Un système informatique rassemblant le savoir-faire d'OTV en matière de technologie d’épuration et l’expérience de la Courly (Communauté Urbaine de Lyon) en matière de gestion et d’exploitation des réseaux d’assainissement a été développé et mis en place à la station de traitement des eaux usées de Meyzieu.
Dans ce cadre, l'exploitant évalue la pollution à traiter, simule les étapes de l'épuration et demande une expertise d'aide à la conduite de sa station. Il optimise ainsi quotidiennement le traitement des eaux et gère au mieux le traitement des boues sur une semaine.
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Les stations d’épuration constituent, aujourd'hui, des usines faisant appel à une technologie de plus en plus sophistiquée. À cet égard, l'optimisation de leur fonctionnement demande des connaissances que les exploitants s’efforcent de maîtriser aussi bien que possible. La réalisation d'un système-expert d'aide à la conduite de telles stations est une solution séduisante qui représente une évolution logique par rapport aux moyens actuellement mis en œuvre sur les stations d’épuration les plus performantes.
L'objectif visé est alors la mise en œuvre d’un environnement informatique devant répondre à trois questions essentielles pour la conduite de la station.
La première de ces questions est : « que va-t-il se passer ? » ; elle pose le problème de l'incertitude quant à la nature et à la quantité de la pollution à laquelle la station devra faire face à un instant donné.
La deuxième est : « comment réagira la station et comment réagiront les différentes étapes de traitement ? » ; pour y répondre, une connaissance approfondie des installations est indispensable, connaissance devant bien sûr être complétée par une expérience des technologies mises en œuvre.
La troisième et dernière question est : « quels sont les objectifs à atteindre ? » ; la législation se charge d'y répondre en fixant les normes de rejets autorisés pour chaque type de pollution. Mais d’autres objectifs peuvent cependant être désignés comme la minimisation des coûts de fonctionnement. Un objectif allant dans le même sens que les normes, mais en les dépassant, consisterait à prendre en compte les capacités d’absorption du milieu récepteur.
Conception et réalisation du système-expert
Les moyens à mettre en œuvre pour permettre à un système informatique de répondre à ces questions sont multiples et variés. Ils font intervenir des techniques éloignées les unes des autres qui, intégrées au sein d’un système-expert, rendent accessible une expertise qui ne l’aurait pas été autrement.
Les générateurs de systèmes-experts ont été les premiers produits appliqués au développement d’applications en traitement de l'eau car ils permettent au concepteur néophyte en matière d’intelligence artificielle de créer sa propre base de connaissances sans avoir à se fondre dans une programmation technique, généralement rebutante.
Pour ce faire, il faut adapter le savoir et l'expertise recueillis au mode de raisonnement et aux conditions d'utilisation du générateur choisi. On est ainsi souvent amené à modifier, voire transformer le flou et l'imprécision du raisonnement des experts pour l’introduire dans un
moule informatique préfabriqué (générateurs de systèmes experts).
Après cette prise de contact avec les systèmes-experts, nous avons pu développer directement nos propres programmes-experts, écrits dans un langage spécialisé en intelligence artificielle (Prolog...). Cette évolution présente l’avantage de pouvoir écrire un logiciel totalement adapté à la situation traitée. Signalons aussi que le Prolog choisi s’intègre totalement à l’environnement de développement et permet d’ajouter des tâches relevant de l’intelligence artificielle à des logiciels qui doivent aussi pouvoir effectuer de lourds calculs (simulation), être faciles à utiliser (graphiques détaillés, menus ergonomiques) et converser avec des périphériques.
Ainsi l’application est entièrement adaptée aux spécificités de l’utilisateur tant au niveau de la connaissance et des modalités d’emploi qu’au niveau de l’intégration logicielle.
Meyzieu :
Station d’épuration pilote de la Courly
Choisi pour sa taille modeste, le site de Meyzieu a permis de développer un système complet dont les objectifs vont de l’optimisation du fonctionnement des filtres biologiques à l’amélioration de la gestion du traitement des boues.
