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Les problèmes d'étanchéité des réseaux d'assainissement et de leur rénovation : du miroir à la chaussette

30 octobre 1983 Paru dans le N°77 à la page 47 ( mots)
Rédigé par : Ph. DE LA CLERGERIE

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Aujourd'hui, force est de reconnaître que les réseaux d'eaux usées continuent toutefois de drainer des débits très importants d'eaux claires vers les stations d'épuration, ce qui gêne très fortement leur fonctionnement. Les causes de cet état de fait sont multiples et les remèdes ne sont pas toujours simples. Parmi les causes principales, on doit retenir le maintien en service de certaines parties de réseaux unitaires, les erreurs de branchements et surtout la mauvaise étanchéité des réseaux d'assainissement.

Nous nous intéresserons ici à ce dernier aspect en développant des considérations sur les divers moyens d'investigation existants et sur les solutions pouvant être envisagées pour remédier à la situation actuelle.

MOYENS D’INVESTIGATION

Pendant longtemps, le seul moyen d'investigation utilisé par les services chargés de l'entretien des égouts non visitables a été l'observation visuelle à partir des regards de visite :

  • - observation des débits de regard à regard, notamment pendant les heures creuses (0 h à 5 h) ;
  • - écoute des bruits de chutes d'eau propagés dans le collecteur et essais de visualisation à l'intérieur des tuyaux à l'aide d'une lampe et d'un miroir réfléchissant, orienté à 45° dans la cunette des regards.

Peu à peu, l'idée d'introduire une caméra de télévision à l'intérieur des tuyaux fit son chemin et le premier essai en France fut réalisé vers la fin des années 60 par la société Terastic. L'inspection télévisée est devenue aujourd'hui un moyen couramment utilisé et très efficace pour contrôler l'état d'une canalisation non visitable.

[Photo : Caméra de télévision sur son chariot automoteur]

Toutefois, si l'observation par caméra de télévision décèle tous les défauts de structure tels que cassures, fissures ou joints déboîtés, elle ne permet pas, par contre, de s'assurer de l'étanchéité des joints lorsque le niveau de la nappe phréatique se trouve être plus bas que celui du collecteur. Dans ce cas, l'inspection télévisée doit être complétée par des tests d'étanchéité, soit à l'air, soit à l'eau.

Les tests d'étanchéité peuvent être envisagés de deux manières différentes :

  • - soit par test global d'un tronçon de canalisation isolé entre deux ballons obturateurs : on remplit le tronçon testé, soit d'eau dont on observe la variation de niveau, soit d'air comprimé sous 0,5 bar dont on observe la variation de pression ;
  • - soit par tests systématiques, joint par joint, à l'aide d'un manchon gonflable positionné sous contrôle télévisé au droit de chaque joint.

Cette méthode est la seule qui permette de s'assurer de l'étanchéité d'une canalisation, tout en offrant l'avantage d'identifier les joints défectueux. En règle générale, le test à l'air est effectué à l'aide d'un manchon permettant de procéder immédiatement à l'étanchement du joint en cas de non-étanchéité. Cette méthode qui peut paraître plus chère au départ est de ce fait la seule qui permette de s'assurer de la bonne étanchéité d'un tronçon de collecteur au moindre coût.

Les tests systématiques que nous avons pratiqués depuis plu-

Plusieurs années sur des tronçons de collecteurs montrent qu’en moyenne, le tiers des joints présente des défauts d’étanchéité.

Par ailleurs, les difficultés de diagnostic dans les canalisations en charge ont amené le développement d'une nouvelle technique d'investigation pour la recherche des entrées d’eaux parasites : l'ichtyothermie. Basée sur l’analyse des variations de température ou de salinité provoquées par l'introduction d'eau de nappe dans un collecteur, cette méthode dont la mise en œuvre est particulièrement simple permet de localiser avec précision les points d’entrée d’eaux parasites. Des applications spectaculaires ont pu être réalisées, notamment dans le cas des collecteurs longeant un cours d’eau ou en bord de mer. Nous y reviendrons dans une communication ultérieure.(1)

LES REMÈDES

Les remèdes pouvant être envisagés pour rénover une canalisation d’assainissement qui présente des défauts d’étanchéité sont de deux ordres : soit des interventions ponctuelles permettant de traiter in situ chacun des défauts d’étanchéité préalablement localisés, soit des interventions à caractère plus global permettant de rénover l’intégralité d’un tronçon de collecteur défectueux.

Les interventions ponctuelles

Ces interventions font généralement appel à l'injection in situ de produits colmatants. Les techniques diffèrent selon la nature des produits utilisés lesquels peuvent être essentiellement :

  • — du coulis de ciment mélangé, selon le cas, à des additifs divers (résines synthétiques, bentonite, produits bitumineux) ;
  • — des résines polyuréthanes durcissant au contact de l'eau en augmentant de volume ;
  • — des résines acryliques formant un gel indestructible après polymérisation obtenue par mélange avec un durcisseur.

Les résines acryliques sont les plus couramment utilisées dans le monde entier, car elles offrent les avantages suivants :

  • — une très grande fluidité avant polymérisation : de ce fait, le produit pénètre facilement à travers le joint et vient remplir complètement les vides et cavités situés à l'extérieur de la canalisation tout autour du joint. Après polymérisation, obtenue généralement en moins d'une minute, on obtient un blocage parfait des venues d'eau, quelle que soit la pression de la nappe ;
  • — une grande souplesse après polymérisation : le gel obtenu avec les résines acryliques colle parfaitement à la paroi de la canalisation et épouse les déformations qui peuvent se produire par suite de tassements différentiels observés au niveau des joints ; ceci constitue une garantie supplémentaire de la tenue dans le temps de la réparation effectuée.

La mise en œuvre de ces injections fait appel à du matériel spécialisé, généralement amené à pied d’œuvre dans un camion-laboratoire comprenant :

  • — le matériel vidéo permettant de travailler dans la canalisation sous contrôle télévisé ;
  • — des manchons d'injection gonflables permettant d’assurer un coffrage au niveau du joint à traiter ;
  • — une unité de préparation des produits constituée de cuves et de mélangeurs ;
  • — des pompes d'injection ;
  • — un tuyau multivoies permettant le transfert des produits depuis les cuves jusqu’au manchon d’injection en position dans la canalisation.

L'ensemble des opérations est contrôlé depuis la surface grâce à un tableau de commande centralisé comportant toutes les indications nécessaires au contrôle : moniteur TV, débitmètres, manomètres...

[Photo : légende : Bloc de contrôle pour test d’étanchéité et étanchement.]

Il est essentiel qu’à la fin de chaque injection, l’étanchéité du joint soit à nouveau testée à l'air ou à l'eau sous 0,5 bar de pression.

Les interventions de rénovation complète

En cas de dégradations importantes d'une canalisation — fissures longitudinales, cassures, ... — l'étanchement ne peut plus être assuré d'une manière satisfaisante par des interventions ponctuelles. Il faut alors envisager une rénovation complète. Pendant très longtemps, la seule méthode de rénovation

[Photo : légende : Raccordement d’un manchon d'injection de résines.]

complète a consisté à remplacer le tronçon de collecteur endommagé par la pose d'une nouvelle canalisation. Toutefois, le remplacement d'une canalisation n’est pas sans poser des problèmes parfois très délicats :

  • — coût généralement élevé de dépose et repose d'une conduite ;
  • — nécessité d'ouvrir une tranchée dans le sol et, le plus souvent, sous des chaussées à forte circulation ;
  • — durée importante des travaux et gêne des usagers.

C'est pourquoi se sont développées, depuis quelques années, des méthodes de rénovation complète de canalisations « in situ ».

Les premières interventions ont consisté à enfiler une canalisation en matériau léger (PVC ou polyéthylène), permettant un tubage de la conduite défectueuse, ce qui conduit à une réduction parfois sensible de la section. Cette méthode s'est révélée par ailleurs délicate à mettre en œuvre sur de grandes longueurs et impossible dans le cas de déboîtements importants ou de contre-pentes. C'est pourquoi on a, par la suite, imaginé de mettre en place une gaine souple enduite de résine assurant la rigidité de l'ensemble après polymérisation.

Cette idée a permis d'ouvrir l’ère d'une nouvelle technique de rénovation des conduites : celle du gainage.

LE GAINAGE INSITUFORM

Les premiers essais de gainage remontent maintenant à une dizaine d'années et l'évolution de cette technique est tout à fait remarquable. La mise en place des premières gaines s'est faite par traction à l'aide d'un câble à l'intérieur de la canalisation à rénover, la gaine étant ensuite plaquée sur les parois par pression d'air ou pression d'eau. Cette méthode de mise en place présentait toutefois l'inconvénient du frottement de la gaine sur les parois de la canalisation avec risque de déchirure et de lessivage de la résine pendant la mise en place.

C'est pour résoudre ces difficultés que fut mis au point un procédé tout à fait original connu sous le nom d'Insituform ou plus familièrement procédé de la chaussette.

L'originalité du procédé de la chaussette réside dans la mise en place par retournement de la gaine sous l'effet d'une pression de fluide, ce qui supprime tout frottement.

[Photo : Préfabrication d'une gaine en usine.]

Tout d'abord, la gaine est préfabriquée en usine par découpe et assemblage d'un ou plusieurs feutres d'une épaisseur de 3 à 20 mm. Le feutre est enduit intérieurement d'une résine soit polyester, soit époxy, sur une machine à enduire. Afin d’éliminer tout risque de bullage, les gaines sont enduites sous vide. Une fois enduites, elles sont amenées prêtes à l'emploi sur chantiers en camion réfrigéré et à l'abri des ultraviolets.

La phase d'enduction est évidemment très importante et doit faire l'objet d'un contrôle de qualité rigoureux, notamment pour s’assurer de l'imprégnation « à cœur » des feutres.

[Photo : Mise en place d'une gaine à partir d'un regard de visite.]

La mise en place de la gaine dans les collecteurs endommagés s'effectue à partir d'un regard de visite, donc sans ouverture de fouilles. La gaine progresse dans la canalisation en se déroulant à raison de un mètre par minute sous l'effet d'une pression d'eau. La souplesse de la gaine lui permet d'épouser parfaitement la forme de la canalisation circulaire ou ovoïde, le poids de l'eau provoquant le placage de la gaine.

[Photo : Vue de face d'une gaine en cours d'inversion.]

On peut ainsi traiter de grandes longueurs d’un seul tenant (plusieurs centaines de mètres), prendre des coudes à 45°, passer des siphons, escalader des obstacles, combler des vides dans la structure de l'ouvrage à rénover.

La gaine ainsi mise en place, on procède à la polymérisation des résines contenues dans le feutre. Il existe une grande variété de résines adaptées à chaque cas particulier. Les plus couramment utilisées en assainissement sont des résines polyester thermodurcissables qui vont donc se polymériser sous l'effet de la chaleur. Une puissante chaudière va permettre d’assurer pendant plusieurs heures une circulation d’eau chaude à l'intérieur de la gaine de manière à porter la température de l'eau au-dessus de 50 °C, les résines commençant à polymériser à 40 °C. À titre d’exemple, la polymérisation complète d'une gaine de Ø 400 mm sur une centaine de mètres prend une dizaine d’heures. L’opération est donc simple et rapide.

L'achèvement des travaux nécessite la réouverture des regards et branchements, lesquels ont été obturés par le gainage. Elle s’opère au moyen d’un « in situ cutter », appareil monté sur chariot téléguidé à partir du camion opérateur et qui comporte une fraise avec laquelle la portion de gaine intéressée est découpée.

L'opération s'effectue sous le contrôle d’une caméra de télévision, également montée sur chariot et téléguidée.

Les débouchés des regards et branchements sont repérés avant exécution des travaux ; ils sont également décelables par la déformation qui se produit dans la gaine à leur emplacement.

Il n’existe évidemment aucun problème en ce qui concerne les regards visitables.

Une fois polymérisée, la gaine possède une structure parfaitement rigide, résistante aux chocs, aux produits agressifs et à l’abrasion. L’amélioration importante du coefficient d’écoulement que l’on obtient permet de compenser la légère perte de section due à l’épaisseur de la gaine.

Les essais effectués au Centre d'Études de Vallourec ont donné les résultats suivants :

résistance à la rupture : 288 kg/cm²  
allongement à la rupture : 2 %  
module d’élasticité : 16 873 kg/cm²  
résistance à la flexion : 576 kg/cm²  
module de flexion : 21 092 kg/cm²  
résistance au cisaillement : 520 kg/cm²  
dureté Barcol : 40-45  
température de distorsion à la chaleur : 110 °C  

Mis au point en 1976 par une firme anglaise, ce procédé fait l’objet d'un réseau international de licenciés (actuellement au nombre de 14), répartis dans le monde entier.

Différentes recherches menées par le club de ces entreprises, en relation avec les formulateurs de résines et les fabricants de feutres, permettent de réaliser des applications nouvelles. Ainsi les essais actuellement en cours en France ont permis de fabriquer des gaines renforcées par une ou deux nappes de fibre de verre prises en sandwich entre deux feutres polyester, type de gaine qui permet d’effectuer des rénovations à caractère structurant et qui possède une grande résistance mécanique à la rupture.

Les valeurs obtenues lors des essais effectués sur ces nouvelles gaines, constituées par un feutre renforcé de tissu de verre imprégné de résines epoxy, donnent les résultats suivants :

résistance à la rupture : 902 kg/cm² (pour une épaisseur de 5,8 mm)  
allongement à la rupture : 4 %  

Par sa simplicité d’emploi, les économies et les résultats qu’il permet d’obtenir, il n’est pas douteux que ce nouveau procédé, déjà mis à l'épreuve dans les pays anglo-saxons depuis plusieurs années, soit promis à un grand avenir dans le domaine de la rénovation des canalisations d’assainissement.

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