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Les stations automatiques de contrôle de la qualité des eaux

30 octobre 1975 Paru dans le N°2 à la page 39 ( mots)
Rédigé par : J. BERNARD et J.-j. PROMPSY

parer à une variation rapide de la qualité de l’eau brute qu’il doit traiter. Pour cela, il est indispensable de disposer de mesures fréquentes, voire continues, qui seules permettent de suivre les variations rapides de la qualité de l’eau et de réagir en conséquence.

Les stations de mesure doivent donc être conçues pour fournir des informations en temps réel, ce qui implique l’utilisation de capteurs et d’appareils de mesure automatiques capables de fonctionner de manière autonome sur de longues périodes. Ces stations doivent également être capables de transmettre les données recueillies à un centre de traitement où elles seront analysées et interprétées.

La mise en place de tels systèmes de surveillance nécessite des investissements importants, mais elle est indispensable pour garantir une gestion efficace des ressources en eau et pour prévenir les risques de pollution. Les technologies actuelles permettent de mesurer une grande variété de paramètres, tels que la température, le pH, la conductivité, la turbidité, la concentration en oxygène dissous, et bien d'autres encore.

En conclusion, la surveillance continue de la qualité des eaux est un enjeu majeur pour la protection de l'environnement et la santé publique. Elle nécessite des moyens techniques avancés et une coordination entre les différents acteurs concernés, mais elle est essentielle pour assurer une gestion durable des ressources en eau.

[Photo : Station de l'Ecaillon à Thiant, près de Valenciennes.]

ajuster ses taux de traitements aux variations instantanées de la qualité de l'eau.

En pratique, la fréquence des mesures doit être étudiée avec une triple approche ; elle dépend, en effet, des paramètres choisis, de l’environnement et des objectifs poursuivis.

Les paramètres eux-mêmes sont très différents. Il en est qui sont très stables pour lesquels chaque mesure est une mesure de la valeur moyenne et dont on peut tracer l’évolution au cours du mois par des mesures peu fréquentes : citons par exemple le TH, la teneur en chlorure ou en sulfate. Des mesures peu fréquentes suffisent normalement à apprécier l’évolution du niveau de ces paramètres dans le temps.

Il faut souligner l'adverbe, en effet, l'environnement intervient et cette conclusion devient évidemment fausse si l'on a lieu de craindre des déversements intempestifs susceptibles de faire varier ses teneurs.

Il y a un très grand nombre d’éléments pour lesquels, heureusement, la valeur moyenne ne saurait généralement être que voisine de zéro : les corps toxiques, cyanure ou métaux lourds par exemple. Il importe pourtant d’apprécier la fréquence avec laquelle ils peuvent être rencontrés dans l'eau que l'on surveille. Pour ce faire, il faudra avoir recours à des appareils de prélèvements automatiques déclenchés par un capteur qui sera le plus souvent un capteur intégrateur de nombreux paramètres tel un test biologique.

Mais il est d'autres paramètres dont les valeurs sont peu stables et dont on appréhende mal le niveau avec des mesures par trop rares. On peut illustrer cette affirmation en citant par exemple l’ammoniaque ou la teneur en oxygène, paramètres pour lesquels la valeur moyenne n’est guère significative, moins en tout cas que la connaissance des valeurs extrêmes et de leur fréquence d’apparition.

Dans la pratique, les deux phénomènes se superposent souvent, c’est-à-dire qu’à une évolution très lente d'un paramètre caractérisant une pollution chronique, s’ajoute de temps à autre une pointe extrêmement brutale mettant en évidence une pollution accidentelle. Il en est ainsi, par exemple, pour l’ammoniaque, particulièrement dans les régions industrialisées. La teneur moyenne en ammoniaque traduit bien la pollution relativement stable due aux rejets des eaux usées des agglomérations mais des déversements d’origines industrielles peuvent intervenir, faisant pendant quelques heures, par exemple, passer la teneur de sa valeur moyenne de 1,5 g/m³ à une valeur extrême de 5 g/m³ comme cela se voit dans la Seine en aval de Paris.

