Dans le cadre de l'élimination des résidus industriels, l'incinération constitue un choix économique parmi l'ensemble des solutions qui permettent de réduire le volume et la nocivité des produits réactifs.
Elle est le résultat d’un ensemble de réactions chimiques d’oxydo-réduction réalisées dans une enceinte de préférence close, avec pour objectifs :
- de réduire le volume et les effets polluants de certains déchets, ce qui implique que les cendres soient moins polluantes que le produit, sous les aspects de la pollution de l’air et de celle de la nappe phréatique ;
- si possible récupérer l’énergie contenue dans ces résidus pour économiser des combustibles nobles (mazout, gaz naturel) et amortir l'investissement.
Elle est particulièrement adaptée pour traiter :
- les polluants combustibles organiques,
- les produits dangereux (solubilisables ou vaporisables) qui peuvent être craqués par la température et récupérés par traitement de fumées (fluorures, cyanures, organochlorés, etc.).
Ces réactions sont elles-mêmes le résultat de l'addition d’un oxydant, d’un réducteur et d’une « énergie d’activation » dont le niveau dépend du pouvoir réactif des produits en présence. Chacune des réactions a sa propre cinétique, qui peut être accélérée (ou retardée) par plusieurs paramètres : la concentration, la pression partielle, la diffusion, la granulométrie et la température.
En évaluant ces paramètres, on peut prédéterminer les vitesses de réaction et en déduire le temps nécessaire pour obtenir des réactions complètes, ce qui déterminera le temps de séjour minimum qui doit être respecté dans l'incinérateur pour obtenir une combustion complète (lequel conditionne le volume — et le prix — de l’incinérateur).
La concentration des réactants étant donnée, et la pression dans l’incinérateur étant voisine de la pression atmosphérique, le temps de séjour sera fonction de la température choisie. L’efficacité du résultat dépendra de la technologie de mélange et de combustion (ou du « bon mélange » entre les réactants). C’est pourquoi, pour le constructeur, le choix du niveau de température est important, de même que le choix de la méthode de combustion (mélange combustible/comburant) qui dépend de la granulométrie et de la concentration du combustible et des problèmes éventuels de fusion de cendres et de réactions avec les parois de l’incinérateur.
Au niveau des températures mises en jeu, on distingue :
- l'incinération à haute température, supérieure à 1 700 °C : c’est le domaine des torches à plasma ou des oxybrûleurs. Elle permet une fusion des cendres qui, solidifiées, sont rendues inertes. Cette voie est intéressante, mais très coûteuse en énergie ;
- la combustion catalytique à basse température (750 °C). L’énergie d’activation nécessaire au déclenchement des réactions est abaissée par la présence de catalyseurs de réaction (platine, nickel...). Elle n’est pas courante pour les déchets ;
- l'incinération à « moyenne température » (750 à 1 500 °C), le comburant étant fourni par l'air. C’est ce procédé que nous examinerons ci-après.
*
L’incinérateur des déchets industriels impose l’examen, cas par cas, des caractéristiques physiques et chimiques des résidus à traiter et des cendres produites ; les études récentes sur les PCB (polychlorobiphénols) tendent à justifier pour réduire leur présence dans les cendres, une augmentation notable de la température d’incinération.
Classification des déchets
Il est possible d’établir une classification des déchets à partir de leurs pro-
propriétés physiques et chimiques, suivant les critères ci-après :
- — leur « état » : liquide, solide, gazeux, pâteux, ou visqueux et pour les solides, leur granulométrie ;
- — leur composition chimique élémentaire : minéraux, organiques purs, organo-toxiques, ou mélangés ;
- — leur comparaison avec un combustible traditionnel (haut, moyen ou bas PCI).
Les exemples ci-après ont été classés en fonction du PCI.
Classification des solutions technologiques utilisables pour l’incinération des résidus
Le choix des solutions à employer est fonction de l’état des déchets, de leur pouvoir calorifique, de la présence éventuelle de cendres fusibles, de substances toxiques, agressives ou dangereuses et de l’intérêt d'une récupération d’énergie.
Ces choix sont schématisés dans le tableau 1.
Les critères essentiels de choix sont les suivants :
- — déterminer d’abord les impératifs techniques liés au produit,
- — choisir ensuite parmi les solutions possibles celles dont le temps de retour est le plus réduit.
