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Les ressources en eau et le développement au Maroc

30 decembre 1999 Paru dans le N°227 à la page 66 ( mots)
Rédigé par : El-kbir LHADI

Un trait de génie. La politique des barrages, entamée de puits les années 60 par le Maroc, le fut incontestablement. La succession des années de sécheresse le prouve largement. Sans les retenues des barrages qui ont servi de tampon, les effets de la sécheresse et des stress hydriques auraient été autrement plus catastrophiques. Face au contexte hydrologique du Maroc marqué par l'irrégularité, Feu Sa Majesté Hassan II avait fixé, dès le début de son règne, les orientations pour qu'une priorité constante soit donnée aux programmes de développement des ressources en eau pour asseoir les bases de l'économie du pays. Le Maroc a donc pris le pari de lier son développement économique et social à la maîtrise et la valorisation de l'eau. La tournure des événements, à l'orée d'un nouveau millénaire, donne amplement raison à cette politique. L?engagement solennel de construire au moins un barrage par an, pris par le Défunt Roi, est encore de mise aujourd'hui.

Face au contexte hydrologique du Maroc marqué par l'irrégularité, Feu Sa Majesté Hassan II avait fixé, dès le début de son règne, les orientations pour qu'une priorité constante soit donnée aux programmes de développement des ressources en eau pour asseoir les bases de l'économie du pays.

Le Maroc a donc pris le pari de lier son développement économique et social à la maîtrise et la valorisation de l'eau. La tournure des événements, à l'orée d'un nouveau millénaire, donne amplement raison à cette politique. L'engagement solennel de construire au moins un barrage par an, pris par le Défunt Roi, est encore de mise aujourd'hui.

Les ressources hydriques dont dispose le Royaume sont limitées. En effet, en 1999 11,7 milliards de m³ ont été mobilisés et les ressources mobilisables ne dépasseront pas 21 milliards de m³/an en 2020. Cela représente 462 m³/habitant/an actuellement et 411 m³/habitant en 2020. Cette dotation classe le Maroc parmi les pays caractérisés par la rareté de la ressource en eau et le situe dans la tranche critique (un chercheur suédois, Malin Falkenmark, a mesuré la soif des nations : au-dessous de 500 mètres cubes par personne et par an, on se situe dans la water stress zone) et cela rend très difficile tout développement économique.

Mobilisation des ressources en eau

Les efforts déployés en matière d’étude et de réalisation d'infrastructures hydrauliques, depuis le lancement de la politique des barrages en 1967, ont permis de réaliser 87 grands barrages. La capacité de stockage de ces barrages, de 2,3 milliards de m³ en 1967, a atteint environ 10 milliards de m³ en 1996. Cette capacité sera portée à plus de 14 milliards de m³ après la mise en service prochaine du barrage Al Wahda et du barrage Laghrass en cours de construction. Globalement, les infrastructures hydrauliques du pays (non inclus le barrage Al Wahda dont les travaux de construction sont terminés) permettent de mobiliser un volume d’eau de l’ordre de 11,7 milliards de m³, ce qui représente 55 % du potentiel mobilisable.

Les volumes mobilisés sont répartis de la manière suivante (1999) :

  • * grands barrages : 8 milliards de m³ ;
  • * eau souterraine : 3,7 milliards de m³.

Ils permettent d’assurer :

  • * l'irrigation de près de 890 000 ha d'une manière pérenne dont 400 000 ha en petite et moyenne hydraulique ;
  • * la production de près de 800 Mm³/an pour l’alimentation en eau potable et industrielle ;
  • * la production en moyenne de 1 600 GWh/an.

Mais la grande perle de la politique des barrages reste l’achèvement du barrage d’Al Wahda, le plus grand du Royaume. Mis en service en 1996 sur Oued Ouergha (Sidi Kacem),

[Photo : La Stratégie pour le Développement Social (SDS), adoptée par le Gouvernement marocain pour la décennie quatre vingt dix, accorde une grande priorité à l’accès des populations rurales à l’eau potable.]

