Your browser does not support JavaScript!

Les séparateurs de liquides légers et le prétraitement des eaux pluviales

28 février 1995 Paru dans le N°179 à la page 48 ( mots)

Les séparateurs de liquides légers voient leur normalisation évoluer. La norme allemande DIN 1999 sert de base au projet européen Pr EN 858 alors que la Fédération de l'Industrie du Béton procède au lancement d'une norme expérimentale. Parallèlement le domaine d'utilisation de ces appareils s'est étendu au prétraitement des eaux pluviales d'origine routière ou urbaine. En empiétant dans le domaine de l'épuration, la conception de ces installations a dérivé vers des ouvrages dont le dimensionnement nécessite d'être vérifié.

Les séparateurs de liquides légers, également appelés séparateurs d’hydrocarbures, tels qu’ils sont définis et dimensionnés dans les normes en vigueur (norme allemande DIN 1999, projet européen Pr EN 858), sont conçus pour séparer et retenir des liquides dont la densité est inférieure à 0,95 g/cm³. Leur principe de fonctionnement est élémentaire, puisque la séparation des liquides légers et de l’eau claire s’effectue par différence de densité. Il suffit d’observer un temps de transit ou de séjour suffisant en fonction de la densité du polluant liquide libre à séparer (figure 1).

Les prescriptions de la norme allemande DIN 1999 ont évolué dans le projet européen puisque l’objectif assigné est d’abord d’obtenir une performance correspondant à une teneur résiduelle de 5 mg/l en « Classe A » et de 100 mg/l en « Classe B », alors que la norme allemande demande un rendement de 97 %. Son processus d’essai, prenant pour base un fluide composé d’eau et d’hydrocarbure de densité 0,85 à raison de 0,5 % (soit 4 250 mg/l), le rendement de 97 % correspond donc à une teneur résiduelle de 127,5 mg/l, teneur incompatible avec les prescriptions de la future norme européenne.

De plus, ce niveau ne correspond plus aux valeurs-limites fixées dans les arrêtés préfectoraux ou dans les arrêtés du Ministère de l’Environnement relatifs aux « installations classées » (15 ou 20 mg/l selon les cas). Il est intéressant de voir évoluer une norme de construction en phase avec la législation. On peut regretter cependant que les travaux relatifs au projet européen ne verront pas leur conclusion avant fin 1996.

Parallèlement, la Fédération de l’Industrie du Béton (F.I.B.) a élaboré une norme expérimentale sur les séparateurs de boues et de liquides légers préfabriqués en béton dont la procédure de lancement est en cours et qui fait la synthèse de ses commentaires formulés au cours de l’enquête probatoire sur le projet européen, en 1993, et du projet européen lui-même.

La première réunion de la Commission de Normalisation a eu lieu le 12 avril 1994 sous la présidence du Centre Scientifique et Technique du Bâtiment, organisme officiel de certification qui d’ailleurs pilote déjà le comité de travail français pour la normalisation européenne. Le C.S.T.B. se dote à cet effet d’un stand d’essai d’efficacité de séparation pour les débits inférieurs ou égaux à 15 l/s alors que certains industriels disposant d’un stand de taille 30 s’apprêtent à s’équiper en taille 100 (taille maximale dont le processus d’essai soit décrit dans la norme).

Les avantages des préfabrications en béton sont facilement mis en évidence par rapport à d’autres matériaux :

  • • grande aptitude porteuse permettant des implantations sous chaussées et/ou sous grandes ou faibles hauteurs de couverture,
  • • poids permettant de se dispenser de lestage en présence de nappe phréatique,
  • • insensibilité vis-à-vis de l’effluent et des terrains rencontrés (géologie, courants vagabonds),
  • • longévité de plusieurs décennies,
  • • modularité permettant de s’adapter aux particularités de certains projets (installations spéciales ou projets évolutifs), mais aussi et surtout de respecter réellement les prescriptions de dimensionnement normatives.

