l’O.R.S.T.O.M.
Office de la Recherche Scientifique et Technique Outre-Mer
parPrésident du Comité Technique Hydrologique de l’O.R.S.T.O.M.Secrétaire Général de l’Association Internationale des Sciences Hydrologiques
— L’O.R.S.T.O.M.
L’OFFICE de la RECHERCHE SCIENTIFIQUE et TECHNIQUE OUTRE-MER est un établissement public français à caractère administratif doté de la personnalité civile et de l’autonomie financière. Créé par la loi du 11 novembre 1943, il a été réorganisé par le décret du 9 août 1960. Il est placé sous la tutelle conjointe du Ministère de la Coopération et du Secrétariat d’État aux Universités.
Sous les ordres de son Directeur Général Guy CAMUS, de son Directeur Général Adjoint Jean SEVERAC et de son Secrétaire Général Michel GLEIZE, l’O.R.S.T.O.M. est chargé :
- — d'entreprendre et de développer, hors des régions tempérées, des recherches fondamentales orientées vers les productions végétales et animales ainsi que vers la connaissance des milieux naturels et humains ;
- — d’établir et de développer, hors des mêmes régions, une infrastructure permettant des recherches fondamentales dans tous les domaines ;
- — d’assurer la formation du personnel spécialisé en matière de recherche scientifique et technique hors des régions tempérées.
Le budget annuel dépasse 200 000 000 F. Ses effectifs sont de 2 600 agents dont 600 chercheurs environ qui en majorité sont des scientifiques de haut niveau, la plupart de classe internationale.
L’O.R.S.T.O.M. consacre une grande part de ses travaux à des études générales qui intéressent les milieux naturels et humains sous leurs aspects écologiques ; il est en mesure de faire appel à la presque totalité des disciplines requises. Ses équipes pluridisciplinaires peuvent répondre aux préoccupations actuelles touchant aux effets de l’intervention de l'homme dans les systèmes écologiques naturels.
Le vaste domaine de recherches de l’O.R.S.T.O.M. couvre quatre grands secteurs : Sciences de la Terre, Sciences biologiques, Sciences de la Mer et des Eaux continentales, Sciences humaines.
Les Services Scientifiques chargés de la réalisation des programmes, dont le Service Hydrologique, sont placés sous le contrôle de Comités Techniques composés de personnalités françaises et étrangères et de chercheurs de l’O.R.S.T.O.M.
Il y a 16 Comités Techniques contrôlant des disciplines aussi diverses que la Géophysique et l'Anthropologie, en passant par la Nutrition et l'Hydrologie. Les Sciences biologiques sont largement représentées.
L'O.R.S.T.O.M. développe ses activités dans une zone qui, en gros, ceinture le globe sur 60° de latitude. En 1976, on comptait plus de 33 points d’intervention. Il s'agit soit de laboratoires que l'Office possède en propre, soit de Centres Nationaux qui lui sont confiés en gestion, soit de missions insérées dans les structures nationales des pays d'accueil, formule qui tend à se généraliser.
LE SERVICE HYDROLOGIQUE DE L'O.R.S.T.O.M.
C'est en 1946 que A. Nizery, Secrétaire Général de l'O.R.S.T.O.M. et Directeur du Laboratoire de Chatou de l'E.D.F., a décidé le recrutement d’hydrologues à l'O.R.S.T.O.M. Les trois premiers chercheurs ont été, après formation, mis en 1947 à la disposition de l'Administration des Travaux Publics des divers territoires d'Outre-Mer, de la Commission Scientifique du Logone et du Tchad et de l’Électricité de France. Ils ont ainsi rendu de très grands services : création des premiers réseaux de stations de jaugeages, aménagement du seuil de Zinga pour la navigation, études hydrologiques pour la réalisation des premiers aménagements hydroélectriques en Afrique française, évaluation de l'importance et des modalités de la capture partielle du Logone par la Bénoué.
Mais l'hydrologie exige des moyens logistiques importants, un minimum de centralisation pour l'analyse des données, et la coordination des programmes. C'est pourquoi, en 1950, l'O.R.S.T.O.M. s'est associé à l’Électricité de France (I.G.U.F.E.) pour créer un Service Hydrologique qui comportait à la fois des hydrologues O.R.S.T.O.M. et des hydrologues E.D.F. Sous la direction de l'auteur de cet article, le Service Hydrologique a cherché à concilier les besoins immédiats, à caractère souvent technique, du développement des territoires et les nécessités de la recherche fondamentale sans laquelle les études hydrologiques pour les aménagements se seraient vite avérées insuffisantes. En ajoutant au modeste budget de fonctionnement de l'O.R.S.T.O.M. le montant de nombreux contrats d'études passés avec les responsables d’aménagement : Travaux Publics, Agriculture, Électricité de France, bureaux d'études divers, le Service Hydrologique a pu se développer sans cesser de remplir son double objectif de recherches fondamentales et d'études appliquées dans plus de trente pays non compris les actuels territoires et départements d'Outre-Mer. Les hydrologues de l'O.R.S.T.O.M. ont acquis ainsi une très vaste expérience.
La structure du Service, qui était très simple en 1950, a été réformée en 1966 et à nouveau en 1977. Actuellement, elle peut être très schématiquement présentée comme suit :
Sous le contrôle de la Direction Générale et de son Comité Technique, le Chef du Service Hydrologique, M. Roche, dirige d'une part les travaux de trois départements au Bureau Central de Paris : le département de la Recherche, le département Technique et le département de la Formation, et, d’autre part, il dirige ou conseille dix-sept sections Outre-Mer implantées dans les zones tropicales ou méditerranéennes (voir carte ci-après). La coopération avec Électricité de France persiste : le personnel de la Division Hydrologie de la Direction des Affaires Extérieures et de la Coopération vient s’insérer dans le dispositif O.R.S.T.O.M. en fonction des besoins et, inversement, du personnel O.R.S.T.O.M. est mis à disposition de la Division d'Hydrologie. Ces activités communes sont réglées par une convention générale renouvelée annuellement et par des contrats particuliers à diverses études. La coopération avec divers bureaux d’études français ou étrangers est fréquente mais moins étroite qu'avec Électricité de France.