La capacité de retenue de ce barrage est impressionnante : plus de 3,8 milliards de mètres cubes. La puissance installée de l’usine de production hydro-électrique de ce barrage (plus de 400 millions de kiloWatts-heures par an en moyenne) représente 25 % de la puissance totale du parc hydro-électrique.

[Photo : À l'heure actuelle, la capacité de retenue totale des barrages marocains approche les 14 milliards de mètres cubes.]

La capacité totale des infrastructures hydrauliques nationales fait l'objet de déperditions annuelles dues à l’envasement. Ces pertes de capacité sont estimées à 50 Mm³/an (quantité d'eau nécessaire pour irriguer 6000 ha), soit une diminution de capacité de 0,5 % par an. Le volume total actuellement envasé est évalué à près de 830 Mm³, ce qui représente près de 8 % de la capacité totale des barrages.

Les précipitations totales sur l'ensemble du territoire sont évaluées en années moyennes à environ 150 milliards de m³, dont 121 milliards représentent l’évapotranspiration et 29 milliards environ l’écoulement total superficiel et souterrain. Les eaux souterraines constituent une part importante du patrimoine hydraulique national. Trente-deux nappes profondes et plus de quarante-six nappes superficielles sont identifiées et reconnues. L’effort d’étude et de reconnaissance entrepris à la date d’aujourd’hui permet d’évaluer le potentiel exploitable à 4 milliards de m³ par an.

Utilisation des ressources en eau

La pression de la population s'exerce de trois manières différentes. D'abord, il faut satisfaire la consommation en eau de ces populations. Ensuite, pour les nourrir, l'agriculture devra produire plus et recevoir davantage d’eau pour l'irrigation. Enfin, la pression des populations dans les zones urbaines et l'industrialisation engendrent une pollution qui altère les ressources en eau.

Eau potable

Les efforts consentis dans le secteur de l'eau potable en milieu urbain ont permis, durant les deux dernières décennies, de rattraper le retard enregistré et d’assurer un développement considérable tant sur le plan organisationnel et institutionnel qu’au niveau des infrastructures, de la couverture et de la qualité du service.

Durant les deux dernières décen-

Table 1: Projected connection rates in urban centres

Connection rate (T) in 1989 2000 2010 2020
T ≤ 40 % 70 % 78 % 85 %
40 < T ≤ 50 % 75 % 85 % 92 %
50 < T ≤ 60 % 85 % 90 % 95 %
60 < T ≤ 80 % 90 % 94 % 96 %
T > 80 % 95 % 97 % 98 %

nies, des performances importantes ont été enregistrées dans le secteur. C’est ainsi que la production urbaine est passée de 260 millions de m³ en 1972 à 510 millions de m³ en 1981 pour atteindre près de 700 millions de m³ en 1994, alors que durant ces mêmes périodes la population urbaine est passée de 5,6 millions d’habitants à 8,3 millions d’habitants en 1981 et 13,4 millions d’habitants en 1994, soit un triplement de la production sur la période 1972-1994 pour une population qui a à peine doublé.

Si au cours de la première décennie 71-80 les actions ont surtout porté sur les aspects institutionnels et l’équipement pour combler les retards enregistrés, durant la décennie 81-90, les efforts ont concerné, en plus de l’équipement, la rationalisation de la gestion (politique tarifaire, premier contrat-programme, assainissement du secteur, renforcement de la coordination entre le producteur et le distributeur,…).

En 1995, la population rurale qui a accès à l'eau potable, essentiellement souterraine (200 Mm³), dans les conditions convenables est évaluée à 30 % de la population rurale totale.

La qualité bactériologique de l'eau constitue le principal problème qualitatif en milieu rural. La quasi-totalité des points d’eau traditionnels non équipés délivrent une eau non potable selon les normes nationales. Environ 56 % des points d’eau présentent des abords insuffisamment propres. Dans certaines zones, cette proportion dépasse 80 %.

La Stratégie pour le Développement Social (SDS), adoptée par le Gouvernement marocain pour la décennie quatre-vingt-dix, accorde une grande priorité à l’accès des populations rurales à l’eau potable. Dans ce cadre, un Plan Directeur National d’Approvisionnement en Eau Potable des Populations Rurales a été établi et ses résultats ont été approuvés par le Conseil Supérieur de l'Eau et du Climat lors de sa 8ᵉ session de février 1994 (instance qui formule les orientations générales de la politique en matière d’eau et de climat).

Amélioration de la Grande Irrigation

Le Programme d’Amélioration de la Grande Irrigation (PAGI) au Maroc, qui s'inscrit dans le cadre des orientations stratégiques du développement agricole dans la perspective de l’horizon 2020 (contribution à

[Photo : La plupart des eaux usées domestiques et industrielles des centres urbains et ruraux sont rejetées, sans traitement préalable, dans le milieu naturel.]
[Photo : Au Maroc, actuellement 90 % des ressources en eau mobilisées sont utilisées dans l’irrigation.]

La garantie de la sécurité alimentaire, amélioration des revenus des agriculteurs, protection et conservation des ressources naturelles, intégration de l’agriculture au marché national et international) vise à réunir toutes les conditions permettant aux grands périmètres irrigués d’exprimer pleinement et de manière durable leurs potentiels de production.

La concrétisation du Programme National d’Irrigation (PNI), entamé en 1993, générera une valeur ajoutée agricole de 7,3 milliards de DH/an, des recettes en devises de 2 milliards de DH/an et plus de 36 millions de journées de travail annuellement. S’y ajoute une sensible amélioration des niveaux de conditions de vie dans la campagne, notamment par le renforcement des infrastructures publiques et l’amélioration des revenus des populations rurales.

Cependant, l’eau au Maroc est une ressource rare et sa disponibilité est variable et tributaire des aléas climatiques. Certaines années, faute de réserves dans les barrages, l’eau est coupée sur les zones irriguées, comme ce fut le cas lors de la dernière sécheresse de 1995. Les agriculteurs sont alors obligés d’approfondir leurs puits ou d’en forer de nouveaux. Et ce sont justement les ressources en eau mobilisables qui limitent le potentiel d’irrigation, estimé actuellement à environ 1,36 million d’hectares en irrigation pérenne, soit près de 15 % de la superficie agricole utile. Globalement, le pays reçoit annuellement quelque 150 milliards de m³ d’eau de pluies. Seulement 21 milliards de m³ de cette quantité sont mis à profit, dont près de 17 milliards destinés à l’irrigation.

Mais malgré ces difficultés, le PNI semble tenir la route quoique enregistrant quelque retard. Ce programme, prévu en deux phases pour l’extension de l’irrigation sur une superficie de 850 000 hectares. Il s’agit là de résorber le décalage entre les superficies aménagées par les barrages existants et les superficies aménagées. En effet, plus de 154 000 ha n’ont pas encore bénéficié des équipements hydro-agricoles nécessaires à la valorisation par l’irrigation de près de 1,3 milliard de m³ par an, contenu dans des barrages existants et non exploités. S’y ajoute la réhabilitation des périmètres anciens sur

200000 ha.

Les efforts déployés en matière d’aménagement des périmètres agricoles ont permis de disposer actuellement d'une superficie équipée de l’ordre de 890 000 ha dont 400 000 ha en petite et moyenne hydraulique. L’objectif visé en l’an 2000 est l'irrigation d’un million d’hectares. La superficie irriguée, qui ne représente que près de 10 % du potentiel en terres cultivables, contribue pour 45 % dans la valeur ajoutée agricole et près de 65 % dans les exportations agricoles.

À terme, selon les estimations, les exploitations irriguées verront leur revenu annuel dépasser 21 000 DH par an. Par ailleurs, les taux d’approvisionnement du pays seront, par exemple, de 70 à 80 % pour le sucre et de 95 à 100 % pour ce qui est du lait.

Côté emploi, les investissements envisagés procureraient à travers l'activité agricole plus de 135 000 emplois permanents auxquels s’ajoutent 40 000 autres par an créés par les chantiers de travaux durant la période du plan.

Amélioration des performances hydrauliques et économie d’eau

L’amélioration des performances hydrauliques des systèmes d'irrigation a pour objectifs l’économie de l'eau et un meilleur service de l’eau aux agriculteurs pour un usage efficient et productif de cette ressource vitale qui se raréfie de plus en plus.

Au Maroc, actuellement 90 % des ressources en eau mobilisées sont utilisées dans l'irrigation. L’économie de l'eau s'impose, non seulement pour faire face à la concurrence sur l'eau qu’exercent de plus en plus les secteurs de l'eau potable et industrielle, mais aussi pour garantir la durabilité des aménagements hydro-agricoles. Les pertes d’eau dans les réseaux d'eau potable et d'irrigation sont importantes. Le pourcentage des pertes d’eau dans les canalisations d'eau potable est de l'ordre de 35 %. On estime les possibilités d’économies d'eau dans le secteur de l'irrigation à près de 50 % du volume total utilisé actuellement.

Cette durabilité est donc liée principalement à la conservation des ressources en eau et en sol. Les gaspillages d’eau et les problèmes de salinité et de drainage qui en découlent risquent de freiner le développement des zones agricoles dans lesquelles on a voulu précisément promouvoir un essor économique.

La durabilité est aussi liée à la viabilité économique des exploitations agricoles. La maîtrise de l'irrigation au niveau de l’exploitation agricole doit conduire à une réduction des coûts de production et à améliorer les marges brutes à l’hectare.

La réduction des pertes d’eau et une meilleure planification des arrosages au niveau des exploitations agricoles. L’effort dans ce domaine portera sur la mise en place d’un réseau national de démonstration-vulgarisation qui répondra aux besoins importants en matière d’identification et de diffusion des technologies adaptées et des règles de bonnes pratiques agricoles nécessaires pour améliorer l’efficience de l’irrigation et la valorisation de l'eau dans l’exploitation agricole.

Dégradation de la qualité de l’eau

Au Maroc, les ressources en eau sont confrontées à des pressions

croissantes et continues dues au développement des agglomérations urbaines, à l'amélioration du niveau de vie, au développement industriel et à l’extension de l’agriculture irriguée. Ces pressions s’accompagnent d'une dégradation croissante et de plus en plus grave de leur qualité. Du fait qu'elle dissout ce qui est soluble, qu'elle dilue ce qui est toxique, qu'elle déplace ce qui flotte et qu'elle dissimule ce qui coule, l'eau est utilisée pour évacuer tout ce qui gêne. Où va l'eau sale des communes marocaines ? On pourrait répondre : infiltration dans la nappe, rejets dans les rivières et la mer, épandage en plein champ, irrigation, etc.

La plupart des eaux usées domestiques et industrielles des centres urbains et ruraux sont rejetées, sans traitement préalable, dans le milieu naturel. Les cours d'eau reçoivent directement environ 30 % de la pollution totale rejetée. Le sol et le sous-sol en reçoivent environ 27 %. En plus, les décharges publiques se trouvent souvent sur les rives des cours d’eau aggravant ainsi leur pollution. Le choix des sites de décharges publiques ne fait pas, généralement, l'objet d'une étude d'impact préalable.

La pollution des cours d’eau par les effluents industriels est de plus en plus importante. La plus dangereuse est celle liée aux métaux lourds. L’amont de la prise de l’Office National de l’Eau Potable (ONEP) pour l'alimentation en eau potable et industrielle de la ville de Fès en est un exemple. Les industries installées sur les rives de Oued Sidi Hrazem, qui débouche dans l’oued Sebou, y rejettent des quantités importantes de matières organiques et des métaux lourds toxiques (cadmium, plomb et chrome).

