Construites depuis 1992, des stations d'épuration par Filtres Plantés de Roseaux (FPR) répondent aux besoins d'une trentaine de collectivités rurales et, à titre expérimental, de quelques fermes qui traitent ainsi les eaux de lavage de leur salle de traite. L'article présente les résultats acquis sur une station conçue pour 200 éq.hab., après 15 mois de fonctionnement, dont les taux de charges organique et hydraulique sont respectivement de 67 % et 115 %. Avec une emprise au sol globale de l'ordre de 2,2 m2/éq.hab., la station offre un effluent qui respecte sans difficulté les qualités suivantes : 90 mg/l de DCO, 30 mg/l de MES et presque 10 mg/l de N-NK. L'élimination du phosphore est normalement très faible. Une station expérimentale, recevant des eaux de lavage de salle de traite (DCO comprise entre 700 et 1 400 mg/l), implantée à la ferme fournit des résultats prometteurs qui seront très certainement améliorés par un accroissement des actuelles surfaces plantées. La filière FPR peut traiter directement des eaux usées brutes grâce aux règles d'alimentation par bâchées et d'alternance de plusieurs unités fonctionnant en parallèle. Ces règles conduisent au maintien des conditions aérobies et à la gestion du colmatage physique de surface, aidée par la présence de végétaux enracinés.
L’article présente les résultats acquis sur une station conçue pour 200 éq.hab., après 15 mois de fonctionnement, dont les taux de charges organique et hydraulique sont respectivement de 67 % et 115 %. Avec une emprise au sol globale de l’ordre de 2,2 m²/éq.hab., la station offre un effluent qui respecte sans difficulté les qualités suivantes : 90 mg/l de DCO, 30 mg/l de MES et presque 10 mg/l de N-NK. L’élimination du phosphore est normalement très faible.
Une station expérimentale, recevant des eaux de lavage de salle de traite (DCO comprise entre 700 et 1400 mg/l), implantée à la ferme fournit des résultats prometteurs qui seront très certainement améliorés par un accroissement des actuelles surfaces plantées.
La filière FPR peut traiter directement des eaux usées brutes grâce aux règles d’alimentation par bâchées et d’alternance de plusieurs unités fonctionnant en parallèle. Ces règles conduisent au maintien des conditions aérobies et à la gestion du colmatage physique de surface, aidée par la présence de végétaux enracinés.
Depuis les années 1980, le Cemagref a conduit des recherches dans le domaine des cultures fixées sur supports fins plantés de roseaux. Les premiers résultats encourageants (Boutin, 1987) ont permis d’agrandir les capacités d’une station d’épuration existante par lagunage naturel en installant en tête de bassins un premier étage de lits filtrants plantés (Liénard et al., 1993). Le suivi de ces deux stations d’épuration a conduit à lancer la filière « Filtres Plantés de Roseaux » (FPR) qui, depuis 1991, est développée par une société privée (SINT) qui bénéficie, par contrat, du savoir-faire du Cemagref.
En France désormais, 35 stations d’épuration traitant des eaux usées domestiques reposent sur le principe de la filière FPR.
Mots clés : Roseaux, filtres plantés de roseaux, traitement d’eaux usées, élevage
Elles sont construites depuis 1992. Leur construction est en plein essor actuellement : 16 stations ont été mises en service en 1998 et durant le premier semestre 1999.
Schéma de principe
Une station conventionnelle FPR (Boutin et al., 1997) est constituée d'un dégrillage retenant les éléments grossiers (> 2 cm), d'un premier étage de filtres A suivi d'un deuxième étage de filtres B.
Chacun des étages est fractionné en plusieurs unités, fonctionnant de manière indépendante.
Chaque unité du 1er étage reçoit la charge polluante intégrale pendant la phase d'alimentation durant quelques jours (3 à 4 jours) puis est mise au repos pendant une période double (6 à 8 jours). Ces phases d'alternance et de repos sont fondamentales pour réguler la croissance de la biomasse fixée, maintenir des conditions aérobies dans le massif filtrant (sable, gravier et rhizomes) et minéraliser les dépôts organiques provenant des MES des eaux brutes retenues en surface des filtres du 1er étage (Liénard et al., 1990, Guilloteau et al., 1993).