Les domaines d’application énumérés par la norme comprennent les zones

[Photo : Figure 1.]

de stockage d’hydrocarbures, les stations-service, les aires de lavage manuel ou automatique, les garages et parking, certains procédés industriels, stations de lavage de camions, d’engins et toute zone de collecte d’eaux pluviales à l’exclusion des routes ou équivalents.

Il est un fait que la caractérisation des eaux de temps de pluie diffère de la nature de l’effluent d’essai normalisé servant à l’étalonnage des séparateurs à hydrocarbures. En effet, sauf déversement accidentel, les eaux pluviales ne comportent que peu d’hydrocarbures libres, mais elles sont chargées de particules véhiculant une pollution associée.

Des polluants organiques et métalliques sont en effet fortement liés à ces particules appelées MES (Matières En Suspension) ; ainsi trouve-t-on :

  • • DCO : 75 à 85 %
  • • DB05 : 70 à 85 %
  • • NTK : 50 à 70 %
  • • Hydrocarbures : 30 à 70 %
  • • Plomb : 80 à 99 %
  • • Zinc : 80 à 99 %
  • • Cadmium : 80 à 99 %

Le traitement des eaux de temps de pluie doit par conséquent être basé sur le principe d'une séparation et d’une rétention de ces “matières en suspension”.

Si la fonction assignée à l’ouvrage est de réduire la pollution véhiculée par les eaux de temps de pluie, parlons alors d’ouvrage de préépuration, plutôt que de séparateur à hydrocarbures. Sa conception doit alors tenir compte des considérations qui suivent.

Les particules, auxquelles est liée la pollution, ont de faibles dimensions : les particules inférieures à 100 microns correspondent à 65-80 % de la masse des particules contenues dans les eaux de temps de pluie. Les dispositifs de traitement devront donc être conçus de façon telle que les particules les plus fines, parfois les plus polluantes, puissent être retenues (ainsi notamment les métaux lourds sont surtout présents dans les granulométries les plus fines, inférieures à 45 μ).

La masse volumique des “particules en suspension” est importante : elle est généralement comprise entre 2 et 2,5 g/cm³ ; peut-être conviendrait-il mieux de parler de particules décantables. En effet, si l'on souhaite une rétention des particules de densité supérieure ou égale à 1, cela signifie que cet ouvrage est en mesure de retenir la quasi-totalité des matières en suspension et celles-ci ne pourront pas être piégées par décantation. Il faudra envisager d’autres moyens : filtration, floculation...

Les vitesses de chute (ou vitesse de sédimentation) des particules sont en général très élevées. Ainsi, pour espérer obtenir un rendement de séparation de 80 %, sur un ouvrage de traitement d’une eau de temps de pluie véhiculée par un réseau séparatif, il faut retenir dans l’ouvrage les particules ayant une vitesse de chute comprise entre 0,7 et 2,5 m/h.

La conformité à la norme DIN 1999 et à la future norme européenne signifie donc que l’ouvrage conçu ou mis en place pourra assurer une séparation et une rétention des liquides légers, conformément aux prescriptions de ces normes. La conformité à ces normes ne constitue en aucun cas une garantie de résultats pour la séparation et la rétention des matières décantables de faibles dimensions.

Les principes de dimensionnement des ouvrages ne sont donc plus prescrits par une norme mais découlent d’une ingénierie spécifique à l’épuration des eaux de temps de pluie.

Quel que soit l’ouvrage de décantation mis en place (décantation statique horizontale ou décantation lamellaire), la formule de base qui détermine la surface de décantation nécessaire est la suivante :

Sd = Q/Vs (1)

avec :

  • - Sd : surface de décantation (m²),
  • - Q : débit d’alimentation de l’ouvrage (m³/h),
  • - Vs : vitesse de sédimentation de la particule (m/h).

Lorsque l’on annonce un rendement de séparation des particules, on doit donc obligatoirement pouvoir donner, pour un débit fixé, la surface de décantation calculée et la vitesse de sédimentation choisie.