Le rôle et l'importance des sections hydrologiques sont très variables : certaines sont réduites à une équipe de conseillers auprès d'un Service Hydrologique étranger ; d'autres exercent leurs activités en fonction d'un contrat pour une opération bien spécifique : étude hydrologique pour un grand barrage ou planification générale des ressources en eau ; d'autres enfin, en accord avec le pays qui les héberge, gèrent le réseau de stations de jaugeages et réalisent un important programme de recherches fondamentales. Des recherches de synthèse sont effectuées sur place ou au Bureau Central. Le Service Hydrologique comporte environ 100 hydrologues, dont 50 chercheurs.
Le mode de fonctionnement de l'ensemble reste extrêmement souple comme il convient pour tout travail de coopération.
Réseaux hydrométriques et monographies
C'est une des premières tâches auxquelles le Service Hydrologique a dû se consacrer. Sans données de réseau, le calcul des données des projets risquerait de relever de la pure fantaisie et les recherches fondamentales seraient elles-mêmes lourdement handicapées. Avant 1947, il existait sur les fleuves navigables un certain nombre d’échelles où étaient relevées les hauteurs et un premier réseau très lâche au Cameroun. Associé avec le Service fédéral de l'Hydraulique de l'A.O.F. et le Service des Travaux Publics de Madagascar, l'O.R.S.T.O.M. créa les réseaux de stations de jaugeage des anciens États de la Communauté ; ceci comportait notamment des séries de mesures de débits aux échelles posées déjà par les Services de navigation. Puis l'O.R.S.T.O.M. conseilla la Tunisie et le Maroc pour la réorganisation de leur réseau et procéda de même pour d'autres pays.
Au total, l'O.R.S.T.O.M. a apporté ses conseils pour l'aménagement des réseaux nationaux ou les a aménagés directement dans 17 pays, 1 territoire et 4 départements français d'Outre-Mer. Cela correspond à l'installation d’environ 1 500 stations de mesures. Les zones climatiques les plus diverses ont été prospectées depuis les régions les plus arides du Sahara jusqu’à la grande forêt hygrophile et les régions montagneuses africaines. Les données que devaient recueillir ces réseaux étaient d’autant plus précieuses que la plupart des pays intéressés étaient restés longtemps en dehors de toute recherche scientifique suivie et que leurs gouvernements étaient impatients d’en exploiter rationnellement les ressources naturelles.
Après ce gros effort il n'y a plus, en principe, qu’à veiller à la bonne observation des stations ; mais ceci est le plus difficile, car installer une station de jaugeage n'est rien, obtenir des résultats continus acceptables pendant 20 ou 30 ans avec des courbes de transformation hauteurs-débits assez précises est une toute autre entreprise.
et le Service Hydrologique est arrivé à ce résultat pour une proportion honorable des mille cinq cent stations qu'il a installées lui-même ou pour lesquelles il a servi de conseiller scientifique.
Ces stations sont équipées suivant les normes internationales pour l’observation précise de longue durée des niveaux d’eau et pour la mesure des débits. L’équipement varie suivant les conditions climatiques. Les difficultés les plus grandes ont été rencontrées dans les zones semi-arides d’Afrique du Nord et dans les pays à cyclones où les hydrologues de l’O.R.S.T.O.M. ont été formés « à la chasse aux crues ». Dès la prévision d'un cyclone en NOUVELLE-CALÉDONIE, par exemple, le chef de section met immédiatement ses agents « sur pied de guerre » de façon à mesurer des débits proches du maximum sur le plus grand nombre possible de stations. Il procède après le cyclone à des enquêtes a posteriori. Nos collègues tunisiens en font de même. Ces opérations sont à la base du calcul des crues de projet sur les grands barrages.
On a également inclus dans l'exploitation des réseaux les tournées systématiques de basses eaux, comme aux ANTILLES par exemple.
elles apportent une information précieuse sur les valeurs minimales des débits de très nombreux cours d’eau, éléments essentiels pour les problèmes d’alimentation en eau.
La création et l'exploitation de nombreux réseaux hydrométriques ont conduit l'O.R.S.T.O.M. à progresser dans les domaines de la méthodologie de la mesure et de la planification des réseaux. Les hydrologues de l'O.R.S.T.O.M. sont parvenus à des résultats intéressants : les records de mesures de vitesses ponctuelles au moulinet sur des cours d’eau en crue ont été de 6,52 m/s sur l'Oued ZERROUD et 7,08 m/s à MADAGASCAR. Les plus forts débits mesurés sont de 47 600 m³/s sur le CONGO en jaugeage classique et de 17 300 m³/s sur l'Oued ZERROUD (Tunisie) par mesures aux flotteurs. Cette mesure de débit a d’ailleurs été particulièrement difficile : les vitesses dépassaient 10 m/s, mais ce qui a été le plus difficile à déterminer c'est le profil en travers du cours d’eau avec des variations très importantes du lit. En jaugeage chimique, avec l'aide du service spécialisé d’ELECTRICITÉ de FRANCE, l’O.R.S.T.O.M. a mesuré un débit de 2 200 m³/s à MADAGASCAR. La mesure ou l’estimation des forts débits effectuée ainsi dans ce pays ont permis la mise au point de l’ouvrage suivant « Estimation des débits de crues à MADAGASCAR » par L. DURET, qui rend les plus grands services pour l’évaluation des débits de crue de projet, un des gros soucis des hydrologues.