Ensuite, l'effluent est envoyé sur le 2e étage où il subit un traitement de finition et notamment la nitrification des composés azotés.
Les eaux sont introduites sur les deux étages par à-coups hydrauliques (bachées) grâce à un dispositif de stockage et d'alimentation à fort débit (pompes, siphon auto-amorçant,…) afin d'assurer la meilleure répartition des eaux (et des matières en suspension pour le premier étage) sur l'ensemble de la plage d'infiltration disponible ainsi qu'un renouvellement de l'oxygène entre chaque bachée.
La qualité attendue du rejet répond au moins aux concentrations suivantes : 90 mg/l de DCO, 30 mg/l de DBO₅, 30 mg/l de MES, 10 mg/l en N-NK en moyenne avec des pointes ne dépassant pas 20 mg/l en fin de cycle d'alimentation.
Les stations existantes ainsi conçues sont au nombre de 25. Elles répondent à la dénomination « phragmifiltres » (Esser, 1999).
Variantes
Afin de répondre à des contraintes spécifiques locales d'ordres techniques ou écono-
Tableau 1 : Répartition géographique des stations construites par la SINT depuis 1992
Station | Dépt | Région | Année réalisation | Nombre EH | Configuration |
---|---|---|---|---|---|
C.I.N. – Altenach | 68 | Alsace | 1999 | 50 | variante |
Eglingen | 68 | Alsace | 1994 | 2×150 | 1 : variante |
2 : variante | |||||
Erckartswiller | 67 | Alsace | 1999 | 200 | FPR |
Gommersdorf | 68 | Alsace | 1993 | 400 | variante |
Manspach | 68 | Alsace | 1994 | 500 | variante |
Bromont-la-Mothe | 63 | Auvergne | 1994 | 120 | FPR |
Les Forges-Ste-Marie | 52 | Champagne-Ardenne | 1995 | 4000 | FPR |
Castirla | 2B | Corse | 1999 | 400 | FPR |
Sorio di Tenda | 2B | Corse | 1998 | 300 | FPR |
Angervilliers | 91 | Île-de-France | 1994 | 2000 | variante |
Les Bréviaires | 78 | Île-de-France | 1994 | 150 | FPR |
Deuxville | 54 | Lorraine | 1999 | 350 | FPR |
Nixéville-Blercourt | 55 | Lorraine | 1996 | 200 | FPR |
Saudrupt | 55 | Lorraine | 1996 | 250 | FPR |
Saulx-les-Champlon | 55 | Lorraine | 1994 | 100 | variante |
I.T.E. – Le Pech-de-Goubière | 46 | Midi-Pyrénées | 1999 | 300 | FPR |
Les Arques | 46 | Midi-Pyrénées | 1994 | 160 | FPR |
Camping Texier – Tiffauges | 85 | Pays-de-Loire | 1997 | 70 | FPR |
Ars | 16 | Poitou-Charente | 1998 | 1300 | variante |
Claix | 16 | Poitou-Charente | 1999 | 550 | FPR |
Gensac-la-Pallue | 16 | Poitou-Charente | 1986 | 1700 | variante |
St-Rémy-sur-Creuse | 86 | Poitou-Charente | 1999 | 200 | variante |
Éourres | 05 | Provence-Alpes-Côte d'Azur | 1998 | 20 et 130 | FPR |
Roussillon | 84 | Provence-Alpes-Côte d'Azur | 1998 | 1250 | FPR |
ASF – district Feurs | 42 | Rhône-Alpes | 1997-98 | 2×50 | 1 : variante |
2 : variante | |||||
Centre Terre Vivante – Mens | 38 | Rhône-Alpes | 1993 | 150 | variante |
Chenereilles | 42 | Rhône-Alpes | 1998 | 80 | FPR |
Coise-St-Jean-Pied-Gauthier | 73 | Rhône-Alpes | 1999 | 1000 | variante |
Colomieu | 01 | Rhône-Alpes | 1993 | 200 | FPR |
Meaux-la-Montagne | 69 | Rhône-Alpes | 1992 | 90 | FPR |
Montromand | 69 | Rhône-Alpes | 1994 | 200 | FPR |
Queige | 73 | Rhône-Alpes | 1998 | 500 | FPR |
St-Benoît – hameau de Glandieu | 01 | Rhône-Alpes | 1999 | 200 | FPR |
Techniques, le principe d’épuration par FPR peut s'adapter à des contextes particuliers. C’est pourquoi les variantes sont d’ores et déjà nombreuses.