Les fabricants proposent dans leurs documents commerciaux des ouvrages offrant des rendements très élevés alors qu’ils ne fournissent même pas les données de base nécessaires pour s’y reconnaître, comme la vitesse de sédimentation choisie et la surface de décantation calculée. Cette absence d'information simple, mais fondamentale, ne témoigne-t-elle pas finalement de leur gêne de faire évoluer sans trop de frais leurs produits au marché du traitement des eaux de temps de pluie ?

Concernant la décantation lamellaire, comme d’ailleurs tous les ouvrages basés sur la décantation statique, le fonctionnement hydraulique de l’ouvrage est d'une grande importance. En effet, il convient de s’assurer que le régime hydraulique qui résultera de la conception de l’ouvrage soit un régime dit “laminaire”, avec un nombre de Reynolds proche de 1000.

Vouloir réduire les surfaces de décantation, pour un débit donné, en dégradant le rendement théorique de l’ouvrage (viser, par exemple, 50 ou 60 % au lieu de 80 %) n’est pas réaliste : l’ouvrage supporterait alors un régime hydraulique turbulent qui conduirait à des entraînements de boues (relargages) et à des rendements encore plus faibles.

Ainsi, la réalisation d'un ouvrage préfabriqué de prétraitement par décantation lamellaire efficace sera basée sur des rendements théoriques élevés, correspondant à des vitesses de chute faibles et à des surfaces de décantation importantes.

Dans un décanteur lamellaire de 300 l/s par exemple, avec une vitesse de sédimentation de 1,5 m/h, une vitesse d’écoulement de 35 m/h, et comportant des plaques de 2 m de long et de 1,35 m de large, inclinées à 60°, assemblées en modules hexagonaux, le nombre total de plaques est de 660, la longueur totale de la partie décantation est de 22 m (le nombre de Reynolds étant de 724).

La décantation lamellaire n’est donc pas une réduction miraculeuse de la surface de décantation. Son principal intérêt réside dans la compacité des ouvrages par rapport à la décantation horizontale, dite extensive (bassins de très grandes dimensions terrassés à ciel ouvert...).

Enfin, un ouvrage qui traite les eaux de temps de pluie doit posséder un volume adéquat pour permettre le stockage des matières décantées. Plus le débit de traitement sera élevé, et plus les rendements annoncés seront importants, plus le volume de stockage des boues devra être important.

Un ouvrage, même correctement dimensionné pour la séparation des “particules décantables” mais dépourvu d’un volume de stockage adapté, deviendra donc un ouvrage générateur de pollution avec la remise en suspension des matières préalablement séparées et décantées.

Une séparation des particules, sans un stockage adapté et une gestion réaliste des décantats (exploitation mais aussi entretien et maintenance), est ainsi une fausse séparation. Dès lors, plutôt que de prétendre “traiter” des débits décennaux et obtenir des abattements de pollutions spectaculaires, avec des appareils sous-dimensionnés, ne vaudrait-il pas mieux que la détermination de ces ouvrages se fasse sur des bases saines, ce qui entraîne que les études soient menées à partir d’hypothèses mesurées, et non théoriques (débits, concentrations, volumes, ...) et de valeurs limites de rejet acceptables au regard de la législation...?

Quant à la conception, elle doit intégrer la nécessité d’un stockage important, d’une évacuation continue (exploitation vigilante) et d’une réponse au devenir de boues de nature radicalement différentes de celles provenant des eaux usées.

Les coûts d’investissement et d’exploitation de ces ouvrages sont tels que très peu de collectivités ou d’entreprises privées peuvent financer, même avec l’octroi de subventions.

D’autres filières en cours d’expérimentation permettront peut-être de définir un compromis “technicoéconomique” répondant réellement au problème posé qui est celui de la protection de l’environnement.

[Publicité : BONNA]
Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements