Notre pays accuse un grave retard en matière de réseaux d'assainissement : en 1970, 6 % des eaux usées domestiques avaient fait l'objet d'un traitement d'épuration avant d'être rejetées dans la mer ou dans les rivières ; passé à 25 % en 1980, ce taux n'atteint aujourd'hui que 35 % (avec 45 % des habitants desservis) et le IX? Plan fixe un objectif modeste tendant à le porter à 50 % en 1990.
La comparaison avec les pays étrangers n'est pas flatteuse : en Grande-Bretagne, RFA, Suisse, Suède, le taux de dépollution dépasse 50 % (il atteint même 65 % pour certains d'entre eux) et aux USA, 80 % des habitants sont reliés à une station d'épuration.
Dans les communes urbaines, la capacité des stations d'épuration s'élève à 52 millions d'équivalents-habitants mais elles ne fonctionnent qu'à 50 % de leurs possibilités (alors qu'en elle-même leur marche est satisfaisante). Plusieurs causes expliquent ce phénomène :
- — insuffisance de la pollution collectée, liée au retard pris par la réalisation des réseaux d'assainissement (alors que 6 000 stations d'épuration ont été construites au cours des dix dernières années, quadruplant la capacité installée en 1970) ;
- — manque d'étanchéité de nombreux réseaux existants, qui drainent les nappes phréatiques ;
- — transport d'eaux claires parasites par les réseaux d'eaux usées, et d'eaux usées par les réseaux d'eaux pluviales, conséquences d'une mauvaise conception ou de branchements non conformes ;
- — faible taux de raccordement des habitations ou lotissements privés aux réseaux existants.
Un énorme effort reste donc à accomplir pour remédier à cette situation : en priorité, il convient de donner aux stations existantes la possibilité de fonctionner de façon satisfaisante en établissant les extensions de réseaux ou les branchements particuliers qui sont situés dans leur bassin ; il faut en outre réparer ou remplacer les canalisations non étanches et remettre en ordre les réseaux et branchements responsables du mélange ou de l'interversion des eaux usées et pluviales.
Tous ces travaux, de même que ceux destinés à la desserte des futures stations d'épuration, nécessitent la mise en œuvre de canalisations et d'accessoires de fabrication particulièrement soignée sur le plan de l'étanchéité. L'enjeu est en effet considérable : les réseaux non étanches ou insuffisamment raccordés entraînent :
- — la contamination des nappes phréatiques alimentant en eaux potables les agglomérations urbaines et rurales ;
- — le surcoût des frais d'exploitation et d'entretien ;
- — la pollution des rivières et du littoral.
C'est pourquoi les fabricants français de canalisations en fibres-ciment se sont attachés à résoudre ce problème. À l'origine de leur fabrication, il y a plus de cinquante ans, il s'agissait principalement de tuyaux « pression » destinés à l'eau potable sous pression et de tuyaux « bâtiment » pour les descentes d'eaux usées et pluviales.
L'expérience acquise dans le domaine de l'adduction de l'eau potable a permis, dans les années 1960, de répondre très rapidement aux aspirations des collectivités en matière d'assainissement ; il s'agissait alors uniquement de se débarrasser des eaux usées dans le « tout à l'égout » et ce au moindre coût. Dans les années 1970, la prise de conscience généralisée de ce problème s'est traduite par le Fascicule 70 qui régit la mise en œuvre des canalisations d'assainissement : la profession a alors lancé sur le marché une gamme complète, non pas seulement de tuyaux, mais surtout de pièces de raccord répondant aux contraintes du Fascicule 70.
Les pouvoirs publics ont ensuite mis l'accent sur l'étanchéité des réseaux : le Syndicat des Fabricants Français de Produits en Fibres-Ciment a alors agi pour que la norme NF P 16-304, relative aux canalisations en fibres-ciment pour assainissement, prescrive des essais sous un bar sur les assemblages (tuyaux et joints) et les raccords, et non pas sur les seuls tuyaux, afin de passer de la notion d'étanchéité de ceux-ci à celle d'étanchéité des réseaux : cela fut réalisé en mai 1981.
Comme nous le verrons ci-après, des améliorations aux procédés de fabrication ont permis de réaliser depuis le début de 1985 des canalisations à résistance mécanique renforcée : la nouvelle norme (septembre 1985) présente ainsi, par rapport à celle de 1981, deux différences principales :
- — suppression de la notion de série ;
- — définition d'une seule catégorie de tuyaux, ceux-ci étant caracté-
Comparativement à l’ancienne série 9 000, les nouvelles canalisations sont caractérisées par des résistances plus élevées : 15 à 25 % à l’écrasement, 50 à 90 % à la flexion, selon les diamètres ; ces nouvelles définitions permettent d’offrir davantage de sécurité lors de la mise en œuvre, une meilleure résistance aux contraintes de terrain, des plages d’utilisation élargies et une plus grande simplicité de rédaction des cahiers des charges.
FABRICATION DES CANALISATIONS EN FIBRES-CIMENT
Les fibres et le ciment sont mélangés en proportion convenable avec de l’eau dans un appareil de raffinage, opérant de façon discontinue, puis dans une citerne alimentant en continu les machines de fabrication ; chaque fibre se trouve alors enrobée de ciment et reste en suspension dans le mélange liquide lequel est ensuite amené dans des bacs autour de cylindres rotatifs revêtus d’une toile filtrante métallique (figure 1). Celle-ci se charge d’un film très mince du produit filtré qui est ensuite repris par un feutre sans fin cheminant vers un mandrin sur lequel il s’enroule jusqu’à ce que l’épaisseur voulue soit atteinte ; le mandrin accompagne le tuyau jusqu’à son durcissement partiel ; celui-ci est ensuite introduit dans une cellule de mûrissement puis immergé dans des bassins afin de permettre la prise complète du ciment. Enfin, il est coupé à la longueur voulue, et ses extrémités sont usinées. Il subit alors sur place de sévères contrôles de qualité, complétés par des vérifications pratiquées par le CSTB mandaté par l’AFNOR et la Commission d’Agrément SP.
Sur la base de la nouvelle norme, les tuyaux sont fabriqués dans des longueurs variant de 2,50 m à 5 m et dans des diamètres de 100 à 1 200 mm.
Les raccords préfabriqués constituent un ensemble complet et rationnel caractérisé par la simplicité de leur montage et une étanchéité totale : coudes, branchements, raccords de piquage, boîtes de branchement, regards, tabourets siphoïdes, siphons, etc.
Les joints comprennent des bagues d’étanchéité et de butée. Certains permettent d’utiliser des tuyaux bruts, sans réusinage, ce qui entraîne une mise en œuvre aisée sur les chantiers.
LES RÉSEAUX D’ASSAINISSEMENT EN FIBRES-CIMENT
Plus de 200 000 km de réseaux de canalisations en fibres-ciment ont été installés en France. Ils présentent les avantages suivants :
- - étanchéité complète des ouvrages tant au niveau des tuyaux que des raccords, toutes les pièces étant contrôlées en usine, avec des assemblages prêts au montage et s’adaptant à tous les aléas des chantiers ; en particulier, les jonctions souples entre éléments de canalisations acceptent des déviations angulaires autorisant une certaine souplesse pour le réseau et celles établies entre canalisations et regards, réalisées par manchons de scellement, réduisent les risques de rupture ;
- - rigides et rectilignes, de grande longueur, à parois intérieures lisses et à joints centrés, les tuyaux présentent un fil d’eau régulier. L’écoulement uniforme des effluents qui en résulte évite les dépôts et les pertes de débit et facilite l’autocurage des conduites posées à faible pente ;
- - grande résistance à l’abrasion : le procédé de fabrication confère au matériau un lissé intérieur et une compacité assurant une résistance maximum à l’usure ;
- - insensibilité à la corrosion, soit interne, entraînée par les effluents que les réseaux d’assainissement publics sont susceptibles de transporter (ces effluents sont définis dans la circulaire interministérielle 77.284 de juin 1977), soit externe, par les terrains couramment rencontrés en France ;
- - le travail du matériau (perçage et coupe) s’effectue sans difficultés ;
- - les courants vagabonds n’ont pas d’effet sur le fibres-ciment.
Enfin la mise en œuvre des éléments est économique et rapide du fait de la légèreté du matériau, de l’emploi de pièces préfabriquées, de bagues d’étanchéité et de tuyaux de grande longueur facilitant le réglage des pentes.
Pour illustrer ces qualités, nous présentons deux exemples récents de travaux d’assainissement communaux réalisés à Vitrolles (B.-du-R.) et à Caudebec-en-Cau (S.-M.).
Vitrolles : exécution du plan de dépollution de l’étang de Berre.
Commune d’environ 30 000 habitants, située à 15 km de Marseille au bord de l’étang de Berre, Vitrolles a connu un fort développement depuis quelques années avec la création de nouveaux lotissements et d’une zone touristique
Située à proximité de son centre nautique sur les rives de l'étang, Vitrolles, dans le cadre du plan de dépollution de celui-ci, a mis en œuvre, depuis 1984, un plan d’assainissement efficace comprenant la construction d'une station de refoulement et la desserte du quartier de la gare. En 1985, une nouvelle tranche de travaux, comprenant environ 3 500 m de canalisations, a été décidée pour permettre la desserte du hameau des Vignettes, lequel, situé sur la rive, devait être doté d'un réseau fiable de collecte des eaux usées pour contribuer efficacement à la dépollution de l’étang de Berre.
La proximité des berges et le profil en long de l'ouvrage, situé à une profondeur moyenne de 2 m sous le niveau des eaux, avec une faible pente (0,005 m pm), ont conduit l’auteur du projet à adopter un système assurant une étanchéité totale qui puisse résister d'une part aux entrées d’eaux externes (pour éviter toute surcharge du réseau en eaux parasites) et d'autre part aux pressions internes pour éviter toute infiltration d’eaux usées dans l'étang.
Le tracé de l'ouvrage se situant sur la plage de Vitrolles, il convenait de réduire à un mois le délai d'exécution des travaux afin de libérer la plage pour le 1er juillet 1985. Le choix d’un système Evermetic en fibres-ciment, exécuté à l’avancement, permettait de résoudre le problème en répondant aux deux exigences du projet : fiabilité dans l'étanchéité, rapidité dans la pose. La facilité de pose des regards en fibres-ciment Ø 800 et Ø 1 000 a permis en particulier de libérer rapidement les emprises en garantissant la totale étanchéité de ces points singuliers. En outre, la spécificité du matériau assure la pérennité de ce réseau entièrement noyé dans une nappe aquifère de nature saumâtre.
La majeure partie du réseau se trouvant dans une zone où la nappe phréatique était située à plus de 2 m au-dessus de la génératrice supérieure des conduites, un essai d'étanchéité a été réalisé suivant les prescriptions de l'article 2.2 de la circulaire du 16 mars 1984, en présence des représentants du maître d’œuvre, du maître d’ouvrage, de la Société des Eaux de Marseille et de l’entreprise (SOBEA). Vingt-quatre heures après obturation de deux tronçons consécutifs et de leurs branchements, aucun écoulement n’a été constaté dans le regard situé en aval des tronçons contrôlés.
De même, un essai à la pression interne de 0,4 bar a été réalisé sur un tronçon, conformément à l’article 2.1 de la circulaire précitée ; il a été arrêté six heures après mise en pression, aucune baisse de niveau n’étant apparue dans la colonne témoin.
Caudebec-en-Caux : Réfection d’un collecteur d’assainissement.
Caudebec-en-Caux est situé entre Rouen et Le Havre, sur la dernière boucle de la Seine, où le mouvement des marées est important : le collecteur du réseau d’assainissement, établi parallèlement à la Seine, est ainsi soumis aux fluctuations de la nappe fluviale. C'est un ouvrage séparatif, construit en buses de grès d'un diamètre de 400 mm, posées en 1948 et dont les nombreux déboîtements multipliaient par quatre le volume des eaux-vannes conduites à la station d’épuration, d’où le très mauvais fonctionnement de celle-ci : traitement médiocre des eaux usées, excessivement diluées, rejet brut des trois-quarts des effluents déversés en surcharge. La réfection du collecteur de Caudebec s'imposait donc dans la lutte entreprise pour dépolluer la Seine.