Mais c’est évidemment en fonction de l’objectif poursuivi que doit être fixée la fréquence des mesures. Il y a essentiellement deux types de réseaux : le premier est destiné à donner une alarme en cas de pollution, le second à apprécier la qualité d'un bassin.

[Photo : Station de l’Ecaillon : armoire de mesure.]
[Photo : Station de l’Ecaillon.]

Les réseaux du premier type sont ceux qui intéressent le plus directement les traiteurs d’eau, mais ils pourraient être utilisés de façon tout à fait comparable pour protéger par exemple une baignade.

Les mesures doivent alors être effectuées en continu avec des capteurs susceptibles de déclencher des alarmes. La station doit être placée suffisamment en amont de la zone à protéger pour que dans les conditions les plus défavorables, le délai soit suffisant pour qu’aient pu être prises les mesures nécessaires. À la limite, un simple test biologique intégrant absolument tous les paramètres susceptibles de créer une nuisance est le plus efficace et suffirait à déclencher les alarmes programmées pour les pollutions accidentelles.

Toutefois, comme nous l’avons noté, le traiteur d’eau est très sensibilisé aux variations de qualité de sa matière première et tant qu’à faire d'avoir une station automatique, il souhaitera en tirer un maximum de renseignements.

Bien entendu, quel que soit le nombre des paramètres mesurés en continu dans la station et ce nombre est forcément limité dans l'état de la technologie actuel, les raisons exactes d’une pollution brutale resteront ignorées si l’on ne dispose pas dans la station d’un échantillonneur automatique dont le fonctionnement sera déclenché lorsque l’un quelconque des capteurs verra sa mesure atteindre le seuil d’alarme.

Les réseaux de mesure liés aux objectifs de qualités ne veulent de mesures en continu que pour les quelques paramètres qui l’exigent. Les stations sont alors placées aux extrémités des biefs qu’il s’agit de contrôler de façon à pouvoir apprécier les flux de pollutions entrant et sortant.

Bien évidemment, il serait ridicule que ces deux réseaux s’ignorent l’un l’autre et une synthèse des renseignements accumulés s’impose. En France, les Agences de Bassin ont choisi de considérer que les stations d’alarme faisaient partie intégrante des réseaux liés aux objectifs de qualité et de ce fait, elles prennent à leur charge la moitié des dépenses d’investissement nécessaire pour ces stations.

LES STATIONS AUTOMATIQUES

Le choix des matériels.

Seuls peuvent répondre au problème des appareils entièrement automatiques susceptibles de fonctionner dans une ambiance quelquefois agressive ou malsaine (présence d’H₂S par exemple), du seul fait de la qualité des eaux à analyser.

L’exploitant, n’étant pas sur place, souhaite de ce fait, limiter au maximum ses interventions. La périodicité des visites qui lui paraît acceptable est de l’ordre de la semaine ; encore souhaite-t-il n’avoir qu’à procéder à un nettoyage des dispositifs de mesure et au remplissage des cuves des réactifs. D’autre part, il faut des dispositifs d’enregistrement particulièrement fiables, et surtout permettant les traitements automatiques dont relève la grande masse des données accumulées. Enfin, la dérive des chaînes de mesure utilisées étant inévitable, il peut être utile de disposer d’un dispositif de réétalonnage automatique.

Le problème étant posé dans ces termes, il est clair que la plupart des automates de laboratoire ne conviennent pas.

Cela est particulièrement évident pour la plupart des appareils qui utilisent les principes de la colorimétrie. Ils ont en général une excellente précision mais sont souvent beaucoup trop fragiles et supposent un environnement moins agressif que celui qui est habituellement rencontré sur le terrain et du personnel compétent à proximité.

Comme toujours, il faut se garder de trop généraliser : il existe quelques photocolorimètres qui ont franchi le stade du laboratoire et qui sont d’une fiabilité assez remarquable tant au niveau de la mesure que du fonctionnement automatique dans une ambiance industrielle, il faut souhaiter que de tels appareils soient adaptés aux conditions particulières des stations automatiques de contrôle pour la détermination des valeurs de certains paramètres dont la mesure reste actuellement du seul domaine de la photocolorimétrie : mesure de la silice, du fer par exemple.