Le traitement des fumées en aval de l’incinérateur
Les fumées sortant à des températures situées entre 750 et 1 300 °C, il faut procéder en deux temps : les refroidir jusqu’à (environ) 300 °C, puis les traiter.
* Refroidissement des fumées à la sortie d’incinérateur, et post-combustion éventuelle
Les solutions typiques sont les suivantes :
- — Chaudière de récupération : afin d’éviter tout risque de colmatage, la température d’entrée doit être inférieure à la température de fusion des cendres, ce qui peut nécessiter une dilution des fumées à la sortie de l’incinérateur ou
un recyclage des fumées froides. Le dispositif de ramonage doit être efficace pour limiter les encrassements, et sa disposition doit faciliter la récupération des poussières.
- — Tour de « quench » : en général, il s’agit d’une tour de refroidissement d’eau. L’eau doit être traitée et refroidie (par aéroréfrigérant le cas échéant) et recyclée pour en limiter la consommation.
* Traitement des fumées refroidies
Celui-ci doit être étudié au cas par cas. Il comprend souvent soit un dépoussiéreur électrostatique, soit un scrubber humide avec neutralisation des eaux acides. Les cendres et rejets gazeux doivent évidemment répondre aux normes en vigueur.
Difficultés techniques à surmonter dans les unités en fonctionnement continu
Celles-ci ont été classifiées dans l’ordre chronologique de la mise au point, suivant les catégories suivantes :
- 1. Maîtrise de la préparation et manutention des résidus (blocages, etc.).
- 2. Brûleurs et combustion, temps de séjour, dimensionnement, % de carbone dans les cendres.
- 3. Collages de cendres et évacuation continue.
- 4. Régulation/automatisme pour maîtriser le procédé sans surveillance continue.
- 5. Choix des matériaux (abrasion, corrosion, etc.) constituant l’ensemble.
- 6. Robustesse des accessoires.
- 7. Respect des garanties de rendement, récupération et traitement des fumées et limitation du pourcentage de PCB dans les cendres.
- 8. Fiabilité globale de l’installation, facilité d’exploitation.
La résolution de ces problèmes nécessite une expérience étendue sur de nombreux systèmes, car chaque cas est différent. Il nécessite de plus, une infrastructure technique souple, permettant d’apporter des modifications ou améliorations éventuelles en cours de mise au point.
Tableau I
Principes du choix du foyer d'incinération en continu de résidus industriels
Catégorie | Type de foyer d'incinération | Foyer | Résidus | Particularités |
---|---|---|---|---|
1 Chaudières classiques à tubes d'eau ou tubes de fumée avec brûleurs spéciaux | F | Liquides à fort ou moyen PCI ; gaz tous PCI > 1 000 ; sans odeur ; produits pulvérulents à cendres non fusibles, faible quantité | Économique | |
2 Chaudières/fours à parois refroidies, spéciaux | F | Combustibles solides, liqueurs noires, gaz pauvre, soufre liquide | Évite incinérateur + chaudière de récupération | |
3 Incinérateurs simples verticaux « M » de bas en haut sans récupération | C | Liquides et gaz de PCI moyens | Récupération et traitement de fumées impossibles | Économique |
4 Incinérateurs « cyclone » avec charges discontinues | C | Liquides, avec sas d'introduction de solides | Économique et automatique | |
5 Incinérateurs horizontaux fixes, type « H » | C | Gaz PCI < 1 000 ; gaz malodorants ; liquides tous PCI ; poudre de bois | Récupération possible | Simple |
6 Incinérateurs horizontaux spécifiques, à grille mécanique, à gradins, à foyer à vis | C | Solides de granulométrie moyenne : ordures, biomasse, écorces, charbon, tourbe, cartons/papiers | Appareils spécifiques limités en T° max. et polyvalence | |
7 Incinérateurs verticaux de haut en bas, type « V » | C | Produits liquides ou broyés à cendres fusibles ; gaz à très bas PCI ; produits à cendres collantes ; incinération de vapeurs | Permet récup. des cendres en partie basse ; faible contact avec réfractaires | |
8 Incinérateurs tournants + chambre de post-combustion | C | Solides de grosse granulométrie + liquides et gaz (déchets d'usine divers) | Polyvalents ; bon mélange/brassage ; temps de séjour élevé ; fort contact avec réfractaires | |
9 Pyrolyseurs/carbonisateurs tournants | F | Produits à cendres fusibles collantes à basse température ; conversion en gaz des organiques | Applications spéciales | |
10 Incinérations à lit fixe | FC < 900 | Charbon, biomasse et boues de granulométrie moyenne ; à utiliser en-dessous de la T° de fusibilité des cendres | Appareils fixes, donc simples | |
11 Gazogènes à lit fixe | FC | Charbon ou biomasse de moyenne granulométrie | Conversion solide-gaz |
Exemples
Les exemples suivants illustrent les solutions mises en œuvre dans quelques-unes des catégories ci-dessus.
Catégorie 4 (figure 1) : Incinérateur automatique de liquides et de sacs de déchets solides (introduction par sas). Application aux navires et aux déchets liquides de centrales diesel.
Catégorie 5 (figure 2) : Incinérateur de gaz de stripping (traitement de catalyseurs). Prix « Top Gaz » décerné par Gaz de France.
Catégorie 6 (figure 3) : Installation complète avec foyer à gradins et chaudière de récupération à tubes d'eau pour la combustion d'écorces.
Catégorie 7. Les liquides et gaz peuvent parfois contenir des sels minéraux qui donneront des cendres. On est obligé, dans ces cas, de réaliser des incinérateurs du type « V » vertical, avec flamme renversée, pour pouvoir récupérer le maximum des cendres dans la partie basse. Le brûleur est situé en toit.
La figure 4 représente une installation complète avec incinérateur vertical de liquides contenant des organiques et sels minéraux (sulfates), 6 MW, refroidissement par tour de « quench », neutralisation à la soude et lavage.
Catégorie 8. Notre société a développé sa propre technique d'incinération en four tournant. Sous la trémie d'alimentation des déchets solides, un brûleur
peut brûler soit des résidus liquides riches, soit du fuel, soit du gaz, ce qui permet de maintenir, toujours chaude, grâce à une flamme pilote, la zone d’entrée du four. On maîtrise ainsi les déplacements de front de flamme occasionnés par les variations de PCI des déchets et « l’incrément » de chargement.
La figure 5 représente un incinérateur tournant pour essais pilotes (Station d’essais Pillard).
Catégorie 9 (figure 6).
En 1979, une importante société de lavage de laine a été mise en demeure de ne plus rejeter ses eaux usées, qui contenaient 15 g/l de sel de potassium, et 15 g/l de matières organiques, dont 1 000 m³/jour représentant une pollution comparable à celle occasionnée par une ville de 400 000 habitants.
Compte tenu de la quantité d’eau à évaporer, et de l’impossibilité d’incinérer ces résidus en raison de leur forte teneur en potassium, fusible à basse température, les 40 t/h d’eaux usées sont traitées dans une unité d’évaporation et ramenées à 2 t/h de boue contenant 30 % d’eau et 70 % de matières sèches. Les eaux évaporées propres sont recondensées. La boue est traitée dans un pyrolyseur opérant le séchage et la pyrolyse à 650 °C des matières organiques. Les gaz de pyrolyse sont envoyés dans un brûleur spécial monté sur une chaudière de récupération. La post-combustion de ces gaz produit actuellement 10 t/h (environ) de vapeur gratuite pour le client (soit une économie d’environ 6 000 TEP/an). Les cendres minérales sont épurées dans un deuxième four tournant refroidisseur, qui réduit leur teneur en carbone résiduel, puis elles sont récupérées et vendues comme éléments de base pour fabriquer des engrais.
Grâce au traitement par pyrolyse, on évite la prise en masse des cendres, qui restent donc friables à basse température et faciles à extraire. Une incinération normale eut été un échec.
Conclusion
Ces exemples montrent la grande variété des problèmes à résoudre, comme des techniques disponibles.
Dans tous les cas, la combustion et sa maîtrise restent les problèmes primordiaux à résoudre, mais la fiabilité, après mise au point du procédé, demeure l’objectif prioritaire à atteindre.
Le choix des solutions à mettre en œuvre nécessite une grande expérience, à la fois des unités complètes, et des brûleurs spéciaux (dont tous les incinérateurs sont équipés).
Indépendamment des quelques exemples précédents, de nombreuses autres installations d’incinération de résidus industriels ont été réalisées par nos soins, en particulier en Union Soviétique, où une dizaine d’unités de traitement par incinération ont été construites et mises en service.
Afin de concevoir des solutions parfaitement adaptées, il est nécessaire de souligner qu’une coopération étroite avec l’utilisateur doit intervenir dès le stade du projet, afin de permettre notamment une analyse détaillée des besoins et de la nature des produits à incinérer.