Lorsque le maître d’ouvrage ne souhaite pas, pour diverses raisons qui peuvent être aussi d'ordre psychologique, épandre directement des eaux usées brutes à la surface des filtres A, des traitements primaires, tels que décanteur-digesteur ou un premier bassin de lagunage naturel, sont installés à l’amont de filtres B.
S'ils sont implantés, les filtres C (Figure 1) dans lesquels l’écoulement des eaux est volontairement horizontal (EC/EWPCA group, 1990) seront toujours positionnés en phase finale de traitement, à la place d'un second étage de filtres B. Cette solution est retenue essentiellement lorsque la configuration naturelle du terrain obligerait, à cause d'une pente trop faible, à adjoindre un système de pompage pour l’alimentation de filtres B. Dans le cas de petites collectivités, une circulation entièrement gravitaire des eaux, qui permet un fonctionnement sans électricité et donc une absence complète d'organes électromécaniques à entretenir, peut en effet être souhaitée.
Des filtres B et/ou C sont aussi utilisés en complément de traitement d'un lagunage aéré ou d'un lagunage naturel.
Pour chacune de ces variantes, on tient alors compte des dispositifs de traitement amont et de leur efficacité afin d’adapter le dimensionnement des filtres.
Expérience en eaux usées domestiques
Implantation des stations
Le tableau 1 reflète la répartition des stations d’épuration inspirées de la filière “filtres plantés de roseaux”. Il fournit pour chacune d’entre elles sa taille, son année de réalisation et un descriptif sommaire.
Le développement des FPR concerne le plus souvent les petites collectivités puisque 12 d'entre elles sont de taille comprise entre 150 et 300 éq.hab. Leur taille moyenne est légèrement supérieure à 330 éq.hab.; pourtant deux installations sont dimensionnées pour plus de 1 000 éq.hab. La majorité d’entre elles est alimentée par des réseaux séparatifs.
La station d’épuration de Montromant
La station présentée ci-après reçoit à un taux de charge organique supérieur à 50 %. Mise en service fin 94, dimensionnée pour 200 éq.hab. et alimentée sur réseau unitaire, la station qui ne reçoit que des eaux usées domestiques, est réalisée selon le schéma de principe de la figure 2. L’étanchéité des filtres est assurée par une membrane PVC. Afin d’accroître la charge surfacique apportée, seuls trois filtres du premier étage sont alimentés. La surface totale plantée est de 2,2 m²/éq.hab. répartie en 1,15 m²/éq.hab. et 1,05 m²/éq.hab. respectivement aux 1er et 2e étages.
Conditions de mesures et de fonctionnement
Un bilan a été effectué pendant une durée continue de 48 h en février 96 par des températures oscillant entre -8,5 °C et +6,5 °C après 15 mois de fonctionnement.
La station a reçu pendant les deux jours de mesures un débit identique approchant 29 m³/j soit une charge hydraulique légèrement supérieure aux capacités de la station (115 %). En journée, le filtre A en fonctionnement a reçu des bâchées de 2,2 m³, en moyenne toutes les 1,5 heures. L’intervalle de temps entre chaque bâchée, fonction du débit d’eaux usées à traiter, varie de 45 min en pointe à près de 3 heures pendant la nuit. En sortie, la différence de débits mesurés, comparés à ceux de l'entrée, s’explique par le mouillage du massif et un stockage temporaire en attente de l'amorçage du siphon du deuxième étage, ainsi qu’un ressuyage progressif du massif précédemment utilisé. La charge hydraulique moyenne apportée sur le filtre A en fonctionnement est de 450 mm par jour. À chaque bâchée, l’apport de 2,2 m³ sur une surface de 65 m², soit à peine 35 mm de hauteur d'eau, peut paraître faible pour assurer une équirépartition. Pourtant les MES, retenues physiquement à la surface, engendrent.