Les principales sources de pollution des ressources en eau sont :

  • les rejets d’eau usée d'une population de plus de 26 millions d’habitants (1994) ;
  • les rejets d'eau usée industrielle évalués à près de 6 à 7 millions d'équivalents-habitants ;
  • les engrais et produits phytosanitaires utilisés en agriculture ;
  • les déchets solides ménagers et industriels ;
  • les pollutions accidentelles.

Le problème de pollution diffuse se pose surtout dans les régions agricoles irriguées où la conjonction de plusieurs facteurs (climat, type de sol, profondeur de la nappe, qualité d'eau d’irrigation, intensité d’application des engrais et produits phytosanitaires) concourent à la dégradation de la qualité des eaux souterraines. Les impacts sont généralement une augmentation de la teneur en nitrates, en produits phytosanitaires et parfois de la salinité. On estime que plus de 10 % de l’azote utilisé comme engrais est lessivé vers les nappes d'eau souterraines ou vers les cours d'eau et 1 % des produits phytosanitaires rejoignent les cours d’eau.

Les études effectuées au niveau des périmètres irrigués ont montré que de nombreux puits de la nappe ont des concentrations de nitrates qui dépassent les normes nationales de potabilité fixées à 50 mg/l, ce qui présente un danger potentiel pour la santé des populations. Cette situation est d’autant plus préoccupante que les eaux souterraines constituent souvent les seules ressources disponibles en eau potable, en particulier pour les populations rurales. Les tendances évolutives des teneurs en nitrates, au niveau de quelques

puits témoins, font apparaître un accroissement annuel excessif de l’ordre de 5 mg/l de nitrates par an. Cet impact se répercute aussi sur les eaux de surface qui récupèrent par drainage une grande partie du stock d’azote nitrique lessivé. Cette pollution favorise, en association avec le phosphore, les phénomènes d’eutrophisation pouvant constituer une menace pour la retenue d’Al Massira et plus à l’aval pour l’eau potable de l'ensemble urbain Casablanca-Azemmour-El Jadida. Le nombre de cas de pollutions accidentelles des ressources en eau est en évolution constante. L’augmentation du trafic routier et le transport de matières de plus en plus dangereuses (hydrocarbures, produits chimiques,…) exposent chaque jour au risque de pollution les prises d'eau potable et les retenues de barrages situés près des axes routiers. L'ONEP a enregistré, au cours de la période 1981-1988, quarante-quatre cas de pollution accidentelle tant au niveau de la production que de la distribution de l'eau potable. Ces incidents, qui ont mené dans la plupart des cas à un arrêt temporaire de la production ou de la distribution, ont été provoqués essentiellement par l'épandage des hydrocarbures, des pesticides et des eaux usées urbaines.

Ce sont surtout les populations rurales, par la mauvaise qualité de l'eau de boisson ou par la stagnation des eaux destinée à l'irrigation, qui sont directement exposées au risque de maladies hydriques. L’irrigation peut conduire à la création d’habitats favorables au développement de vecteurs qui transmettent des maladies telles que le paludisme et la bilharziose. Les maladies liées à la consommation d’eau contaminée les plus courantes sont le choléra et la fièvre typhoïde.

Assainissement

Dans le cadre de la mise en application de la nouvelle politique du Royaume du Maroc en matière d’assainissement liquide et lors de la 3ᵉ session du Conseil Supérieur de l'Eau (26 et 27 mai 1988), il a été recommandé d’établir une étude du Schéma Directeur National d’Assainissement Liquide (SDNAL).

Le développement socio-économique des villes marocaines entraîne à leurs proximités de sérieux problèmes de dégradation de l'environnement. Actuellement les volumes des eaux usées produits en milieu urbain sont estimés à 500 Mm³. La partie collectée par les réseaux d’égout représente un volume de 370 Mm³ dont plus de la moitié est rejetée en mer. Le reste est rejeté dans le réseau hydrographique ou épandu sur le sol.