Par ailleurs, grâce à l'expérience acquise Outre-Mer, O.R.S.T.O.M. a apporté ses conseils pour la planification et l'optimisation des mesures de l'ALSACE et de la LORRAINE, et d'autres régions de FRANCE.
La masse énorme de données à traiter a conduit à utiliser les moyens de l'information dont il sera question plus loin.
Pour mettre ces données à la disposition du public, on utilise deux types de publications : les Annuaires hydrologiques et les Monographies. Les Annuaires fournissent les valeurs journalières des débits après vérifications et critique, et leurs moyennes mensuelles et annuelles sans autre analyse statistique. Les Monographies, mises au point après au moins 20 ans d'observations, rassemblent la totalité de l'information existante sur le régime hydrologique d’un grand cours d'eau, et les facteurs conditionnels de ce régime présentent l'analyse statistique des diverses caractéristiques hydrologiques du débit : maximaux annuels, moyennes mensuelles, moyennes annuelles, valeurs minimales annuelles, transports solides, parfois qualité naturelle des eaux et les rapports entre ces caractéristiques et les facteurs conditionnels. Ce sont des ouvrages de référence pour toute étude hydrologique sur grand cours d’eau ou rivière de moyenne importance.
En ce qui concerne les Annuaires, le manque de moyens et le petit nombre de stations a conduit au début à ne publier qu'un Annuaire général : l'Annuaire de l’O.R.S.T.O.M., depuis l'année 1949. Mais très vite est apparue la nécessité de publier des Annuaires nationaux ou régionaux (Nouvelle-Calédonie, Antilles) ; ils sont plus vite mis au point et comportent des données pour presque toutes les stations. Actuellement, 13 Annuaires nationaux ou régionaux sont mis au point par les Hydrologues de l’O.R.S.T.O.M. ou avec leur concours.
La mise au point des Monographies hydrologiques représente un très gros travail. Une première série a été d’abord ronéotypée, puis elles ont fait l'objet d'une série spéciale de publications de l’O.R.S.T.O.M. Cette série comporte les Monographies Hydrologiques du SÉNÉGAL, du CHARI, de la SANAGA, de la VOLTA et les Ressources en Eau de la MARTINIQUE ; sont en préparation dans la même série les Monographies de la MEJERDAH, de l’OUBANGUI, de MADAGASCAR et, à un stade moins avancé, la Monographie de l'OGOOUE, une nouvelle Monographie du Lac TCHAD et une Monographie revue et remise à jour du NIGER.
Ronéotypées ou publiées sous d'autres formes, signalons la Monographie Hydrologique du NIGER (Supérieur et Moyen), celle du Lac TCHAD, celle du LOGONE, celle de l'OUÉMÉ, celle du MONO, celle du VAL JAGUARIBE, du WABI SHEBELLE, de l'OUM ER-R'BIA et du SEBOU (avec le concours de SOFRELEC), l'étude régionale de la NOUVELLE-CALÉDONIE, de la GUYANE FRANÇAISE, la Monographie de la RÉUNION, etc. Une bonne partie de ces ouvrages a été réalisée avec l'aide financière du Fonds d’Aide et de Coopération. L’expérience de l’O.R.S.T.O.M. dans ce domaine est suffisamment importante pour que cet Organisme ait été sollicité pour envoyer un de ses experts hydrologues, P. DUBREUIL, pour apporter ses conseils dans la mise au point de la contribution française à la Monographie hydrologique du RHIN.
Bassins représentatifs et expérimentaux — Petits bassins versants
Les actions précédentes n’apportent pas grand-chose à la connaissance du régime hydrologique des petits cours d'eau (bassins versants de 2 à 200 km²), surtout si l'on considère l’immense étendue de certaines zones étudiées par l’O.R.S.T.O.M. Il s'est posé, dès 1951, des problèmes inquiétants concernant le calcul des ouvrages aménagés à l'issue de petits bassins, qu'il s'agisse de ponts routiers ou ferroviaires, ou de petits barrages réservoirs. Dans une bonne partie de l'Afrique Occidentale et Centrale, les crues ne sont guère dangereuses, ce qui a conduit à une trop grande confiance. Un bon nombre de ponts, et surtout de barrages, ont été détruits dans des régions où les crues étaient plus brutales, c'est pourquoi des moyens financiers relativement importants ont été mis à la disposition de l’O.R.S.T.O.M. pour étudier ces petits cours d’eau.
Le seul moyen pratique d'obtenir rapidement des données utilisables consiste à aménager des bassins représentatifs où sont observées simultanément les averses et les crues qu’elles provoquent, ainsi que d'autres paramètres hydrologiques. Après deux ou trois années d'observations intensives on dégage les relations pluies-débits et même un modèle hydrologique de bassin qui permet, avec de longues séries d’observations pluviométriques, de reconstituer de longues séries de débits d'où l'étude statistique déduit les diverses caractéristiques hydrologiques dont on a besoin.
L'O.R.S.T.O.M. avait installé par ses simples moyens quatre de ces bassins en 1953 et 1954. Avec l'aide des Administrations et des Bureaux d'Études intéressés ils se sont multipliés à partir de 1956 et actuellement il n'y en a pas loin de 200 qui ont été aménagés ou étudiés par le Service Hydrologique. Même dans le cas d’étude fine de grands cours d'eau, comme le KOUILOU, on a jugé utile d'observer quelques bassins représentatifs pour mieux approfondir les réactions des diverses parties du grand bassin aux épisodes pluvieux exceptionnels. Le Service Hydrologique dispose donc d'une masse d'informations considérable, qui n'a été exploitée qu’en partie.
Le premier objectif à atteindre était l'estimation des débits maximaux et des volumes de crues correspondants. A priori, on s’est orienté vers les crues de fréquence décennale souvent prises en compte pour le calcul des ouvrages.
L'averse de fréquence décennale étant déterminée avec les relevés des stations pluviométriques observées convenablement dans la même région climatique que le bassin représentatif, on calcule les facteurs de la crue qui lui correspond sur ce bassin. Bien que ce procédé soit incorrect pour le calcul de la crue décennale, on arrive, moyennant certaines précautions, à une valeur assez proche de la valeur réelle.
La transformation d'une averse en crue s’opère en deux temps :
- 1° on détermine le volume de la crue en utilisant les régressions multiples établies expérimentalement sur le bassin entre le volume ou lame d'eau écoulée, la hauteur de pluie qui l'a provoquée, les conditions d'humidité du sol au début de l'averse (ou une combinaison des averses antérieures) et parfois l'intensité de l'averse (la saison peut également jouer un rôle) ;
- 2° le maximum est déterminé généralement par la méthode de l'hydrogramme unitaire ou hydrogramme type d’un bassin pour une pluie intense, courte et homogène dans l'espace. Si l'averse décennale est trop longue, elle est découpée en averses partielles qui chacune correspond à un hydrogramme qui se déduit par affinité de l'hydrogramme unitaire et dont le volume est déterminé grâce aux régressions entre le volume de ruissellement et les facteurs de l’averse énoncés plus haut. L'hydrogramme unitaire est déterminé par trois paramètres : son débit maximal (pour un volume ruisselé de 100 000 m³ par exemple), le temps de base ou durée du ruissellement et le rapport K entre le débit maximal et le débit moyen ruisselé (volume de ruissellement divisé par le temps de base).
À l'origine, on a calculé les caractéristiques de la crue décennale pour quelques bassins types et on a publié des listes de crues. Mais rapidement le besoin d'une synthèse s'est fait sentir, tout au moins pour l'Afrique Occidentale et Centrale, et Claude AUVRAY a cherché à déterminer les caractéristiques de crues décennales à partir des caractéristiques physico-géographiques des bassins. Il n'y avait pas de trop grandes difficultés pour la prise en compte de la superficie du bassin, de sa pente et de la couverture végétale, mais l'influence du sol posait un problème redoutable.
À titre provisoire, P. DUBREUIL a classé les sols de ces régions en six classes de perméabilité.
La note de C. AUVRAY, complétée par J. RODIER, a été publiée en 1965 avec le titre « Estimation des débits de crues décennales pour les bassins versants de superficie inférieure à 200 km² en Afrique Occidentale ». Cette note était assez discrète sur les bassins forestiers où l'influence de la nature des sols pouvait réserver d’assez désagréables surprises.
En 1976, pour répondre aux vœux des Bureaux d'études, le même auteur a publié dans les Cahiers de l'O.R.S.T.O.M. l’« Estimation des débits de crues décennales pour les petits bassins forestiers en Afrique Tropicale. Étude préliminaire », là également, la prise en compte de l'influence de la perméabilité du sol laisse quelque peu à désirer. On s'est contenté de classer les bassins en six catégories qui correspondent, sauf pour les bassins très accidentés, à des perméabilités globales décroissantes. Le coefficient de ruissellement pour une averse tropicale de 120 mm décroît de plus de 60 % à 3 %. C’est-à-dire qu’à surface et à pente égales, le débit de crue varie de 20 à 1.
Des recherches sont poursuivies depuis plusieurs années pour arriver à définir quantitativement la perméabilité d'un bassin à partir de la cartographie pédologique. L'emploi d’un simulateur de pluie et d’un mini-simulateur permettra probablement, conjugué avec un nouveau type de classification des sols, d’aboutir à une solution acceptable.
Les deux ouvrages cités plus haut sont couramment utilisés par les Services Techniques et les Bureaux d'études, un peu trop peut-être car on les emploie parfois pour des régions pour lesquelles ils n’ont pas été mis au point.
Mais ceci n’est qu'une partie de ce que l’on peut tirer des données des bassins représentatifs. Pour mettre à la disposition de tous les utilisateurs éventuels les données essentielles recueillies sur ces bassins représentatifs, P. DUBREUIL et ses collaborateurs ont publié en 1972 un « Recueil des données de base des bassins représentatifs et expérimentaux de l’O.R.S.T.O.M. » qui concerne :
- Djibinité (Mauritanie)
- Gagara Ouest (Haute-Volta)
- Koulou-Banigoron (Niger)
- Tarteman (Tchad)
- Oued Ali - Seloumbo (Mauritanie)
- Dionaba (Mauritanie)
106 bassins ou ensembles de bassins. Les débits mensuels, parfois annuels, les caractéristiques des crues principales y sont présentés, ainsi que les caractéristiques climatiques et physiogéographiques des bassins.
On a plus récemment utilisé les données de ces bassins pour l'estimation de l'écoulement annuel et de sa distribution statistique temporelle. Cette étude s'imposait alors que la sécheresse au Sahel incitait à évaluer les ressources en eau disponible en période déficitaire. Or, en Afrique tropicale, les corrélations entre pluie annuelle
et écoulement annuel présentent une grande dispersion dès que la hauteur moyenne de précipitations est nettement plus faible que l'évapotranspiration potentielle annuelle. Dans ces conditions, pour beaucoup de bassins représentatifs, la connaissance de 3 ou 4 valeurs annuelles de l'écoulement (durée des études sur bassins représentatifs) est insuffisante pour permettre d’esquisser la courbe de distribution des écoulements annuels.
Grâce à un modèle simplifié de transformation pluie-débit, averse par averse, mis au point par G. GIRARD, on obtient des résultats qui, s’ils sont médiocres pour les crues individuelles, sont bons pour l'écoulement mensuel et très bons pour l'écoulement annuel. À partir de bonnes séries de précipitations s’étendant sur un bon nombre d’années, on en déduit pour un certain nombre de bassins représentatifs des séries d'écoulement annuel et les courbes de distribution qui leur correspondent.
On en a déduit aussi les variations du coefficient d’écoulement avec la hauteur de précipitation annuelle. Par comparaison, on a estimé les mêmes variations pour des bassins pour lesquels on n’avait pas appliqué le modèle GIRARD et, à partir de séries de relevés de précipitations, on en a déduit les courbes de distribution de l’écoulement correspondantes. Pour les moyens et grands bassins versants, on disposait de stations du réseau hydrométrique avec des observations portant sur 20 ans. Tout ceci a été précédé d'une étude approfondie des précipitations annuelles de faible fréquence et des courbes de distribution des précipitations annuelles. Ceci n’a été possible que grâce aux analyses pluviométriques décrites plus loin.
Il en est résulté d’abord un mémoire sur « l’évaluation de l’écoulement annuel dans le SAHEL tropical africain », puis la même note pour les régions tropicales sèches d'Afrique tropicale. Ces notes ont un caractère très pratique permettant sans trop de difficultés les applications directes.
En même temps une étude plus générale et plus théorique a été faite sur l’influence des facteurs physiogéographiques sur la moyenne interannuelle de l’écoulement annuel. Certains résultats ont été publiés dans les comptes rendus du Colloque de TOKYO sur les caractéristiques hydrologiques des bassins fluviaux « Influence du milieu physico-climatique sur l’écoulement des petits bassins intertropicaux » par P. DUBREUIL et G. VUILLAUME.
Les bassins représentatifs ont été utilisés quelquefois pour l’étude de l'alimentation des nappes (bassins de KORHOGO, de la TAFAINA et de SANGUERE) et on a obtenu de bons résultats sur les processus de ce phénomène, mais l'hétérogénéité foncière des sols ne permet pas d’obtenir de résultats quantitatifs aussi précis que pour l’écoulement de surface. Un petit nombre de bassins expérimentaux ont été mis en place ; il s'agit de bassins sur lesquels on procède à des expériences : reboisement, exploitation de la forêt, aménagement des sols.
Enfin, c'est sur un bassin représentatif qu'on étudie l'effet de l’urbanisation. Une première série de bassins avait été étudiée en 1953-57 à BRAZZAVILLE, puis de 1963 à 1965 à NIAMEY. Ces études avaient permis de réviser les formules de calcul des réseaux d’égouts. L. LEMOINE et J. CRUETTE ont présenté aux XIIIᵉ Journées de l’Hydraulique (PARIS 1974) un mémoire intitulé « Adaptation de la formule de CAQUOT aux régimes des régions intertropicales ».
Une nouvelle série d'études est en cours ; elle porte sur des surfaces très petites, elle suppose une étude très serrée des diagrammes d'intensité des précipitations et du développement de l’urbanisation.
On s'est orienté vers l’étude de bassins représentatifs de 800 à 1200 km². Sept seulement ont été aménagés, mais le développement de ce genre d’étude restera limité. Ils sont difficiles à trouver à l'état à peu près naturel et ils exigent une expérimentation intensive très coûteuse. C’est regrettable car ils permettraient de combler la lacune existante dans l'estimation des crues entre les petits bassins pour lesquels on utilise les bassins représentatifs et les bassins de plus de 5 000 km² pour lesquels on emploie les données des réseaux.
Précipitations
Les réseaux généraux sont gérés presque partout par les services météorologiques ; dans certains cas l’O.R.S.T.O.M. gère un réseau complémentaire de pluviomètres ordinaires ou de pluviomètres totalisateurs dans les zones d’accès difficile : parties montagneuses des ANTILLES ou de la NOUVELLE-CALÉDONIE par exemple.
À part cette activité sur le terrain, un peu marginale, l’O.R.S.T.O.M. a étudié généralement dans des stations climatologiques importantes le rapport entre les précipitations recueillies par le pluviomètre Association installé à 1,50 m et les précipitations au sol dans le cadre d'un grand projet de l’O.M.M. Dans les régions tropicales, il a été constaté que ce rapport était sensiblement égal à 1 dans les régions forestières ou dans les zones de savane boisée, mais en région sahélienne le sol reçoit parfois 20 % et plus de pluie que le pluviomètre.
La pluie sous couvert forestier a été étudiée dans le PACIFIQUE, en GUYANE par les hydrologues, et au GABON par les pédologues.
En ce qui concerne le traitement des données pluviométriques, un travail considérable a été accompli : toutes les données pluviométriques journalières de l’ancienne Afrique Occidentale française, du CAMEROUN et de l’ancienne Afrique Équatoriale française, ont été critiquées, généralement d’après les relevés originaux, corrigées et publiées jusqu’à l'année 1965, le tout avec le financement du Fonds d’Aide et de Coopération. Le même travail a été fait pour d'autres pays et pour la MARTINIQUE. On a mis ainsi sur pied les fichiers « en l’état » qui ne sont pas encore corrigés des erreurs systématiques résultant d'utilisation d’éprouvettes ne correspondant pas à l’entonnoir des pluviomètres ou de changement d’implantation de l'appareil. Cette dernière opération n’a été faite que pour la CÔTE d’IVOIRE qui dispose ainsi d'un fichier opérationnel. Mais même les fichiers « en l’état » ont rendu et continueront à rendre de grands services, par exemple pour les études de crues décennales ou d’écoulement annuel mentionnées plus haut. Les procédés utilisés pour l'analyse tendent à minimiser les suites de ces erreurs systématiques pour les années sèches. Peu importe, pour l’écoulement, qu’en année centennale la hauteur annuelle soit de 150 mm ou de 150 mm + 10 %, le résultat sur l’écoulement est sensiblement le même.
L’étude systématique de la pluie décennale a été faite pour les mêmes pays et a donné lieu à une série de rapports ronéotypés.
L’étude systématique des intensités des précipitations utilise en grande partie les données des pluviomètres des bassins représentatifs de l'O.R.S.T.O.M. Elles ont servi à effectuer l’étude systématique des courbes intensité-durée en Afrique Occidentale et Centrale et, grâce à un lecteur de courbes, on a pu procéder à une étude plus fine des variations d'intensité des ANTILLES et mettre au point les formules liant l'intensité, la durée et la fréquence. Pour des durées inférieures à 1 heure, on peut appliquer en MARTINIQUE la formule :
H (t, T) = 55 t^0,62 T^0,2 + 9,07 log T (T : période de retour, t : durée, H : hauteur de précipitations).
D’autre part, un gros effort a été fait pour l’étude du rapport entre pluie décennale à la surface d'un bassin et pluie décennale ponctuelle. G. VUILLAUME a mis au point la formule simplifiée :
K = 1 – (9 log r – 4,2 × 10^-3 P + 1,52 + 10) × 10^-3 log S (S : superficie du bassin, P : hauteur pluviométrique annuelle, r : récurrence de la pluie),
valable pour l'Afrique tropicale. C’est le problème de l’abattement.
Evaporation
L’évaporation sur nappe d’eau libre a d’abord été étudiée sur bac enterré sur la plupart des bassins représentatifs, puis sur une chaîne de grandes stations climatologiques (N'DJAMENA, BANGUI, BRAZZAVILLE, ADIOPODOUME, lac de BAM — Haute-Volta), permettant grâce aux mesures de rayonnement de procéder à la mise au point du bilan d’énergie. On étudie en même temps l’éva-
potranspiration potentielle sur gazon. On est arrivé ainsi à la conclusion que l’on pouvait utiliser la formule de PENMAN moyennant certaines corrections variables pour les différentes conditions climatiques. Ch. RIOU a publié sur le déterminisme de l’évaporation un ouvrage qui fait le point sur ces questions : « Étude de l’évaporation en Afrique Centrale — Contribution à la connaissance des climats ».
Le bilan hydrologique du Lac TCHAD a fourni un recoupement pratique pour ces études. Les expérimentations qui viennent de se terminer au Lac de BAM permettront une analyse plus fine de l’évaporation sur grand plan d’eau.
Érosion — Transports solides et qualité des eaux
L’érosion ou ablation des terres à l’issue d’une parcelle a été étudiée par les hydrologues plus particulièrement sur les bassins de KOUNTKOUZOUT (Niger) et de SARKI (E.C.A.). Des formules ont été mises au point pour déterminer l’ablation des sols pour ces régions. D’autres études plus importantes ont été menées par les pédologues de l’O.R.S.T.O.M.
Après études méthodologiques des procédés de mesures, des observations sur réseaux ont été effectuées au TOGO, au DAHOMEY, au CAMEROUN, au TCHAD et à MADAGASCAR. On arrive à la conclusion que l’utilisation d’une régression unique entre les débits liquides et les débits solides est un procédé très grossier, les premières crues de la saison des pluies étant infiniment plus chargées que celles qui suivent et la concentration en sédiment diminue rapidement après la période du maximum annuel. F. NOUVELOT, dans un article des Cahiers de l’O.R.S.T.O.M. « Le régime des transports solides en suspension dans divers cours d’eau du CAMEROUN de 1969 à 1971 » donne, pour différents régimes hydrologiques, la série de régressions à utiliser. On en déduit que la seule méthode à utiliser consiste à effectuer un prélèvement en un point bien déterminé, à intervalles rapprochés en fonction de la durée des crues et à en déterminer la concentration en sédiment. Une mesure complète de transports solides est à effectuer de temps en temps afin de contrôler la constance de la relation entre la concentration en sédiment au point de mesure et la concentration moyenne.
Dans les régions arides les hydrologues ont contrôlé le comblement des réservoirs au NIGER et ont collaboré avec les hydrologues de TUNISIE et du MAROC pour faire le même travail dans ces pays.
Enfin le même travail est fait occasionnellement pour des projets de barrages. Si en Afrique tropicale, mis à part le SAHEL, le comblement des réservoirs par les alluvions pose peu de problèmes, il en va tout différemment en Afrique du Nord.
Des études méthodologiques sur les mesures en réseau de qualité naturelle des eaux ont été faites au TOGO et des réseaux exploités régulièrement au TOGO et au TCHAD où l’on recherche à suivre les différents éléments géologiques depuis les parties les plus élevées du bassin jusqu’au Lac TCHAD, travail fait en collaboration avec les géologues. Sur le lac, les recherches faites par les géologues, les hydrobiologistes et les hydrologues sur la qualité des eaux ont été très poussées. M. ROCHE a mis au point une thèse intitulée : « Traçage naturel salin et isotopique des eaux du système hydrologique du Lac TCHAD ».
Des études particulières, généralement pour l’aménagement d’usines de pâte à papier, ont été effectuées au GABON, en CÔTE-d’IVOIRE et en GUYANE.
Notons la collaboration des hydrologues de l’O.R.S.T.O.M. avec les hydrologues tunisiens pour l’exploitation du réseau de qualité des eaux : essentielle dans un pays où la qualité des eaux pour l’irrigation est médiocre.
Alimentation des nappes — Humidité du sol
C’est un sujet un peu marginal pour l’O.R.S.T.O.M., il intéresse plutôt le B.R.G.M. Citons les études effectuées sur les bassins représentatifs mentionnés plus haut, les études des nappes des Îles LIFOU et MARÉ, les études d’inféroflux des cours d’eau du Nord-CAMEROUN et la reprise de l’étude des variations du niveau et de la salinité des nappes autour du Lac TCHAD consécutives à la sécheresse ; l’emploi des isotopes, grâce à la collaboration de l’Université de PARIS VI, a permis d’éclaircir dans la plupart des cas le mécanisme d’alimentation de ces nappes. Une publication sera prochainement diffusée à cet effet. L’O.R.S.T.O.M. lancera, en 1978, une étude sur l’alimentation de la nappe alluvionnaire d’AGADES.
Informatique hydrologique et modèles mathématiques
La masse de données à traiter correspondant à l’ensemble des études et recherches présentées dans ce qui précède a vite imposé l’emploi de l’informatique et les méthodes de traitement des données hydrologiques sur ordinateur. L’ensemble des programmes opérationnels sur ordinateur dépasse trois cents. On a commencé par le traitement des données des réseaux. Le relevé original du lecteur d’échelle donne lieu à perforation et vérification, puis toutes les opérations sont effectuées à l’ordinateur jusqu’à l’impression des annuaires.
La méthodologie générale utilisée pour ces traitements avait été mise au point par M. ROCHE qui avait publié, dans les Cahiers O.R.S.T.O.M., l’article suivant : « Traitement automatique des données hydrométriques et pluviométriques au Service Hydrologique de l’O.R.S.T.O.M. ». Les relevés de limnigraphes passent par le lecteur de courbe avec lequel on perfore et on vérifie les cartes avant impression sur bandes magnétiques. Toutes les données hydrométriques restent sur cartes perforées qui font fonction de support de référence, mais les opérations sont effectuées sur les bandes. Les hydrologues ont coopéré avec les hydrologues brésiliens, marocains et tunisiens pour faire le même travail, avec parfois des chaînes de traitement différentes mieux adaptées aux conditions locales que la chaîne de traitement du Bureau Central de PARIS. Les collections de cartes perforées et de bandes d’Afrique tropicale seront envoyées aux pays, sur leur demande. Ce sera le cas pour tous les pays du SAHEL, en accord avec l’O.M.M.
Pour les relevés pluviométriques, la plus grosse difficulté a été la réalisation pratique de la critique des données sur ordinateur et en particulier l’emploi des doubles masses, pour lequel un programme tout à fait original a été mis au point par G. HIEZ.
La mise sur support informatique des diagrammes d’intensité des précipitations et leur traitement présentaient certaines difficultés : il convenait de ne pas perdre d’information, d’autant plus que cette opération concernait surtout les bassins représentatifs, et de ne pas être noyé sous la masse de données enregistrées, ni gêné par des programmes trop lourds. G. GIRARD, P. CHAPERON et G. VUILLAUME ont mis au point un programme donnant satisfaction.
D’autres programmes ont été mis au point pour l’analyse des bassins représentatifs, celle des données de l’humidimètre à neutrons et du simulateur de pluie qui, en un an, produit plus de données que quatre ou cinq bassins représentatifs.
Il faudrait des effectifs énormes de calculateurs, que l’O.R.S.T.O.M. ne pourrait pas payer ni même trouver, pour accomplir tout ce travail de traitement de données.
Un effort considérable a été fait pour le développement et l’application des techniques statistiques à l’hydrologie. Il existe un programme ajustant sur un échantillon les lois de GAUSS, GALTON, GOODRICH, GUMBEL, PEARSON III et FRÉCHET, mais la difficulté réside dans la mise au point des tests de contrôle. Il existe des tests fort connus qui paraissent assez satisfaisants à beaucoup et, lorsqu’on les applique à certaines distributions de crues, on constate que l’ajustement est parfait dans le domaine des crues faibles et moyennes, et mauvais dans le domaine des fortes valeurs. On exige toujours que les points expérimentaux soient reportés sur les courbes ajustées d’autant plus qu’en général les hydrologues connaissent bien le degré de confiance à attribuer aux points les plus élevés pour les crues et les plus bas pour les étiages et les modules.
Y. BRUNET-MORET a mis en évidence un effet de persistance sur les précipitations annuelles au SAHEL et en zone tropicale sèche, ce qui n’améliore pas la situation de ces pays d’ailleurs.
L’étude des processus pour génération au hasard de débits journaliers se heurte à des difficultés concernant une restitution suffisante de l’effet de persistance. Les recherches se poursuivent.
Des modèles mathématiques ont été mis au point et exploités de façon opérationnelle pour :
- — la prédétermination de l’écoulement de fonte des neiges, du ruissellement, de l’alimentation des nappes souterraines ;
- — la prévision des crues des apports et des étiages.
Citons le modèle de discrétisation spatiale mis au point par G. GIRARD avec ses collègues québécois, qui permet de tenir compte de façon simple de toutes les singularités climatiques et physiographiques d’un bassin hétérogène.
Parallèlement à ses tâches de recherche, le Service Hydrologique effectue de nombreuses études d’hydrologie appliquée aux aménagements hydrauliques en mettant en œuvre son expérience acquise en hydrologie statistique et dans le domaine de la modélisation : alimentation en eau des agglomérations ou des centres industriels, aménagements d’hydraulique agricole, barrages de production d’énergie électrique (en étroite liaison avec E.D.F., S.O.F.R.E.L.E.C., C.O.B.), amélioration de la navigabilité, prévision et annonce des crues ou des basses eaux, débouchés des ouvrages d’art routiers ou ferroviaires.