La station d’épuration de Meyzieu se situe sur le territoire de la Communauté Urbaine de Lyon. Les services techniques de la Courly travaillent depuis plusieurs années à la définition et à la réalisation d’un ensemble de détection et de contrôle du fonctionnement du réseau d’assainissement,
compte tenu de l’évolution des paramètres météorologiques extérieurs.
Cette usine moderne et fortement automatisée, d’une capacité de 35 000 éq/hab, est équipée d’un dessableur-désehuileur en prétraitement, de deux décanteurs lamellaires en traitement primaire et de quatre filtres bactériens immergés « Biocarbone » assurant le traitement biologique. Les boues (primaires et biologiques) extraites des décanteurs lamellaires sont épaissies, conditionnées chimiquement et déshydratées par deux filtres-bandes avant d’être acheminées vers la station d’épuration de Lyon-Pierre-Bénite où elles seront incinérées.
Les outils utilisés pour la mise au point de cette épuration assistée par ordinateur sont :
- — un micro-ordinateur PS2.386 à 20 MHz de 2 Mo de RAM équipé d’un disque dur de 120 Mo,
- — un langage d’intelligence artificielle (Prolog),
- — un générateur de système-expert (Nexpert de Neuron Data),
- — des modèles mathématiques mis au point à OTV, capables de prédire la pollution admise sur la station et de simuler toutes les étapes du traitement,
- — des capteurs spécifiques de pollution (débits, matières en suspension, pollution organique soluble…),
- — des capteurs d’état des équipements installés (arrêt, marche, hors service, en défaut mécanique, niveau…),
- — un automate assurant l’acquisition, la mise en forme et le stockage temporaire des informations issues des capteurs,
- — l’équipement du micro-ordinateur avec une carte intelligente de dialogue avec l’automate-système pour le rapatriement automatique des données instantanées et, à la demande, des données moyennes archivées.
Technique scientifique et expertise
Le système-expert est le programme chargé de la coordination d’un ensemble de modules ayant des fonctions bien définies. Il bénéficie à ce titre :
- « des informations délivrées par les capteurs de pollution disposés tout au long de la filière de traitement,
- « des prévisions météorologiques fournies par les stations les plus proches,
- « des résultats numériques des programmes de simulation de fonctionnement des ouvrages de traitement,
- « de l’expertise issue de la technique des procédés et de leur réalisation,
- « de l’expertise issue de l’exploitation et de la gestion des équipements et de leur coordination.
Ces différentes composantes techniques sont passées en revue ci-après :
Les capteurs
L’installation de capteurs à chaque étape de la filière de traitement permet d’accéder quantitativement à la pollution admise sur la station et éliminée sur les ouvrages de traitement. À chaque type de pollution correspond un capteur spécifique fonctionnant en continu. Le choix des capteurs est effectué en fonction de la nature du fluide à analyser (eaux brute, décantée, traitée, boue liquide, boue épaissie).
Les aspects autonettoyage et fiabilité ont été privilégiés. Une estimation par une formule de déduction d’une mesure techniquement imprécise a été préférée à l’installation d’un capteur délicat et sensible aux pannes et défauts.
Les prévisions météorologiques
Les variations de flux de pollution entrant dans une station constituent des paramètres essentiels pour le traitement. Il a été montré qu'il est possible de prédire ce flux au cours d'un jour donné en tenant compte du profil de pollution de la veille, du jour de la semaine, du mois, de la saison et de certains éléments du climat à plus ou moins long terme. Une modélisation de ce type peut être effectuée sur tous les sites, à condition de disposer d'au moins une année de suivi en continu. Issus, dans un premier temps, des campagnes d'analyses, ces profils peuvent être affinés par la suite grâce aux informations obtenues à l'aide des capteurs précédemment évoqués.
Les modèles de simulation
Des modèles de simulation ont été mis au point concernant les procédés de traitement biologique, tant au point de vue des boues activées qu’au point de vue biofiltres. Outre l’activité de la biomasse fixée, ils rendent compte de l'élimination de matières en suspension par filtration et décantation. L'aspect hydrodynamique de l'écoulement des fluides associé à un paramétrage étendu du logiciel permet d'effectuer des simulations numériques des équipements de tous les types de configurations possibles de station.
L’expertise
Grâce à cet ensemble de fonctions, le système-expert supprime les défauts majeurs des procédés d’asservissement des procédés d’épuration dont les réponses aux flux de pollution sont purement tactiques : les régulations sont locales et le temps n’est pas intégré. Malgré le suivi en continu des charges polluantes qui constitue un apport indéniable, les faiblesses de ces procédés apparaissent clairement. Ainsi, le système-expert est à même d’élaborer une stratégie à plus ou moins long terme pour la conduite de la station. Au cours de son travail, il définit la meilleure solution satisfaisant à l'ensemble des objectifs fixés par l'utilisateur en respectant les contraintes liées à ce type de traitement.
L'exploitant visualise immédiatement sur le synoptique les paramètres instantanés de fonctionnement de la station et peut accéder, par un système de fenêtrage, à leur évolution au cours de la journée et constater ce qui arrivera s'il laisse les commandes aux automatismes de la station.
Si les événements prévus ne satisfont pas l'exploitant, celui-ci se fixe des priorités sur les objectifs à ne pas dépasser (quantité de pollution rejetée sur 24 heures, sur 2 heures, économie d'énergie…). Il demande une expertise qui lui donnera les moyens, s'il y en a, de les satisfaire (anticipation des lavages, by-pass de protection, mise en route d'un équipement…). De plus, il optimise, grâce à des stratégies répertoriées, la déshydratation des boues en répartissant au mieux l’équipe de filtration pendant la semaine à venir.
Evolution et perspectives
De toutes les composantes techniques précédemment exposées, l’expertise et sa formalisation jouent un rôle essentiel.
Cette expertise, issue d’une bonne maîtrise des procédés, est tout d’abord établie dans un cadre général. Par la suite, elle sera affinée sur le site en intégrant les particularités de fonctionnement de chaque station.
Ce système-expert apportera de nouvelles potentialités en ce qui concerne l’automatisation de la station. Il n'a pas le contrôle direct de l'ensemble des régulations qui sont assumées par l’automate ; néanmoins, les informations qu'il délivre permettent de modifier, avec plus d'efficacité, les consignes données au superviseur de l’automate. Par la suite, un niveau d'intérêt supplémentaire pourra être franchi en couplant le système-expert de la station à un système de gestion du réseau d’assainissement.
Valoriser le personnel exploitant les stations à travers un accroissement du niveau technique de ses interventions, améliorer les traitements existants en coordonnant les différentes étapes, fournir des explications aux événements observés, diffuser un savoir-faire auprès des personnes de moindre compétence, répartir les décisions et les responsabilités, tels sont les services attendus par l'implantation de ce type de système informatique sur une station de traitement d'eau.
Désormais, grâce à ce nouveau type de système-expert, l'exploitant de station d'épuration n'est plus une victime qui subit les événements ; il peut envisager à l'avance des stratégies et en connaître les conséquences afin de mieux gérer son installation.
Ces systèmes sont conçus pour rationaliser l'expérience des agents de conduite, entraînant à terme des économies de gestion, une sécurité assurée sur les stations et une meilleure conformité aux impératifs écologiques du milieu récepteur. OTV et la Courly se sont associées pour développer et promouvoir ce savoir-faire à travers la création d'un GIE (Groupement d'Intérêt Économique) en mettant en commun les compétences du premier en matière de technologies épuratives et de la seconde en matière de gestion et d’exploitation de réseaux d’assainissement.