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Les produits phytosanitaires: une vaste gamme de substances

28 février 1996 Paru dans le N°189 à la page 48 ( mots)
Rédigé par : Gilbert GRIVAULT

L'utilisation des produits phytosanitaires, désignés également sous les vocables de pesticides, produits antiparasitaires ou produits phytopharmaceutiques, s'est fortement développée au cours de la deuxième moitié de ce siècle. Les industries de protection des plantes, en quête permanente d'innovation, ont mis sur le marché une vaste gamme de substances homologuées dont la tendance générale, au fil des ans, est caractérisée par des doses d'utilisation et une toxicité de plus en plus basses. En Bretagne, la fraction la plus importante du tonnage utilisé en agriculture est liée au désherbage du maïs et des céréales, et le marché reste dominé par un petit nombre de substances actives anciennes entrées dans le domaine public. Les collectivités, les administrations et les particuliers sont aussi utilisateurs de produits phytosanitaires, et ces applications, réalisées généralement sur des supports peu perméables, participent à la contamination des eaux de surface.

En Bretagne, la fraction la plus importante du tonnage utilisé en agriculture est liée au désherbage du maïs et des céréales, et le marché reste dominé par un petit nombre de substances actives anciennes entrées dans le domaine public. Les collectivités, les administrations et les particuliers sont aussi utilisateurs de produits phytosanitaires, et ces applications, réalisées généralement sur des supports peu perméables, participent à la contamination des eaux de surface.

De tout temps, l'homme a tenté de préserver ses cultures et ses récoltes contre les pertes causées par divers ravageurs, maladies et mauvaises herbes. Face au développement de fléaux que les moyens traditionnels de défense physique et mécanique n'arrivaient pas à maîtriser, vint progressivement l'idée de recourir aux poisons, tels que des produits à base d'arsenic, de cyanure ou de nicotine dont l'usage était courant en France au début de notre siècle. Mais c'est en fait depuis la seconde guerre mondiale, avec le développement de la chimie organique de synthèse, que la protection chimique des cultures a pris réellement son essor. Si, pendant longtemps, les insectes et les rongeurs constituèrent la première préoccupation, l'intensification de l'agriculture qui accompagna l'augmentation des besoins alimentaires mondiaux a mis à jour au fil des ans un cortège croissant d'organismes nuisibles, et l'on recense aujourd'hui plusieurs dizaines de milliers d'espèces de champignons pathogènes, d'insectes ravageurs et de mauvaises herbes. En parallèle, le catalogue des produits phytosanitaires s'est considérablement développé, et la base officielle française recensait, en juin 1995, 912 substances actives contenues dans 8 883 spécialités homologuées, pour plus de 2 600 usages différents. Le tonnage de substances actives consommé annuellement en France est de l'ordre de 95 000 tonnes actuellement.

Les produits phytosanitaires sont maintenant couramment utilisés, non seulement par les agriculteurs, mais aussi par les collectivités et administrations pour l'entretien des voiries, des espaces verts et de divers lieux publics, par les particuliers dans les propriétés privées, ainsi que pour les traitements de conservation de divers produits dont les bois, sans oublier la lutte contre les insectes vecteurs de diverses maladies humaines et animales.

Vocabulaire et définitions

Pour désigner les substances utilisées en protection des plantes, diverses appellations sont plus ou moins couramment rencontrées : pesticides, produits antiparasitaires, produits agropharmaceutiques, produits phytopharmaceutiques, produits phytosanitaires…

Le vocable pesticide, d'origine anglo-saxonne, vient du latin « pestis » signifiant « fléau, calamité », sachant que le mot anglais « pest » désigne aussi bien les parasites, les ravageurs que les mauvaises herbes. On parle d'insecticide pour les substances destinées à combattre des insectes, de fongicides pour la lutte contre les champignons, d'herbicides contre les plantes indésirables, de rodenticides contre les rongeurs, de bactéricides contre les bactéries, de nématicides contre les nématodes, d'acaricides contre les acariens, etc. La notion de pesticide est cependant peu précise, car elle ne bénéficie pas d'une définition officielle dans la réglementation française relative à la protection des végétaux.

La loi française du 2 novembre 1943, modifiée par celle du 13 juillet 1979, définit « les produits antiparasitaires à usage agricole et assimilés », et pratiquement seuls les médicaments vétérinaires et les produits antiparasitaires à usage ménager échappent à cette définition. Certaines normes françaises homologuées, relatives aux matières et objets utilisés en agriculture, concernent des « produits agropharmaceutiques ».

Le décret français du 5 mai 1994, pris en application de la directive du 21 décembre 1978 du Conseil des communautés européennes, donne la définition suivante des « produits phytopharmaceutiques » : « les substances, les préparations contenant une ou plu-

[Photo : Consommation de substances actives phytosanitaires en 1992.]

plusieurs substances actives et les produits composés en tout ou partie d’organismes génétiquement modifiés présentés sous la forme dans laquelle ils sont livrés à l'utilisateur, destinés à :

  • • protéger les végétaux ou les produits végétaux contre tous les organismes nuisibles ou à prévenir leur action, pour autant que ces substances ou préparations ne sont pas autrement définies ci-après ;
  • • exercer une action sur les processus vitaux des végétaux, pour autant qu’il ne s’agit pas de substances nutritives (par exemple les régulateurs de croissance) ;
  • • assurer la conservation des produits végétaux, pour autant que ces substances ou produits ne font pas l’objet de dispositions particulières du Conseil ou de la Commission des communautés européennes concernant les agents conservateurs ;
  • • détruire les végétaux indésirables ;
  • • ou détruire des parties de végétaux, freiner ou prévenir une croissance indésirable des végétaux.

Le terme de « produit phytosanitaire » reste, par contre, le plus usité dans le milieu des distributeurs, des prescripteurs et des utilisateurs de produits de protection des plantes.

Enfin, il convient également de bien discerner les notions de :

« spécialité » (on parle souvent de « spécialité commerciale » ou « produit commercial » ou « formulation »), qui est définie par la Commission des Essais Biologiques comme étant un produit formulé, de composition définie, autorisé à la vente sous un nom de marque. Les directives européennes retiennent le vocable « préparations », avec pour définition « mélanges ou solutions composés de deux ou plusieurs substances, ou de micro-organismes ou virus utilisés comme produits phytopharmaceutiques ».

« substance active » (appelée autrefois « matière active »), définie par les directives européennes comme étant « les substances, micro-organismes et virus exerçant une action générale ou spécifique sur les organismes nuisibles, ou sur les végétaux, parties de végétaux ou produits végétaux ».

Une préparation (ou spécialité) contient ainsi une ou plusieurs substances actives associées à un certain nombre d’autres substances dites adjuvantes (= mouillant, solvant, diluant, anti-mousse...), destinées à rendre le produit utilisable, le plus efficace possible, pratique d’emploi, stable, transportable et stockable. Le produit peut se présenter sous diverses formes : poudres, liquides, granulés...

Un marché mondial en constante évolution

C'est au cours de la décennie 1960-1970 que le marché mondial des produits phytosanitaires a connu son plus fort taux de croissance, de l’ordre de 10 % en valeur. Par la suite, ce taux a régressé et depuis 1990, sous l’effet notamment de la Politique Agricole Commune, il est en régression de l’ordre de –3 % par an (Neveu, 1994).

Aujourd’hui, la France occupe la deuxième place mondiale pour le volume total de produits phytosanitaires consommés, derrière les États-Unis, et donc la première place d’Europe. Une étude présentée à la conférence ministérielle pour la protection de la Manche et de la Mer du Nord, les 7-8 décembre 1993 à Copenhague (Larguier et Massin, 1994), relativise cependant ce classement.

Cette étude révèle en effet que si l'on compare les quantités moyennes appliquées par hectare de surface agricole, la France se situe en position moyenne par rapport à un certain nombre de pays d’Europe, et notamment loin derrière les Pays-Bas, la Belgique et le Portugal, et au même niveau que la Suède ou le Danemark (figure 1).

La France occupait en effet, en 1993, 23,5 % de la Surface Agricole Utilisée de l’Union Européenne, et la S.A.U. de la France représente plus de 55 % de la superficie du pays (DRAF, 1995), ce qui contribue à expliquer le niveau élevé de la consommation nationale de produits phytosanitaires.

Au cours des dernières décennies, les industries phytosanitaires ont su faire preuve de beaucoup d’innovation technologique, qui s’est traduite par l’arrivée sur le marché de spécialités présentant en tendance générale une toxicité de plus en plus basse et s’appliquant à des doses de plus en plus faibles. Dix à vingt nouvelles molécules étaient ainsi présentées annuellement à l’homologation ces dernières années.

À titre d’illustration, pour le secteur des herbicides, la figure 2 situe un certain nombre de substances actives apparues à diverses époques, par rapport à leur dose létale 50 sur le rat par ingestion (Acta, 1995), qui constitue un indicateur de toxicité aiguë, même si son interprétation doit rester prudente (plus la DL50 est basse, plus la toxicité aiguë est élevée), ainsi qu’en fonction de leur dose d’homologation.

[Photo : Comparaison de substances herbicides, maïs et céréales selon l’année d’homologation.]
[Photo : Utilisation du sol en Bretagne en milliers d’hectares (1994). Surface Agricole Utilisée : 1 826 879 hectares.]
[Photo : Usages phytosanitaires sur maïs et céréales - Bretagne 1994. Volumes de substances actives appliquées en tonnes.]

Sulfurées, présentes sur le marché depuis ces dernières années, s’utilisent à des doses variant entre 5 et 50 g par hectare, soit 100 à 1000 fois inférieure à celle des désherbants traditionnels, et sont caractérisées par une DL50 supérieure à 5000 mg/kg. De même en ce qui concerne les insecticides, on a assisté depuis les années 1980 au développement des produits de la famille des pyréthrinoïdes employés à des doses de quelques grammes par hectare, et récemment est apparue une nouvelle génération de produits de traitement des semences tel l’imidaclopride, à toxicité aiguë nettement plus favorable que celle des insecticides appliqués en traitement de sol, et permettant de réduire sensiblement les quantités appliquées à l’hectare. Un scénario comparable pourrait être décrit pour les fongicides.

Par ailleurs, l’innovation technologique se manifeste également dans le domaine des formulations et des emballages, conçus pour présenter moins de risque pour le manipulateur et le milieu. C’est le cas des emballages dits « intelligents » qui réduisent la quantité de résidus restant après utilisation, de conditionnements en sachets hydrosolubles ou comprimés effervescents à plonger directement dans le pulvérisateur, de formulations en granulés fluants évitant éclaboussures et poussières, de spécialités substituant les solvants habituels par de l’huile de colza ou de l’eau (Larguier et Michon, 1994).

La baisse du chiffre d’affaires du marché des phytosanitaires a conduit à une restructuration profonde des industries, se traduisant par une réduction drastique de ses effectifs et des regroupements structurels depuis quelques années afin de partager les coûts de recherche et de développement. Actuellement, 82 % du marché mondial est réalisé par 40 compagnies, et elles ne pourraient être plus qu’une dizaine en l’an 2000 d’après certaines prévisions (Neveu, 1994). Sachant que la mise sur le marché d’une spécialité nécessite en moyenne sept à huit années d’études préalables, et représente un investissement évalué par l'Union des Industries de Protection des Plantes à 700 millions de francs, un certain ralentissement de l’innovation technologique et par conséquent du renouvellement des substances, est peut-être à craindre pour les années à venir. Aujourd’hui, environ la moitié des substances actives contenues dans des spécialités homologuées en France, ont plus de 15 ans d’existence.

Les usages agricoles en Bretagne

En l’absence de données officielles, les chiffres de consommation de produits phytosanitaires présentés ci-après constituent des estimations auxquelles il convient de ne pas accorder une trop grande précision, mais qui illustrent fidèlement les tendances.

Sont considérées ici comme usages agricoles, toutes les utilisations de produits phytosanitaires dans les parcelles de production végétale. Il s'agit de produits employés le plus souvent en pulvérisation sur le végétal ou le sol, mais également dans certains cas apportés sous forme de microgranulés incorporés dans le sol, ou bien en traitement de semences.

L’occupation des sols en Bretagne (figure 3) est caractérisée par la dominance des productions à finalité fourragère et des céréales, de façon assez homogène entre les quatre départements bretons, ainsi que par des productions légumières concentrées dans des zones spécialisées (Draf, 1995). Le maïs et les céréales occupaient en Bretagne à eux seuls 838 000 hectares en 1994, soit environ 46 % de la S.A.U., alors que la proportion au niveau national est de l’ordre de 35 %. Les productions légumières (en frais et en sec, y compris la pomme de terre) totalisent, avec les protéagineux, près de 104 000 hectares, soit environ 5,6 % de la S.A.U. (contre 3,75 % au niveau national). La surface toujours en herbe ne représente plus que 15 % de la S.A.U. régionale (contre 37 % au niveau national) et qu'un quart environ de la surface régionale consacrée aux productions fourragères (contre environ 70 % au plan national).

En 1994, la consommation de substances actives phytosanitaires sur céréales et maïs en Bretagne était estimée à environ 2000 tonnes, selon la répartition suivante par catégorie (figure 4). 51 % du volume est constitué d’herbicides du maïs, et 26 % d’herbicides des céréales à paille, ce qui signifie que les herbicides représentent plus des trois quarts du total.

12 % sont des insecticides utilisés essentiellement en traitement du sol contre les ravageurs du maïs ; 11 % sont des fongicides employés sur céréales.

L’identification des principales substances actives appliquées (figure 5) révèle que :

  • - l’atrazine, désherbant du maïs, représente à lui seul un tiers du volume total ;
  • - cinq substances dépassent ou avoisinent chacune la barre de 5 % du volume total (100 tonnes) ; il s’agit de l’atrazine, l’alachlore et le dinoterbe utilisés pour le désherbage du maïs ; l’isoproturon en désherbage des céréales à paille, et le lindane appliqué en traitement du sol sur maïs ; ces cinq substances représentent deux tiers du volume total ;
  • - sept substances se situent chacune entre 1 à 4 % du volume total : un herbicide des céréales (mécoprop), trois herbicides du maïs (bentazone, pyridate et vernolate), deux fongicides des céréales à paille (fenpropimorphe et fenpropidine), un insecticide du maïs (carbofuran) ;
  • - près d’une cinquantaine d’autres sub
[Photo : Fig. 5 : Principales substances actives phytosanitaires sur maïs et céréales en % du volume appliqué – Bretagne 1994.]

Les substances utilisées en quantité significative, mais inférieure aux niveaux cités ci-dessus, totalisent environ 20 % du volume global.

Au total, 70 substances actives ont été ainsi recensées comme étant appliquées en quantité notable sur maïs et céréales en Bretagne, réparties par catégories comme suit : 49 pour les céréales à paille dont 22 herbicides, 18 fongicides, 9 insecticides ; 21 pour le maïs, dont 12 herbicides et 9 insecticides du sol. Cette apparente grande diversité est cependant à relativiser par la prédominance forte en volume de quelques substances (atrazine et isoproturon en premier lieu, mais aussi lindane, alachlore et dinoterbe), qui sont des molécules anciennes, dont les performances sont bien connues des utilisateurs, et dont le coût est modéré du fait qu’il s’agit de produits entrés dans le domaine public.

Il est plus difficile de cerner les quantités de produits phytosanitaires appliqués sur les autres productions, du fait de la grande diversité des espèces végétales et de la forte variabilité du nombre et de la nature des traitements selon les situations. Au vu des pratiques agricoles actuelles, il apparaît cependant possible de donner les tendances suivantes : environ 40 % de la S.A.U. bretonne, soit près de 700 000 hectares, occupés par des surfaces toujours en herbe et de prairies, ne reçoivent pas ou peu de produits phytosanitaires (bien moins d’un traitement en moyenne par an) ; la moitié de la S.A.U. bretonne, soit près d’un million d’hectares occupés par les céréales, le maïs, les oléagineux, les fourrages annuels, les protéagineux, les principaux légumes frais et de conserve (choux, artichauts, pois, haricots, épinards...) reçoivent un nombre modéré de traitements, ne dépassant généralement pas quatre par an ; moins de 5 % de la S.A.U. portant certaines productions légumières, fruitières et ornementales, sont soumis à une protection phytosanitaire plus intensive, pouvant varier entre quatre et dix traitements par an. Sur ces bases, on doit pouvoir situer approximativement la consommation annuelle régionale de substances actives phytosanitaires appliquées sur les cultures, aux alentours de 3 000 tonnes par an en l’état actuel, soit un peu plus de 3 % de la consommation nationale (alors que la S.A.U. bretonne avoisine 6 % de la surface nationale).

Le nombre moyen de traitements et le volume moyen de substances actives appliquées en Bretagne par hectare agricole apparaissent donc raisonnables comparativement aux pratiques constatées dans les autres régions et pays agricoles. C’est en fait le poids de la S.A.U. et la part importante occupée par les céréales et le maïs qui expliquent le volume conséquent de substances herbicides consommé, et à un degré moindre d’insecticides du sol. Ceci est aggravé par le fait que le marché reste dominé par des substances anciennes homologuées à des doses conséquentes se situant entre un et trois kg/ha.

Les usages non agricoles en Bretagne

Les seules données suffisamment précises dont nous disposons sont issues d’une enquête sur l’utilisation des herbicides lancée en Bretagne en 1990 auprès des collectivités et des administrations (DRAF, 1991). Par usages non agricoles, on entend l’application de produits phytosanitaires sur des terrains non occupés par des productions agricoles, généralement pour l’entretien des parcs, jardins, espaces verts et voiries (routes, chemins, voies ferrées, trottoirs, etc.). Il s’agit principalement d’herbicides. Le questionnaire lancé en 1990 avait été adressé, par l’intermédiaire de la Préfecture, aux principaux utilisateurs potentiels connus : la SNCF, les DDE, les Chambres de Commerce et d’Industrie, qui ont tous répondu de façon complète, ainsi que les municipalités pour qui le taux de réponses, variable selon les départements, a globalement dépassé 60 % (782 réponses sur 1 287 municipalités enquêtées).

Le total des quantités de substances actives ainsi déclarées a atteint 50 tonnes.

[Photo : Fig. 6 : Substances actives utilisées en désherbage non agricole. En % du volume appliqué – selon enquête Bretagne 1991.]

La figure 6 montre la nette prédominance de quatre substances actives, la plupart du temps associées en mélanges, pour constituer ce que l’on appelle couramment les « désherbants totaux ».

Il s’agit de l’aminotriazole (25 %), du diuron (18 %), de la simazine (17 %) et de l’atrazine (12 %). Ces désherbants, caractérisés pour la plupart par une assez longue persistance dans l’environnement, sont généralement appliqués de façon préventive, avant la poussée des herbes ou sur herbes encore peu développées.

Le dichlorprop (9 %) est un débroussaillant utilisé principalement par la SNCF sur les voies ferrées. Le thiocyanate d’ammonium est une substance toujours associée à l’aminotriazole pour renforcer son action. Parmi les divers (9 %), on trouve le chlorate de sodium, la fosamine ammonium, le 2,4-D, le glyphosate, proportionnellement peu utilisés.

La consommation d’herbicides ainsi recensée (50 tonnes) apparaît faible comparativement à celle estimée précédemment pour les usages agricoles (3 000 tonnes). Compte tenu du taux de réponses et de l’imprécision de certaines d’entre elles, la réalité est sans doute plus proche du double de ce tonnage. Par ailleurs, il existe peu d’informations disponibles sur les quantités

utilisées par les particuliers dans les jardins, parcs et cours privés, alors que la superficie régionale de jardins et vergers familiaux (autres que ceux des exploitants agricoles) était en 1994 évaluée à 12 150 ha (DRAF, 1995). Il est donc sans doute réaliste de considérer que le tonnage de substances actives appliqué en usage non agricole, par les collectivités, les administrations et les particuliers, se situe en Bretagne à un niveau proche de 5 % par rapport à celui utilisé en agriculture. Il est d’autre part intéressant d’examiner les conditions dans lesquelles sont réalisés les désherbages non agricoles. L’enquête conduite en 1990 a montré que ces désherbants étaient appliqués dans les agglomérations : sur les allées et trottoirs engravillonnés, dans les cimetières, sur certaines surfaces goudronnées (rues, parkings, trottoirs), sur les accotements aux abords des collecteurs d’eaux pluviales, ainsi que pour l'entretien de gazons et de divers massifs arbustifs ; pour les voies ferrées : sur le ballast, ainsi que sur les talus ; pour les routes : sur les accotements de faible largeur et non accessibles au girobroyeur, sur les îlots directionnels, sur les zones d’approches de certains carrefours et virages, sur des fossés et saignées…