[Figure : Schéma de principe de la station d’épuration de Montromant (69). surface totale disponible : 440 m² soit 200 éq.hab.; charge hydraulique nominale pour 170 éq.hab. : 25,50 m³·j⁻¹; surface utilisée : 375 m² soit 170 éq.hab.; charge organique nominale pour 170 éq.hab. : 9,20 kg DBO₅·j⁻¹; 20,40 kg DCO·j⁻¹]
la création rapide d'un dépôt colmatant qui contribue à une utilisation totale de la surface des filtres A. Ce dépôt est plus ou moins dégradé selon les saisons pendant la période de repos. Influencées par des concentrations variables pendant les deux jours de mesures, les charges organiques journalières reçues atteignent 11,2 kg de DCO et 4,6 kg de DBO₅ le 1ᵉʳ jour et 16,9 kg de DCO et 7,6 kg de DBO₅ le 2ᵉ jour. En moyenne, la station de Montromant reçoit une charge polluante correspondant à 67 % de ses capacités. Le 1ᵉʳ étage de filtres A a reçu une charge moyenne de 73 g de DCO/m² et le filtre en fonctionnement une quantité 3 fois supérieure.
Résultats
À la sortie du 1ᵉʳ étage, le niveau de qualité à atteindre est presque obtenu pour les paramètres caractéristiques de la matière organique. Le fort abattement du paramètre MES (90 % en moyenne) met en évidence l’action de filtration physique associée à une exploitation rigoureuse de l’alimentation en alternance et par bachées qui conduit à maintenir une vitesse d’infiltration suffisante. L’action biologique des cultures fixées sur le gravier est visualisée par la réduction de la DCO filtrée (~ 60 % en moyenne). Le rôle du 2ᵉ étage consiste à assurer un affinage de traitement des composés organiques et une fiabilité du système.
En ce qui concerne le nutriment « azote » (tableau 2), la concentration initiale de 2,85 mg/l en nitrates s’explique par l’introduction d’eaux parasites non négligeable (de l’ordre de 50 % des apports). Les concentrations en nitrites mesurées sont toujours inférieures à 0,5 mg/l.
Le 1ᵉʳ étage conduit à une élimination de 50 % de l’azote Kjeldhal (calculée à partir des concentrations). Une ammonification de l’azote organique est réalisée. La formation de nitrates existe mais n’est pas constante au cours du temps.
Les pertes en azote global sont évaluées à plus 40 %. Au sein de ce massif, la forte réduction de matières organiques s’explique par un stockage dans la matière organique retenue à la surface des filtres, moins dégradée en hiver, et une assimilation bactérienne importante. De plus, l’hypothèse suivante est envisageable : une phase de repos place les bactéries en situation de « disette » ; par la suite, en phase d’alimentation, elles reconstituent leurs réserves par une consommation accrue en nutriments, supérieure à la valeur de 20 % généralement admise. Par ailleurs, le carbone est en quantité encore suffisante pour que des processus de dénitrification s’installent dans la couche drainante où l'eau est temporairement stockée.
Le deuxième étage est le siège d'une minéralisation poussée de l’azote, la teneur en azote organique résiduel est faible (3 mg/l en moyenne). La teneur en azote Kjeldhal est en moyenne très proche de 10 mg/l.
La teneur en nitrates est variable en fonction des cycles d’alimentation : 20 mg/l en début de cycle et 10 mg/l en fin de cycle. Pendant la phase de repos se forment des nitrates à partir des ions ammo-
Tableau 2 : Évolution de la qualité des eaux et rendements à Montromant (69)
Tableau 3 : Évolution de l'azote (en mg/l) à Montromant
nium fixés sur le massif filtrant qui sont ensuite lessivés en début de cycle d'alimentation (Guilloateau et al., 1993). Ces concentrations, faibles parfois, restent néanmoins très significatives eu égard aux très faibles températures extérieures. Les pertes en azote total sont réduites et s’expliquent par les mécanismes de relargage évoqués ci-dessus.
plusieurs régions françaises pour mettre en place diverses filières de traitement rustiques. Des filtres plantés de roseaux expérimentaux sont installés dans deux fermes bovines. Les résultats obtenus sur l'un des sites sont relatés ci-après.