Les dispositifs potentiométriques utilisant une électrode spécifique, sont évidemment plus faciles à transposer du laboratoire au terrain, leur technologie étant beaucoup moins vulnérable que celle des automates.

[Photo : Vue de la station de la Houlle, côté rivière la Houlle.]

Le plus ancien et le mieux éprouvé est l’électrode de pH. Les constructeurs présentent aujourd’hui des catalogues d’électrodes spécifiques d’un certain nombre d’anions et de cations. Les plus classiques sont les électrodes de pH, des ions fluor, chlore, brome et iode.

Rappelons que ces dispositifs mesurent la différence de potentiel existant entre une électrode de référence et une électrode support d’une membrane spécifique. Tous les facteurs étant identiques par ailleurs, seul varie le potentiel à l’interface membrane-solution à analyser ; ce potentiel est théoriquement donné par la loi de Nernst :

              RT
E = E₀ + 2,303 —— log C
              nF

le terme p = 2,303 RT/nF étant la pente de l’électrode spécifique.

Malheureusement, toutes les membranes ne présentent pas le même degré de spécificité que l’électrode de verre destinée à la mesure du pH, encore que cette spécificité ne soit pas absolue et qu’à pH faible, il puisse y avoir interférence des ions sodium.

On peut expliciter ce phénomène qui fausse les mesures par excès, en écrivant :

E = E₀ + p log (C + Kᵢ Cᵢ)

C étant la concentration de l’ion à mesurer, Cᵢ la concentration des autres ions et Kᵢ la constante de spécificité pour ces ions. Par exemple, un constructeur donne pour son électrode spécifique à l’ion brome une constante de spécificité de 6 · 10⁻⁴ à l’ion chlorure. Par contre, si une certaine quantité des ions à mesurer est complexée, l’électrode n’en tiendra pas compte.

En outre, la mesure dépend évidemment de la température.

Enfin, la durée de vie des électrodes n’est pas infinie. Tout d’abord, la constante E₀ voit sa valeur évoluer, ce qui implique un réétalonnage périodique. Ensuite, la membrane elle-même peut être attaquée par certains ions, ce qui change la valeur de la pente.

Ces facteurs dont on peut tenir compte en laboratoire font qu’il est difficile d’adapter toutes les électrodes à une utilisation en continu sur le terrain.

Ainsi, alors qu’il aurait été souhaitable de mesurer le plus grand nombre possible d’éléments au moyen de stations automatiques, n’a-t-on pu finalement en retenir que quelques-uns qui sont apparus comme les seuls susceptibles d’être mesurés automatiquement avec une fiabilité et une précision suffisante ; il s’agit de :

  • la température de l’eau,
  • la conductivité (caractéristiques des sels dissous),
  • l’oxygène dissous (principal paramètre pour la vie biologique et plus particulièrement le poisson),
  • le pH (normalement très constant dans les eaux de rivière),
  • la turbidité (caractéristique de matières solides en suspension).

D’autres paramètres avaient été envisagés un moment et ont été écartés pour diverses raisons :

  • le potentiel Redox dont la signification pour les eaux de surface n’est pas claire, le rH d’une eau de rivière mesuré même en laboratoire n’étant pas stable.
  • les chlorures : les essais ont permis de conclure que, sous réserve d’ajuster la force ionique des étalons à une valeur voisine de la force ionique de l’eau analysée, on arriverait à suivre les variations de la teneur en chlorure sans pour autant connaître la valeur absolue de cette teneur. Dans ces conditions, on a préféré abandonner ce paramètre, estimant par ailleurs que les variations de conductivité fourniraient autant de renseignements.

Parmi les paramètres retenus, on déplore particulièrement les absences de ceux qui caractérisent les matières organiques et de la mesure de la teneur en ammoniaque, grandeurs extrêmement significatives tant pour les Agences de Bassin, qui veulent suivre l’évolution de la qualité d’un cours d’eau en longues périodes, que pour le traiteur d’eau qui doit adapter son traitement aux variations éventuellement brutales de cette même qualité.