Le tableau ci-dessous montre que la quasi-totalité des grandes et moyennes villes disposent d'un réseau d’assainissement collectif. Par contre, plus du quart des petits centres, qui sont les plus nombreux, est assaini par un système autonome (fosses septiques ou simples puits perdus). Cependant, certains quartiers des

Table 2 : Number of urban centres with a municipal sewerage system

Population of urban centres Number of urban centres Number of centres with a municipal sewerage system %
0-20 000 201 145 72
20 000-100 000 69 67 97
> 100 000 23 23 100
Total 293 235 80
[Photo : Sur le plan de la lutte contre la pollution générée par les eaux usées urbaines, les efforts déployés en matière d’équipement en dispositifs d’épuration sont très en deçà des besoins. Les stations d’épuration existantes ne dépassent guère la soixantaine et celles qui sont encore en fonction ne représentent que le quart de cet effectif.]

grandes et moyennes villes sont encore assainies en système autonome.

En dehors de la réutilisation indirecte des eaux usées produites par les centres urbains et qui sont pour la plus grande partie déversées dans les cours d’eau ou épandues, un volume de l’ordre de 60 Mm³/an d'eau usée urbaine est actuellement réutilisé à l'état brut pour l'irrigation de près de plus de 7000 ha, ce qui expose la population en contact avec ces eaux et consommatrice des productions agricoles issues de ces zones à de grands risques de maladies.

Sur le plan de la lutte contre la pollution générée par les eaux usées urbaines, les efforts déployés en matière d’équipement en dispositifs d’épuration sont très en deçà des besoins. Les stations d’épuration existantes ne dépassent guère la soixantaine et celles qui sont encore en fonction ne représentent que le quart de cet effectif. L'impact des installations d’épuration fonctionnelles, en matière de réduction de la pollution, reste insignifiant et est estimé à un peu plus de 1 %.

Code de l'eau

Le code de l’eau a été voté au plus fort de la sécheresse de 1995. Son promoteur, le Ministre des Travaux Publics de l’époque, avait déclaré lors de son adoption et à maintes reprises qu’il faut désormais disposer d'une gestion intégrée de l'eau. Pour lui, cette ressource sera “L’enjeu du 21ᵉ siècle”.

Cet “or bleu” mobilise aujourd'hui toutes les énergies, et dans le monde les pays dépensent des milliards de dollars pour le sauvegarder. L’Afrique rassemble la plupart des pays souffrant de “water-stress”.

Dans la mouvance de l'état d’urgence, le Maroc a entamé des poli-

tiques de rationalisation et adopté des lois. Le code de l'eau, voté à l'unanimité, se veut une armature pour provoquer des changements de comportements vis-à-vis de cette denrée rare.

Depuis cette date, la politique des réserves, voire du rationnement, avec les priorités définies par le code, est devenue un mode de vie. Après avoir mis près d'un siècle pour faire admettre le principe du paiement de l'eau, l’État s'est attelé à en rendre son utilisation rationnelle. L'objectif du code est de mettre en place un cadre juridique adéquat qui permet d’organiser la répartition et le contrôle de l'utilisation des ressources en eau et d’en assurer également la protection et la conservation.

L'eau appartient à la collectivité, sous réserve des droits acquis. L'eau est un bien public, il faut avant tout la sauvegarder en tant que denrée et la valoriser. Un espace de concertation a été mis en place par le code entre les trois principaux acteurs : bassin, usagers de l'eau et collectivité. Innovation importante du code, la création des agences de bassins, établissements publics, dotés de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Le texte en définit les rôles et les missions.

Par ailleurs, le code met en place les conditions générales d'utilisation de l'eau. Sont ainsi énumérés les droits et obligations des propriétaires ainsi que les cas d’autorisation et concessions relatives au domaine public hydraulique. De plus, le texte réserve tout un chapitre à l'usage de l'eau en cas de pénurie. La loi réglemente également les activités susceptibles de polluer les ressources en eau, en fixant les cas où la pollution est interdite et les cas où elle est permise. Le code couvre aussi d'autres domaines tels que l'eau à usage alimentaire ou encore l’aménagement et l'utilisation des eaux à usage agricole.