Le site de Frolois est localisé en Côte d’Or, dans une ferme de 50 vaches laitières équipée d'une salle de traite 2 × 5 postes et d'un tank à lait de 3 200 litres vidé tous les 2 jours. La filière de traitement est en fonctionnement régulier depuis 1994. Elle est constituée d'une fosse toutes eaux, d’un étage de filtres B et d'un étage de filtres C (figure 3).
Conditions de mesures
Les eaux usées proviennent du lavage de la machine à traire 2 fois par jour, alternativement avec un détergent acide et alcalin, et du lavage du tank à lait après vidange tous les 2 jours. Les trois postes de pollution (lavage matin, lavage soir, lavage tank) ont fait l'objet de prélèvements séparés. Connaissant les débits se rapportant à chaque lavage, il a été possible d’établir une quantification précise de la charge cumulée de la pollution à traiter. Cette charge ramenée au débit moyen journalier (635 l) a permis de calculer une concentration moyenne fictive (tableau 4) nécessaire à l’évaluation des rendements de la fosse toutes eaux.
Pendant la période de suivi présentée ici, le changement d’alimentation des filtres était réalisé tous les 2 jours en synchronisation avec les vidanges du tank à lait.
Résultats
L’agencement de la salle de traite laisse un volume résiduel de lait important qui aug-
Tableau 5 : Evolution des concentrations et rendements à Frolois (moyenne de 10 valeurs)
Qualité (mg l⁻¹) | Rendement (%) | ||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Entrée filtres B | Entrée filtres C | Sortie | 1er étage | 2ème étage | Total | ||||
moy. (min-max) | moy. (min-max) | moy. (min-max) | moy. | E.T. | moy. | E.T. | moy. | E.T. | |
DCOb (a) | 1 393 (820-1 905) | 566 (148-855) | 228 (92-505) | 59 | 13,6 | 58 | 34,1 | 84 | 7,5 |
DCOd (b) | 629 (410-1 150) | 278 (120-440) | 154 (45-395) | 52,5 | 25 | 45 | 59,9 | 58 | 14,2 |
DBO₅ | 740 (415-1 100) | 267 (44-440) | 65 (10-135) | 65 | 18,7 | 78 | 14,4 | 92 | 4,5 |
MES | 378 (228-525) | 171 (21-227) | 56 (20-97) | 54 | 19,9 | 63 | 39,8 | 83 | 13,3 |
NNK | 54 (38-66) | 33 (22-43) | 21 (6-34) | 36 | 22,8 | 39 | 64,7 | 61 | 21,7 |
NGL | 55 (45-66) | 34 (22-43) | 27 (8-46) | 36 | 2,28 | 40 | 3,72 | 57 | 2,85 |
PPT | 11 (7-16) | 8 (6-10) | 6 (2-9) | <0,3 | <0,375 | <0,375 | — | ||
DGO | 1 634 (1 093-2 176) | 716 (249-1 035) | 321 (119-650) | 85 | 13,5 | 54 | 39,4 | 78 | 12,7 |
(a) DCOb = DCO brute (b) DCOd = DCO mesurée après filtration ou centrifugation. E.T. = Écart type
principalement les paramètres représentatifs de la matière organique. Les concentrations en nutriments sont très variables selon la composition des produits détergents acides susceptibles de contenir de l'acide nitrique ou de l’acide phosphorique.
L’évolution des concentrations, après passage dans la fosse toutes eaux est relatée dans le tableau 4. La DGO (Demande Globale en Oxygène), paramètre représentant l'ensemble des besoins en oxygène nécessaires à la dégradation complète de la matière organique et à l’oxydation totale des composés azotés sous forme de nitrates, est calculée par la formule suivante :
DGO = DCO₆ + 4,5 N-NK.
La fosse toutes eaux munie d'un seul compartiment offre un abattement de l’ordre de 30 % sur les MES et une réduction légèrement supérieure de la matière carbonée.
Les rendements moyens des deux étages de filtres sont du même ordre de grandeur. Des différences sensibles apparaissent au niveau des écarts-types, bien supérieurs dans le cas des filtres C, qui assurent un complément de traitement en fiabilisant le fonctionnement de la station. De ce fait, le rendement global du FPR atteint 85 % pour les paramètres caractéristiques de la matière organique et ce, de manière stable, mise en évidence par les écarts-types faibles. L’abattement de l’azote Kjeldahl est de 60 %. Sur l’azote total, le rendement atteint aussi presque 60 % mais de façon irrégulière.
Toutefois, le rejet dont les concentrations sont encore importantes ne pourrait se rejeter sans complément de traitement dans un milieu naturel superficiel. Ce constat est à relier aux surfaces utiles réduites et aux charges apportées très élevées comme le montre le tableau 6.
Dans le cas présent, un complément de traitement est assuré par une tranchée d’épandage dans le sol qui assure aussi la dispersion en l'absence d'autre exutoire.
Tableau 6 : Charges moyennes reçues par les filtres à Frolois (unités : g m⁻² j⁻¹ pour les charges surfaciques, g j⁻¹ pour la charge en entrée)
DCO | DGO | |
---|---|---|
Charge en entrée ........................................ | 884 | 1038 |
Charge sur filtres B ................................. | 148 | 173 |
Charge sur filtres C ................................. | 38 | 49 |
Charge ramenée à la surface totale des filtres .... | 58 | 68 |
À Frolois, on peut considérer que le fonctionnement des filtres est satisfaisant car, jusqu’à ce jour (mai 1999), aucun colmatage n’a été observé. Le développement dense des tiges des roseaux traversant la couche de sable superficielle (dit « sable de maçon », assez commun en toutes régions de France, dont les caractéristiques sont : d10 = 0,27 mm, d60 = 0,72 mm, coefficient d’uniformité = 2,7) a toujours permis de maintenir une perméabilité suffisante.
Discussion
Gestion des boues primaires
L'intérêt majeur des FPR consiste en une gestion réduite au minimum des boues primaires. La station de Montromant, qui reçoit des eaux usées brutes, montre qu’au bout de 6 ans de fonctionnement, la couche colmatante de surface se gère d’elle-même grâce à un suivi des consignes d’exploitation (phases d’alternance et repos). Les tiges des roseaux développées à partir des nœuds de rhizomes percent les dépôts organiques accumulés et assurent ainsi un effet décolmattant. Les espaces créés autour des tiges autorisent, même en hiver, le passage de l’eau qui coule le long des racines et des radicelles. C’est à la fin de l’hiver, avant la repousse de printemps, alors que les dépôts hivernaux n’ont pu être mécaniquement travaillés par de jeunes pousses et n’ont pu être asséchés dans des conditions de température et d’hygrométrie clémentes, que les risques de colmatage sont les plus grands.
La station de Gensac-la-Pallue, construite avec l’aide du Cemagref, possède depuis 1987 un premier étage s’apparentant à des filtres A. Cette installation déjà décrite (Liénard et al. 1990, 1993, 1994) a fait l'objet d'une campagne de mesures en février 1996. Après 9 ans de fonctionnement, les filtres reçoivent des eaux usées brutes dans les conditions décrites dans le tableau 7.
En février 1996, l'effluent à traiter possède des valeurs conformes à la moyenne (Liénard et al., 1993) et le rejet issu du filtre présente une qualité similaire (tableau 6) à celle jusque-là mesurée. Les boues non encore percées par de jeunes pousses n'ont pas empêché l’infiltration de 945 mm d’eaux usées.
Une cartographie de dépôts a été établie ; elle révèle une accumulation plus importante au débouché de la canalisation d’amenée dans la goulotte de distribution jugée a posteriori inadaptée : hauteur maximale mesurée = 27 cm. La hauteur minimale mesurée est de 6 cm. Globalement, la couche de boue est similaire pour les 8 filtres.