Des modèles de simulation sont réalisés pour représenter le fonctionnement d’un ouvrage hydraulique ou même celui d’un grand nombre d’ouvrages hydrauliques comme l’étude qui a été effectuée pour l’ensemble du Nord de la TUNISIE, modèle pour lequel on prenait en compte non seulement les volumes d’eau délivrés, mais également leur salinité.
Formation
Un Centre de formation de haut niveau fonctionne au Bureau Central Hydrologique de PARIS ; il reçoit chaque année plus de dix stagiaires étrangers. L’O.R.S.T.O.M. est associé à l’Institut Polytechnique Fédéral de LAUSANNE et l’O.M.M. pour l’organisation d’un cours de spécialisation en Hydrologie Opérationnelle et Appliquée.
De nombreux hydrologues assument des tâches d’enseignement de l’hydrologie dans les grandes écoles françaises, dans certaines universités ; d’autres remplissent le même office dans certaines capitales d’Outre-Mer. L’O.M.M. a confié à l’O.R.S.T.O.M. l’enseignement de la composante hydrologique dans le Centre de formation de techniciens météorologues et hydrologues de NIAMEY.
L’O.R.S.T.O.M. prépare actuellement un manuel de formation des techniciens dont le premier fascicule sera publié prochainement.
Certains hydrologues sont ou ont été détachés auprès des organismes de coopération bilatérale ou internationale comme experts en de nombreux pays : THAÏLANDE, CANADA, BRÉSIL, TUNISIE, pays du SAHEL, etc.
Coopération internationale
L’O.R.S.T.O.M. travaille par ses experts en liaison étroite avec l’U.N.E.S.C.O. pour la réalisation du programme hydrologique international, avec l’O.M.M. qui dirige actuellement son programme d’hydrologie opérationnelle, l’Organisation Mondiale de la Santé et avec divers organismes d’assistance bilatérale. Elle collabore très étroitement avec l’Association Internationale des Sciences Hydrologiques.
Publications
Les bibliographies et les annuaires ont déjà été présentés plus haut sous leurs différentes formes. Mais il est un type d’ouvrage qui peut rendre les plus grands services, ce sont les Cahiers de l’O.R.S.T.O.M. Dès qu'une opération de recherches est suffisamment avancée, les résultats sont présentés dans les Cahiers, ce qui permet de tenir au courant non seulement les hydrologues de l’O.R.S.T.O.M. dispersés dans le monde, mais également la communauté hydrologique internationale. Ils servent également à publier certaines méthodologies suffisamment au point pour être présentées presque sous forme de règlement technique. Enfin, l’O.R.S.T.O.M. peut publier dans ses Cahiers des articles d’hydrologues ne faisant pas partie de cet organisme ou même d’hydrologues étrangers. Les Cahiers paraissent quatre fois par an. Il existe également la collection des Mémoires O.R.S.T.O.M. dont font partie, par exemple, « les régimes de l’Afrique Noire & l’Ouest du CONGO », la collection « Travaux et Documents de l’O.R.S.T.O.M. », comportant certains ouvrages déjà cités dans le texte, et enfin les cartes et notices, par exemple l’esquisse hydrologique du TCHAD et la carte pluviométrique de NOUVELLE-CALÉDONIE. Bien entendu, il existe de nombreuses notes ronéotypées. Une bibliographie hydrologique est remise à jour annuellement. Elle comprend la totalité des documents ronéotypés et imprimés.
Conclusion
On a montré, dans ce qui précède, comment l’O.R.S.T.O.M., sur le plan de l’hydrologie tropicale et méditerranéenne, s’est efforcé de dégager les données hydrologiques nécessaires au développement en créant ou en étoffant les réseaux de stations de jaugeages, en mettant au point la méthodologie pour la mesure de la qualité naturelle des eaux, en aidant à établir des centres de traitement et des banques de données, en étudiant sur petits bassins les processus qui interviennent dans le cycle de l’eau pour permettre des transpositions à des bassins non étudiés, en procédant à des recherches sur certaines parties du cycle de l’eau (évaporation, précipitations) pour lesquelles manquaient certains éléments indispensables sur le plan scientifique ou sur le plan technique, en se lançant enfin dans l’élaboration de modèles de toutes sortes qui, seuls, permettent de travailler à une cadence acceptable.
Où serait-il le plus judicieux de faire porter les efforts du Service Hydrologique dans les prochaines années ? On sera bien obligé d’aider les réseaux hydrométriques : la forme la plus efficace et la moins lourde d’assistance consistant à s'attacher aux mesures d'étiage ou de crues exceptionnelles, car c'est par ces opérations que l’on réalise un gain maximal d'information par rapport à celle qui est déjà acquise. On continuera à développer les centres de calcul, on essaiera de mettre en valeur la masse énorme de données déjà acquises par des travaux de synthèse portant notamment sur les relations entre le sol et les différentes formes de l’écoulement, ces synthèses exigeant des activités pluridisciplinaires. On s’efforcera de mettre ces résultats de synthèse à la disposition de tous sous forme de vulgarisation.
Mais l’objectif le plus important c’est la recherche de l’action de l'homme sur le régime hydrologique et de son contrôle. Ce travail a été déjà commencé depuis plusieurs années mais les informations acquises actuellement sont encore tout à fait insuffisantes ; le bassin naturel deviendra bientôt une rareté, il en restera tout juste assez pour comparer les séries statistiques. Ce programme va de la parcelle de recherche jusqu’au modèle de simulation régional.
Tout ceci sans perdre le contact avec les utilisateurs, grâce à des travaux d'études sur Convention. Le Service Hydrologique de l’O.R.S.T.O.M. n’est pas à la veille de manquer d’occupations...
J.-A. RODIER