L'agence du bassin d’Oum-er-Rbia opérationnelle en juillet 2000

Les préparatifs vont bon train pour que la première Agence du Bassin démarre en juillet prochain. Cette expérience pilote dans la décentralisation de la gestion de l’eau sera l’Agence du Bassin Hydraulique d’Oum Er-Rbia.

Les textes d’application ont été promulgués, de même pour les arrêtés qui fixent le niveau de redevances pour l'utilisation de l'eau d’irrigation et la production d’énergie. Les négociations sont en cours pour l'eau potable et la pollution.

La Direction de l'Hydraulique travaille d’arrache-pied pour mettre en place d’autres agences de bassins. Trois sont dans le pipeline : celles du Sebou, Sous-Massa et Tensift.

Le Directeur gère l'agence et « délivre les autorisations d'utilisation du domaine public hydraulique, conclut les conventions et les contrats et les notifie aux concessionnaires après approbation du Conseil d’Administration », précise la loi n° 10-95 sur l'eau, votée à l'unanimité en 1995. Celle-ci a créé l'Agence du Bassin comme un établissement public doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière. La tutelle de l'État sur l’Agence est assurée par le Ministère des Travaux Publics. Cette entité sera dirigée par un Conseil d’Administration présidé par le Ministère chargé de la ges-

Gestion des ressources en eau.

Actuellement, cette tâche est du ressort du Département de l’Équipement. Le CA sera composé de représentants de l’administration, du secteur privé et des chambres professionnelles.

Une nouveauté a été introduite : la gestion de l’eau n’est plus confiée uniquement à l’administration. Les usagers seront désormais impliqués au niveau provincial et régional. Des mécanismes de coordination prévoient une commission, composée de représentants de l’administration et des usagers, qui débattra de problèmes de pénurie ou de pollution. Ces débats orienteront la programmation et l’élaboration du budget de l’agence. Cette dernière est chargée d’élaborer et de veiller à l’application du plan directeur d’aménagement intégré des ressources en eau. Outre la gestion et le contrôle de l’utilisation des ressources en eau mobilisées, cette structure aura pour mission de réaliser les infrastructures nécessaires à la prévention et à la lutte contre les inondations et de “tenir un registre des droits d’eau reconnus et des concessions et des autorisations de prélèvement d’eau accordées”.

Conclusion

Considérée souvent comme un symbole de pureté, l’eau est progressivement devenue le produit alimentaire le plus surveillé et est soumise à ce titre aux normes de qualité les plus sévères. Lorsqu’on boit de l’eau du robinet, on imagine difficilement la somme de compétences et de technicité qui ont été nécessaires pour arriver à un acte aussi simple. Il faut tout d’abord assurer la gestion de la ressource en eau aussi bien en termes de quantité que de qualité, puis traiter cette eau afin d’éliminer les substances et les micro-organismes susceptibles de présenter un risque pour la santé et, enfin, assurer une qualité parfaite du transport jusqu’au robinet du consommateur. L’eau, ça coûte. Le robinet, c’est un miracle permanent. Avoir à volonté, quand on veut, de l’eau potable jusqu’au dixième étage cela repose sur un exploit technique.

* Conseil Supérieur de l’Eau. Rabat - session de mai 1988. La Pollution de l’eau et la réutilisation des eaux usées au Maroc.

* Document final du schéma directeur national d’assainissement liquide (synthèse) : rapport minute. Ministère de l’Intérieur, Direction Générale des Collectivités Locales ; Direction de l’Eau et de l’Assainissement / PNUD - ONEP - CEE. Décembre 1996.

* Eau : gestion de la rareté (tomes 1 et 2). Colloque International ; Amicale des Ingénieurs Marocains des Ponts et Chaussées Association Marocaine des Ressources en Eau. Rabat 19 et 20 octobre 1995.

* Kaouni et Darley (1995). Épuration des eaux usées au Maroc. Synthèse des études expérimentales. Ministère de l’Intérieur, Direction Générale des Collectivités Locales. Direction de l’Eau et de l’Assainissement.