Il existe heureusement des appareils de prélèvements automatiques bien au point qui permettent de constituer des échantillons moyens sur des périodes variant de quelques minutes à quelques jours, échantillons qui sont conservés en chambre froide et collectés de temps en temps pour être envoyés au laboratoire et sur lesquels toutes les déterminations analytiques sont possibles.

Traitement des données.

Deux techniques sont actuellement utilisées. Il s’agit d’enregistrement sur bandes magnétiques d’une part, et d’enregistrement sur bandes de papier perforées d’autre part.

Les enregistrements magnétiques ont donné toute satisfaction sur le terrain. Les bandes sont d’un modèle comparable à celui qu’on utilise dans les magnétophones, donc d’un faible coût. Par contre, elles ne peuvent pas être directement lues par l’ordinateur, et les renseignements doivent être recodés pour pouvoir être assimilés par la machine, ce qui alourdit le traitement à l’aval de la station.

Les enregistrements sur bandes perforées suppriment, évidemment, l’inconvénient du dispositif précédent, puisqu’elles sont lues directement par un périphérique.

[Photo : Station de la Houlle : armoire de mesure.]

Contre, les dispositifs d’enregistrement ont, sur le terrain, présenté quelques défauts de fonctionnement : décalage des enregistrements, bourrage des bandes papier, nécessité de prévoir une alimentation continue sur batterie pour éviter les remises à zéro intempestives des horloges, du fait de coupure de secteur.

Bien entendu, ces dispositifs de prise en compte des données, destinées à des traitements différés de l’information, ne dispensent pas de mettre en place des appareils permettant d’utiliser ces mêmes informations en temps réels. Il s'agit plus simplement de milliampèremètres indicateurs éventuellement équipés de seuils réglables, pour déclencher l’alarme qui permettra au traiteur d’eau de faire face aux modifications de qualité de sa matière première.

Ces indicateurs sont le plus souvent doublés par des enregistreurs sur bande, donnant en continu les courbes qui sont, en effet, plus faciles à interpréter, puisqu’elles témoignent de l’évolution d’un paramètre et non plus seulement de sa valeur absolue.

Les tests biologiques

  • — Les capteurs de mesure de paramètres physico-chimiques permettant de déceler la présence dans une eau d’éléments polluants et d’en donner la concentration, les tests biologiques ont pour objectif la détermination de la réaction d’un être vivant aux effets instantanés ou cumulatifs d’une pollution.
  • — Si les capteurs peuvent donc nous faire connaître la cause d’une pollution et nous avertir du dépassement d’un seuil considéré comme dangereux de concentration de l’élément polluant, ils sont bien entendu incapables de nous renseigner sur les effets cumulatifs d’une pollution se maintenant en-deçà de ce seuil. En outre, ils ne rendent pas compte des possibles effets synergiques de la présence simultanée au niveau de micro-traces de plusieurs polluants.

L’intérêt du contrôle du comportement d’un animal réagissant globalement à l’ensemble des polluants éventuels d’une eau, incluant ceux qui dans l’état actuel de la technique ne sont pas susceptibles d’une mesure industrielle fiable à l’aide de capteurs spécifiques apparaît donc évident.

Ceci admis, le problème se pose bien entendu du choix judicieux de l’animal témoin et des moyens de détection de ses réactions en présence d’une pollution.

Récemment, un test biologique utilisant les micro-crustacés que sont les daphnies a été mis au point pour le contrôle des rejets d’eaux résiduaires. Il permet, par comptage des individus d’une certaine population mise au contact de ces rejets et morts au bout d’un temps donné, d’établir une quantification corrélative de la pollution.

Il s’agit là, malheureusement, d’un test qui reste du domaine du laboratoire, son automatisation n’étant guère envisageable dans l’état actuel des choses.

Les nombreuses études faites tant en France qu’à l’étranger, et dont témoigne l’abondante bibliographie sur le sujet, convergent toutes vers le choix d’un être aquatique supérieur, en l’occurrence le poisson, comme animal témoin.

Différentes méthodes ont été proposées pour détecter les réactions du poisson à une pollution, telles que la mesure de l’activité respiratoire ou la surveillance du rythme cardiaque. On conçoit que des méthodes aussi sophistiquées qui nécessitent la mise en place d’électrodes et l’interprétation des enregistrements des signaux obtenus ne peuvent être appliquées que par un personnel hautement spécialisé et ne sauraient, en aucun cas, être mises en pratique dans le cadre des stations de contrôle automatique.

Les études faites en France, en particulier par le C.T.G.R.E.F., organisme de recherche du Génie Rural des Eaux et Forêts, ont conduit à adopter comme poisson témoin la truite qui, en certaines périodes d’été où l’eau deviendrait trop chaude pour sa survie, pourrait être remplacée par la carpe.

Le choix du témoin aurait évidemment pu se porter sur d’autres espèces peut-être plus sensibles à la pollution, telle celle du vairon, mais aussi plus délicates. Dans le cas présent, il convient de souligner le souci des chercheurs d’adopter un poisson dont l’approvisionnement, la manipulation, l’acclimatation dans l’aquarium ne présentent pas de difficultés particulières.

L’état de santé de la truite nageant à contre-courant dans l’eau contrôlée est jugé d’après sa capacité à se maintenir dans le courant et sa réaction à la décharge électrique à laquelle elle est normalement très sensible.

[Photo : Station de la Houlle : enregistrement des données sur bande perforée.]

En fait, afin d’éliminer les réactions par trop « personnelles » des individus, le test porte sur trois truites qui sont renouvelées périodiquement l’une après l’autre de façon à éviter un contrôle sur des poissons fatigués.

Le renouvellement est assuré à partir d’un quatrième aquarium, identique aux trois autres, où la truite s’habitue pendant un certain temps à son nouvel environnement.

Le dispositif de test comporte donc quatre aquariums en forme de couloir, alimentés à débit constant par l’eau à contrôler. Chaque aquarium est équipé à l’aval d’un barrage photoélectrique en-deçà duquel est disposé un jeu d’électrodes pouvant être alimentées sous basse tension.

Une truite, après un séjour dans l’aquarium d’acclimatation, une fois placée dans l’aquarium de test se maintient normalement dans sa partie amont, face au courant d’eau. Si, pour une raison ou une autre, elle se laisse entraîner progressivement par le courant, elle vient occulter le barrage photoélectrique, provoquant ainsi la mise sous tension des électrodes. Sous l’effet de l’impulsion électrique alors émise, un poisson en bonne santé réagit immédiatement en se déplaçant rapidement vers l’amont, mouvement qui est enregistré par le franchissement du barrage photoélectrique.

Une seule impulsion peut être insuffisante pour déclencher un réflexe de défense chez un poisson malade ou fatigué ; aussi, tant que la truite n’a pas quitté le champ du barrage, elle est soumise à un train d’impulsions de périodicité constante.

Si, après la première impulsion, la truite n’a pas regagné la partie amont de l’aquarium, une signalisation « poisson malade ou fatigué » est donnée. D’autre part, si après avoir été soumis à un nombre donné d’impulsions le poisson n’a pas été capable de franchir le barrage photoélectrique, il est considéré comme mort, ce qui déclenche une seconde signalisation.

La mort de trois individus provoque bien entendu l’émission d’un signal de danger immédiat.

L’exploitation a posteriori des résultats du « test truite » est facilitée par l’utilisation d’un enregistreur à quatre courbes sur lequel viennent s’inscrire, pour chaque poisson, les intervalles de temps entre deux trains d’impulsions ainsi que les deux alarmes précitées, matérialisées par deux signaux dont les amplitudes différentes en permettent la discrimination.

Il a paru intéressant d’enregistrer également le comportement du poisson en cours d’acclimatation qui, après une période de mouvements assez désordonnés, doit acquérir une mémoire de la décharge dont la fréquence d’effacement est suffisamment courte, ce que l’enregistreur permet de contrôler, pour qu’il puisse être placé dans l’un des aquariums de test.

