour la méthanisation. Le digesteur proprement dit est généralement une cuve agitée [14].
La digestion sèche est une technique qui permet de maintenir les résidus dans leur état d’origine sans d'importants ajouts d’eau. Elle se caractérise par une teneur en eau comprise entre 20 et 40 %, ce qui confère au milieu de fermentation une consistance non pas sèche, mais pâteuse (ou semi-solide), avec une faible quantité d'eau libre. Le prétraitement nécessaire est simplement un criblage à une taille de l'ordre de 40 mm, bien que l’on trouve également des installations fonctionnant avec des tailles supérieures (80 voire 100 mm).
Mésophile / thermophile
La température influence principalement les vitesses de réaction au sens large, qu’elles soient chimiques ou biologiques [13] : nous trouvons ainsi des procédés mésophiles (35 °C) et thermophiles (55 °C). La température améliore la vitesse de dégradation et de formation de méthane (mais pas la quantité de méthane produite). Ainsi, les méthaniseurs pour la digestion de la fraction fermentescible des ordures ménagères fonctionnent à des charges plus faibles et des temps de séjours plus longs en mésophile qu’en thermophile [14]. La conduite d’un réacteur thermophile permet une meilleure hygiénisation vis-à-vis de certains germes pathogènes. Enfin, la digestion thermophile améliore la fluidité des lipides (graisses). Cependant, elle est également réputée plus fragile face aux inhibiteurs, notamment l’azote ammoniacal. La tendance récente en Europe est de construire plutôt des digesteurs thermophiles, si bien qu’aujourd’hui ils constituent près d’un tiers du parc pour le traitement des déchets municipaux [3].
Inventaire des différentes techniques de méthanisation
Les procédés extensifs
Nous qualifions de procédés extensifs ceux pour lesquels c’est la simplicité de conception qui a primé sur l’efficacité du traitement. À l’extrême, le procédé le plus extensif de méthanisation est le centre de stockage par enfouissement, dans lesquels la durée de dégradation est de l’ordre de la vingtaine d’années. La société Ikos France commercialise une technique apparentée au stockage permettant, par méthanisation et via un prétraitement des déchets, de réduire à 4 ans la durée du traitement. Les procédés extensifs « hors sol » plus classiques fonctionnent par bâchées, dans des cellules fermées. Les plus connus sont les procédés BIOCEL (Pays-Bas) et BEKON (Allemagne), dans lesquels le temps de fermentation des déchets avoisine 90 jours. Dans ces deux procédés, les déchets (souvent des fractions organiques de déchets) sont placés tels quels dans des compartiments fermés hermétiquement, et un recyclage de lixiviat peut être réalisé afin d’accélérer la fermentation. Un réchauffement de lixiviat recirculé peut également être réalisé pour augmenter la température du traitement. Une variante particulièrement astucieuse, le procédé SEBAC, a été mise au point par le Pr David Chynoweth de l'Université de Floride (USA), dans laquelle trois réacteurs sont utilisés de manière séquentielle avec des échanges…
…et des recyclages de lixiviats [15]. Cette variante permet de réduire considérablement le temps de traitement des déchets (moins de 40 jours).
Digestion humide
Les procédés de digestion humide sont généralement précédés d'une étape de préparation des déchets (mélangeur, pulpeur) avant l’entrée dans le réacteur de méthanisation proprement dit (figure 3). Les principaux procédés fonctionnant selon ce principe sont le procédé WAASA, le procédé BTA et le procédé LINDE-KCA. La société espagnole ROS-ROCA commercialise également un digesteur par voie humide (procédé BIOSTAB).
Digestion sèche
Parmi les procédés de digestion sèche, nous retrouvons trois types de technologies : deux systèmes à réacteurs verticaux (le procédé DRANCO, à recirculation de digestat, et le procédé VALORGA, mélangé par recirculation de biogaz) et les procédés horizontaux (KOMPOGAS et BRV) dans lesquels l’écoulement est piston et où des agitateurs à vitesse lente confèrent un mouvement de rotation à la matière en cours de digestion.
Les prétraitements
L’objectif des prétraitements est de favoriser la décomposition et l’hydrolyse des solides pour produire un résidu qui sera traité dans la seconde étape avec une meilleure efficacité. Très souvent, il s’agira de liquéfier une partie de la matière organique afin de pouvoir utiliser un réacteur de méthanisation « classique », comme ceux utilisés pour le traitement des eaux résiduaires.
Prétraitements mécaniques et macération : il s'agit de pousser au maximum la diminution de taille des matières solides et d’en accélérer l’hydrolyse. La plupart des procédés humides déjà mentionnés comportent une étape de ce type. Le procédé BRV (digestion sèche) est précédé d’une étape de macération aérobie de deux jours ; le procédé ARROWBIO consiste en un prétraitement mécanique poussé de séparation avant de réaliser la digestion en deux étapes de fermentation (acidogène et méthanogène) dans des réacteurs de type UASB. Dans certains cas, l’étape de macération est réalisée à haute température (70 ou 90 °C) afin de favoriser l’hygiénisation des résidus.
Procédés en deux étapes à biolixiviation : le principe est de réaliser, dans deux réacteurs différents, l’hydrolyse et la solubilisation des matières organiques composites, et de récupérer le résidu liquide (ou lixiviat) afin de l'amener vers un réacteur de méthanisation classique. Dans certains cas, la fraction solide n’est pas complètement digérée et est réutilisée en compostage (exemple : procédé BIOPERCOLAT de Wehrle Werk, Allemagne).
Prétraitements physico-chimiques : il s’agit de réaliser une transformation de la nature chimique des composés, ce qui leur permettra de devenir soit accessibles (biodisponibles) pour la digestion, soit de les transformer en produits biodégradables. De nombreuses applications existent dans le domaine du traitement des boues (ozonation, traitement thermique, ultrasons). Dans le domaine du traitement des déchets, c'est principalement la biodégradabilité des composés lignocellulosiques qui pose problème. Il a été montré que le traitement disruptif à la vapeur sous pression (5 minutes à 240 °C) permet, en décomposant les fibres ainsi traitées, d’améliorer de près de 40 % la quantité de méthane produite [16] ; le procédé commercial correspondant est le système SUBBOR (Canada).
Le devenir des produits de digestion des solides
Le biogaz
Propriétés du biogaz
Le biogaz est principalement constitué de méthane (50-80 %) et de dioxyde de carbone (20-50 %). D’autres gaz sont présents de façon minoritaire dans la composition du biogaz : hydrogène, sulfure d’hydrogène (H₂S). La teneur de ces gaz dépend étroitement du déchet traité et du degré d’avancement de la méthanisation. Le pouvoir calorifique inférieur (PCI) du méthane à 0 °C et pression atmosphérique est de 9,94 kWh·m⁻³. Pour le biogaz, le PCI est proportionnel à sa teneur en méthane (par exemple, pour un biogaz contenant 70 % de méthane, le PCI sera de 9,94 × 0,7 = 6,96 kWh·m⁻³).
Valorisation du biogaz
Le biogaz peut être utilisé selon plusieurs modes de valorisation : thermique en chaudière ; électrique par turbine à vapeur ou « moteur à biogaz » ; biocarburant ; injection dans le réseau de distribution de gaz. La saturation en eau du biogaz ainsi que la présence de CO₂ et de H₂S sont susceptibles de rendre le biogaz corrosif. Le transport du biogaz s’effectue ainsi généralement par des canalisations en polyéthylène haute densité ou en inox 316. En amont de sa valorisation, le biogaz doit au minima inclure une étape de condensation de la vapeur d'eau.
La désulfuration du biogaz par oxydation (chimique ou biologique) est également une étape courante d’épuration.
Pour des valorisations plus poussées, de type biocarburant ou injection dans un réseau de distribution du gaz, une épuration plus importante (élimination du CO₂) est nécessaire afin de rendre la composition du gaz conforme et proche de celle du gaz naturel.
• Valorisation thermique
La chaleur de combustion du biogaz peut servir pour la production d'eau chaude, de vapeur à moyenne ou haute pression, ou bien dans des fours de procédés. La pression nécessaire pour l'alimentation des appareils au gaz est généralement faible : 20 à 100 mbar. D'une manière générale, les valorisations thermiques nécessitent des débouchés de proximité : consommateurs externes au site de production (industries, réseau de chaleur…) ou usages internes. Sur les stations d'épuration, une partie du biogaz produit est en général utilisée pour maintenir le digesteur à la température de fermentation (37 ou 55 °C). Cette consommation interne du procédé représente environ 15 à 30 % de la production.
• Valorisation électrique (avec ou sans cogénération)
Le biogaz peut alimenter un moteur à gaz (ou une turbine), qui produit de l'électricité. Lorsque l'électricité est produite seule, celle-ci est le plus souvent exportée via le réseau public. La cogénération produit de l'électricité et de la chaleur. Dans le cas de la solution « moteur à biogaz », une désulfuration et une déshydratation seront nécessaires, selon les spécifications des motoristes. Dans le cas de la solution turbine à vapeur, on peut se contenter d'un traitement par simple filtre dévésiculeur à l'entrée du surpresseur, de façon à enlever les particules en suspension dans le biogaz. La chaudière sera munie de tubes de fumée dont le matériau pourra résister aux fumées de biogaz, éventuellement à forte teneur en dioxyde de soufre, chlorures ou fluorures.
• Le biogaz carburant
Assez répandue en Suède, la valorisation du biogaz sous forme de carburant automobile ne fait l'objet en France que de quelques installations pilotes en cours d'optimisation : Lille, Sonzay (près de Tours), Chambéry. Elle est destinée pour l'instant à l'alimentation des flottes captives de véhicules des collectivités locales : collecte des ordures ménagères, transport en commun ; son intérêt est à la fois économique et environnemental, compte tenu de la qualité des rejets des moteurs à gaz.
• L'injection dans le réseau
Lorsqu'une unité de méthanisation se trouve à proximité d'une canalisation de gaz naturel, il est envisageable, moyennant un certain nombre de traitements physico-chimiques, d'injecter le gaz dans le réseau. La composition finale du biogaz injectable ainsi que sa pression dépendent évidemment des spécifications imposées par le gestionnaire du réseau. Ces dernières portent principalement sur les teneurs en méthane, en gaz carbonique, en hydrogène sulfuré et en oxygène, avec des contraintes supplémentaires sur la teneur en composés organo-halogénés. Le gaz injecté doit en outre être odorisé avant l'injection. Comme la transformation en carburant, l'injection dans le réseau présente l'avantage d'être une valorisation totale, qui n'est affectée par aucun rendement de combustion. À l'étranger, l'injection dans le réseau est courante dans certains pays comme le Danemark, les Pays-Bas et la Nouvelle-Zélande. On cite souvent l'exemple de la décharge de Tilburg, aux Pays-Bas, qui injecte 1000 m³/h de biogaz dans le réseau de gaz de la ville.
• Le digestat
Le résidu solide de la digestion (ou digestat) est constitué de la fraction peu ou difficilement biodégradable du déchet entrant. Dans le cas de résidus organiques, la méthanisation est analogue à ce qui se passe lors de la phase de fermentation en compostage ; le digestat peut ainsi être post-composté et aura, après maturation, des propriétés agronomiques similaires à celles d'un compost qui aurait été élaboré à partir des mêmes produits initiaux. Aujourd'hui cependant, la valorisation de digestat sous forme de fertilisant est également envisagée de manière directe (sans étape de compostage), notamment dans le cas d'installations traitant des déchets organiques « propres ». Dans le cas des ordures ménagères résiduelles, qui contiennent une teneur importante en plastiques et en métaux, la valorisation agronomique est plus problématique et constitue un frein au développement de la filière.
• Conclusion
Les techniques pour la méthanisation des déchets solides sont actuellement en plein essor. Qu'elles soient issues de technologies existantes ou élaborées pour la problématique spécifique des solides, il est aujourd'hui possible de déduire les principaux avantages et inconvénients de chacune. Aujourd'hui, à l'heure des premiers retours d'expérience, les résultats sont très encourageants. De nombreux efforts restent toutefois à réaliser pour faire de ces procédés (dont certains ont moins de 5 années d'existence) des techniques matures et fiables. Les efforts doivent avant tout porter sur la maîtrise des entrées, notamment au niveau de la collecte et du prétraitement des déchets avant traitement, mais aussi sur la fiabilité du fonctionnement et de l'exploitation des installations, notamment dans le domaine de la digestion sèche, pour lequel la nature du milieu (ni liquide, ni solide) représente encore souvent une inconnue peu maîtrisée, que ce soit pour les mécanismes biologiques et chimiques qui s'y déroulent que pour les conditions de mélange qui y règnent.
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