* Lhadi E.K.; Guessir H.; Handoufe A. et Demnati-Adib N. (1994). Réutilisation des eaux usées en agriculture : impact sur le sol et la nappe dans la région de Sidi Bennour. Revue Hommes, Terre et Eaux, volume 24, n° 94-95 juin 1994.

* Lhadi E.K.; Mountadar M.; Younsi A.; Martin G. et Morvan J. (1996). Pollution par les nitrates des eaux souterraines de la zone littorale de la province d’El Jadida (Maroc). Revue d’Hydrogéologie de B.R.G.M. (France), n° 3 1996.

* Lhadi E.K.; Mountadar M.; Younsi A.; Martin G. et Morvan J. (1996). Contamination par les sels du système aquifère côtier de la province d’El Jadida (Maroc). Revue d’Hydrogéologie de B.R.G.M. (France), n° 3 1996.

* Moyens législatifs et réglementaires de lutte contre la pollution de l’eau. Chaouni M.; Cycle de formation “impact sur l’environnement” École Hassania des Travaux Publics / École Polytechnique Fédérale de Lausanne. Casablanca, avril, mai et juin 1996.

* Note technique de l’atelier Agricole et Environnement (PANE) : version provisoire. Observatoire National de l’Environnement du Maroc, Ministère de l’Environnement, Ministère de l’Agriculture et de la Mise en Valeur Agricole, mars 1997.

* O.M.S. (1985). Directives de qualité pour l’eau de boisson. Recommandations. Vol. 1. O.M.S. Genève. 132 pp.

* O.M.S. (1986). Directives de qualité pour l’eau de boisson. Critères d’hygiène et documentation à l’appui. Vol. 2. O.M.S. Genève. 346 pp.

* O.N.E.P. (1989). Action en matière de contrôle de la pollution des eaux susceptibles de servir à l’alimentation en eau potable. Document établi par le laboratoire de contrôle de la qualité des eaux de l’ONEP.

* O.N.E.P. (1996). État de la qualité des eaux superficielles du bassin de l’Oum er Rbia. Rapport période 1992 - 1994, Maroc 27 pp.

* Programme d’action et de suivi de l’environnement : rapport de synthèse. Ministère de l’Agriculture et de la Mise en Valeur Agricole ; Direction du Développement et de la Gestion de l’Irrigation. Décembre 1994.

* Situation des rejets industriels : rapport

L'utilisation durable des ressources d'eau douce doit être la pierre angulaire de tout programme de sécurité alimentaire.

Cela, on l'a très vite compris au Maroc, et au plus haut niveau. On a été conscient de la nécessité de mener une politique de mobilisation des ressources en eau, qui passait nécessairement par les barrages. Le Maroc en possède aujourd'hui plusieurs pour une capacité maximale de 14 millions de mètres cubes. L'effort de mobilisation des eaux se poursuit avec la construction de nouveaux barrages, une connaissance et une meilleure exploitation des nappes.

La multiplication récente des atteintes à l'environnement par les activités industrielles, l'urbanisation et le développement des pratiques agricoles impose le déploiement des efforts afin de protéger et de préserver les ressources en eau contre toute sorte de pollution. L'examen de la situation actuelle des équipements d'assainissement révèle un sous-équipement considérable en ouvrages d'épuration des eaux usées et un retard important en équipement en réseaux d'assainissement. Les coûts de dégradation de l'environnement sont estimés, par la stratégie nationale, à près de 20 milliards de dirhams par an (8,2 % du PIB marocain) dont 14,5 milliards de dirhams par an proviennent de la contamination de l'eau et de la mauvaise gestion des déchets. Le Maroc mène une stratégie globale dans le secteur eau en mettant un plan d'action Eau/Environnement du PANE, qui consiste en la définition d'actions permettant la mise en œuvre d'une gestion plus efficace et durable des ressources en eau. Une telle approche considérerait l'eau comme un bien économique et intégrerait les aspects relatifs à la quantité et à la qualité des ressources en eau, la gestion de l'offre et de la demande, la participation des usagers et la protection environnementale.

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