Cette description assez sommaire ne laisse sans doute pas apparaître la complexité de l’appareillage de test qui, pour atteindre une fiabilité suffisante, dans les conditions assez particulières d’installation et de fonctionnement dans le cadre des stations d’alerte, doit nécessairement comporter un certain nombre de dispositifs d’autocontrôle permettant la vérification à distance de sa bonne marche.

Les expériences

D’une façon générale, il faut bien avouer que les premières installations ont autant souffert du manque d’expérience des utilisateurs que des imperfections technologiques du matériel.

La qualité de la prise d’eau, par exemple, mérite une attention spéciale, car elle conditionne, avant même la mesure, la qualité des résultats obtenus ; on s’est aperçu qu’une pompe immergée était indispensable et qu’il fallait prévoir un débit largement surdimensionné.

Pour sa part, la Société Lyonnaise des Eaux a mis en place sa première station automatique au confluent de l’Aa et de la Houlle. Financée en commun par l’Agence de Bassin Artois-Picardie et la S.L.E.E. dans le double but de suivre l’évolution à long terme de la rivière Aa et de prévenir de toute pollution accidentelle, la Lyonnaise traite l’eau de la Houlle qu’elle utilise pour faire de la réalimentation artificielle de la nappe de la craie. Précisons que la Houlle a un débit nul et que, du fait des prélèvements de la Société Lyonnaise des Eaux, le courant s’inverse, l’eau remontant de l’Aa vers l’amont primitif du bras mort Houlle qui constitue ainsi un bief d’emmagasinement dans lequel l’eau séjourne environ deux semaines et voit sa qualité s’améliorer sensiblement.

Cette station d’origine américaine, tout à fait comparable à celle de Boran-sur-Oise mise en place par le Syndicat des Communes de la banlieue de Paris avec l’aide de l’Agence Financière de Bassin Seine-Normandie, est technologiquement sommaire et présente de multiples inconvénients au niveau de la maintenance (très grande inertie du fournisseur) et de l’enregistrement des données. Il fallut augmenter la fréquence des nettoyages, en particulier du turbidimètre, jusqu’à concurrence d’un nettoyage quotidien. Il fallut également modifier sensiblement le système d’enregistrement des données pour éviter des bourrages de papier et de décalage d’enregistrement.

Une seconde station fut mise en place au confluent de l’Ecaillon et de l’Escaut, en amont de Valenciennes. Cette station d’origine hollandaise a été expérimentée six mois au Centre de Recherches de la Société Lyonnaise des Eaux. Elle a, comme celle de la Houlle, le double rôle de suivre l’évolution de la qualité de l’eau de l’Ecaillon et de prévenir le traiteur d’eau de toute variation brutale de la matière première qu’il utilise. Cette station est relativement sophistiquée et comprend, notamment, un dispositif

…de nettoyage des électrodes par ultra-sons et un système permettant un étalonnage (quotidien) des mesures en deux points, permettant ainsi de tenir compte d’un décalage du zéro de la chaîne de mesure et d’une variation de la pente de la droite de réponse. La précision constatée est bonne : 0,1 unité de pH, 2 ‰ sur l’oxygène dissous, 5 unités de turbidité et 10 microsiemens.

Enfin, la Société Lyonnaise des Eaux va mettre prochainement en service, en amont de Paris, un ensemble de trois stations automatiques qui pourrait :

— contrôler en continu la qualité de l’eau de Seine, — déceler les éventuelles pollutions.

Ces stations seront équipées du matériel français de la Société DEGREMONT.

Il est prévu une station de contrôle pour chacune des usines d’eau de Seine : Morsang-sur-Seine, Viry-Châtillon, Vigneux-sur-Seine.

Les informations données par ces trois stations de Morsang-sur-Seine, Viry-Châtillon et Vigneux-sur-Seine seront retransmises à chacune des usines directement concernées, et également transmises au dispatching de Vigneux-sur-Seine, lequel sera équipé, en 1976, d’un ordinateur industriel permettant d’enregistrer, de traiter et de stocker les diverses informations.

L’ordinateur industriel pourra régler la fréquence des analyses de chaque station (en particulier augmenter cette fréquence lorsque l’un des paramètres mesurés sortira d’une fourchette pré-établie), et également commander des prises d’échantillons pour analyse plus détaillée en laboratoire.

Chacune des trois stations de contrôle que la S.L.E.E. se propose d’installer comprendra :

— une station d’analyse automatique, — un test global de pollution, dit « test truite », — un prélèvement automatique d’échantillons, — un ensemble de télétransmissions pour couplage avec l’ordinateur industriel.

Les échelles

Les échelles adoptées n’ont pas toujours été identiques : ° 2-10, 2-12 ou 5-10 unités de pH, ° 0-1 000 ou 0-2 000 microsiemens, ° 0-100 %, 0-150 % ou 0-200 % de saturation en oxygène, ° 0-30°, 5-35° ou 0-50° de température, ° 0-100 ou 0-250 JTU en turbidité.

Les perspectives d’avenir

Il est bien clair que les premières stations mises en place ne remplissent qu’imparfaitement le rôle que l’on peut souhaiter leur confier. Mais il n’y avait pas d’autres démarches possibles pour faire progresser la technologie dans ce domaine que d’expérimenter les appareillages existants.

Des progrès non négligeables sont déjà apparus par rapport aux premiers matériels mis sur le marché. Les constructeurs avaient tendance à croire, au départ, qu’il n’y aurait pas de difficultés à transposer, dans des stations entièrement automatiques et isolées, du matériel qui avait fait ses preuves en laboratoire. Ils ont pu vérifier que ce n’était pas si simple. À l’heure actuelle, cependant, on peut estimer que, pour les paramètres principaux, le problème est en voie de trouver sa solution et que l’on va bientôt disposer de chaînes de mesure et d’enregistrement fiables et suffisamment précises.

De même, les premières commandes ont attiré l’attention des constructeurs sur le marché potentiel qui n’est pas énorme mais pas non plus négligeable pour eux. Cela les a amenés à ne plus se contenter de proposer le matériel existant par ailleurs et mis au point le plus souvent pour l’industrie chimique. Ils s’efforcent maintenant de mieux répondre aux problèmes que posent la gestion et l’utilisation des ressources en eau, en développant des matériels nouveaux. Nos premières expériences ont largement fait appel à des matériels d’origine étrangère ; on peut désormais trouver du matériel français disponible sur le marché.

C’est ainsi qu’une électrode spécifique d’ammoniaque a été mise au point et donne de bons résultats au laboratoire et, depuis quelques mois, sur le terrain. Si comme nous l’espérons, son utilisation s’avère fiable, elle pourra être systématiquement mise en place dans certaines stations et rendre de grands services.

C’est ainsi également que des « DCOmètres », de qualité hélas très inégale, sont proposés depuis deux ans par divers constructeurs. Ces automates ont déjà été utilisés par l’Agence Financière de Bassin Artois-Picardie, à Armentières et à Saint-Quentin, et donnent toutes les deux heures une valeur instantanée de la demande chimique en oxygène, un des paramètres les plus utilisés pour caractériser la teneur en matières organiques. D’autres appareils mesurent automatiquement d’autres paramètres de la pollution organique ; ainsi commence-t-on à trouver des automates de mesure du carbone organique total qui sont malheureusement onéreux et conçus pour être utilisés au laboratoire.

L’intérêt exact des stations automatiques à poste fixe n’est clairement établi que pour les stations d’alerte. D’autres orientations peuvent être envisagées pour les stations d’études. Les Agences étudient la mise en service, à la fin de 1975, d’un équipement mobile sur camion car il est probable que, dans de nombreux cas, des séries de mesure variant de huit-quinze jours à deux-trois mois, d’année en année donneront presque autant de renseignements que des mesures strictement continues sur plusieurs années.

J. BERNARD et J.-J. PROMPSY.

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