Cette mauvaise répartition s’explique par le dispositif d’alimentation (poste de relèvement à grande distance de la goulotte de distribution) qui ne permet pas d’assurer un
Tableau 7 : Conditions de fonctionnement et performances des filtres A de Gensac-la-Pallue (16)
(en moyenne sur 9 ans) – Charge moyenne journalière – Charge surfacique sur l’ensemble des filtres – Charge surfacique sur le filtre en service
(en février 1996) Qualité de l'effluent (mg l⁻¹) : DCOB 110 ; DCOd 80 ; DBO5 70 ; MES 50 ; NK 20
Rendement des filtres A (%) : DCOB 92 ; DCOd 97 ; DBO5 33 ; MES 33
Flux en été : 145 m³ ; 75 mm
Flux en hiver : 255 m³ ; 133 mm ; 1065 mm
apport à fort débit (Agences de l’Eau, 1993).
La hauteur moyenne peut être estimée à 13 cm, ce qui correspond à une accumulation de 1,5 cm an⁻¹ pour une installation recevant environ 60 % de sa charge organique.
En avril 1996, les boues ont été évacuées par diverses méthodes afin de niveler la surface de filtres pour obtenir une meilleure équirépartition à la suite des travaux d’amélioration de l’alimentation (mise en place d’une conduite sous pression).
Il faut compter environ 5 heures de travail pour évacuer, par tracto-pelle, les boues contenues sur 100 m³ de filtres (soit environ 15 m³) et les transporter avec un camion à moins de 500 m de distance. Ces travaux s’imposaient, non pas à cause d’une dégradation de la qualité du rejet, mais par la faiblesse de la hauteur de la revanche étanche encore disponible et, en conséquence, de l’impossibilité d’admettre, en saison hivernale, tout le flux d’eaux usées sur un seul filtre normalement en service pendant les week-ends.
La station de Manspach (Haut-Rhin) a été construite en 1994 pour traiter des eaux usées d’origine domestique. Sa capacité nominale est de 500 éq.hab. En réseau unitaire, le taux de dilution par des eaux claires parasites de 100 % était connu dès l’origine du projet, ce qui a conduit à retenir un débit nominal de 150 m³ j⁻¹ correspondant à un volume journalier produit par éq.hab. de 300 l j⁻¹.
Cette station dispose, contrairement aux autres stations présentées ici, d’un traitement primaire par décanteur-digesteur. Les eaux usées décantées sont envoyées sur deux des quatre filtres B du premier étage d’une surface unitaire de 182,5 m² (le premier étage a donc une surface totale de 750 m²), puis sur l’un des deux filtres C d’une surface unitaire de 125 m². L’emprise globale des filtres s’élève à 980 m². L’alternance est effectuée une fois par semaine. Cette station a fait l’objet de deux bilans de 7 jours, d’abord en février 1998, puis en septembre 1998.
Tableau 8 : Conditions de fonctionnement de la station de Manspach (68)
Débit m³ j⁻¹ | Taux de charge | Charge organique DCO kg j⁻¹ | Taux de charge |
---|---|---|---|
Dimensionnement : 150 | — | 60 | — |
Hiver (moyen) – février 1998 : 300 | 200 % | 25 | 40 % |
Été (moyen) – septembre 1998 : 230* | 150 % | 16 | 25 % |
Le degré de siccité moyen est de 25 %, celui de la couche superficielle n’étant qu’environ de 15 %.
À partir de ces valeurs, l’élaboration d’un bilan massique a été tentée. La différence [(apport cumulé de MES en 9 ans) – (MS retenues sur les filtres en 9 ans)] s’établit à 113 t, ce qui correspond à 12,5 t MS an⁻¹. Chaque année, 65 % des apports en MES, soit 6,5 kg m⁻³ de filtres A, sont minéralisés et les sels dissous produits sont entraînés avec l’effluent.
L’apport journalier moyen, en hiver, ramené à la surface des filtres en fonctionnement, est de 820 mm d’eau sur les 2 filtres B et de 2 400 mm sur le filtre C. Les traitements préalables conduisent à des taux de charge organique relativement faibles tant en été qu’en hiver.
Dans ce contexte, le tableau 9 montre l’évolution de la qualité au cours du traitement. Tant en été qu’en hiver, la concentration du rejet en DCO est inférieure à 30 mg l⁻¹.