Plusieurs problèmes se posaient :
— deux petits affluents de la Seine, la Sainte-Gertrude et l’Ambion, traversent la ville en galeries, sous lesquelles deux tuyaux de fonte Ø 200 passent en siphon ; enterrés de 3 à 4 m dans la nappe fluviale, ils sont raccordés au collecteur par des regards dont l’étanchéité externe était requise après réfection ;
— le collecteur, situé à une profondeur moyenne de 2 à 3 m, se trouve en immersion intermittente en fonction de l’amplitude des marées ; son étanchéité interne était donc impérative ;
— le collecteur reçoit, en zone urbaine, les antennes de quartiers périphériques et de nombreux branchements : autant de raccordements à prévoir sur le nouveau collecteur en garantissant étanchéité interne et externe.
Si une opération de réhabilitation n’était pas envisageable sur une partie de la canalisation, il n’en était pas de même sur le tronçon de 400 m de long situé en ville, tant en raison de la trentaine de raccordements d’émissaires que des passages en siphon sous les galeries. C’est donc la solution de la réfection dans le système Evermetic qui a été retenue : celui-ci présentait toutes facilités d’adaptation aux difficultés de la pose, avec, à chaque fois, la garantie d’une étanchéité totale.
Le nouveau collecteur a été posé sous le trottoir du côté du fleuve, soit une dizaine de mètres plus près de la berge que l’ancien, dans un sous-sol plus directement soumis aux variations de la nappe. Les
siphons en fonte ont été remplacés par un seul tuyau en fibres-ciment de 400 mm de diamètre et de 5 m de longueur, raccordé de chaque côté à des regards de visite monolithes Ø 1 000 mm, avec cône de réduction, en observant une contre-pente fonctionnelle de 4 cm/m ; la charge d’eaux vannes nécessaire pour passer d’amont en aval provoque ainsi un effet de chasse, devant assurer l’autocurage du siphon.
Le système Evermetic a permis notamment de réaliser tous les raccordements par éléments modulaires (regards de branchement, culottes ou raccords de branchement) assurant une étanchéité absolue, ce qui a été vérifié par les essais pratiqués dans les conditions suivantes :
Essai d’étanchéité interne.
Un tronçon de 65 m, partant du regard de visite RVI (figure 2) a été isolé jusqu’en amont du regard RV4. Rempli le 17 janvier 1984 jusqu’au ras du cône de réduction du regard aval, il était soumis à une pression interne moyenne de 400 g. Le 18 janvier à midi, il n’était constaté aucune baisse de niveau, ce qui démontrait l’étanchéité interne parfaite du collecteur.
Essai d’étanchéité externe.
Un tronçon de 94 m a de même été isolé par un obturateur placé en aval du regard RV10 (figure 3). Lors des essais, la nappe se situait à une hauteur moyenne de 2 m au-dessus du fil d’eau. Aucune infiltration n’a été constatée.
On voit que les réseaux d’assainissement en fibres-ciment présentent de nombreux avantages pour les collectivités qui ont à résoudre des problèmes d’assainissement, soit à l’occasion de la réfection d’ouvrages, soit lors de la réalisation de travaux neufs.
Indépendamment de leurs qualités d’étanchéité permettant de réduire les coûts de fonctionnement des stations d’épuration, leurs capacités d’autocurage conduisent à une diminution sensible de la périodicité des opérations d’entretien ; de plus, leur résistance à l’abrasion et à la corrosion assure leur longévité. Enfin leur coût d’installation est compétitif avec celui des autres systèmes, notamment en raison de leur facilité de mise en œuvre.
Un bel avenir devrait donc s’ouvrir pour l’industrie du fibres-ciment dans la perspective du développement de l’assainissement tel qu’il est préconisé dans le cadre du IXᵉ plan.