Dans la grande majorité des cas, les applications de désherbants sont ainsi réalisées sur des supports inertes, peu perméables, et donc dans des conditions à haut risque de ruissellement, d’autant plus que ces ouvrages sont conçus pour évacuer au plus vite les pluies dans les réseaux d’écoulement d’eau pluviale.

Une étude réalisée (DRAF, 1991), consistant à comparer la concentration de diuron et de simazine (désherbants très peu utilisés par l’agriculture en Bretagne) dans l’eau des rivières prélevée en amont et en aval d’une agglomération, a clairement confirmé la participation importante des usages non agricoles à la contamination des eaux (augmentation des concentrations d’un facteur allant jusqu’à 20).

Conclusion

Les études réalisées en Bretagne ont montré que les utilisations de produits phytosanitaires ne concernent pas seulement l’agriculture, et que nous sommes tous plus ou moins directement impliqués.

L’agriculture consomme probablement au moins 95 % du volume total régional de substances actives phytosanitaires appliquées. Cette quantité s’explique, non pas par une utilisation inconsidérée de produits phytosanitaires, mais en fait par l’importance de la Surface Agricole Utilisée bretonne et particulièrement par la place majeure occupée par le maïs et les céréales dans l’assolement ; elle est due également au fait que le marché reste dominé par un petit nombre de substances phytosanitaires anciennes, caractérisées par des doses d’homologation relativement élevées par rapport aux substances plus récentes.

L’abaissement des quantités globales appliquées passera donc en partie par le développement de ces substances de nouvelle génération, sachant que celles disponibles actuellement n’apportent pas encore de solutions techniques jugées satisfaisantes dans toutes les situations, et que leur prix est supérieur à celui des substances traditionnelles. Par ailleurs, la mise en pratique plus large des concepts de protection intégrée des cultures, prenant en compte le choix des variétés, de l’assolement, et de diverses techniques culturales et biologiques destinées à réduire la dépendance vis-à-vis des produits phytosanitaires, devrait permettre de mieux rationaliser l’emploi de ces derniers.

Concernant les désherbages non agricoles réalisés dans les zones urbanisées et pour l’entretien des voiries, l’essentiel des pratiques recensées repose sur des traitements d’assurance avec des herbicides totaux à longue persistance d’action appliqués de façon systématique avant développement de la flore. La mise en œuvre d’une nouvelle déontologie s’avère rapidement nécessaire, privilégiant autant que possible l’usage de substances moins persistantes, et promouvant largement les techniques alternatives de désherbage, ainsi que la formation des applicateurs.

Enfin, l’utilisation de produits phytosanitaires par les particuliers, dans les propriétés privées, reste un domaine peu connu, qui mérite d’être précisé. Il y a lieu certainement de conduire une campagne de sensibilisation des utilisateurs sur les risques encourus, et chacun de nous doit réviser sa conception de l’entretien de son cadre de vie et faire évoluer ses pratiques.

Références bibliographiques

DRAF Bretagne, 1995 – Les tableaux de trajectoires, Annuaires 1995.

Acta, 1995 – Index phytosanitaire.

Larguier M., Massin J.-M., 1994 – Conférence ministérielle pour la protection de la Manche et de la Mer du Nord : aspects phytosanitaires – BTI, juillet/décembre 1994.

Larguier M., Michon P., 1994 – Un aperçu sur l’évolution des produits phytosanitaires – BTI – juillet/décembre 1994.

Neveu J.-F., 1994 – Phyto : les conséquences de la restructuration – La France Agricole, 4 novembre 1994.

DRAF Bretagne, 1991 – Contamination des eaux par les herbicides utilisés dans les zones non cultivées en Bretagne.

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