Tableau 9 : Évolution de la qualité de l’eau au cours du traitement par les filtres B et C de Manspach (68)
hiver |
---|
DCO mg l⁻¹ : Entrée filtre B 80 – Entrée filtre C 33 – Sortie 28 |
MES mg l⁻¹ : 30 – 3,4 – 2,6 |
NH₄⁺ mg l⁻¹ : 10,9 – 7,5 – 2,3 |
NO₃⁻ mg l⁻¹ : 15 – 29 – 7,3 |
été |
DCO mg l⁻¹ : Entrée filtre B 75 – Entrée filtre C 21 – Sortie 25 |
MES mg l⁻¹ : 21 – < 5 – < 5 |
NH₄⁺ mg l⁻¹ : 15,5 – < 1 – < 1 |
NO₃⁻ mg l⁻¹ : < 0 – 13,4 – 13,4 |
Les rendements en flux sont de 65 % en hiver et 75 % en été. La nitrification est quasi complète ; les teneurs en nitrates sont relativement stables au cours d’une saison.
ordre de 30 %) et avoisinent 7 mg/l en hiver et 13,5 mg/l en été. Par conséquent, compte tenu des débits différents entre l’été et l’hiver, les flux en nitrates, en sortie de la filière globale, sont identiques pendant les deux saisons.
L'intérêt des filtres C dont la surface ne représente que 25 % de la surface totale plantée est minime mais permettra peut-être de fiabiliser le niveau de qualité du rejet à long terme.
Il semble donc que les filtres B et C acceptent des charges hydrauliques importantes. Cet exemple confirme la possibilité d’apporter un excellent traitement tertiaire par l'usage de filtres B si l’on souhaite, en sortie d'un traitement secondaire, affiner les paramètres caractéristiques de la matière organique et augmenter la nitrification.
Dimensionnement
Les résultats acquis sur le site de Montromant confortent les bases de dimensionnement des filtres A de la filière FPR en cas de réseau séparatif ou d’admission à débits contrôlés par déversoir d’orage. Une surface totale de 1,2-1,3 m²/éq.hab. du 1er étage, répartie en 3 unités identiques de 0,4-0,45 m²/éq.hab., correspond à une charge organique globale de l’ordre de 100 g de DCO/m² planté.
Cette configuration permet d’atteindre un abattement significatif sur les éléments carbonés et les matières en suspension (> 80 % sur la DCO, > 85 % sur les MES), ainsi qu'un début d’oxydation de l’azote.
L'emprise au sol du deuxième étage devrait pouvoir être diminuée. En effet, l'effluent alimentant les filtres B, contenant moins de 20 mg/l de MES, ne peut contribuer à induire une couche colmatante superficielle. Dans ces conditions, il est difficile d’optimiser la répartition de l’effluent et de réduire les vitesses de passage pour augmenter les temps de contact effluent/bactéries.
Pendant la mesure, seuls 10 % de la surface disponible étaient utilisés. Une réduction de moitié, soit une emprise au sol proche de 0,5 m²/éq.hab., permettra d’atteindre une élimination par nitrification au moins analogue, pour un coût de construction moindre.
Pour le traitement des eaux de lavage de salles de traite, la poursuite d'essais permet d'affiner la conception d'installations comportant deux étages à écoulement vertical lorsque la topographie des lieux le permet.
Le dimensionnement global est désormais établi sur la base de 75 g de DCO.m⁻².j⁻¹ puis 65 % de la surface ainsi calculée est affectée aux 2 filtres du 1er étage et le reste à ceux du 2ᵉ étage.
Remerciements
Les recueils de données concernant les stations de Montromant et de Gensac ont été réalisés grâce au financement de la Direction de l’Espace Rural et de la Forêt du ministère de l'Agriculture et de la Pêche. L’IRH, Génie de l'environnement a gracieusement mis à notre disposition les résultats de Manspach dont l'acquisition a été financée par l’Agence de l’Eau Rhin Meuse. Les expérimentations concernant les effluents de lavage de salle de traite ont été conduites à l'initiative de l'Institut de l’Élevage.
Références bibliographiques
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- Liénard, A., Boutin, C., Bois, R., Charles, P. (1994). Couplage de filtres plantés de roseaux et lagunes : un exemple en France. 11ᵉ Cong. Journées Information Eaux, Poitiers, 28-30 septembre 1994. Conférence n° 441. Thème "Eaux résiduaires urbaines", Tome I, pp 44.1-44.15.
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